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1881
LE
MÉDECIN MALGRÉ LUI
COMÉDIE
BBPBSfEXTÊl POUR LA PEBMliaB FOIS A PAMI»
• a
•UR LB THBATRB DU PALAIt-EOTAL
US TSaDRIDI 6^ DU MOIS D*AOUT 1666
rAR LA
TBOUPE DU ROI
HOUÈMM* ▼!
NOTICE.
Lb Registre de la Grange nous apprend que le Médecin
malgré lui fut joue pour la première fois le vendredi 6 août
i666y sur la scène du Palais-Royal. Cette date, comme nous
l'avons dit dans la Notice de la pièce prëcëdente^, réfute Gri-
marest, lorsqu'il prétend que Molière, dès la quatrième repré-
sentation de son Misanthrope (il faudrait que ce fût dès le
1 1 juin 1666), fut obligé de le soutenir par les scènes facétieuses
do Pagotier. Les deux comédies, si peu comparables, ne parurent
Fane à côté de l'antre que le 3 septembre : alors la première
avait été déjà représentée vingt et une fois ; mais on a trouvé
piquant de nous montrer Alceste, lorsqu'il ne pouvait plus se
tenir sur son trop haut brodequin, allant chercher Sganarelle
pour qu'il lui prêtât l'épaule. L'un obtenant grâce pour
l'autre, « c'est peut-être à la honte de la nature humaine, »
a dit Voltaire*. Honte ou non, il aurait fallu commencer par
vérifier le £ait.
Tout ce qn'U serait permis de croire, si l'on voulait abso-
lument que le Médecin malgré lui eût été comme appelé par
le Misanthrope^ ce serait que Molière, après avoir contenté
le goût des plus délicats, aurait jugé que cela même l'obligeait
de travailler, presque en même temps, pour celui de la foule.
Cétait Tintërét de son théâtre ; mais il pouvait ici y satisfaire
sans pénible sacrifice; car fort naturellement son génie avait
fait adoption égale des deux comédies, de celle dont le mas*
que sourit, de celle qui rit aux éclats. Aussi doutons-nous
beaucoup qu'il ait voulu se venger d'un froid accueil fait à sa
I. Voyes an tome Y, p. 36i et 364.
1. Voyes ci-après, p. 3s.
4 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
pièce sëriease, lorsqu'il a mis ces paroles dans la bouche d'un
des personnages du Médecin malgré lui^ : « Palsanguenne 1
velà un médecin qui me platt; je pense qu'il réussira, car
il est bouffon. » Entendue comme une allusion au méchant
goût littéraire des spectateurs, la saillie a certainement plus de
sel encore ; mais donner à Tépigramme ce sens détourné, ce
serait admettre que la petite comédie tout entière n'a été qu'une
ironie de l'auteur irrité , un reproche adressé aux contem-
porains. Dans une pièce qui aurait été écrite par dépit, il
serait bien étonnant de trouver une telle franchise de bonne
humeur. Cette verve n'est-elle pas la marque d'une œuvre à
laquelle Molière a, tout le premier, pris grand plaisir ? Esprit
méditatif et profond, mais que nul ne surpassait en gaieté, à
peine vient-il de porter la comédie jusqu'au point où, sans
perdre terre, elle est près d'atteindre à la hauteur tragique,
que tout à coup il la ramène aux joyeusetés les plus folles des
vieilles farces gauloises : pour dérider le parterre sans doute;
mais aussi pour se délasser lui-même. Passer si vite du sévère
au bouffon, parcourir d'un moment à l'autre tout le clavier,
rien ne devait lui être plus agréable, et il n'est besoin de
supposer ni ressentiment d'une injustice, ni condescendance
dédaigneuse.
Si nous accordions à Voltaire qu'il avait fallu <c que le sage
se déguisât en farceur', » voilà du moins un déguisement pris
de très-bonne grâce et paré de tout ce que l'esprit a de plus
étincelant. Il y avait de quoi charmer non-seulement ceux
que Voltaire appelle « le peuple grossier, » mais aussi cette
])artie plus raffinée du public à qui le Misanthrope avait plu.
La gazette rimée de Robinet et celle de Subligny attestent
également le grand succès. Dans leurs vers, datés du mois des
premières représentations, on croit entendre les éclats de rire
dont retentit alors la salle du Palais-Royal, et auxquels nos
théâtres n'ont pas aujourd'hui cessé de faire écho. Citons
d'abord Robinet, dans l'apostille de sa Lettre..,, à Madame^
du i5 août 1666 :
Les amateurs de la santé
X. Voyez tout à la fin du premier acte, ci-4iprèS| p. 67.
. 1. Voyez ci-après, p. 3i.
NOTICE. S
Sauront qoe dans cette cité
Un médecin Tient de paroître.
Qui d*Hippocrate est le grand mattie
On peut gnërir en le to jant,
En Tëcontant, bref, en riant.
n n'est nnls manx en la nature
Dont il ne fiuse ainsi la cure.
Je TOUS cautionne du moins
(Et j*en produirois des témoins,
Je le proteste, infini nombre)
Que le chagrin tout le plus sombre
Et dans le cœur plus retranché
En est à Tinstant déniché.
n aToit guéri ma migraine,
Et la traîtresse, l'inhumaine
Par stratagème m*a repris;
Hais en reprehant de son ris
Encore une petite dose,
Je ne crois Traiment pas qu'elle ose
Se reposter dans mon cerreau.
Or ce meMeiu tout nouTcau
Et de Tertu si singulière
Est le propre Monsieur Molière^
Qui fait, sans aucun contredit.
Tout ce que ci-dessus j'ai dit.
Dans son Médecm fait par force^
Qui pour rire chacun amorce ;
Et tels médecins Talent bien,
Sur ma foi, ceux.... Je ne dis rien.
Ia Muse Bauphint de Sabligny, à la date du a6 août 1666,
se met d'accord, et ne célèbre pas moins gaiement ce grand
succès de gaieté :
DitetHDoi, s'il tous plaît,
Si le temps tous permet de Toir la comédie.
Ia Mîédecin par forée étant beau comme il est,
Il fiiut qu'il TOUS en prenne enrie.
Rien au monde n'est si plaisant,
Mi si propre à tous faire rire;
Et je TOUS jure qu'à présent
6 LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
Que je songe à tous en ëcrire,
Le ftouTenir fait, sans le Toir,
Que j*en ris de tout mon pouToir.
Molière^ dît-on, ne l*sppelle
Qu'une petite bagatelle ;
Mais cette bagatelle est d'un esprit si fin,
Que, s*il faut que je tous le die,
L*estime qu'on en fait est une maladie
Qui fait que dans Paris tout court au Médecin,
Nous ne pouvons, en témoignage de l'empressement du pu-
blic, demander au Registre de la Grange le chiffre des recettes,
comme nous l'avons fait pour quelques-unes des pièces précé-
dentes : ce chiffre n'aurait qu'une signification très-douteuse^
parce qu'avec le Médecin malgré lui l'on donnait toujours
quelque grande pièce. On voit du moins par ce Registre que de-
puis le 6 août jusqu'à la fin de l'année 1666, il n'y eut presque
pas une représentation au Palais-Royal où la nouvelle comédie
ne fût jouée, et qu'elle continua à l'être fréquemment les an-
nées suivantes. Dans le tableau des représentations de Mo-
lière, que l'on trouve à la fin de notre premier volume, on en
^ ^'j ' relève Sg du Médecin malgré lui ^ de 1666 à 1678, et 282 pen*
'j t \ ^ i^ ( A . dant le reste des années de Louis XIV; sous Louis XV, 470;
> - \ ;. puis de 1774 à 1870, 669, sur la scène du Théâtre-Français.
C'est comme pièce nouvelle de M, de Molière^ suivant sa
formule ordinaire, que la Grange, dans son Registre^ annonce
pour la première fois le Médecin malgré lui^ à la date que
nous avons dite. Subligny et Robinet, on l'a vu, parlent aussi
de cette comédie comme d'une nouveauté, sans aucune allu-
sion à une pièce antérieure dont celle-ci n'aurait été que la
refonte. Pour que l'on eût si entièrement oublié, quoique peu
ancien, un petit fait dont les registres de la comédie ont
gardé la trace, il faut qu'à son moment il eût été peu remarqué.
Assez longtemps avant le Médecin malgré lui, Ton avait joué,
sur le théâtre du Palais-Royal, une farce où il se trouvait en
gei*me ; le sujet en était le même : nous ne croyons pas qu'on
en puisse douter. Voici d'abord le Registre de la Grange : à
la date du 14 septembre z66i, avec le Cocu imaginaire , on
représente le Fagotier; à celle du vendredi ao avril i663,
avec les Fâcheux, une Farce. Cette dernière indication resterait
NOTICE. 7
^ragnct ai le Registre de la TkorilUêre^ sons la même date, ne
nmiimait cette farce, qui ëtait le Fagoteax. Dira-t*on qae s'il j
a fagots et fagots, il a bien pa y avoir Fagoiier et Fagatier?
Mais ailleurs le même r^;istre de la Thorillière noos apprend
qne, le mardi 9 septembre 1664, on donna f Héritier ridicule^
et le Médecin par force. Cette fois, et deux ans seulement
avant le Médecin malgré luij le personnage de comëdie qui
s'appela d'abord le Fagotier ou Fagoteux s'annonce sans équi-
voque comme une première épreuve de notre Sganarelle. Sui-
vant toutes les vraisemblances, nous avons toujours afiaire,
sous trois titres, dont le dernier seul est réellement différent,
à une même farce, plus ou moins imparfaite ébauche du Mé^
decin malgré lui. Le titre du Médecin par force est clair; il
l'est d'autant plus, que bientôt après on le donna aussi à la
pièce plus nouvelle : les vers déjà dtés de Robinet et de Su-
blîgny en font foi; et beaucoup plus tard, Bossuet, qu'on ne
s'attendait pas â rencontrer en cette affaire, peut être aussi
pris à témoin. Trop célèbre est le passage de ses Maximes ei
Réflexions sur la comédie (§ v), où, foudroyant Molière dans sa
tombe, il le représente recevant la dernière atteinte de sa ma»
ladie « en jouant son Malade imaginaire ou son Médecin par
force, » Peu importe qu'avec un dédain, tout oratoire peut-
être, de la connaissance précise des choses du théâtre, il n'ait
pas su laquelle des deux pièces avait épuisé les dernières forces
du malheureux comédien, ou qu'il n'en ait fait qu'une seule du
Malade imaginaire et du Médecin maiff^ lui : de toute façon
c'est bien de celui-ci qu'il avait entendu parler sous le titre qui
était encore en usage'. Quant au titre de Fagotier^ il est re-
marquable que Grimarest * le donne au Médecin malgré lui^ et
plus remarquable encore que, dans le Registre de la Grange^
aux dates des 7 et 9 octobre 1679, <^ trouve le Fagptier
1, Oa la Dame intéressée^ de Scarron, rq>réflenté d'abord en
1649.
a. Mme de Sérîgné, qui araît tu jouer parfaitement bien à Vitré
c k frroe de Molière, » en 1671 (tome II, p. 355), la nomme, en
1675 (tome rV, p. 19a), a la comédie du Médecin forcé, » et y fcit
aUution ailleurs tous ce même titre (tome VI, p. 3oi et 408).
Z, La FU de M. de Molière (1705), p. 181 et idS.
8 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
)ooë, le prenûer de ces deux jours, avec le Désespoir esArant»
gant^^ le second, avec h Cid, L'ancienne petite farce, depuis
longtemps si bien remplacée, est, en 1679, hors de question, et
l'on ne saurait reconnaître là que ie Médecin malgré lui. Dans
cette persistance du nom, que le Registre fait ainsi reparaître, il
y a une nouvelle preuve que notre comédie avait eu sa pre-
mière forme dans l'ancien Fagoiier, On ne nous dit pas que
cette ébauche fût de Molière; mais comment ne pas le croire?
Ce devait être une de ces petites comédies qu'il « avoit faites,
dit l'éditeur de i68a, sur quelques idées plaisantes, sans y
avoir mis la dernière main, » et que, suivant Jean-Baptiste
Rousseau, il donnait comme de simples canevas à ses acteurs,
qui les remplissaient sur-le-champ, à la manière des Italiens'.
Il est regrettable que celle-ci ne se soit pas retrouvée : il y
aurait eu un intéressant sujet d'étude dans la transformation
que Molière lui avait fait subir pour en tirer une pièce d*un
comique achevé. Nous pouvons tenir pour certain que cette
transformation a été grande. On a fait remarquer le peu de
traces qu'avait laissé dans les souvenirs le premier Fagoiier,
Ce qui n'est pas moins signiGcatif, la Grange le mentionne
sans nom d'auteur ; puis, en un autre endroit, le désigne sim-
plement comme une farce, trop peu importante sans doute
pour être enregistrée sous son titre : si bien que, cette fois4à,
nous ne saurions pas de quoi il s'agit, sans le Registre de la
Thorillière; et quand la petite pièce est jouée en 1664, avec
VHéritier ridicule^ et que la Thorillière l'intitule le Médecin
par force ^ la Grange la passe sous silence. Ce ne pouvait donc
être qu'une bien faible esquisse, qui ne laissait soupçonner à
personne ce que plus tard la main du maître en saurait faire.
Lorsque Molière reprit un des sujets qu'il avait essayés
autrefob, et probablement dès le temps où sa troupe parcourait
encore la province, il fit, dira-t-on, un pas en arrière; mais
ne dédaignons pas ces retours au point de départ, surtout
quand il s'y marque, en même temps, un grand progrès. Il ne
fout pas avoir le goût plus exclusif et plus superbe que Molière,
I. Comédie de Siibligny, jouée le x*' août 1670 {Retire de la
Gnmge),
a. Voye» au tome I, p. xit, 10 et ii«
NOTICE. 9
1 qni il ne rëpagna jamais de revenir un moment à sa première
oauièrey et aussi à la tradition si franchement gaie de notre
ancien diéâtre : alors il ne se faisait pas scrupule de nous la
jtndre jusque dans sa liberté souvent fort crue.
La guerre qu'il avait , depuis peu, déclarée aux médecins
continuait cette vieille tradition, qui, dans ce sujet-là, ne s'était
jamais Eût faute de bouffonneries; c'était une guerre qui, s'atta-
quant surtout aux côtés grotesques, demandait des armes moins
fines qiMr celles de la comédie de caractère; et ce put être
mie des raiacms qui engagèrent Molière à rajeunir une de ses
ancîeniies Carces. Dans ce comique d'ailleurs, d'un genre moins
âevé, mais plein d'entrain, Û sentait bien qu'il restait un
maître encore, et que, ne fût-il jamais sorti de cette voie
tonte populaire, il n'en eût pas moins, quoi qu'en pût penser
Boîleau, remporté le prix de son art; car nul avant lui,
si l'on excepte Rabelais, rieur souvent grossier, souvent aussi
très-fin^ n'avait su donner tant de piquant au sel gaulois.
La littérature plaisante de nos aïeux, dont Molière, dans le
Médecin malgré lui^ comme dans ses premières petites pièces,
a exploité Théritage, a toujours eu à son service un fonds très-
ancien de facéties, cpii avaient cours on ne peut dire depuis
quel temps, nées souvent sans doute sur notre sol, quelquefois
venues de l'étranger. En les empruntant, nous nous les étions
appropriées par le tour que nous excellions à leur donner.
Voici, par exemple, celle du rustre qui bat sa femme, et
dont celle-ci se venge, en le dénonçant comme un médecin
d'humeur bizarre, dont on ne peut obtenir aucun secours sans
hn Êdre, à coups de bâtmi, confesser sa science. Un fabliau
du moyen âge nous fait en vers ce petit conte. On y trouve
indiqué le dessin du Médecin malgré lui dans son premier
acte. Il y a toutefois des différences. Le paysan du fabliau
ne fait pas de fagots : c'est un riche et avare laboureur,
qui a épousé la fille d'un chevalier, tandis que Sganarelle a
une femme de même condition que lui ; de là, dans Molière,
des scènes de ménage populaire qui sont d'une vérité parfaite.
Le vilain, chez le vieux conteur, craint, comme George
Daodin, d'avoir fait une sottise, et de s'être exposé aux infor-
tanes que n'évitera pas le gendre des Sotenvilles. Pour n'avoir
neo à redouter de sa femme, il imagine de la si bien battrei
lo LE MÉDECIN MALGRE LUI.
chaque matin, qu'elle ne songera tout le jour qu'à pleurer t
recette oubliée par Ovide dans ses Remèdes ^ amour. Tandis que,
régulièrement accablée de coups, la malheureuse se lamente,
surviennent deux messagers, chargés par le Roi de lui trouver
un médecin pour sa fille, qui a avalé une arête de poisson. La
femme du paysan comprend qu'elle tient sa vengeance. « Mon
mari, dit-elle aux messagers, est bon médecin, je vous en
donne ma foi. Mais il est de telle nature, qu'il ne ferait rien pour
personne si on ne le battait bien. » Alors vient la scène entre
le vilain et les messagers, toute semblable, au fond, à celle où
Yalère et Lucas prennent les bons moyens pour obtenir de
Sganarelle l'aveu de la science qu'il ne se connaissait pas.
Ce fabliau a pour titre : du Vilain mire^, c'est-à-dire histoire
du Pajrsan médecin, La courte analyse que nous venons de don-
ner de sa première partie fait voir toute la ressemblance qu'il a
avec notre comédie. Gomme cette ressemblance d'ailleurs n'est
que dans la situation, sans qu'il y ait aucun détail, aucune
saillie plaisante à rapprocher, nous croyons inutile de citer
ici le texte assez long du conte. Barbazan l'a donné au com-
mencement du tome I des Fabliaux et Contes des poètes françois
des XII, XIII, Xir et XV* siècles, publiés en 1756*. Il a
depuis gardé sa place dans les divers recueils qui ont suivi et
complété cette collection, la première en date. Le niain mire
est connu encore sous un autre titre. Cailhava pourrait induire
en erreur à ce sujet : a Le Médecin malgré lui..., dit-il, pa-
raît imité d'un fabliau intitulé le Médecin de Brai; mab je le
crois plutôt pris dans un conte, le Vilain mire*, » Où il dis-
tingue deux contes, on n'en doit reconnaître qu'un seul. Notre
Bibliothèque nationale possède une copie des fabliaux du ma-
nuscrit de Berne, dans laquelle le Vilain mire a pour titre do
Mire de Brai^. Legrand d'Aussy devait avoir cette copie sous
I. Voyez au Fonds français des manuscrits de notre Bibliothè-
que nationale, le n* 887 (ancien 7118), f«* 189 r« à 141 r<*.
3. À Paris, 3 Tolumes in-ia. —M. Moland (ÛEai^re# complètes
de Molière f tome IV, p. i58-x66) a inséré le FUain mire dans sa
Notice préliminaire du Médecin malgré liti^ et a mis en regard du texte
une traduction dans la langue de nos jours.
3. Études sur Molière^ 180s, p. iSs.
4. Voyez, à la Bibliothèque nationale, la copie du manuscrit 354
NOTICE. If
les yeux, lorsqu'il publia, en 17799 aesFaUiaux ou contes,.,,
du XIV et du XIIP siècle^ traduits ou extraits. Au tome I
(p. 398 et suivantes), où il imite en français moderne notre
fabliaa, il l'intitule : le Médecin de Brai^ alias le Filain devenu
médecin, Cailhava avait sans doute lu ce Recueil de Legrand
d'Aussy; mais il l'avait lu avec distraction.
Au dix-septième siècle, les fabliaux n'avaient pas encore
ëté imprimes. Qu'ils y lussent cependant inconnus, ce serait
assez de la Fontaine pour ne pas permettre de le croire. Le
souvenir s'en ëtait conserve, non dans la forme originale, mais
dans des ouvrages de seconde main : ils avaient passe, avec
plus ou moins d'altérations, dans des auteurs du seizième siècle^
français et étrangers. Voilà de quelle manière le Filain mire
a pu arriver jusqu*à Molière. Mais à laquelle des sources indi»
rectes l'auteur du Médecin malgré lui a^t-il puisé ? Comment
k savoir? Nous voyons qu'il y a un rapport incontestable entre
le fabliau et notre comédie, sans pouvoir dire quel intermé-
diaire les a rapprochés : le conte qui fait le fond du Filain
Mire courait depuis longtemps avec des variantes.
Ainsi, dans la dixième Serée de Guillaume Bouchet^, il y a
l'histoire d'une « Damoiselle, fille de grande maison,» qui
était en grand danger de mourir, ayant dans le gosier l'arête
que nous connaissons déjà. Après avoir en tain consulté beau*
coDp de mé^ledns, on a recours à MessireGrillo, qui guérit la
malade en la faisant rire par une grossière bouffonnerie. Ce
personnage de Grillo est le héros d'un petit poème italien, dont
laateur inconnu est plus ancien que Bouchet*, et où sont ra->
contées, en octaves rimées, les aventures d'un paysan labou-
reur [viltano iavoratoré) qui voulut devenir médecin. Là nous
retrouvons un peu plus encore du Filain mire que dans le
de Berne (collection Moreau, vfl 1730, fabliau 18; ancienne col-
lection Mouchet, n® 46). M. A. de Montaiglon nous a signalé
ce fait, d«nt il avertit dans une note, à la page 370 du tome III
(1878) de son Beeueil général et complet des Fabliaux des Xlll^ et
Xir* tUeles (Paris, librairie des Bibliophiles, 3 Tolumes in-8«).
I. Édition de M. Roybet, tome II, p. 191-194 ; les trois lirres
det Stries parurent de i584 à xS9S.
a. Le Manuel du libraire cite de ce petit poème une édition
m LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
conte de Boachet : la femme du paysan, ayant à se venger de
lui, fait savoir au Roi qu'il est un médecin habile, mais que,
pour vaincre son obstination à cacher son savoir, il faut le me-
nacer de mort. Ajoutons qu'après avoir délivre de son arête
la fille du Roi, GrUlo opère, à l'aide d'une excellente ruse, une
autre cure fort plaisante sur les malades de l'hôpital de Sainfr*
Benoit. Cest là encore une des facéties de la vieille légende.
U faut, en efiPet, remarquer que, dans le Vilain mire^ il y a
trois actions distinctes, nous dirions volontiers trois actes de la
petite comédie. D'abord le rustre est dénoncé comme médecin
par sa femme aux envoyés du Roi et passe docteur à coups de
bâton; puis il expulse l'arête du gosier de la fille du Roi en la
fusant rire; enfin, sommé de guérir les malades du pays, il a
recours au même stratagème que dans le conte italien pour
leur faire dire qu'ils n'ont plus aucun mal. Nous avons vu que
la dixième Serée de Bouchet reproduit le second acte. Le troî:-
sième a trouvé place ÔAnslA trentième Serée du mêmeBouchetS
où nous lisons l'histoire d'un cardinal qui,àyerceil, fait habiller
un de ses serviteurs en médecin et l'envoie à l'aumônerie ponr
qu'il l'y débarrasse des trop nombreux malades. Là tout se
passe comme dans le poème italien et dans le Vilain mire. Le
même épisode est dans une des Facéties du Pogge' et aussi
dans l'Histoire de Till Eulenspiegel* ^ au chapitre xvii, et dans
quelques autres livres de vieux contes.
Molière n'ayant rien de pareil à la scène de la guérison
burlesque de la princesse, ni à celle de l'hôpital, ces contes,
où nous reconnaissons des parties du fabliau auxquelles il n'a
de i5si, imprimée à Venife. Celle que nous aTons Tue est de i6is.
En Toici le titre, qui n*oflre que de légères différences aTec le
titre de x5sx : Opéra 9M9a piacevole et da ridere^ in ottaça rima,,,^ di
MUio wUano lavoratore nominato GMILLO^ il quai volse diventàr me£eOm
hk Payia, e ristampau in Torino, x6ii.
X. Édition de M. Roybet, tome IV, p. 978 et S74.
1. Celle qui a pour titre : Facetum eujusdam Petr'Uli^ ut Uèeraret
hospitale a sordidU, Voyez rédition de ces Facéties imprimée à
Venise, le 10 aTiil X487 (sans pagination) ; ou celle d* Angers, datée
du 3 août 1487, feuille ^ f> 5 r« et t«.
3. Voyes, dans la nouvelle collection Jannet, les Aventuru defU
NOTICE. t3
pas touche, n*ont d'intârêt pour noos que parce qu'ils attestent
oombieii les plaisanteries de ce fabliau ont été répétées. Si,
comme noos Tenons de le constater, elles étaient connues dans
ce que Molière a laisse de côte, elles Tëtaient aussi dans ce
qoi se retrouve chez lui.
Le médecin que le bâton agrège à la Faculté, c'est, comme
Fa fait remarquer une addition au Menagiana^^ une histoire
qni nous est contée fort sèchement dans la Table philosophique
[Memsa philasophica) de l'Irlandais Thibaut Anguilbert, écrite
au quinûème siècle'. On y lit : Qimdam mtUier^ pereussa a
nro suo^ ipit ad casteUanum infirmum^ dicens pirum suttin esse
medicsun^ sed non mederi cuiqttam nisi forte percuiereiur, et
sic eum fortissime percuti procura»it, « Une femme, battue par
son mari, alla vers un châtelain malade, disant que son mari
était médecin, mais ne soignait personne s'il n était fortement
battu, et de cette façon elle le fit battre bien fort. »
Noos pouvons remonter plus haut encore qu'au temps d' An-
guilbert. Parmi les manuscrits de la Bibliothèque de Tours, il
y a' un recueil de fables, de contes, d'historiettes, auquel on a
donné le titre de Compilatio singularis exemplontm, M. Léopold
Delîsle, qui l'a décrit et en a cité de curieux extraits*, dit que
récriture du manuscrit est du quinzième siècle, mais que la
rédaction do recueil est du treizième. N'est-ce pas à peu près
rige qu'on doit supposer au Filain mire? Au folio 174 du ma-
nuscrit se trouve toute la légende que ce fabliau nous a fait
connaître. Aucune des diverses aventures que l'auteur du Vi"
UlespiigU^ première traduction complète faite sur foriginal allemand
Je iSig..., par M. Pierre Jannet, Parii, 1866, p. 96 et tairantet.
t. Tome m, p. io5 et 106 (ëdition de 1715).
9. Traetatus qiiartut et ultimut. De honestis ludis etj'oeis, au cha<-
pître xTin, iU MuHerièuSy ^ Iriij r*, dans Fëdition gothique de
Paris (Denis Roce, sans date) : c*est celle que nous arons sous
les yeux. La Monnoje, dans son addition au Menagiana (tome III,
p. io5), dit quHl avait en sa possession une édition gothique de
1S07. Le Manuel du libraire en dte une, également gothique, de
1489, imprimée à Heidelbcrg.
3. Soos le numéro aoS.
4. Voyez la Bibliothèque de Picole des chartes^ 6* série, tome IV
(1868), p. 60X : on y trouvera le texte latin du conte.
i4 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
ia//t mire a rimées n'y est omise : la femme battue chaque
jour par son mari, les messagers de la coar qui ^cherchent on
médecin pour la fille du Roi ëtranglée par une arête, la ven-
geance de la femme, qui leur confie en secret que son mari
est très-savant dans l'art de guérir, mais qu^il faut le battre
pour qu'il en convienne ; Tinvestiture par le bâton donnée au
nouveau médecin ; celui-ci devenu le sauveur de la princesse,
en provoquant son rire par une indécente folie ; enfin les
malades qui arrivent de toutes parts, et que le rusé effraye si
bien, qu'ils se disent tous guéris.
C'est au treiaème siècle aussi que prêchait Jacques de
l^try*, dont les sermons, dit Daunou dans l'Histoire litté-
raire de la France* j <c étaient à distinguer dans la foule de ceux
du même âge,..: parce qu'on y trouve un peu moins d'argu-
mentations scolastiques et un peu plus d'exemples empruntés
des chroniqueurs et des légendaires. » Dans un de ces sermons,
qui justifie la remarque de Daunou, le livre de la Chaire fran-
çaise au moyen âge* par M. Lecoy de la Marche signale la
même anecdote d'une fille de roi guérie par un médecin malr
gré lui^. Rien n'a donc manqué à la célébrité de l'amusante
histoire, pas même l'honneur de nous être attestée par l'élo-
quence sacrée.
Si nous nous rapprochons du temps de Molière, on a, depuis
longtemps, noté un récit qui rappelle singulièrement le Vilain
mire dans le Voyage en Moscovie d'Adam Olearius', soit qu'il
y ait eu rencontre fortuite d'un fait véritable avec le vieux
I. Mort cardinal, le 3o anil 1240.
a. Tome XVIII, p. 919.
3. Piihlié en x868 : Toyez p. 980.
4. Le texte de ce sermon est donné dans le manuscrit latin
17 509 de la Bibliothèque nationale, f* 189 r».
5. Ce Toyage a paru pour la première fois en 1647 (i Tolume
in-folio, Schleswig). Nous aTons sous les yeux une autre édition,
de 1 656 (Schleswig, in-4*): P'ermehrteneueBesehrei&ungJer Mttseowi'
tischen tind Persischen Bejrse : Toyez aux pages 187 et x88. — Nous
renvoyons, pour la traduction, à la Relation du voyage itAdam
Olearius en Moseovte, Tartarie et Perse. „^ traduit de P allemand par A,
de Wiequefort^ résident de Brandebourg^ Paris, M dglix, in-4®. Une
première version française, un peu différente, ayait paru dès i656;
NOTICE. i5
ooote, soit platAt qa'il se présente là tm exemple, entre beau-
coup dTantres, de la fadlitiS qu'ont les l^endes à se prc^ger
dans les divers pays, en y prenant une couleur locale. Dans
Ofearins, le médecin par force est un boyard dont l'aventure
aurait eu pour théâtre la cour de Boris Godunow, au commen-
cement du diz-sqitième siècle. Le Grand-Duc se trouve être un
Gàtnte un peu rude, â la façon tartare. Wicquefort' a ainsi
traduit ce passage :
« Martin Baar, pasteur de Narva, qui demeuroit déjà à
Moscou sous le règne du grand-duc Boris Gudenou, nous
conta un jour que, de son temps, le Grand-Duc se trouvant
fort afiBigë de la goutte, fit promettre de très-grandes récom-
penses à toutes sortes de personnes, de quelque qualité ou con-
dition qu*eUes fussent, qui lui indiqueroient un remède capable
de soulager son mal. La fenmie d'un bolare, outrée du mauvais
traitement qu'elle recevoit de son mari, alla déclarer que le
bolàre savoit un fort bon remède pour la goutte, mais qu'il
avoit si peu d'affection pour Sa Majesté, qu'il ne le vouloit
point conmauniquer. On envoya quérir l'homme, qui fiit bien
étonné quand il sut la cause de sa disgrâce; mais quelque
excuse qu'il pût alléguer, on l'attribuoit à la malice : on le fit
fouetter jusqu'au sang, et on le mit en prison, où il ne pat pas
s'empêcher de s'emporter et de dire qu'il voyoit bien que
c'étoit sa femme qui lui avoit joué ce tour, et qu'il s'en veoge-
roit. Le Grand-Duc s'imaginant que ces menaces ne procé-
doioit que du dépit que le bolare avoit de voir qae sa femme
avoit révélé son secret, le fit fouetter plus cruellement que la
première fois, et lui fit dire qu'il employât son remède, ou qu'il
se disposât à mourir présentement. Le pauvre diable, voyant
sa perte inévitable, dit enfin, dans le dernier désespoir, qu'en
effet il savoit quelque remède, mais que ne le croyant pas assea
certain, il ne l'avoit pas osé employer pour Sa Majesté ; et que,
si on lui vouloit donner quinze jours de temps pour le pré-
elle était sans doute aussi de Wicquefort, que, sur le titre, parais-
sent bien déùgatr les initiales L. R. D. B. (le résident de Bimn-
deboorg).
I. Tome I, p. 147 et 148 de l'édition de lOSg; p. 94 et 9$ de
celle de 16S6.
i6 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
parer, il s'en senriroit. Après avoir obteim ce dâaî, il envoya
à Gzirbach, à deux joomëes de Moscou, sur la rivière d'Occa,
d*où il se fit amener im chariot plein de toutes sortes d'her-
bes, bonnes et mauvaises, et en prépara un bain pour le Grand-
Duc, qui s'en trouva bien. Car, soit que le mal fût au dëclin,
ou que, parmi une si grande quantité de toutes sortes d'herbes,
il s'en trouvât de propres pour son mal, il en fut soulage. Ce
fut alors que l'on se confirma dans l'opinion que l'on avoit eue,
que le refus du bolare n ëtoit procédé que de sa malice : c'est
pourquoi on le fouetta encore plus fort que les deux premières
ibis, et après on lui fit un présent de quatre cents écus, et de
dix-huit paysans, pour les posséder en propre, avec défenses
bien expresses et très-rigoureuses de s'en ressentir contre sa
femme, qui en profita si bien, que, depuis ce temps-là, ils vécu-
rent ensemble en une très-parfaite amitié. » La réconciliation
du médecin par force avec sa femme, à qui il pardonne les
coups de bâton, comme le lui fait dire Molière, en faveur de la
dignité à laquelle elle l'a élevé, est également à la fin du Vilain
mire^ et au dénouement du Médecin malgré lui.
Malgré ces ressemblances, ce n'est assurément pas dans le
Fcjage en Mosco9ie que Molière a été chercher sa comédie;
mais le récit d'Olearius, s'il n'est, comme nous le croirions vo-
lontiers, qu'une réédition moscovite de la très-ancienne fable,
était bon à citer comme l'une des preuves qu'elle a fait le tour
du monde. L'anecdote reparaît à la cour de François I*% et
l'auteur de la Vie de Molière qui est en tète de l'édition de
1725 (Amsterdam)^ nous dit même qu elle est du temps de
ce prince, qu'il « fut lui-même une des personnes de l'intri-
gue. » Il ajoute qu'elle fut racontée en présence de Louis XIV,
et que Molière, l'ayant ainsi connue, en fit son profit. C'est ce
qu'il serait difficile d'admettre. La première ébauche que Mo-
lière donna de sa pièce est de trop ancienne date pour faire
penser au temps où il avait accès à la cour.
Pour conclure, notre comédie a, sans hésitation possible,
fait quelque part un emprunt. Mais à quelle source directe-
ment? On ne le découvrira jamais avec certitude. Voici la con-
I. Tome I, p. 70 : sur cette édition et cette VU de T Auteur^
Toyez notre tome III, p. ia3, note 3.
NOTICE. 17
jectare que nous ptoposmoas* La plupart des foUiauz, quand
ik furent passes de mode sous leur Yteille forme, prirent celle
de [arces, jooëes sur notre théâtre naissant. Cest ce qui dut
arriTcr au Fiiain mire^ dont notre auteur aurait connu la
légende de ce côté. Ou bien encore d'un conte italien analogue
lut tirée quelque farce italienne. Molière, on le sait, emprun-
tant beaucoup à ces farces-là dans ses premières petites pièces;
ainsi dans le Médecin volani^^ suivant Somaize; probablement,
dans la Jalousie du Barbouillé^ comme M. Despois en a fait la
remarque'. U n'est pas invraisemblable qu'il se soit, ici encore,
inqpiré de quelque canevas italien. Il ne faudrait pas d'ailleurs
parier^ comme on l'a fait*, de YArlecchino medico volante.
Evidemment de cette arlequinade, qui paraît avoir précédé,
mais sans avoir été impriinée *, son Médecin volant^ Molière
n'a tiré que ce dénier sujet, et quelques traits dont il a, pour
la seconde fois, ùdt usage dans le Médecin malgré lui*.
ncknor, dans son Histoire de la littérature espagnole^ ^
signale des ressemblances entre le Médecin malgré lui et la
eonédie de Lope de Vega qui a pour titre el Jcero de Madrid^
« rAder de Madrid, » et qui a été écrite au conmiencement du
dix-eeptieme siècle. Voici comment licknor expose le sujet de
la pièce. I>es préparadcms pharmaceutiques dans lesquelles
entrait Tacier étaient alors la grande mode à Madrid. Une
jeune fille, d'humeur vive et gaie, trompe son père et particu-
Uèrement une vieille tante hypocrite, en contrefaisant la malade
I. Vo/ez à la page 47 de notre tome I.
». Page 17 du même tome.
3. Vojca le Meretre Je France de décembre 1789, p. 9904. Il 7
Cft dit que Molière avait tiré ta comédie du canevai italien ; ce qui
a été répété sous la forme d'interrogation dam VHutoire littéraire de
la France^ tome XXIII, où Ton cite, page 197, les diverses imita-
tions du VdeÙH mire,
4> Voyez aux pages 47-50 de notre tome I. '
5. On peat roir dans le manuscrit de la Bibliothèque nationale
înâtnlé : Beeueil de sujets de pièces tirées de titalien (celui dont
il a été parlé au tome I, p. 48 et 49), le fragment qui nous reste
du Me£co polante. Ce recueil est d^ailleurs d*une date bien posté-
Mve à oeOe du Médecin malgré lui,
6. Bistery of Sparnsh Utarature hj George Ticknor, 3 Tolumes
m-8«, New- York, mdoocxlxx : rojez au tome II, p. 181.
MoLiiu* VI s
i8 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
et recevant l'acier mMicÎDal des mains d'nn faux doctem* qui
est l'ami (il eût été plus exact de dire le suivant) de son amou-
reux. Ce prétendu médecin, « à la poste » du galant, suivant
l'expression de Molière*, prescrit à la demoiselle des prome»
nades et autres occasions de liberté, très-commodes pour ae
laisser conter fleurette. « Il ne peut, ajoute Ticknor, y avoir
guère de doute que nous trouvons dans cette pièce quelques-
unes des idées mises en œuvre dans ie Médecin malgré lui, »
Le rapprochement, ce nous semble, se ferait aussi bien pour le
moins avec t Amour médecin. Est-ce Lope qui a suggéré à
Molière, dans ses deux comédies, la maladie feinte de l'une et
de l'antre Lucinde, et le complot amoureux caché sous la *obe
du docteur ou sous le déguisement de l'apothicaire? Nous ne
pouvons dire que ce soit impossible. Mais alors qu'on fasse
remonter chez Molière l'imitation de V Acier de Madrid jusqu'à
son Médecin çolant; et si Lope est là pour quelque choaCt
peut-être est-ce par l'intermédiaire des farces italiennes. Au
reste, dans le Médecin malgré lui^ l'intrigue amoureuse n'est
qu'en apparence le sujet même de la pièce : c'est réellement
un ressort secondaire.
Un antre historien de la littérature espagnole, mais qui n'y
a étudié que le théâtre, de Schack', qui est d'avis que Molière
s'est beaucoup inspiré de ce théâtre, et qu'on n'en trouve pas
seulement des preuves dans les comédies dont il lui doit tout
le plan, mais aussi dans d'antres où il ne lui a pris que quelques
scènes et quelques situations, cite, comme exemple, le Médecin
malgré lui; et, non content de dire, de même que Ticknor, que
l'intrigue en est tirée de VAcero de Madrid^ il ajoute que, dans
la scène où Sganarelle fait passer Léandre pour un apothicaire,
afin de lui ménager une entrevue avec Lucinde, il y a égale*
ment un souvenir de quelque chose de semblable qui se ren-
contre dans la Fingida Arcadia de Tirso de Molina. Nous
dirons, comme pour l'imitation, plutôt supposée que prouvée,
de Lope de Vega, que celle-ci encore aurait peu d'importance.
I. Voyex tome I, p. $4, et la citation faite à la note i.
s. Gesehiehte der JramatUchen Literatur und Kunst in Spamen^ von
Adolph Friedrioh von Schack, Berlin, x845 : voyei au tome II,
p. 684 et 685.
NOTICE. 19
Aa surplas, en indiquant deux sources, on les rend l'une et
l'antre fort incertaines. Elles le sont d'autant plus que le stra-
tagème imagine en faveur des deux amants devait être comme
un lien commun à l'usage de tous les théâtres.
Dans l'histoire des œuvres de Molière, cette question des
emprunts dont on peut chercher la trace aura toujours de Tin-
térèt pour les curieux; mais il n'en faut pas exagérer Timpor-
tanoe. La rivière ne se souvient plus de la petite source d'où elle
est sortie, et dont la découverte n'importe qu'à l'érudition. Pour
les juges littéraires, il nous semble à peu près indifférent qu'un
fabliau, ou, plus directement, quelques farces qui avaient mis
ce fabliau en dialogue, aient fourni l'idée du premier acte du
Médecin malgré lui. Qui avait pu, avant Molière, tirer de cette
idée des scènes d'une plaisanterie si excellente ?
Cest d'abord, au début, la querelle de Sganarelle et de
Martine. On a prétendu*, avec une vraisemblance douteuse,
que le perruquier Didier l'Amour, et sa première femme^
« dabaudeuse étemelle, dit la Monnoye, qu'il savoit étriller
sans s'émouvoir, » y ont servi de modèles; ce serait Boileau
qui les aurait indiqués à Molière; mais celui-ci n'en avait certes
pas besoin. On trouve dans sa pièce une peinture plus générale,
faite par un observateur des mœurs du peuple. Non moins prise
sur le fait est l'intervention mal récompensée du voisin Robert.
Voilà des tableaux aussi vrais que pleins de force comique, dont
Pinvoition ne paratt pouvoir être réclamée par aucun devan-
cier. Si le dialogue entre le Fagotier et les domestiques de
GéroQte développe la scène indiquée dans ie Vilain mircj c'est
avec une merveilleuse abondance de traits plaisants. Qui donne
une vie si nouvelle à l'imitation, invente.
Les deux derniers actes continuent la pièce avec une verve
qui ne se ralentit pas un moment; et la bouffonnerie la plus
abandonnée en apparence à ses caprices, si elle y grossit les
traits du masque comique, les laisse pourtant bien reconnaître
encore pour ceux de la nature humaine. Là Molière s'éloigne
I. Voyez une note de Tëdition de 171 3 des Œuvres de Nicolas
BoUeau Despréaux ^ sur le ren ai6 du chant i"^ du Lutrin; le Mena-
guma^ tome III, p. 18 (addition de la Monnoye); et ci-après,
p. 47, note I.
ao LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
des doim^ du fabliau, comme des autres contes sur le paysan
change en docteur, et lui prête des aventures toutes différentes
dans l'exercice de sa nouvelle profession. Par suite, il n'est pas
probable que les farces du thëâtre, qui devaient avoir suivi de
plus près la légende, aient rien donne à imiter à notre auteur
dans cette partie de sa comédie : elle parait être toute de son
imagination. On ne la jugera pas moins nouvelle parce qu'il
y a repris à son Médecin poUmt quelques traits qui seront indi*
quës dans les notes de la pièce, et parce qu'un des petits res-
sorts du dénouement (Molière, avec grande raison, dénouait
ces légères comédies à la diable) rappelle quelque chose de
semblable dans la Zélinde de Donneau de Visé. Des emprunts
faits à un passage de Rabelais méritent qu'on en tienne plus de
compte. Molière doit à ce passage une des plus amusantes
plaisanteries de sa pièce, et sans doute l'idée même du mutisme,
simulé chez lui, de sa Ludnde. Par là, c'est encore à une
ancienne fiirce (celle-ci jouée, au seizième siècle, à Montpellier)
que se rattache sa comédie. Rabelais, en effet, n'est que le
narrateur de cette farce, de « ce patelinage, » comme il l'appelle.
Molière en a tiré seulement ce qui lui convenait, en regrettant
peut-être ce qu'il avait* fallu laisser de côté; car la bouffon-
nerie est, d'un bout à l'autre, bien réjouissante, telle que Rabe-
lais la fait connaître au chapitre xxxnr du livre III de PantO"
gmel ^ : « Je ne vous avois onques puis vu que jouâtes à Mont-
pellier, avecque nos antiques amis Ant. Saporta, Guy Bouguier,
Balthasar Noyer, Tollet, Jan Quentin, François Robinet, Jan
Perdrier et François Rabelais, la morale comédie de celui
qui avoit épousé une femme mute.... Le bon mari voulut
qu'elle parlât. Elle parla par l'art du médlcin et du chirur*
gien, qui lui coupèrent un encyliglotte qu'elle avoit sous
la langue. La parole recouverte, elle parla tant et tant, que
son mari retourna au médicin pour remède de la faire taire.
Le médicin répondit en son art bien avoir remèdes propres
pour faire parler les femmes, n'en avoir pour les Cadre taire ;
remède unique être surdité du mari, contre cestui inter-
minable parlement de femme. Le paillard devint sourd, par
ne sai queb charmes qu'ils firent. Sa femme, voyant qu'il
I. Tome II, p. 167, de rëdition de M. Marty-Lareaux.
NOTICE. %t
ëtoit soard deYenu, qu'elle parloit en vain, de lui n'ëtott en-
tendue, devînt enraîgëe. Puis, le mëdicin demandant son salaire,
le mari répondit qu'il étoit vraiement sourd et qu'il n'en-
tendoit sa demande. Le mëdicin lui jeta on dours (dos) ne sai
quelle poudre, par vertus de laquelle il devint fol. Adonques
le fol mari et la femme enraîgëe se rallièrent ensemble, et
tant battirent les mëdicin et chirurgien, qu'ils les laissèrent à
demi morts. Je ne ris onques tant que je fis à ce patelinage. »
Il y a, au même chapitre de Pantagruel^ ^ le mëdecin Bon-
dibilis, qui, de même que Sganarelle, prend l'argent, en s'ë-
criant comme indigne : « Hë, hë, hë, Monsieur, il ne failloit
rien. »
Voilà comment Molière a ëtë un « grand et habile picoreur * ; »
voilà, dans son Médecin malgré lui, tous ses larcins, ou, pour
parler comme Somaize, toutes ses singeries*. On ne peut que
rire des envieux qui s'efforçaient, de son temps, de le faire
passer pour un plagiaire. Est-ce qu'il n'y a pas eu toujours
comme un fonds commun de plaisanteries, dans lequel ont eu
le droit de puiser les auteurs de satires, de comëdies, ou de
contes? Rien de plus lëgitime, quand elles ne sont pas ame-
nées de force et se trouvent si bien à leur place, qu'elles sem-
blent venues là pour la première fois. C'est ainsi que, dans le
Médecin malgré luiy il y a un torrent de gaietë dans lequel
toutes les imitations sont entraînëes et se fondent.
Les aocosations de plagiat font ici penser à celle qu'une
anecdote* souvent redite, attribue au président Rose, et qui
n'aurait été qu'une innocente plaisanterie. Le président, a-t-on
raconté, s'amusa à réciter devant Molière une traduction
latine de la chanson de Sganarelle, et à la donner pour an-
ciennement imitée de V Anthologie. Le vol de Molière était
manifeste. lyAlembert, enjolivant l'historiette, dans son éloge
de racadëmicien secrétaire du Roi, dit que l'auteur de la chan-
soo des glouglous « resta confondu. » Avait-il tant de bon-
I. Tome Ily p. 168, de rëdition de M. Marty-Lareaux.
«. Addition de la Monnoye au Menagiana^ tome II, p. »5 (dans
rëdition de 171 5).
3. Yoyex au commencement de la Notice de M. Detpois aur U
Uid^ÔM voloMt^ tome I, p. 47»
%%
LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
homie? et s'y connaissait-il assez peu pour trouver, ommne
d'Alembert, le goût antique à une prose rimëe? Les Jna nous
content maintes mystifications de ce genre, dont quelcpes-
unes auraient pu être plus inquiétantes pour les auteurs que
des rieurs voulaient embarrasser. Ce ne sont là, sans doute,
que des exemples d'une plaisanterie traditionnelle, reparaissant
de temps en temps avec une date nouvelle. Nous n'insistons
pas : il ne serait pas très-sage de déployer contre une anec-
dote d'un si léger intérêt l'appareil de la critique. Tous les
détails qui peuvent être désirés au sujet de la petite malice du
président Rose sont donnés ci-après dans les notes de la
pièce.
Dans la première distribution des rôles, ceux qui furent
joués par Molière et par sa femme nous sont seuls incon-
testablement connus. Molière fut, comme toujours, Sganarelle;
c'était d'ailleurs ici le personnage principal : cela va donc de
soi. Si l'on exige un témoignage positif, celui de Robinet pour-
rait être allégué, dans les vers déjà cités :
••••
Ce Medicus tout nouveau
Et de Tertu si singulière
£st le propre Monsieur Molière,
Cela paraît bien clair, et l'on ne peut guère douter que Robi-
net ne nomme Molière comme acteur dans le rôle du Medicus^
et non comme auteur de la pièce. Si pourtant Ton hésitait sur
le sens, voici un document encore plus incontestable. Dans
l'inventaire fait le i5 mars 1678, après la mort de Molière,
son costume de Sganarelle est décrit : « Un coffre de bahut
rond, dans lequel se sont trouvés les habits pour la repré-
sentation du Médecin malgré lui^ consistant en pourpoint,
haut-de-chausses, col, ceinture, fraise et bas de laine et es-
carcelle, le tout de serge jaune, garni de radon' vert; une
robe de satin avec un haut-de-chausses de velours ras ci-
I. Nous ne trouTons ce mot de radon dans aucun lexique. Ne
faut41 pas lire padouP On bordait les étoffes avec du padou, ruban
tissu moitié de filet moitié de soie. — • L'Académie (1694) et Fnre-
tière (1690) écrivent /Nu&>tt«, orthographe qui rappelle le lieu de
fiJ>rication; mais, dès 1679, Richeleta la forme actuelle oadou.
NOTICE. a3
seK^ » Il est superflu de faire remarquer que le perscMuiage
ainsi vêtu est bien celui qui est dépeint dans la pièce : a Un
homme qui a une large barbe noire, et qui porte.... un habit
jaune et vert'. » Les différents comédiens qui ont été chargés
du rôle de notre Sganarelle n'ont jamais manqué de porter ces
couleurs du « médecin des perroquets. » Quant à la robe de
sa^, elle était réservée pour le moment où le Fagotier parait
en docteur.
Le même inventaire, énumérant les habits de théâtre de
MUe Molière, a cet article : « L*habit du Médecin malgré lui y
composé en une jupe de satin couleur de feu, avec trois gui-
pureset trois volants, et le corps de toile d'argent et soie verte*. »
Ce brillant costume ne peut être que celui de Lucinde, dont,
par conséquent, le rôle fut joué par MUe Molière.
Le Mercure de France de décembre 1789 dit* que le Mé^
decin malgré lui^ a après la mort de Molière,... fut représenté
par les sieurs de Rosimond, du Croisy, de la Grange, Hubert,
et par les Dlles de Brie et Guérin. » Ces acteurs, à l'exception
de Rosimoiid, étaient tous dans la troupe de 1666; il est donc
assez vraisemblable qu'ils avaient créé les rôles joués par eux
i Fépoque dont parle le Mercure; et l'on peut conjecturer que
la Grange fut le premier Léandre, du Croisy le premier Géronte.
Il n'y a pas de doute que Rosimond avait pris le rôle de Sga-
narelle, puisque c'est à lui que furent donnés, en 1673, tous les
rôles que Molière s'était réservés. Mlle Molière, devenue MUe
GoénUy avait pn^ablement conservé le rôle de Lucinde; s'il
^1 était ainsi, U faut croire que Mlle de Brie jouait Martine,
et peut-être que le rôle lui avait appartenu dès la première
dis&nbntion de la pièce.
n y a lieu de psPsser ici plus rapidement que dans les Notices
des grandes comédies de Molière, sur le souvenir des re-
présentations, sur les noms des acteurs qui y ont briUé : non
pas qu'il ne &iUe aussi beaucoup d'art, et qu'U ne se soit pro-
duit des talents dignes de notre première scène, dans les pièces
I. Recherches sur Molière.,,, par Eud. Soulië, p. «78.
a. Acte I, scène it, ci-après, p. Si.
3. Recherches sur Molière^ p. 279 et s8o.
4. Page 2904,
a4 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
de notre auteur auxquelles le nom de farces ne saurait convenir
que si ce nom n'exclut pas l'idée du vrai comique. Combien^
non-seulement de verve, mais de finesse et de naturel jusque
dans la fantaisie ne demande pas un rôle comme celui de Sga-
narelle, pour que Facteur y soit véritablement l'interprète de
l'auteur !
Au même passage du Mercure de France que déjà nous
avons eu à citer, nous trouvons' que, le 1 1 décembre 1789, im
des rôles de début de Dugazon fut celui du Médecin malgré lui,
qu'il joua avec applaudissement. Ce Dugazon est le premier de
ce nom ; le second, plus célèbre, et qui était son fils, ne parut
au Théâtre-Français qu'en 1 771 ; il représenta aussi Sganarelle
avec grand succès. Vers le même temps que le plus ancien
Dugazon, et sans doute un peu avant lui, on rencontre le Sage,
dit de Monménil, qui mérite de n'être pas oublié ici, parce
qu'il semble que le fils de l'auteur de Gil Bios devait, de
naissance, s'entendre avec Molière^ et parce qu'il était en effet
un comédien de talent. Il fut sans doute remarqué dans le rôle
de Sganarelle, pmsque une estampe du temps le re^nrésente
revêtu de l'habit du fantastique médecin. Un des souvenirs
qu'a laissés l'excellent acteur Préville, dont les débuts sont de
1753, est la perfection de son jeu dans le même personnage.
Plus tard, la Comédie-Française n'a pas manqué non plus de
bons Sganarelles. Thénard (1807-1825) est un de ceux que
l'on cite. Dans la collection des costumes de théâtre publiée
chez Martinet (n^ 364), il est représenté dans la scène v de
l'acte I, embrassant la bouteille jolie. Depuis on a vu succes-
sivement et fort goûté dans ce rôle Cartigny, Monrose, Sam*
son, Régnier, qui, tout le monde s'en souvient, fut un de
ceux qui le jouèrent le mieux, enfin, très-dignes de leurs de-
vanciers, M. Got, et, pour arriver jusqu'au moment présent,
M. Coquelin.
Le rôle moins marquant de Géronte était, il y a quelque
quarante ans, rempli à merveille par Duparai. Il était particu-
lièrement plaisant dans îa dernière scène de la pièce, lorsque,
tenant le bâton levé sur Léandre, il l'abaissait tout à coup, à la
nouvelle que le séducteur était devenu un riche héritier, et le
I. Page 2903.
NOTICE. «5
saluait en lui disant avec convicticm^ : « Monaiear, Totre verta
m'est toat à fait considérable. »
Noos n'aTons pas coatiune de parler des représentations des
comédies de Molière snr d'autres théâtres que celui qu'on
appelle encore aujourd'hui sa maison. Qa'une exception nons
smt permise ici pour un théâtre étranger où l'on nous rapporte
qi]^un des rôles du Médecin malgré lui fut joué par le grand
poète de TAllemagne. Cest un petit fait anecdotique assez
curieux que Goethe représentant, dans cette comédie, le per-
sonnage de Lucas devant la cour de Weimar'.
Imitateurs et traducteurs ont voulu faire connattre le Mé^
decin malgré lui en tous pays. Parlons d'abord des imitateurs.
Dans le théâtre de Mrss Susanna Gentlivre on trouve une
comédie intitulée Lovi's conthivaitcb [Stratagème d amour]
or LE MsDKciif jfALGKÉ LUI, jouéc SUT le théâtre royal de Drury-
Lane, et imprimée en 1703*. La comédienne-auteur dit dans
sa Préface : ce Quelques scènes, je le confesse, ont été ei| partie
empruntées à Molière, et j'ose me vanter que l'imitation n'y a
pas fait de tort. Elles m'ont semblé agréables en français, et
je n'ai pu m' empêcher de penser qu'elles pourraient divertir
sous le costume anglais. » On volt que Mrss Gentlivre portait
sans trop d'humilité le poids de sa dette, et affrontait le voisi-
nage de l'esprit de Molière, sans craindre d'en être écrasée.
« Les Français, dit-elle encore, ont dans le tempérament une
gaieté si légère, que la moindre lueui* d'esprit les fait rire aux
éclats, tandis qu'elle nous ferait tout juste sourire. » Celle qui
I. Noos derons le sourenir de ce jeu de Duparai à M. François
a. Voyez à la page 8 de la thèse présentée à la Faculté des
lettres de Paria par M. A. Legrelle, sous ce titre : Holberg cons^
déré comme imitateur de Molière^ Paris, Hachette, 1864. — N'était
rîmprobabilkë d'une eiieur dans bette thèse si' bien étudiée, nous
BOUS demanobrions si cei^e représen^tion du Médecin malgré lui n*a
pas plutôt dilKaToir lieu Wr le théâVe de Francfort, où Goethe,
dans sa jeunesétp, joua quei|qaefois da\is des piè(^es françaises.
3. Cette comédie en cinq actes est au commencement du tome II
(1760) des OBui^res de Tautenr : ihe Workt ofthe celebrated Btru Cent*
Utrcj Londres, mdcglx etMDCCua, 3 volumes in-ii.
«6 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
entrait si peu dans notre manière de sentir la force oo-
mique pouvait-elle assez bien comprendre Molière pour lui
dërober le secret de sa franche gaieté ? Dans £o(v'/ contrit
vance^ les charmantes plaisanteries du premier acte du Méde^
cin malgré lui mêlées à celles du Mariage forcé de Molière
(les anciens nommaient cela contaminare fabulas) scmt noyées
dans une intrigue qui ne fait beaucoup rire ni sourire la
légèreté française. Les personnages de Molière ont perdu
leur vrai caractère. Le Fagotier, valet intrigant qui a été au
service de l'amant de la Lucinde anglaise, ne saurait plus rien
avoir de la piquante originalité de Sganarelle.
Une moins incomplète et beaucoup meilleure imitation, sur
le théâtre anglais, est celle du célèbre Fielding, dont on a pu
dire, non sans raison, que <c son esprit semblait naturellement
en sympathie avec celui de Molière^. » Fielding fit jouer, en
173a, sur le théâtre de Drury-Lane, the Mock Doctor, or the
Dumb ladjf cur*d^ a comedy donc from Molière^ «c le Docteur
pour rire, ou la Muette guérie, comédie d'après Molière^. »
L'auteur de Tom Jones avait été charmé par Tétincelante
gaieté du Médecin malgré lui, ce celle des pièces fantasquement
plaisantes {humourous) de Molière, disait-il dans la Préface de
son imitation [p. io5), qui a toujours passé en France pour la
meilleure. » Quoique nous ne soyons pas d'avis de compter,
comme on Ta fait quelquefois, le Mock Doctor parmi les tra-
ductions de notre comédie, Fielding s'écarte peu des traces de
son auteur, en conserve les spirituelles saillies, mais les accom-
mode quelquefois aux mœurs anglaises. Pour en donner un
exemple dès la première scène, Dorcas (Martine), après avoir
reproché à Gre^o/7 (Sganarelle) d'être un débauché, qui mange
tout son bien, ajoute : « et qui, du matin au soir, ne sort pas
dn cabaret à bière (alehouse), » Gregory répond : « Cest vivre
en gentilhomme, puisque le squire en fait autant. » Marquer
I. Dibdin, a Complète kutory of the ttage^ Londres (i. d., mais
de 1800, date de la dédicace au tome !•'), in-8* ; Toyez au tome V,
liyre IX, chapitre n, p. 41 : Fauteur y parle du Mock Doctor de
Fielding.
a, ThefForks of Henrf FieltUng^Lonârtêf 1771, tome II, p. lot
et ittiTantes.
NOTICE. 97
amâ de son propre cachet ce que, d'une scène étrangère, il
transporte sur la sienne est le droit d'un homme d'esprit.
Fîeldîng a d'ailleurs rendu hommage à son modèle en
n'usant que modërëment des libertés d'un imitateur. Une des
plus grandes qu'il ait prises, c'est d'avoir ajouté une scène
entière de son invention, la xm*, entre Gregory et Dorcas :
c'était une complaisance pour une actrice, Miss Raftor, qni
trouvait son rôle trop court. Il a fait chanter à ses personnages
quelques couplets mêlés au dialogue. A d'autres imitateurs en
Fhmce le Médecin malgré lui a aussi inspiré des chansons :
Molière s'était contenté de celle du Fagotier.
Beaucoup plus récemment que Fielding, le poète espagnol
don Leandro Femandez de Moratin, mort en i8a8 à Paris, où
sa tombe a été longtemps près de celle de Molière*, a fait
représenter sur le théâtre de Barcelone, le 5 décembre 1814,
le Médecin à coups de bâton [el Medico a palos), comédie en
trois actes et en prose. Ce n'était pas la première fois qu'il
imitait Molière : deux ans auparavant, il avait introduit en
Espagne l'École des maris par son Escuela de loi maridos.
Dans ces deux pièces, il n'a pas été simple traducteur. Nous
n'avons à parler ici que de la première. Là il abrège : la scène n
de l'acte I*', la scène n de l'acte III sont supprimées. Ainsi
disparaissent trois personnages, M. Robert et les deux paysans,
Tliàxiut avec son fils Perrin. Il est pourtant difficile de croire
qu'ils fusaient longueur, et qu'il importait beaucoup de rendre
l'action plus rapide. Ce que nous ne voudrions pas critiquer,
c'est la suppression de quelques plaisanteries trop hardies,
d'expressions trop salées, qui n'auraient pas trouvé un bon
accueil sur la sràne pour laquelle Moratin écrivait. Sur la
ntee, nous passons davantage à Molière, par respect pour l'ar-
chaïsme. La plaisanterie gauloise garde pour nous ses fran-
dnses dans ses pièces. Nous nous rappelons qu'elle n'offensait
pas les oreilles au dix-septième siècle, où la morale du théâtre
n'était pas après tout plus mauvaise que de notre temps.
An nombre des imitations du Médecin malgré lui doit-on
mettre une pièce du célèbre poète danois Holberg, dont le
âiéâtre appartient i la première moitié du dix-huitième siècle ?
I. Les restcsda poète ont été ramenés en Espagne en i853«
aS LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
Ce ne serait pas du moins aa même dtre que le Medico a polos
et que le Mock Doctor. En gênerai, Hoiberg, qui a garde une
véritable originalité, s'est montre beaucoup moins imitateur, à
proprement parier, de Molière que disciple pënëtrë de son
gënie^ disciple indépendant, qui n'a pas cherché à s'appro-
prier tel ou tel de ses ouvrages. On note cependant chez lui
un assez grand nombre de réminiscences de scènes de Molière,
par exemple dans le Voyage à la source* ^ qui est la comédie
qu'on a souvent rapprochée du Médecin malgré lui. Là, pmnt
de fagotier, point de médecin par force. La pièce danoise, au
fond très-différente de la nôtre, est une satire des réunions
populaires qui, chaque année, vers la Saint-Jean, se tenaient
autour d*une source. Les caractères appartiennent en propre
à Holberg; ils présentent les types presque invariables que
son théâtre aime à reproduire constamment sous les mêmes
noms, à peu près comme le théâtre italien. 11 n'en est pas
moins vrai que le Voyage à la source se prête à des com-
paraisons avec le Médecin malgré lui^ non-seulement par des
détails, mais aussi par quelques-unes des données du sujet.
Nous y trouvons une Léonora qui est, comme Lucinde, con-
trariée dans son amour pour un autre Léandre. Si Lucinde
feint d'être muette, Léonora simule aussi une maladie, non
pas tout à fait la même ; elle n'a perdu la parole que pour la
remplacer par le chant : inquiétant symptôme de folie, qui dé-
sole son père Jeronimus, notre Géronte. Jeronimus fait appeler
le docteur Bombastus. Un valet de Léandre, Heinrich, s 'in*
troduit sous le nom du grand médecin, afin d'ordonner un
voyage à la source, qui procurera aux deux amauts une occa-
sion de rendez-vous. Il amène avec lui, pour l'assister,
Léandre, qu'il donne pour un licencié, comme Sganarelle le
donne pour un apothicaire. Dans la séance où le faux doc-
teur vient examiner la malade (scène vn de l'acte I*'), il étale
I. Voyez à ce sujet la thèse de M. Legrelle, ci-detfos citée à la
note 9 de la page aS.
3. On trourera une traduction allemande de cette comédie aux
pages 39 et suirantes du tome III du théâtre danois de Holherg,
die Danuelie Schaubiihne^ Copenhagen und Leipzig, 5 vol. in-8*,
1750. OEhlenschliger a publié en i8as une traduction complète des
comédies de Holberg.
NOTICE. ^9
son sxfiÀr k b façon de notre fagolier. Son latin extravagant,
les bribes de rudiment qu'il débite, plusieurs autres des plus
amusantes plaisanteries de cette scène sont des emprunts faits
à Mcdîère. Holberg y mêle quelques traits facétieux qui sont à
loi, comme cette parole qu'en arrivant Heiorich adresse à Je*
ranimus : « Cest bien, n'est-ce pas, à la personne qui est
folle que je parle ?» Il est permis de se demander si, dans
cette scène, et dans d'autres endroits de sa comédie, Holberg
n'a pas été moins directement imitateur de Molièré, que de
R^nardy dans ies Folies amoureuses^ jouées pour la première
fois en janvier 1704. Là» en effet, nous avons Agathe qui, en
chantant, contrefait la folle, et Crispin, valet de Tamant d'Agathe,
qui se donne pour médecin, et dit au tuteur d'Agathe' :
Je Tondrois qu*à la fois tous fussiez maniaque.
Atrabilaire, fou, même hypocondriaque,
Pour avoir le plaisir de tous rendre demain
Sage, comme je sois, et de corps aussi sain.
Le tuteur répond :
Je TOUS suis obligé, Monsieur, d'un si grand zèle.
Et dans le Voyage à la source^ Hmaica : « Je souhaiterais,
Monsieur, que vous eussiez vous-même un demi-cent d'in-
fimûtés et de maladies, afin que je pusse faire sur vous la
preuve de mon savoir. » iiacminm : « Grand merci, Mon-
sieur le Docteur. » Il est érident d'ailleurs que nous revenons
par un détour au Médecin malgré lui^ dont Regnard a mis à
profit la scène n de l'acte II.
A cdté des imitations étrangères nous avons nous-mêmes nos
ioâtatioDs du Médecin malgré lui^ qui ne mériteraient pas
toutes qu'cm s'en souvint, si l'on n'y trouvait un témoignage
àe la popularité de la pièce de Molière.
Sur le théâtre des Marionnettes d'Alexandre Bertrand, à la
foire Saint-Germain', on représenta, en 1715, un vaudeville
imité du Médecin malgré lui; c'est la même pièce, dit-on, qui
I. Acte III, scène th (t dans les anciennes éditions),
s. A Paris, sor remplacement où se trouTe au*ourd'hai le mar-
ché Saist-Gcrmam.
3o LK MÉDECIN MALj&RÉ LUI.
plus tard fot retouchëe par de Montbnm (pseudonyme de
François Deoomberoosse), et jonée sur le thëfttre de TOdéon,
en décembre i8i4*
Le a6 janvier 179a, on donna sur le théâtre de la rue Fey-
deau le Médecin maigre lui^ opéra français en 3 actes*. Les
paroles de cet opéra-comique étaient du gai chansonnier Déaau-
gterSy alors très^jeune; la musique, de son père. L'ouvrage,
dit l'auteur d'une Notice sur,,,» Déiaugiers*^ <c eut beaucoup
de succès. La plupart des airs, que Désaugiers a employés
depuis dans plusieurs de ses pièces, sont devenus vaudevilles. »
Ce n'est probablement pas comme très-bons révolutionnaires
que les Désaugiers avaient en l'idée d'introduire dans leur
pièce, d'une façon plaisante, l'air populaire Ça ira,
« Le Médecin malgré lui^ comédie de Molière, arrangée en
opéra-comique par MM. Jules Barbier et Michel Carré, mu-
sique de M. Charles Gounod, » a été entendu pour la première
fois au Théâtre-Lyrique de Paris, le i5 janvier i858. La prose
de Molière a été scrupuleusement respectée dans le dialogue.
On a même conservé, autant qu'on l'a pu, les. paroles du
texte, dans les morceaux de chant, ou bien on a pris tantdt
des couplets entiers, tantôt des vers, dans Mélicerte et dans la
Princesse d*Élide»
L'édition originale du Médecin malgré lui porte la date de
1667. Cest un in-ia (de i5a pages et a feuillets liminaires
précédés d'une estampe), dont voici le titre :
LK
MEDECIN
HALGRÉ-LYY.
GOMBDIB.
Par I. B. P. DB MouxRB.
A PARIS,
Chei Ibav
Grand Peron.
de la Sainote
M. DC txviu
Au€c Priuilêge du Âof»
I. Il ii*a pas été imprimé. Voyex la Bihliognpkie moliéretque^
p. 35o, n* 1703.
9 . M. Merle, au tome lY dei Chmsont et poésies diverses (Ladrocat^
A PARIS,
V RiBOT, au Palais, fur le
i, TÛ à vis la porte de TEglife
Chapelle, à Flmage S. Louis.
NOTICE. 3i
L'Achevé d'imprimer est da a4 décembre 1666; le Privi-
]^, da 8 octobre, est dooné pour sept amiées à Molière, qui
a oédë et trxaspoité son droit « à Jean Ribou, marchand libraire
à Paris, pour en jouir suivant l'accord fait entre eux. »
Une seconde édition détachée a paru bien peu de temps
après la mort de Molière : FAchevé d'imprimer pour la se-
conde fois est du ai mars 1673; on lit sur le titre : Et se pend
pour la peuve de V Auteur. A Paris ^ chez Henry Loyson.
Le Médecin malgré lui a été souvent traduit et dans beau-
coup tf idiomes. Sans parler des langues les plus répandues,
nous en citerons une version en danois (184a) ; trois en suëdob
(1801, 184a, 1860); deux en russe (i685, 1788); deux en
serbo-croate (1870 et s.d.)\ huit ou neuf en polonais (1754»
1779, 1780 ^)j 17^39 181111, et quatre /. d.)\ une en tchèque
(i8a5); une en dialecte de Maestricht (i856), outre quatre
néerLuidaises, dcmt deux envers, l'une de 1671, l'autre de
171 1; une en grec ancien (1875} et une en grec moderne
(i86a); une en arménien (i85i}; une en magyare (1792};
une en tore (1869) : sur cette dernière, voyez la Bibliographie
moli&esque^ p. ao6, n* 976.
'^^7)9 P« TOfTtt et xxnn. M. Merle met la représentation à Tan-
née 1791; c'est une erreur : voyez la Gazette nationale ou le
Moniteur uniifersel du a6 janvier 179s.
/
3s LB MEDECIN MALGRÉ LUI.
SOMMÂIRB
DU MÉDECIN MALGRÉ LUI^ PAR VOLTAIRE.
Molière a/ant suspendu ion chef--d'ouTre du Misanthrope^ le
rendit quelque temps après au public, accompagné du MéJeeU
nuJgré lui^y farce très-gaie et trè^-bouffonne, et dont le peuple
grossier arait besoin : à peu près comme à TOpéra, après une mu-
sique noble et sarante, on entend arec plaisir ces petits airs qui ont
par eux-mêmes peu de mérite, mais que tout le monde retient aisé>
ment. Ces gentillesses friroles serrent à £ùre goûter les beautés
sérieuses.
Le Médecin malgré lui soutînt le Misanthrope; c*est peut-être à
la bonté de la nature humaine, mais c*est ainsi qu'elle est faite :
on Ta plus à la comédie pour rire que pour être instruit. Le Mt-
santhrope était Pouvrage d*un sage qui écriTait pour les hommes
éclairés ; et il fidlut que le sage se déguisât en farceur pour plaire
à la multitude*
X. Yoyet eî-dflttiis, sa débat de la IfpUee^ p. 3 et 4. LeMiionArepe «▼ait
dijk été repratenté vingt et une fois et le Médecin malgré Un oaae &ît,
lonqu^ils parurent ensemble sor Taffiebe, le Tendredi S saplembra ; ik !»•
rent ainsi probablement jouéf loata la semaine tnininte, lot 5, 7, lO, et
eneoie le dimanrbo is. Mail c*était là on ipoeude eatraonUnairey que
Molière ne donna plus et qae mm donte on n*a jamais rem. Qael antre
aeteor se ferait senti de forée, après avoir rempli le grand rôle d*Aleoste, k
jooer eneore, avec tonte la verre qa*Q demande, le rêle da Fa^tier ? Et
même poor pouvoir tout i £dt alBrmer que Molière renoavda quatre Cdîs, k
de ai courte intarvallet, un tel efibrt, il Ctudrait être absolument aèr que
Videm de la Grange qui (on Ta tu, tome Y» p. 363) se fit dans le Ubioan des
représentations du 5 au is septembre, s*appUque k la composition entière du
speeUde indiqué pour le 3. Noos la croyons très-vraiiecnblable, surtout k
cause du cbiffire des recettes; il fiiut nèanmohis remarquer que très souvent,
dans son Registre^ la Grange a constaté nne double répétition par deux uÊem ;
et quand, après deux pièces^ son idem est unique, on ne peut distinguer s^il 7
a attacbé un sens coUeetif, on bien s*il s*est contenté de rappeler la pièce qui,
k ses yeux et k tel jour, était la plus importante, oubliant ou négligeant
Tautre qui avait complété le spectacle : ce dernier cas n*est pas toujours, il
s'en faut, le moins vraisemblable. U se pourrait done que Videm des 5, 7 , lO
et is septembre représentât, non les deux comédies, mais une seule, c%
dire ou le Misanthrope on le Médecin malgré lui»
ACTEURS. 3:i
ACTEURS.
SGANARELLE, mari^ de Martine*.
MARTINE, femme de Sganarelle.
M. ROBERT, voisin de Sganarelle.
VALERE, domestique* de Gëronte.
LUCAS, mari de Jacqueline.
GÉRONTE, père de Lucinde.
JACQUELINE, nourrice cliez Géronte, et femme de Lucas.
LUQNDE, fille de Gëronte K
LEAIXDRE, amant de Lucinde.
I. Il y a ici, et encore quatre ligaet plut bat, dans la i** édition,
la fin^lière fante marUy pour mari.
a. On m. TU ct-desfut, à la Notice, p. aa et aS, d*aprè8 un inren-
Uire publié par M. Eud. Soulié, le détail du costume que portait
Molière dans ce rôle; il y faut ajouter le a chapeau des plus
poiotos » : voyez ci-après, acte II, scène ii, p. 73.
3. Domestiqu€y au dix-septième siècle, se disait de toute personne
engagée, dans quelque position, même élevée, que ce fût, au senrice
de ^pielqu^un. Molière n^a pas jugé nécessaire de déterminer plus
uettement le titre qui attache Valère à Géronte. Par ce nom même
qui loi est donné et par son costume (autant que permet d*en juger
la gniTore de 1689, qui le montre arec épée, gants, rubans et cha-
peau à plumes), le personnage se dislingue bien d'un simple valet,
un peu moins cependant par le langage qu'il tient à Lucas dans son
premier couplet (ci-après, p. 48).
4- C^est la seconde fois que Molière donne ce nom à une jeune
fiUe qui feint d'être malade, et dont un faux médecin sert les
affloors : voyez aux Personnages de P Amour méJecinjtome y,p. S98.
— Le même inventaire rappelé plus haut nous a seul appris, en
<lécrivant un costume dont le luxe ne pouvait convenir qu'à Lu-
cinde, que ce rôle fut joué d*original par la femme de Molière :
rojrez la Notice^ p. 33.
MoliAbs. ti 3
34 ACTEURS.
THIBAirr, père de Pcmn*.
PERRIN, fils de Thibaut, paysan\
X. Perm, ici et à la ligne suivante, dans Tédition originale;
mais Perrin^ dans la scène ii de Pacte III.
9. Voici comment la liste des acteurs est disposée dans Tédition
de 1734 :
GiEoim, père de Lucinde. — Lugihdb, fille de Géronte. —
I^AHDRB, amant de Lucinde. — Soavaakllb, mari de Martine*.
— Mahthib, femme de Sganarelle. — M. Robeht, voisin de Sga-
uarelle. — Valèeb, domestique de Gëronte. — Lucas, mari de
Jacqueline^. — Jagquelihb, nourrice chez Géronte, et femme de
Lucas. -» Thibaut, père de Perrin; Pbbb», fils de Thibaut,
paysans.
Cette même édition ajoute, à la suite de la liste : a La scène est
à la campagne. » Au second et au troisième actes cependant, on
peut supposer que Paction se passe dans une maison ou un jardin
de ville plutôt qu*à la campagne.
Le Mémoire de,»,, décorations (Manuscrits français de la Biblio-
thèque nationale, n« a4 33o) n'indique cette fois que les accessoires
nécessaires à la mise en scène : « U faut du bois, une grande bou-
teille, deux battes, trois chaises *, un morceau de fromage, des je-
tons, une bourse'. 0
<* SoAHAaKLLS, mari de Martine^ domestique de GèroHtef dans quelques
exemplaires non eoirigés de rédition de 1734.
^ Lucas, mari de Jacqueline ^ domestique de Geronte. (i773«)
' Le chiffire, très-négligemment tracé, est peut-être un 4 ; mais il semble
qu*il ne Ciat que trois sièges pour la scène de la consultation (la rv* de
l'acte U : rojez ci-après, p. 81), la seule on des chaises puissent être utiles.
* Des jetons pour remplir la bourse, comme dans C Amour médêcim .* voyez
tome y, p. a^, note i.
LE
MÉDECIN MALGRÉ LUI.
COMÉDIE.
ACTE r.
SCÈNE PREMIÈRE.
S6ANARELLE, MARTINE, paioiMaiit mr le thatre
en le qoereUant *•
SGANÂRSLLB.
NoDy je te dis que je n'en veux rien faire, et que c*est
à moi de parler et d'être le maître.
MÂRTINB.
Et je te dis, moi, que je veux que tu vives à ma
fantaisie, et que je ne me suis point mariée avec toi
pour souSnr tes fredaines.
SGAIIARXLLB.
0 la grande fatigue que d'avoir une femme! el
qQ*Aristot« a bien raison, quand il dit qu'une femme
est pire qu'un démon !
I. Le diéétre, pour cet acte, doit représenter an lien roisin des m allons de
^anareOe et de M. Robert, et peu éloigné da boia oà Sganarelle façonne aea
b{p^. Yoyes In fin de U acène u de l*aete I.
a. Otùm îadiention B*eet pet dent l'éditîoB de 1734. — Boahaiilu, Mar-
îm, em te fusrellmU, (1673, 74, 89.)
IS LE MÉDECIN MALGRE LUI.
MARTINI.
Voyez un peu Thabile hominey avec son benêt d^Aris-
tote!
SGAIIARBLLB.
Oui, habile homme : trouve-moi un faiseur de fagois
qui sache, comme moi, raisonner des choses, qui ait
servi six ans un fameux médecin, et qui ait su, dans
son jeune àgej son rudiment par oœur^.
MARTINE.
Peste du fou fieffé I
SGANARELLE.
Peste de la carogne!
MARTINE.
Que maudit soit' Fheure et le jour oii je m^avisai
d*aller dire oui!
SGANARELLE.
Que maudit soit le bec cornu' de notaire qui me fît
signer ma ruine!
MARTINE.
Cést bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette
affaire. Devrois-tu être un seul moment sans rendre
gmce au Ciel ^ de m'avoir pour ta femme ? et méritois-
tu d'épouser une personne comme moi ?
SGANARELLE.
Il est vrai que tu me fis trop d*honneur, et que j^eus
lieu de me louer la première nuit de nos noces! Hé!
morbleu ! ne me fais point parler là-dessus : je dirois de
certaines choses....
I. Voyes p. g8. On appelle rudiment^ dit PAcadémie, dès u première êdi-
lion : « Un petit livre qui contient les premiers principes de la langoe latûne. •
a. Ce dé&ttt d^aecoitl est dans toutes nos éditions.
3. Becque-cornu^ dans Tédition originale et dans nos trois édidona étran-
gères. — Sur ce terme d*injnre, Toyes an vers ii6a de PÉooU tUs/em^ttâ^
tome m, p. a42i note 3.
4. Grftces an Ciel. (i6;3, 74, 8a, 9a, 97, 1733, 340
ACTE I, SGÉIfl I. 37
MAmnin.
Qaoi? que dirois-lii?
SGÂHARSLLt.
BasteS laissons là ce chapitre. Il suffit que nous sa-
Tons ce qae nous savons ', et que tu fus bien heureuse
de me trouver.
MARTINI.
Qaaj^elles-tu bien heureuse de te trouver? Un
homme qui me réduit à Thôpitali un débauché, un
traître, qui me mange tout ce que j*ai?
aGANAmBLUI.
Tu as menti : j'en bois une partie.
MARTIIIB.
Qui me vend, pièce à pièce, tout ce qui est dans le
logis.
SGAIIARBLLE.
Cest vivre de ménage*.
I. SaSt. Cest le leiii itjmologlqae do mot (en itàKen hatta). Vojes
tÉUnutliy^m laôa, tome I, p. 191.
s. Noot MTone bien ce que nons UTons ; je m*eiitendt bien et je snii t&r Je
■OD dit. Lacet emploie pins loin cette phrase prorerbûile (p* 61).
3. Ménagé était alors nn mot beaaeoap plos usité dans son sens à^ieonomie^
<cnM»ia ce passage de la Bmbriqme et fallace du monde^ pasqmtn excellent,
de i6m«.
.... S*il adnent qn'on appréhende
Des fiOes la charge trop grande.
Par Corme de détotion
On les met en religion.
Mais c'est plnt6t un bon ménage
Ponr épargner leur mariage [pour n*atttir pat à les doter) \
et ce passage de la Fontaine (fable xtoi du lÎTre VIII, pnl>Uée en 1678,
Ter» 43-44) ;
Loi bercer, pour pins de ménage,
Aoroit deux on trois mitineanx,
Qnl Ini dépensant moins, Teilleroient aux troupeaux.
SgsasreUc redit probablement une astes vieille équivoque; elle se trouve, avec
s Réimprimé par M. Edouard Foornier : vojei an tome I de tes fariétis
àûttrifuee ai Uitératrae^ p. 347 et la note.
38 LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
MARTimi.
Qai m*a ôté jas(ra*au lit que j'avais.
SGANARSL&B.
Tu t*en lèveras plus malin.
MARTIHK.
Enfin qui ne laisse aucun meuble dans toute là
maison.
SGÀNARSLLB.
On en déménage plus aisément.
MARTINB.
Et qui, ou matin jusqu'au soir, ne fait que jouer et
que boire.
une autre de set plaitanteriet qii*on vient de lire, dans ees deux petltea pièces*,
extraites da Tolame des Jojeux épigrammes d» situr de la Girtutdière^ qui
avait para en i634 :
Di loirnToir (p. 8a).
On dit qae Boutiton ae raine.
Qu'il ne déjeune, qu'il ne dîne
Et ne soupe qu'aux cabarets;
Mais s'il y Tend ou laisie en gage
Chaires, tables et tabourets,
Est-ee pas viiTe de ménage ?
A LUX-Mâsu (p. 83).
Denise est une mensongère :
Vous n'avex depuis son départ
Mangé tout le oien de son père ;
Vous en avez bu la plupart.
Ce dernier trait était déjà dans la Comédie de* prwerhe* d* Adrien de Montluc
(i633, acte II, scène m) : « Ils ont la m*ae de ne manger pas loat leur bien.
Us en boivent une bonne partie. »
• Auger j qui a heureusement rencontré la seconde, avait probablement, dans
sa lecture, sauté la première, tout aussi intéressante ; il est vrai que les exem-
• pies de réquivoque qu'elle contient ne manquent pas. M. de Pnrseral, dans
' "' *^ Notée à ajouter au commentaire dee comédies de Molière (voyex la RevM
I ^ f / ; ' ^ ' *^^ Marseille et de Provence, n* de juin 1874, p. 3i6)« en cite, entre autres,
un de 1557. Dans une comédie récente de Chevalier, jouée an Marais en 166a,
imprimée en i663^ V Intrigue des carrosse* à cinq sous, le valet Ragotin avait
- ' dit en parlant de son maître, joueur (acte I, scène m) :
Diable 1 quel ménager 1 On voit sur son visage
Q^ vendra tout dans peu pour vivre de ménage.
f
» 1
ACTE f, SCÈNE 1. * ^9
SGAMAftXLLS.
G est pour ne me point ennuyer*
MARTllIB.
Et qne yeux-tu, pendant ce temps, que je fasse avec
ma famille ?
S6ANA1IBLLB.
Tout ce qu*il te plaira.
MARTINE.
J'ai quatre pauvres petits enfants sur les bras.
SGANARBLLE.
Mets-les à teire.
MARTINB.
Qui me demandent à toute heure du pain.
SGANARBLLB.
Donne-leur le fouet : quand j'ai bien bu et bien
mangé, je veux que tout le monde soit saoul ' dans ma
maison.
MARTINB.
Et tu prétends, ivrogne, que les choses aillent toujours
de même ?
SGANARELLE.
Ma femme, allons tout doucement, s'il vous plaît.
MARTINE.
Que j'endure éternellement tes insolences et tes dé-
bauches?
SGANARELLE.
Ne nous emportons point, ma femme.
MARTINE.
Et que je ne sache pas trouver le moyen de te ranger
i ton devoir?
1. Tel nt le texte : le mot, écrit êawt dans le Ten 8o da Dépit amoureux
[tome 1, p. 407), et toâ dans le Ters 229 de P École des marU (tome II, p. S^S),
rime, ea cet deux endroiu, k^ee/ou\ lillears (tome IV, p. 137), il est écrit m«
4o * LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
SGANARBLLB.
Ma femme, vous savez que je n^ai pas Tâme endu-
rante, et que j'ai le bras assez bon.
MARTINB.
Je me moque de tes menaces.
SGANARBLLB.
Ma petite femme, ma mie, votre peau vous démange,
à votre ordinaire.
MARTINB.
Je te montrerai bien que je ne te crains nullement.
SGANARBLLB.
Ma cbère moitié, vous avez envie de me dérober
quelque chose ^
MARTINE.
Crois-tu que je m'épouvante de tes paroles?
SGANARBLLB.
Doux objet de mes vœux, je vous frotterai les oreilles.
MARTINB.
Ivrogne que tu es !
SGANARBLLB.
Je vous battrai.
Sac à vin!
Je vous rosserai.
Infâme !
Je vous étrillerai.
MARTINE.
SGANARBLLB.
MARTINE.
SGANARELLR.
I. Façon de parler populaire; le quelque ekote est bien espUqaé par ee
paiMge, que cite Aiiger, de la Comédie dei proverbes (acte H, tcène ▼) :
« Si tu m*importoBek davantage, ta me déroberas un aoafBet. » SouflBet on
coapt de bâton.
Traître, insolent, trompeur, lâche, coquin, pendard,
gaeax, bélître ^^ fripon, maraud, voleur...!
SGANARHLLB.
(n prend on bâtoa', et lui en donne.)
Ah ! YOU8 en voulez donc ?
MARTIlfx'.
Ah, ah, ah, ah!
8GÂNARSLLB.
Voilà le vrai moyen de vQua apaiser.
SCÈNE IL
M. ROBERT, SGANARELLE, MARTINE.
M. ROBERT.
Holà, holà, holà! Fi! Qu'est-ce ci* ? Quelle infamie!
Peste soit le coquin, de battre ainsi sa femme !
MARTINE, les maim sur les cAtés, loi parle en le faiMnt reonler,
et à la fia loi donne nn sonlflet .
Et je veux qu*il me batte, moi.
M. ROBERT.
Ah! j'y consens de tout mon cœur.
MARTINE.
De quoi vous mêlez*vous ?
I. Mot d*ori^e doateoM, peut-être bien allemande, d'abord synonyme de
p*"* tnund, metêdiani : to jes le DietioiuuUre de M, Littré et le Smpplém§mi,
1. Soiwtifi,T.i prend m bâton. (1673, 74, 8a, ^, 97, 1710, 18, 3o.)
}• 9%àMàMËiJM prend mn Mton et bat êa femme, — MAaTors, eriant, (1734.)
4. Qa*cat-ceei?(i69a, 1718.) — Qu'est ceci? (1675 A, 84 A, 94 B, 1773.) —
Hou raÎTOfu, pour la diriiîon des syllabes, les autres éditious anciennes; elles
QBt, à eoauaencer par Tédition originale, un second tiret inutile : Qu^est-ee^i?
▼ojcs tome 1, p. 465, note a; tome IV, p. i34, note 4; ci-après, p. 64,
*Bte i; et le Lexiqne de la langue de Corneille^ k Cx.
5. MàaniB, à Jf. Boberi. (1734.)
4a LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
J'ai tort.
MARTINB.
Est-ce là votre a£faire?
M. ROBSRT.
Vous avez raison.
MÂRTIlfB.
Voyez un peu eet impertinenti qui veut empêdier les
maris de battre leurs femmes.
M. ROBERT.
Je me rétracte.
MARTINB.
Qu'avez- vous à voir là-dessus^ ?
M. ROBERT.
Rien.
MARTINE.
Est-ce à vous dy mettre le nez?
M. ROBERT.
Non.
MARTIlfB.
Mêlez-vous de vos a£faires.
M. ROBERT.
Je ne dis plus mot.
MARTINE.
Il me plait d'être battue.
M. ROBERT.
D'accord.
MARTINE.
Ce n'est pas à vos dépens.
I . On disait aatrefoit, comme Tatteste le Dictionnaire de F Académie^ ^-
tioB de 1694^ : f^oiu n*at^z rien à voir sur moi, tous n*avex.... aacim droit
d^inspection sur ma conduite. On pouvait donc dire : Qu'apea-iwus à voir là-
* dessus? {Pfote d*Auger.]
• Et éditions ioiTantes, jusqu'à ceUe de 176a indoiÎTement.
ACTE I, SCENE II. «3
M. BOBBRT.
U est vrai.
MARTIHE.
Et VOUS êtes un sot de venir vous fooirer où vous
n'avez que faire.
M. ROBERT.
(Il puie cBMÎte Ters le mari, qui parailtoment lai parla toajonn on le fiiU
Mal recaler, le frappe arec le méaie bàtoa^ et le met en faite; il dit ft U
ia':)
Compère, je vous demande pardon de tout mon cœur.
Faites, rossez, battez, comme il iaut, votre femme; je
vous aiderai, si vous le voulez.
SGAIIARELLB.
n ne me plaît pas, moi'.
M. ROBERT.
Ah! c'est une autre chose.
SGÀNARELLB.
Je la veux battre, si je le veux ; et ne la veux pas
battre, si je ne le veux pas.
M. ROBERT.
Fort bien.
SGANARELLB.
Cest ma femme, et non pas la vôtre.
M. ROBERT.
Sans doute.
SGANARELLB.
Vous n'avez rien à me commander.
I. Le même bâton arec lequel il a battu ta lismme.
3. n fiait par dire. — M. Roaimr j^se ensuite vers U mari^ fai pareiL
^^^t^i /ai.... avec le même hâton, le met en fuite, et dit à la fin, (1673, 74,
^0 — Bt M. Robert dit à la fin, (17x0, 18, 33.) — Dana rédition de 1734
^^^■g jea de teène eet omit; on j lit ainsi ee passage : « .... Qae faire. (Elle
^^vnneunâomfflet.) — M. Robert, à Sganarelle. Compère.... »
3. VoiU la troisième (bis que revient dans Molière cette phrase avec cette
^"■^raetioD de moi; voyez tome IV, p. 437, le vers 575 de Tartuffe et la
■^a, et tome T, p. 525, le vert i356 dn Misanthrope,
44 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
M. ROBBRT.
D'accord.
SGAIIARBLLB.
Je n'ai que faire de votre aide.
M. ROBERT.
Très- volontiers.
sganàrelle.
Et vous êtes un impertinent, de vous ingérer des
affaires^ d'autrui. Apprenez que Cicéron dit qu'entre
l'arbre et le doigt il ne fSiut point mettre Técorce '.
I . Sur l*emploi % pen prêt indifférent des prépositions dans on de avec
le Terbe t'ingérera auquel Bossuet a joint aussi à derant finfinitiC, Tojec
le Dictionnaire de M. Littré, L* Académie, dans sa première édition (1694^
Richelet (1680) et Furetière (1690) ne donnent d'exemples que de la conatme-
tion avec dei mais M. Littré en cite' arec dant qui sont du dix-septième
a, Anger rappelle que le prorerbe dont Sganàrelle fait iel une si juste appli-
cation, tout en le citant de travers, a été recueilli et longuement expose par
Henri Estienne dans son Projet du livre intitulé de la vbicuxkrcx du
LAROAGB FEANOOtt (i579, p. iQi). m On ne doit mettre le doigt entre Cécoree
et le bois : contre ceux qui mettent des noises et débats entre les personnea qui
sont prodies les unes aux autres, j'entends entre lesquelles il y a un lien fort étroit
de procbaineté, comme entre le père et l'enfant, le mari et la femme. Et cette
similitude est fort belle ; car comme, si le doigt se mettoit entre Técoree et le
bois, il seroit à craindre que, ces deux Tenants I se rejoindre naturellement, il
ne se trooTÉt enserré, non sans sentir douleur : ainsi celui qui Tient i mettre des
noises et dissensions entre telles personnes, est en danger, quand elles retoar-
nent à leur naturelle alliance et conjonction de Tolontés, qu'il ne soit comme
enserré et pressé de la haine que lui porte tant Tune que Tautre. Or plus
donne de peine Texposition de ce proTcrbe (laquelle est selon que j'en ai ouî
user), plus faut-il qu*il soit excellent, % cause mémement de sa brièTeté, au
tieu qu'il faudroit user de beaucoup de paroles. » — Dans le Mystère de saint
Christo/le^ rimé en quelque ringt mille Ters par maître Chetalet, qui fnt im>
primé i Grenoble en l53o«, et qui a pu tomber sona les yeux de Molière, il y 11
(feuille C, f** i t* et ij r*] une seène épisodique, d'un dialogue court et «asez.
insignifiant, mais où la même moralité a été mise en action. Un messager
égaré de sa ronte, aosai malencontreux témoin que M. Robert d'une querelle
• On lit sur le premier feuillet : « S'ensuit la f^e de saint Cristo^e^ élé-
gamment composée en rime françoiae et par personnages, par maître Chemlet,
jadis BouTerain mattre en tdle compositnre.... »
ACTE T, SCÈNE II. «5
(Eanite il revleat vers sa femm«, et lot dit, en lui pretnnt la niaîa : )
0 ç&S faisons la paix nous deux. Touche là.
MAKTJNE.
Oui! après m^avoîr ainsi battue!
SGANARBLLE.
Cela n'est rien, touche.
MARTINE.
Je ne veux pas.
SGANARELLE.
Eh!
MARTINE.
Non.
M uB pajsan se laisse battre par si femme, teate dUnterveoir, et t*attire k lui-
même, des deox parts, les coups de bftton :
SAOTEREAU [U mêtsager) .
Et qu'est ceci ? étes-Tous folle ?
Fiiut-il battre votre mari ?
LANDCBKt {la pajrsauné).
Venez-vous au ebarivari ?
Par tous nos dieux vous en aurez. :
Tenez. . . .
LAiCDUniAU {U pay*an).
Empoigne ce coup de quenoille.
SAUTUXAU.
Le diable m'en fit bien mêler ;
Jamais ne fus à telle feste.
LANDURÉK.
Retourne : tu auras ta reste.
SAirriRlikC.
Je quitte U reste et le jeu.
Ce vllain-là m*a abusé,
Qui m*a fsit des horions prendre,
De sa femme pour le défendre.
VoysB b note d'Aimé-Martin et Tanalyse moins fidèle dei fircres Parfaicl,
tonc III, p. 3.
I. L^éeoree. (// bat A/. Rohert et U ehaite.)
SCÈNE m.
8GAHARELLB, ILARTUIE.
.Ob^à. (1734.)
46 LE MIÎDECIN MALGRÉ LUI.
8GÂNAR£LLB.
Ma petite femme !
MARTINS.
Point.
SGANARKLLE.
AII0D8, te dis-je.
MARTINB.
Je n'en ferai rien.
8GANAHBLLE.
Viens, viens, viens.
MARTIlfB.
Non : je veux être en colère.
SGAMARELLE. '
Fi! c*est une bagatelle. Allons, allons.
MARTINE.
Laisse-moi là.
SGANARELLB.
Touche, te dis-je.
MARTINE.
Tu m*as trop maltraitée.
SGANARELLE.
Eh bien va, je te demande pardon : mets là ta main.
MARTINE.
Je te pardonne; (elle dit l« reste bas) mais tu le payeras \
SGANARELLE.
Tu es une folle de prendre garde à cela : ce sont
petites choses qui sont de temps en temps nécessaires
dans Tamitié; et cinq ou six coups de bâton, entre gens
qui s*aiment, ne font que ragaillardir Taffection*. Va, je
I. MABTOfi, bas. Je te pardonne; maùi tu le payeras. (1673, 74f 8a.) '—
BfAnTTifB. Je te pardonne; (b€u à part) maû ta le payeros. (1734.)
a. Aimé-Martin rappelle ici un rers de Trrence (il a été eiké dans U Notice
du Déjnt amoureux^ tome 1, p. 385) dont la maxime de Sganarelle semble être
en effet nne traduction plaisante :
Amantium irm^ amorit integratio.
AGTB I. SGBNB II. 4?
m'en vais au bois, et je te promets aujourd'hui plus
dan cent de fagots*.
SCÈNE IIP.
MARTINE, seule.
Va, quelque mine que je fasse, je n'oublie pas' mon
ressentiment; et je brûle en moi-même de trouver les
moyens de te punir des coups que tu me donnes ^. Je sais
bien qu'une femme a toujours dans les mains de quoi se
venger d'un mari ; mais c'est une punition trop délicate
pour mon pendard : je veux une vengeance qui se fasse
un peu mieux sentir; et ce n'est pas contentement pour
Tinjure que j'ai reçue.
1. Pov ee SgaiMrelle «tm premièies leèace, BoUeeu panlt «Toir peaw que
Moliire mit à profit diSenHitt. traits qa*il loi «TUt fait eonnaltre do perruquier-
boiàcr* FAmour, derena plot tard, ainsi que sa seconde femme (bien difle-
leale edte-ci de Martine), un des personnages du Lutrin^. Brossette donne
nr lai et sa première femme, dans ses remarques à la fin du I*' chant de
ce poème, des renseignements qn*il tenait Traisemblablemeot de Boileau. « Le
perruquier rAnonr, dit-il (sous le Ters ai6), avoitété marié deux fois. Sa pre-
■iôps liemme ctoit estrémônent emportée et d'une humeur très-filcheuse. Mo-
lière a pont le caractère de Tun et de Tautre dans son Médecin maigri imi.,.,
Mr es que M. Dcsprèaux lui en avoit dit. • Voyes encore ce qui est eité, à-
JsMusè la Ifoitee, p. 19, d'une addition de la Monnoje au Mtnagiana*
». SCÉHB IV. (1734.)
3. le n'oublierai pas. (1673, 74, Sa, 1734.}
4* Que tn m*aa donnés. (l734>)
* Les barbiers et même les perruquiers étaient confrères des chirurgiens^ et
^sraieat passer des wramens d anatomie : Toyei le chapitre yi des Médeciiu au
^e^fi dt Molière par M. Rajnaud, particulièrement page 3i5 : peut-être, par
9*>dms prétentions qu'il arait au saroir médical, Tonginal dépeint uar Boileau
tfsit'il encore reeonnaissable dans le Fagotier, ancien serviteur d^un tameuz mé-
•**«» (toyca p. 36).
^ BoSean me les désigna tous deux sous leur irai nom qu'à partir de l'édi-
^^^ de 1701. Broesette notant, au sortir d'un entretien avec Boileau, la date
^ leur mort, appelle le mari /• neur de Lamomr et Didier de Vamottr (ms«
"tfogiaphe, î* ai r*, ai octobre 170a}.
48 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
SCÈNE IV.
VALÈRE, LUCAS, MARTINE.
LUCAS*
Parguenne! j avons' pris là tous deux une gneklc^
de commission; et je ne sai pas, moi, ce que je pen*
sons attraper.
VALÈAB*.
Que veux^tu, mon pauvre nourricier? il faut bteu
obéir à notre maître ; et puis nous avons intérêt, Tun
et Tautre, à la santé de sa fille, notre maîtresse ; et sans
doute son mariage, différé par sa maladie, nous vaudroit *
quelque récompense. Horace, qui est libéral, a bonne
part aux prétentions qu'on peut avoir sur sa personne;
et quoiqu'elle ait fait voir de Tamitié pour un certain
Léandre, tu sais bien que son père n'a jamais voulu
consentir à le recevoir pour son gendre.
MARTINE, réTant « part eU«\
Ne puis-je point trouver quelque invention pour me
venger?
I. SCÈNE V. (1734.)
a. Lutut, à Faière, sans voir 9lariins, (Ihidsm,)
3. ParguMone! (1773.) — Sur ce biiarre détaceord du pronom et da verbe,
fort h la mode au leixième siècle daoi le jargon des eonrtitans, tojsb A la
scène n de Tacte II de Dom Juan, tome V, p. io3, note 4.
4. Gareau, dzns U Pédant Joué de Cjtïïuo Bergerac «(acte H, seène h, p. 37,
de rédition de i67i)«dU aiusi guiebs poor diabls : « Jamigué! je ne un pas
un gniais : j^ay esté sans reproche margaillier, j*ay esté begniau, j*ay eaté
portofrande, j^ay esté chasse-chien, j^ay esté Goieu [ùieu) et Goiebe, je na
s^y pus qui je sis. »
5. VALBaa, à Lucas ^ sans pair Martine, (1734.}
d. NousTsudra. (1673, 74, Sa, 1734.]
7. Rivant à pari. (1697, 17 10, 18, 33.) — Rhant àpart^ tatnyaiU aemltm
(1734.)
• Voyea tome V, p. loi, note a.
ACTE I, SCÈNE IV. 49
LUCAS ^.
Mais ^elle fantaisie s'est-il boutée là dans la tête,
puisque les médecins y avont tous pardu ' leur latin* ?
On trouTe quelquefois, à force de chercher, ce qu*on
ne trouve pas d*abord; et souvent, en de simples
lieux....
MÀRTINB*.
Oui, il faut que je m*en venge à quelque prix que ce
soit: ces coups de bâton me reviennent au cœur, je ne
lessaurois digérer, et.... (Elle dit tont ceci* en réTADt, de forte
qoe ne prenant pas garde à ces deux hommes, elle les heurte en se
moamant, et leor dit:) Ah^! Messieurs, je vous demande
pardon ; je ne vous voyois pas, et cherchois dans ma tête
quelque chose qui m*embarrasse.
vàlârb'.
Chacun a ses soins dans le monde, et nous cherchons
aussi ce que* nous voudrions bien trouver.
MARTINE.
Seroit-ce quelque chose où je vous puisse aider ^*?
VALéRE.
Cela se pourroit faire ; et nous tâchons de rencontrer
quelque habile homme, quelque médecin particulier,
qui pût donner quelque soulagement à la fille de notre
maître, attaquée d*une maladie qui lui a ôté tout d*un
coup Tusage de la langue. Plusieurs médecins ont déjà
épuisé toute leur science après elle ; mais on trouve par-
t. Lucas, â FaUf. (i734-) — 9* Pwda. (1674, 89, 1734.)
3. PiuM{iae tooi les médecins y vuxaX perdu leur latin? (1734.)
4. VaIi^ix, à Lmeoi, (Ibidem.)
5. MAETOn, M entrant toujours s&uU, {làidem.)
6. £U0 dit ceci. (1673, 74, 8a.)
7. Je nesMirois les «libérer, et.... (Heurtant f^alère etLueae,) Ah! (1734.)
8. Par cfreor, BfARTDn, pour VAiiiaa, dans l'édition originale.
9. £t noos cherclions ce que. (1673, 74.)
10. Où je TOUS poste aider. (i734<}
Mouias. Ti 4
5o LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
fois des gens avec des secrets admirables, de certains
remèdes particulierst qui font le plus souvent ce <{ue les
autres u'ont su faire ; et c*est là ce que nous cherchons.
MARTINE.
(Elle dit cet premièret lignes bat*.)
Ah! que le Ciel m*inspire une admirable invention
pour me venger de mon pendard ! (Haat.) Vous ne pouviez
jamais vous mieux adresser pour rencontrer ce que vous
cherchez; et nous avons ici un homme ^, le plus merveil-
leux homme du monde, pour les maladies désespérées.
VALÈRE.
Et' de grâce, ob pouvons-nous le rencontrer ?
MARTINE.
Vous le trouverez maintenant vers ce petit lieu que
voilà, qui s'amuse à couper du bois.
LUCAS.
Un médecin qui coupe du bois !
VALÈRE.
Qui s^amuse à cueillir des simples, voulez- vous dire?
MARTINE.
Non : c'est un homme extraordinaire qui se plaît i
cela, fantasque, bizarre, quinteux, et que vous ne pren-
driez jamais pour ce qu'il est. Il va vêtu d'une façon
extravagante, a£fecte quelquefois de paroitre ignorant,
tient sa science renfermée, et ne fuit rien tant tous les
jours que d'exercer les merveilleux talents qu'il a eus du
Ciel pour la médecine.
VALERE.
C'est une chose admh'able, que tous les grands hommes
I . Notre imprestion noug oblige à modifier ici le texte des encigniifn «ditioiis.
Elle dit eu trois premièret lignée bas. (1667.) Elle dit (oa Mâbtiiib dit) ces
deux premières lignes bas. (1673, 74, 75 A, 8a, 84 A, 94 B.) — ItfAmTOis, hms,
à part, (1734.)
a. Et noai «tous an homme. {1673» 74, 8a« 1734.)
3. Hé! (1730, 33, 34.)
ACTE I, SCÈNE IV. 5i
ont toujours du caprice, quelque petit grain de folie
mêlé à leur sdeace^
MÀRTINB.
La folie de celui-ci est plus grande qu*on ne peut
croire, car elle ya parfois jusqu'à Tou^oir être battu pour
demeurer d'accord de sa capacité ; et je vous donne avis
que vous n'en viendrez point à bout', qu'il n'avouera
jamais qu'il est médecin, s'il se le met en fantaisie, que
vous ne preniez chacun un bâton, et ne le réduisiez, à
finrce de coups, i vous confesser à la fin ce qu'il vous
cachera d'abord. C'est ainsi que nous en usons quand
nous avons besoin de lui.
VALÂRE.
Voilà une étrange folie !
MARTINE.
n est vrai; mais, après cela, vous verrez qu*il fSût des
merveilles.
VAliCRX.
Comment s'appelle-t-il?
MARTINE.
Il s'appelle Sganarelle ; mais il est aisé à connoître :
c'est un homme qui a une large barbe noire*, et qui porte
one fraise, avec un habit jaune et vert.
1. Si,..» jiriâtoteli (eredimiu), nulium magnmm ingenUun tùu mixturm
iemuÊtim Juii. (Séaèqne, de la Tranquillité de Pdmê, ren la fin du demi»
diapitre : Toja Arûtote, dans les Problèmes , leetion xzx, quattlon I.)
». Pas iboat. (1673, 74, 8a, 1734.)
3. Cette large harbe (non plus que celle qu'Orgon portait sans doute i
rantiqne : 10 jet le Ters 474 du Tartuffe) ne pourrait s'entendre d'une barbe
entière, dn moina si Ton s*en rapporte aux grarures de 1667 et de 168a :
daas la wconde, Sganarelle, en Cigotier, a seulement d^épaisses monstaebes,
nbatUMS et étalées aux coins de la bouche, ainsi fort différentes des très-
fiaca et eoartea moustaches, séparées sous le nez, que les gens de la TÎlle
ra-dcasua de la lèvre; dans la première, qui ne montre pas le
que décrit Martine, maia k Sganarelle médecin du III* acte, sea
et sa mouche ne semblent plus rien avoir de rustique.
5a LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
LUCAS.
Un habit jaune et vart! C'est donc le médecm des
paroquets^?
VALÈRX.
Mais est-il bien vrai qu'il soit si habile* que vous le
dites?
MÀETIirB.
Comment? Cest un homme qui fait des miracles. Il y
a six mois qu'une femme fut abandonnée de tous les
antres médecins : on la tenoit morte il y avoit déjà six
heures, et Ton se disposoit à l'ensevelir, lorsqu'on y fit
venir de force l'homme dont nous parlons. Il lui mit,
l'ayant vue, une petite goutte de je ne sais quoi dans la
bouche, et, dans le même instant, elle se leva de son lit,
et se mit aussitôt à se promener dans sa chambre ,
comme si de rien n'eût été,
LUCAS.
Ah!
VALÂRB.
n falloit que ce f&t quelque goutte d'or potable'.
MARTINE.
Cela pourroit bien être. Il n'y a pas trois semaines
I. Uahalnt jauw et ▼ert!... des parroqoets?(i6Sa.)** ^^*'''*** ^^P*~
roqnots? (169a, g4B.)
9. Aiun habile. (1730, 34.)
3. L*or poUble, dit M. Littxé (àOi, i5*)t Mt « on liquide hnUeia eC alcoo-
lique qu*on obtient en venant une huile Tolatile dans une diuolution de ehlo-
rare d^or, et qu*on regardait autrefois comme un eordial et un élizir de aantc. »
11 y en avait divertet recettes; on peut roir celle que donne Furetière, repro-
duite an tome IV des Lettres de Mme de Sévigné (p. 509, note aa), et pluaicort
autres dans la Pharmacopée royale^ gaUnique et ekjrmique de Moyse Charas
(1753)1 p. 914-91 7. Ce remède était sans doute fort en crédit dans ce teiii|»e4i.
« Quel plaisir j*aurois..., écrirait Mlle des Jardins en STril 1667*, si votre
mMecin tous ordonnoit Bruxelles [oU elle était) comme on ordonne l'naage
de Ter potable! » Mme de Se vigne en parle plusieurs fois, en 1676 et 1677
(tomes IV, p. 509, et V, p. 33 1, 357, 373).
• Page 17 d*aB lUeueil de quelques lettres ou relatùms galantes publié par
elle, es 1S6S, ehea Barliin, qui Ta dédié à MUe de « Sévigny >.
ACTE 1, SCÈNE IV. ' 53
encore cpi^an jeune enfant de douze ans tomba du haut
dn doeher en bas, et se brisa, sur le pavé, la tète, les
bras et les jambes. On n y eut pas plus tôt amené notre
homme, qu'il le frotta par tout le corps d*un certain
onguent qu'il sait faire ; et Tenfant aussitôt se leva sur
ses pieds, et courut jouer à la fossette ^.
LUCAS.
Ah!
VALÈRE.
Il fisiut que cet homme-là ait la médecine universelle '.
MARTINE.
Qui en doute?
LUCAS.
Testigué*! velà^ justement Tbomme qu'il nous faut.
Allons vite le charcher.
VALÂRB.
Nous vous remercions* du plaisir que vous nous
faites.
MARTINE.
Mais souvenez-vous bien au moins de l'avertissement
que je vous ai donné.
LUCAS.
Eh, morguenne! laissez* nous faire: s'il ne tient qu'à
battre, la vache est à nous*.
I. An jea et billet qa^tajonrdliuî, à Parit, les enbnU appeOent la bioquêtte,
— lioM «k Sérigné a plof d^mia fou fait alloaion à ce paaaag« ; pour donner Tidée
4e pcraonnos nMrTeUlonaement TÎte giiériot et remises tar pied, elle dit qn>Uet
lent aOéet on iront bientôt yoner à la fostetief ainsi, an 17 janner 1680
(tome VI, p. 19S) : « Monsieur de Saint-Omer a été è tonte extrémité... ; le mé-
dedn anglois.... avee son remède.,., Ta ressuscité, et dans trois jonrs il joaera
i la fowstte. » Voyes eneore tome IV de ses Lettres^ p. 5 1 S, et tome IX, p. 3o.
3. Ait troorë quelque panacée, possède le remède unÎTersel.
3. Testegné! {i6Sa, 97, 1710, 18.* — Téteguél (1730, 33, 34.)
4. VU. (1734.)
5. Nous TOflf xemardons (1689; faute éridente, Valére ne parlant point
paysan ; die n*a pas été reproduite dans les éditions suiTantes.}
& S'il ne tient qu'à cela, va, la racbe est à nona,
dit leiells à Pliflipin, dans la scène i de Facte ID de C Amant ituHêfrei ou U
64 LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
VÀLiRB^
Nous sommet bien heureux d aycnr fait oette renoon-
tre; et j*en conçois, pour moi, la meilleure eq)énuioe
du monde.
SCÈNE V.
SGANARELLE, VALÈRE, LUCAS.
SGANAEELLB entre sur le théâtre en ehanUnt et tenant
ane bontdlle*.
La, la, la.
VALÈRB.
J^entends quelqu^un qui chante, et qui coupe du
bois.
sganarelle'.
La, la, la.... Ma foi, c'est assez travaillé pour un
Heure étourdi^ la teeonde eomédM de Quinaait, jouée en i654, imprimée
■Ba apKi«. — Dana le fabliaa da FUain mire (yert i6o-t64 : voyei la iValMa,
p. lo), à la dame, qui Tient de dire que ion mari
.... eat de telle nature,
Qa*il ne feroit por nuloi rien,
S*ainçoia (si itabord) ne le battoit-on bien,
les maaiigflri dn Roi répondent :
.... Or i parra :
Je por battre ne remaindra ;
« c^ett ee que nom allons toît : s*il n'y a qn*à battre, qa*à cela ne tienne. •
1. VAiiÂi, à lAteas, (1734.)
2. SCÈNE VI.
SCAKARELLE, TALERE, LUCAS.
SoABARaLLi, ehantant derrière le théâtre, {Ibidem,)
3. SoênanKLLC, entrant sur le théâtre avec une bouteille k sa mmiti^ seuu
apercevoir Falère ni Lucas, [Ibidem»)
* Et non pas seulement en 1664. Plus beureux que ne Tavait été M.Fonmel,
et que nous ne Tarons été lors de Timpression de notre tome V (voyea la note a
de la page SaQ). nous Tenons de Toir Tédition originale de cette pièce : elle
porte un Acberé d*imprimer pour la première fuis daté du a6 juin i656.
ACTE I, S CÈNE V. 5S
oonp^ Prenons nn peu d^haleine. (n boh, et dit tprèi avoir
bu*:) Voilà du bois qui est salé' comme tous les
diables. ^
QuiU sont doux y
Bouteille jolie^
Quils sont doux
Vos petits glou-gloux !
Meus mon sort feroit bien des jaloux ^
Si iH>us étiez toujours remplie.
Ah! bouteille^ ma mie^
Pourquoi pous puidez-vous^ ?
I. Poor hoirs im eoap. (1673, 74* Sa* 1734.) '
s. Da peu d*baleiiie. Aprh avoir bm, (17 34.)
3. Ce bois iali ett anssi henreax poor le moins que le dormir talé de Gar-
gantas (livre I, chapitre xsn, tome 1, p. 84) : « De ma natore je dora talé, et le
dormir m*B vain autant de jambon. » M. de Paraeral rappelle à propoa ee pas-
ngc de Rabelaii * ; Aoger TaTait toot k fcit oabKé et die leulement l'emploi
i|B*eB a fort adroitement fiiit Desmarres, dans nne petite eooaédie intitulée la
îkagoRue on Merlin Dragon et représentée stm quelque sueeès en 1686*; le
valet Hertin, traresti en eapitaioe de dragons, y chanle (seèae dernière) :
En me réTetllent, je reux toujours boire :
Pour moi, je crois qne je dor' salé.
4. Il chante, (l734.)
5. L*air for lequel Molière chanta cette jolie chanson, et qu'il avait sans
doote demandé à Lnllj, ne s*est point perdu ; il fait bien Tsloir les paroles, et
est du succès auprès des amateurs dn temps; il figure, pour servir h des
eoapletu nouveaux, mais désigné par les premiers vers du couplet original,
daas la Clef des chansonniers ^ recueil de vaudevilles célèbres publié, en 1717,
par Ballafd, Péditeur de LaIIj et « seul imprimeur du Rot pour la musique ; »
il a été noté, avec les mêmes vers poor titre et avec quelques changements
<|v*expUqtte sa popobrité même (jamais air ainsi adopté par le public ne se
tnasmet bien fidèlement), en tête d'une des Chansons critiques et historiques
foif réunies autrefois en six rolumes pour un grand seigneur, se trouvent
*etaelleaient à la bibliothèqne de la Sorbonne (tome II, n* la, des Msnuscriti
itténires grand io>folio, ^ lOi r*) ; enfin il se Ht, avec d'autres différences, mais
«oe attribation expresse à Lolljr, dans on volnme fort rare, puUié en 17^,
el iatitalé Recueil compUi de vaudevilles et airs choisis qui ont été chantés à la
* Psge 391, note i, de l'article eité pins haut, p. 38, note a,
^ Cette piêee, l'unique de son auteur, a été imprimée au tome YIII (173?^
<la Théâtre Jrameeiê on /teeaei/ des meilleures pièces du théâtre,- les frères
P^Haict en parlent dans leur tome XIII, p. 18.
56 LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
AUonst morbleu ! il ne faut point engendrer de méian*
colle*
Comedsâ'FraMeoise depuis Vannée i65gjmsqu*à Pannéê préteniê iy$3f omc ies
date* de ioutet les années et le nom des auteurs •• On trouven d-aprèi, i
*Appeiidioe, p. lai et laa, cette vieille musique ; pcnoime n^en iruit veme
doute plut gardé lonTeiiir, lonque M. Pr. Régnier , au tempg où il joaait ee
rôle de Sgenarelle, composa lui-même un air, qui ne t'est pat tronvé tans
retsembtance avec celui.de Lully. — Au sujet de cette chanton, lit-on dana le
Mercure de France de déeembre 1739 (I*' volume, p. 2094 et aogS)» « il 7 n
une anecdote assex plaisante.... M. Rose^, de PAeadémie françoite et seciAlnire
d n cabinet du Roi, fit det paroles latinet tur cet air, d'abord poor te divertir,
et ensuite pour faire une petite malice à Molière, à qui il reprocha, ches le
duc de Montautier, d*étre plagiaire, ce qui donna lien à une fort viTe et fort
plaisante dispute; M. Rose soutenoit, en chantant les parolet latinet* qne
Molière les avoit traduites en françois d'une épigrarome latine, imitée de
V Anthologie ^ ^ dont Pair en question semble fiiit exprès'. Yolci cet parolet :
Quam dulceSi
Amphora amœna ,
Quam dulees
Sunt lum vœes f
Dum/undis merum in calices ^
Utinam semper esses plena /
Ah! ah! cara tnca lagena^
F'acua curjaces? >
Ce récit a patte tel quel dant la Kotice det frères Parfaict (tome X, 1747»
p. ia3, note) et dans les Récréations littéraires de Cîzeron Rival (1765,
p. aa et a3) ; d'Alembert en a donné, dant son Éloge du président Rose •,
une répétition pint élégante, mais sans raccréditer beaucoup par la ma-
nière dont i) en a tourné la fin. « La latinité, dit-i), avoit asses le goAt
antique pour en imposer aux plus fins coonoisseurs en ce genre ; Ménage et
la Monnoye y eussent été trompés : aussi Molière resta confondu. » Cette
histoire, évidemment arrangée à plaisir, nVst peut-^tre pas toute d*inven-
tion, mais il est bien impossible d*en admettre toutes les circonstancet. Que
Molière, querellé par ce personnage sur Poriginalité de sa chanson, fût entré de
• Nous devont à Tobligeance de M. Monval, archivitte de la Comédie^Fm-
çaise, d*avoir pu prendre connaissance de ce recueil^ dont il conserve un esem-
plaire, peut-être unique.
^ VoyeiSj tome II, p. 4aa et 4a3, de Téditionde 1873, le portrait qu*a fait
de lui Saint-Simon : il mourut vieux en 1701.
^ De Panthologie grecque, ainsi du moins que Ta entendu d^Alembert à
Tendritit qne nous allons citer.
' Le sens est évident, mais Texpiestion peu dtirei dont pent équivaloir ici
k iToà, itaprès laquelle épigramme : « Tair en qnettion temble fisit exprès
d'après oette épigramme, en procéder, en dériver ; • ce qui revient à dire :
« une épigramme latine...» pour laquelle on dirait qne œt air » été ezpr«a-
sèment composé. »
* Voyez V Histoire des membres de V Académie fianooise morts depede 1700
jusqu*en 177 1..., tome 1 (1779)* p. 5oo et 5oi,
ACTE I, SCÈNE Y. 5?
VÀLÂRB^
Le voilà lai-même.
LUCAS '.
Je pense que vous dites vrai, et que j'avons boute le
nez dessus.
VÀLÈRE.
Voyons de près»
SGÀNARELLS, les aperotrant, Im regarde en ee toamant rtn l'an
et pois Ycn Tantre, et abaisaant aa ^oix, dit :
Ah! ma petite friponne! qae je t*aime, mon petit
bouchon ^!
borne griee daHs la plaiMiiterie, que m gardant de confondre trop tôt ion
jq^rial aeciiMtear« il tût d*abord joué rembarras, ceb n'aurait rien d^inTraiaem*
blabk ; maU eomment anrait-il pn éprouTer une vraie tarprite? D^aiUeiir*,
pear réconner on moment par ce Ceint reproche de plagiat, peu importait
rige,' Tongine et le plus on moins pur latin du modèle qu'on produisait,
cl ee B^est pas le président Rose, un homme « de beanconp de lettres, • au
dire de Saint-Simon, qni eût parlé ici d'épigramme antique on imitée de l*an-
tiqwi le couplet, par sa forme, n*est rieu moins qu'on tel pastîdie; fl est,
coBine le dit Aager, « mesuré et rimé à la manière des proses qui se chantent
i rêgfise. » Il n*e*t pas moins dtilficile de croire que le président prononçât
le latin de façon à s'imaginer que sa traduction pût s'adapter à Tair tel que
MoGère le diantait : entre les accents de ses mots latins et ceux des notes,
presque tonte eorrespondanee était rompue. Ce qni ne reut paa dire qu'il ne
r^aisit point k accorder ces deux rbythmes qui se contrariaient; mais, bien loin
qns Pair e&t été fait d'après la prétendue épigramme, c'est le mystificateur,
■MÛH ciaet mnaieien que bon latiniste, qui, en introduisant d'inslinet qodques
variaales dana cet air, l'accommoda i ses paroles latines, sans beaoeoup se
^kntter qu'il l'altérait. — Du tendre reproche qu'expriment les derniers vers,
Cailhara a Tooln rapprocher* cette espèce d'inTOcation plutôt que couplet de
chanson qne« dans la VemM de Larirey (i579), P>^nonce une rieille iTrognetse,
et qni ne «ort gnère de la prose du reste de la comédie (acte II, scène n) :
■ Ounuonm. Je le feux d'abord beneistre (Miir, le nn qu'slU ¥a Aotre) :
Ma bouteille, si la sayeur
De ce rin répond à l'odeur.
Je prie Dieu et sainte Hélène
Qu'ils te maintiennent toujours pleine. •
I. VuAna, bas^ à Lmeas, (1734.) — a. Lues», has^ à fmlère, {Ibidem,)
3. SttAxauixB, embrasMoiU sa htmtêiUe, (Ibidem.)
4. Sur ee • nom ém eajoletie », royes an rers 769 de CÉeoU dss maris ^
9 Page 1 54 de se» Éimdês sur Molièrs,
SS LE BiÉDICIN MALGRÉ LUL
.... Mon sort..». feroU.... bien des.... Jaloux ^
Si. • • •
Que diable' ! à qui en veulent ces gens-là ?
VÂLÈRB*.
C^est lui assurément.
LUCAS.
Le velà* tout craché comme on nous l'a défiguré*
SGAHARBLLB, k part.
(Id il poM M bonuUle* à terre, et Ytlêre ee baÎMant poar le niaer, eooune
il croit que c'est à deiaein de U prendre, il la met de l'autre dVté; «braite
de quoi, Lucat faisant la même chose, il la reprend, et la tient contre son
estomac, stcc divers gestes qoi font un grand jeu de théâtre*.)
Us consultent en me regardant. Quel dessein auroient-
ils?
VALéaB.
Monsieur, n'est-ce pas vous qui vous appelez Sgana-
relle?
SGANARBLLB.
Eh quoi?
VALCRE.
Je vous demande si ce n'est pas vous qui se nomme
Sganarelle*.
SGANARBLLE, se toarnant Tcrs Valëre, pois Ters Lacas.
Oui et non, selon ce que vous lui voulez.
CMne II, p. 4lO, note 3, et comparez, tome III, p. 267, la Tm de la note sur
e Ters l5g5 de CÉcoU des femmes.
I. // ekanU. Mais mon sort,... Apercevant yalère et Lucas tjui Cexeuni-
Hent, il baisse la voix.,,, feroit bien.... de« jalutix, si.... Voyant qtCon
examine de plus près. Que diable! (1734.)
a. VaiArb, à Loeas, (Ibidem,)
3. Lucas, k Falire, lIb vlà. {Ibidem.)
4. La bomteilte. (1673, 74, Si.)
5. Sganarelle pote la bouteilie à terre,... de l'autre coté,' Luc^ts faisant
a mima chose ^me f^alate^ Sganarelle reprend sa pouteille, et,.^. avec divers
gestes qui font un jeu de théâtre. — SttâiiARBiJ.r, à part, (1734.) ^
6. Nous avons tronvé nne construction analogue, dans les Ter» 945 du Dépit ^
amsoureux et 68 de Sganarelle, On peut remarquer que Valère vient de dirr
autrement la première fois : « IS 'est-ce pas voaii qui tous appelés...? »
ACTE I, SCENE Y. S9
vàlAbb.
Nous ne Tooions que lui faire toutes les oÎTililés que
nous pourrons.
SGANABBLLB.
En ce cas, c^est moi qui se nomme Sganarelle.
VALÂBB.
Monsieur, nous sommes ravis de tous voir. On nous
a adressés à vous pour ce que nous cherchons ; et nous
venons implorer votre aide, dont nous avons besoin.
SGANARBLLE.
Si c^est quelque chose. Messieurs, qui dépende de
mon petit négoce, je suis tout prêt à vous rendre ser-
vice.
VALERB.
Monsieur, c'est trop de grâce que vous nous faites.
Mais, Monsieur, couvrez- vous, s*il vous plait; le soleil
pourroit vous incommoder.
LUCAS.
Monsieu, boutez dessus^.
SGANARELLE, bat*.
Voici des gens bien pleins de cérémoaie.
VALÂRE.
Monsieur, il ne fiiut pas trouver étrange que nous
venions à vous : les habiles gens sont toujours recher*
chés, et nous sommes instruits de votre capacité.
I. On a TU (tome IV, p. 18) aa Sgananlla citadia dire din« le nuéma taaa :
« Mettes deasos. » Une formule populaire an peu plus ancienne était « Boutes
ma; • TaOemaat dea Héauz la donne dans aon hiatoriette du due de Goiae *,
pctifr-fib du Balafré (tome V, p. 34o) : « A propoa de aa dvilité, on dit qo'un
«avetier qu'il aaloa (car, par «ne tradition de aa Camille, il aalue rolontiera)
Uâ dit : m Bontés ans, boutes ans : ce n*eat plua le tempa, » roulant dire qu'il
a*j aroit pina lieu de faire une ligue. •
^ 9. C^te indication n*eat paa dana l'édition de 1683. — SoàJiiLBiLLS« à part.
%'oiei, de // te tfimrê, (i734.)
lî q« figura, un mota avant aa mort, dans- les earalcadea de Cite
mmekmmtiê : Toyes tome IV, p. 1 13 et note a.
6o LB MÉDECIN MALGRÉ LUI.
SGAJIAMBLLS.
Il est Trai, Mesnears, que je mis le premier homme
du monde pour ikire des fagots.
VALiBB.
Ah! Monsieur....
SGANÀBBLLB.
Je n'y épargne aucune chose, et les fais dVne façor
qu'il n*y a rien à Aire*.
VALÂRB.
Monsieur, ce n*est pas cela dont il est question.
SGANÀBBLLB.
Mais aussi je les vends cent dix sols le cent.
VALÈBB.
Ne parlons point de cela, s'il vous plaît.
SGANABBLLB.
Je vous promets que je ne saurais les donner à
moins.
VALÂBB.
Monsieur, nous savons les choses.
SGANABBLLB.
Si vous savez les choses, vous savez que je les vends
cela.
VALÂRE.
Monsieur, c^est se moquer que....
SGANABBLLB.
Je ne me moque point, je n'en pm's rien rabattre.
VALÂRB.
Parlons d^autre façon, de grâce. '
SGANABBLLB.
Vous en pourrez trouver autre part à moins : il y a
fagots et fagots; mais pour ceux que je fais....
VALÈRE.
Eh! Monsieur, laissons là ce discours.
I. Riea h radire. (i73o, 33, 34.)
ACTE I, SCÈNE Y. 6t
•GAHARSLLB.
Je VOUS jure que vous ne les auriez pes, a*il a*en fUDoit
andoable*.
Ehfi!
SGAHAUnXB.
NoD, en conflcience^ toos en payerez cela. Je voua
parie sinoèrementt et ne auis paa homme à anrfaire.
vàlArb.
Faauily Monsieur, qu*une personne comme vous
8*ainti8e i ces grossières feintes ? s'abaisse i parler de la
soite? qu'un homme si savant, un fameux médecin,
eomme vous êtes, veuille se déguiser aux yeux du
monde, et tenir enterrés les beaux talents qu'il a ?
SGÀNÀRBLLB, k part.
D est fou.
VALias.
De grâce. Monsieur, ne dissimulez point avec nous.
SGAHÀRXIXB.
Gomment?
LUCAS.
Tout ce tripotage ne sart de rian'; je savons çen
que' je savons \
SGANARBLLB.
Qaoi donc? que me voulez-vous dire*? Pour qui me
prenez- vous?
VALBRB.
Pour ce que vous êtes, pour un grand médecin.
!• DtÊX dflMn, iMMiit d*iiii quart d« toia : Toyes aa Tvn i548 de PÉeolê
^fimmgi, toane m, p. sS4, «ota 3.
a. Na iàst de riaa. (1697, 1710, 18, 3o, 33.)
3. ÇVa qoa, «mc eédUU eomme dmu PétUtûm miginaU. (1694B, 1784.)
4* Cacta Iiçob de parler populaire t'eat déjà raBeovtrfte daaa la booehe de
%—wefla : tojcs eî-defaaa, p. 37 et note s.
S. Qm foalaa^rooa dite? (iSSs, 97, 1710, 18. 3o, 33, 34.)
64 LE MÉDECIN MALGRÂ LUI.
LUCA8.
A quoi bon nous bailler la peine de vous battre ?
VALÂRB.
Je vous assure que j*en ai tous les regrets du
monde.
LUCAS.
Par ma figuéM j'en sis facbé, franchement.
SGANAR1CLLE.
Que diable est-ce ci', Messieurs? De grâce, est-ce
pour rire, ou si tous deux vous extravaguez, de vouloir
que je sois médecin?
VALÈRE.
Quoi? vous ne vous rendez pas encore, et vous vous
défendez d'être médecin ?
SGANARELLE.
Diable emporte* si je le suis!
LUCAS.
U n'est pas vrai qu'ous ^ sayez médecin ?
SGANARELLE.
Non, la peste m'étouffe! (Là il rteommenoe de le battre'.)
Ab! ah! Eh bien', Messieurs, oui, puisque vous le
voulez, je suis médecin, je suis médecin; apothicaire
encore, si vous le trouvez bon. J'aime mieux consentir
à tout que de me faire assommer.
I . Voilà encore, ici et on pea plus loin, ane éeritore nouTolle de Peffirma-
tion patoÎM dont on a tu, tome V, p. 106 et notes 7 et 8, une aites grande
variété de formes.
a. Est-'Oeci dana l'édition originale et dans celles de 1675 A, 84 A, 93,
1718. — Est-ce-cL (1673, 74, 82, 97, 17 10, 3o, 33, 34.) — Est ceci. (1694 B
1773.) Voyez d-dessus, p. 41, note 4.
3. Voyez ei-aprés, p. 65, et p. 98 et note t.
4. Qu'toos. (168a, 97, 1710, 18, 3o, 33.) — Qoe tous. (1734.)
5. Là Us recommencent de le battre. (1673, 74, 8a.) — Ile reeommtmeeH
à le battre, (1734.)
6. Et bien. (1667.) — Hé bien. (1673, 74, 82, 1734.)
ACTE I, SCÈNB Y. 65
Ah! voilà qui va bien. Monsieur : je suis ravi de
TOUS voir raisonnable.
LUCAS.
Vous me boutez la joie au cœur, quand je vous voi
parler comme ça.
valAhs.
Je vous demande pardon de toute mon âme.
LUCAS.
Je vous demandons excuse de la libarté que j*avous
prise.
SGANAHBLLB, à part.
Ouais ! seroit-ce bien moi qui me tromperois, et se-
rois*je devenu médecin, sans m'en être aperçu ?
VALÂRB.
Monsieur, vous ne vous repentirez pas de nous mon-
trer ce que vous êtes ; et vous verrez assurément que
vous en serez satisfait.
SGANAaELLB.
Mais, Messieurs, dites-moi, ne vous trompez- vous
point vous-mêmes ? Est-il bien assuré que je sois mé-
decin?
LUCAS.
Oui, par ma figue !
SGANARBLLE.
Tout de bon ?
VALiHB.
Sans doute.
SGAHABBLLB.
Diable emporte si je le savois !
valArb.
G>niment ? vous êtes le plus habile médecin du
monde.
BGANARBLLB.
Ah! ah!
Mouiam. ti S
66 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
LUCAS.
Un médecin qui a gari^ je ne sai combien de mak-
dies.
SGANAaiLLB*
Tudieu !
VALÂRS.
Une femme étoit tenue pour morte il y avoit six
heures ; elle étoit prête à ensevelir, lorsque, avec une
goutte de quelque chose, vous la fîtes revenir et mar-
cher d'abord par la chambre.
S6ANÂRELLB.
Peste !
LUCAS.
Un petit enfant de douze ans se laissit choir du haut
d'un clocher, de quoi il eut la tête, les jambes et les
bras cassés ; et vous, avec je ne sai quel onguent, vous
fîtes qu'aussitôt il se relevit sur ses pieds, et s'en fut
jouer à la fossette.
SGANARBLLE.
Diantre !
VALERE.
Enfin, Monsieur, vous aurez contentement avec
nous ; et vous gagnerez ce que vous voudrez, en vous
laissant conduire où nous prétendons vous mener.
SGANARBLLE.
Je gagnerai ce que je voudrai ?
VALÈRB.
Oui.
S6A1TARBLLB.
Ah ! je suis médecin, sans contredit : je Tavois oublié ;
mais je m'en ressouviens. De quoi est-il question ? Où
faut-il se transporter ?
1. L'ortho^phe de Tédîtioii originale est ici gmari\ plot bM, p. 68, gtirii
p. 70, g»rii\ p. 100, gmrir, — Qui a guéri. (iSSa, 97, 1730.)
ACTE I, SCÂNE V. 67
VALÂRB.
Nous TOUS conduirons. Il est question d'aller voir une
fille qui a perdu la parole.
SGAHARELLB.
Ma foi ! je ne Tai pas trouvée.
VALÈRB.
Q aime à rire. Allons*, Monsieur.
SGAHARBLLB.
Sans une robe de médecin ?
VALERB.
Nous en prendrons une.
SGANARBLLB) prétenUnt sa boateiile à Yalèro.
Tenez cela, vous : voilà où je mets mes juleps*.
(Puu ae toumiBt Ton Ltwat en enehaiit.)
Tous, marchez là-dessus, par ordonnance du méde-
cin.
LUCAS*.
Palsanguenne ! velà^ un médecin qui me plaît ; je
pense qu*il réussira, car il est bouffon*.
I. làMàaM, Bas^ à Lmeas. U aime à rira. A SgmmireiU. AUont. (1734.)
a. Sur la pronoacUtion du mot, fojet tome V, p. 3^9, nota a.
3. Tuias. (1673, 74, Sa, ga, 97, 1730.) Les terme» de patoû rustique:
'hkaagamaiel rdà, » ne t'accordeiit pat avec oe cban^aoïent de perton-
>afe; amii Téditîaa de 1730, qui a reproduit eette faute, a-t"-eUe remplacé
4. Tlà. (1734.)
5. Oa peat croire que eea deraiert mots étaient k double entente et iaits
psorctrelaneéa aux apeetateurs, comme une sorte étplaudiu^ auquel Molière
^tiît bien wàt qa*i]a seraient déjà tout disposés à répondre joyeusement. —
^ aae antiv întarprétation, qui est eelle d*Aimé-]M[artin, lequel voit là un
vcpiw^ de la firoidcor avec laqndle rensit d*étre reçu U Mùanikrope, yo jea
la I^hiiee^ p. 3 et 4.
FIN nu PREMIER ACTE.
68 LE MEDECIN MALGRÉ LUI.
ACTE IV.
SCÈNE PREMIÈRE.
GÉRONTE, VALÈRE, LUCAS, JACQUELINE.
VALÈHB.
Oui, Monsieur, je crois que vous serez satisfait ; et
nous vous avons amené le plus grand médecin du
monde.
LUCAS.
Oh ! morguenne ! il faut tirer Téchelle après ceti-là,
et tous les autres ne sont pas daignes de li déchausser
ses souillez.
VALiEB.
C'est un homme qui a fait des cures^merveilleuses.
LUCAS.
Qui a gari des gens qui estiants^ morts.
VALÂRB.
Il est un peu capricieux, comme je vous ai dit ; et
parfois il a des moments où son esprit s'échappe et
ne paroit pas ce qu'il est.
LUCAS.
Oui, il aime à bouffonner ; et Tan diroit par fois, ne
v's en déplaise, qu'il a quelque petit cdup de hadie à
la tête •.
I. Le théâtre doit repritenter, eomme le dit.Aoger, âne rhambr» de la
maison de Géronte.
a. Ettiant. (1674. 8a, 97.} — Étiant. (1692, 1710, 18, 3o, 33, 34.)
3. La location ordinaire, aajonrd^lrai du moins, est : « avoir un petit eonp
de marteau. » Le eomp de kaekê allait mieox an bdeheron.
AGTB II « SCÈNB I. 69
yalArb.
Mais, dans le fond, il est toute science S et bien sou-
vent il dit des choses tout à fait relevées.
LUCAS.
Quand il s^y boute, il parle tout fin drait* comme s*il
lîsoit dans un livre.
VALÈRE.
Sa réputation s'est déjà répandue ici, et tout le monde
vient à lui.
GBRONTB.
Je meors d*envie de le voir ; fiiites-le-moi vite venir.
VALias.
Je le vais quérir. *
JACQUBLINB.
Par ma fi ! Monsieu, ceti-ci fera justement ce qu*ant
fait les autres. Je pense que ce sera queussi queumi * ;
et la meilleure médeçaine que Tan pourroit bailler à
votre fille, ce seroit, selon moi, un biau et bon mari,
pour qui elle eût' de Tamiquié*.
GÉRONTB.
Ooais ! Nourrice, ma mie, vous vous mêlez de bien
des choses.
I. TiMt iwawe, (1675 A, S4 A, 94 B, 1718, me partie du dng* de 1734,
et 1773.)
a. Compam tome V, p. 101 et ]o3, et Toyes la note a de la page iM.
3' SCÈNE IL
oiaOBTB, JAGQUSLnm, LUCAS. (>734-}
4. TcMt à lait de même. CoTÎelle, daoa k aeène z de Taete 01 da BourgeoU
i^iitkammg^ eauploie queuêsi quemmi aa lena de : « J*eii dis aatant ; prenda
qv j*ea ai dit autant. » M. littrè, daaa los Dictionnaire^ rapproche cette
l<«BtioB de raMies aaglaia A« m« Aa iAm.
5. Aile eAt. (1773.)
6. Groa-Reofé dit la même ehoM è Gorgibns, daat la aeène m du MeJsei»
''^Uni : rojm, tome 1, p. 56 et 5;, et la note i de cette dernière page. «-
I' J a iei amiqmê, maia, plus loin, p. 7^, amiqmU^ dans tontea nos éditions*
«■f dans rédilioa de 1693, qui a la pramièra fois amitié^ et dans celle
^ 1734, qoi a, ici et plna bas, mmifmic.
70 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
LUCA».
Taisez* VOUS, notre ménagère^ Jaquelaine : ce n*est
pas à vous à bouter là votre nez.
JACQUELINE.
Je vous dis et vous douze* que tous ces médecins ny
feront rian que de Tiau claire ; que votre fille a besoin
d'autre chose que de ribarbe et de séné, et qu'un mari
est une emplâtre' qui garit tous les maux des filles.
GSRONTS.
Est-elle en état maintenant qu'on s'en voulût char
ger, avec l'infirmité qu'elle a ? Et lorsque j'ai été dans
le dessein de la marier, ne s'est-elle pas opposée à mes
volontés ?
JACQUBUIIE,
Je le crois bian* : vous li vouilliez bailler cun homme'
t . Hinagère. (1734.) -~ Gareou appelle ■uni la défunte femme sa mJmigére,
et da même nom de Jaquelaine^ dans la dernière scène du Pédani jomè,
a. Le caleroboor rustique dont se sert ici Jacqueline pour redoubler son
affirmation (eomme si dis était le nombre dix sur leqnel douze reBchénrait)
parait avoir été du langage courant entre TiUageois*. Il avait déjà été employé,
en 1649* par Tauteur de la Suite de P Agréable eonjërenee de deux pa jeans
de Saint^Ouen et de Mcntmorency; on y fait ainsi pnrler Tnn des interlocu-
teurs (p. 5) : < Ony, je tou le di et von le douae quan y mange (9»*<m jr
mange^ et cela en earême) de la ché {ehair)^ de la n»ulaye (volaille) et dé
reux (des 9ufs) qneme [comme) en cbamage. »
3. Un emplAtre. (1674, 8a, 1734.) — « Le genre i^emflàtre^ dit M. Littré,
a été longtemps in écis entre le genre du latin et la terminaison féminine ; • et
il fait remarquer qu^en 1713 encore Hamilton £>isait le mot féminin (Mémoires
de la vie du comte de Grammont^ cbapitre Tu, p. 167, de Tédition originale,
1713) : Milord Arlington« aToit une cicatrice au travers du nex, que oouirroit
une longue mouche, ou, pour mieux dire, une petite emplAtre en losange; » et
un peu plus loin : « cette emplAtre.... * Voyez le Lexique de Baciae*
4. Bien. (1675 A, 8a, 84 A, 94B, 97, 1780.)
5. Eun bomroe. (1673, 74, 8a, 1734, 73.) — Un bomme. (Une partie du
tirage de 1734.) -— Ce c devant un représente qu* : « vous ne lui voulies bailler
* 11 n*en est pas de même de certains quolibets^ peut-être du cru de Tau-
tenr, et assez mal amenés par lui, dont Cyrano Bergerac a farci les longs
narrés de son paysan Gareau, de celui-ci par exemple (scène dernière, p. 164) •
• Or un jour qu'il plut tant : « Jaquelaine, ee Fy fis-je tout en gauaaant, il
« fait cette nuit clair de Teune, il fera demain clair de Tantre. »
ACTE II, SCENE I. 71
qu^aUe n^aime point. Que ne preniais-vous ce Mon-
sien liandre, qui li touchoit au cœur ? Aile anroit été
fort obéissante ; et je m*en vas gager qu'il la prendroit,
li, comme aile est, si vous la li vouillais donner.
G^ROIfTB.
Ce Léandre n^est pas ce qu'il lui faut : il n*a pas du
bien comme Tantre.
JAGQDKUHS.
Il a ^ un onole^ qui est si ricbe, dont il est hériquié.
OBROHTB.
Tous ces biens à venir me semblent autant de chan-
sons. Il n'est rien tel que ce qu'on tient ; et l'on court
grand risque de s'abuser, lorsque l'on compte sur le
bien qu'un autre vous garde. La mort n'a pas toujours
les oreilles ouvertes aux vœux et aux prières de Mes-
sieurs les héritiers ; et l'on a le temps d'avoir les dents
longues*, lorsqu'on attend, pour vivre, le trépas de
quelqu'un.
lÂCQUELINE.
Enfin j'ai toujours ouï dire qu'en mariage, comme
ailleurs, contentement passe richesse. Les bères* et les
mères ant cette maudite couteume ' de demander tou-
fp'aa hoBUDe...; > Lucas dit de même, è la fin de la «eène, ci-après, p. 79*
en soppiimant également le ms devant le rtthe : « T*es cmw impartînante. •
I. n 7 a. (1697, 1710, iS.) — 9. Bon onele. (1673, 74, Sa, 1734.)
3. Apoir long tient, avoir faim, était nne location antée dès le qaatornême
nMie et pent-étre plos tôt. M. Littré en donne cet exemple, de la Chronique
4e Bertratid dm Guesclin par Cavalier* (vert 1 1 386-1 1 388) :
If e paeent plat daré, car cliascan a lonc dent ;
Par rage de famine, qai si fort les sousprent,
Voldront livrer bataille tost et incontinent.
4. Les pênes. (1673, 74, 8^, 84 A, 94 B, 1734.)
5. Ont eette mandate cootome. (1734.)
* Pabliée par M. E. Oiarrière dans la Coileetion de iocumenU inédits sur
Fkitteire de Fnmee (1839).
71 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
jours : « Qa'a-t-il ?» et : « Qa'a*t-elie ?» et le com-
père Biarre^ a marié sa fille Sîmonette au gros Thomas
pour un quarquié de vaigue qu'il avoit dayantage que
le jeune Robin, oà aile avoit bouté son amiquié ; et
velà que la pauvre creiature* en est devenue jaune
comme un coing', et n*a point profité tout depuis ce
temps-là. C'est un bel exemple pour vous, Monsîeu. On
n'a que son plaisir en ce monde ; et j'aimeroîs mieux
bailler à ma fille un bon mari* qui li fût agriable*, que
toutes les rentes de la Biausse *.
. GiaONTB.
Peste ! Madame la Nourrice, comme vous dégoisez !
Taisez-vous, je vous prie : vous prenez trop de soin, et
vous échauffez votre lait.
I«UCÂS.
(En dÎMBt eed, il firappe tor b poitrinO'à Géronte^,)
Morgue ! tais-toi, t'es cune impartinante*. Monsieu
n'a que faire de tes discours, et il sait ce qu'il a à faire.
Mêle-toi de donner à teter à ton enfant, sans tant faire
la raisonneuse. Monsieu est le père de sa fille, et il est
bon et sage pour voir ce qu'il li faut*.
GÉROIfTB.
Tout doux ! oh ! tout doux !
1. Puire. (1673, 74« 89, S4 A, 94 B, 1734.)
a. Créature. (1S75Â, S4A, 94B.) — Et vlà qua la pauvre criatare. (1734.)
3. Eim coin. (1673, 74, Sa, 1734.)— Le mot eet éerit ooin dans toatai
Bot éditioot.
4. Son boA mari. (1673, 74, 8a, 9a, i73o, 33, 34.)
5. Agréable. (i68a, 94B, 97, 1710, tS, 3o, 33.)
6. La richesse du sol de la Beauee était proverbiale. « L'on fait passer la
Beauce puar le grenier de la France, • disait en 1667 du Val, géographe
ordinaire du Roi, dans la France sous le roi Louis Xiy^ V* partie, p. ia5.
7. Lucas, en disant ceei^/rappe sur la poitrine de GéronU, (1673, 74, 8a.)
— Sur la poitrine de Jacqueline, (i733 ; faute éridente.) — LvCkê, frappant^
à chaque phrase qu il dit^ sur V épaule de Gérante» (1734.)
8. Eune impartinante. (1673, 74, 8a, 9a, 1730, 33, 34.) — Une imparti-
nente. (1697, 1710, 73.) — Une impartinante. (1718.)
9. Ce qu'il y &ut. (168a, 97, 1710, 18, 3o, 33.) — Ce qui li faut (1734.)
ACTE II, SCÈNE I. 73
LUCAS ^.
MoDsiea, je veux un peu la mortifier^ et H apprendre
le respect qa'alle vous doit.
ciaoïiTS.
Oui; mais ces gestes ne sont pas nécessaires.
SCÈ^H IV.
VALÈRE, SGANAipLLE, GÉRONTE, LUCAS,
JACQUELINE.
VALÈBE.
Monsieur, préparez-vous. Voici notre médecin qui
entre.
GÉRONTE '.
Monsieur, je suis ravi de vous voir chez moi, et nous
avons grand besoin de vous.
SGANARBLLB, en robe de médecm, ATee nn éhepetn
det pldi pointm .
Hippocrate dit.... que nous nous couvrions tous deux.
GÉaOMTB.
Hippocrate dit cela ?
SGANARELLE.
Oui.
GÉRONTE.
Dans quel chapitre, s'il vous plaît ?
SGANARELLE.
Dans son chapitre des chapeaux*.
I. Lv€JLBt Jrappamt enecr^ sur Pépauie de Géromie, (1734.)
s. SCÈNE III. (lUdem,)
3. Gnoim, à Sgtmarelle, {Ibidem.)
4. Dans «on chapitre.... des chapeaux. (t68a, 1734.) — Hlppoerste était la
grande autorité, et saas cesse alléguée : Toyes tome I, p. 55« U note 3 (de
M. de Perseral), et Us Médecins au temps de MolUre^ de M. Maurice Raynand,
74 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
Puisque Hippocrate le dit, il le faut faire.
SGANABELLB.
Monsieur le Médecin, ayant appris les merveilleuses
choses. •••
CBaOHTB.
 qui parlez-vous, de grâce ?
SGA||ABLLV.
A VOUS. ^^
GÉaoïrr^
Je ne suis pas médecin.
SGANARELLE.
Vous n*ètes pas médecin ?
GÉRONTE.
Non, vraiment.
SGANARELLE.
(Il prend ici* un bâton, et le bat eomm^ on Ta battu.)
Tout de bon ?
GÉRONTE.
Tout de bon. " Ah ! ah ! ah !
SGANARELLE.
Vous êtes médecin maintenant : je n^ai jamais ea
d'autres licences '.
p. 349 et 35o. — Dans le* Plmdemrt, qui sont de 1668, llntimé fait (aete DI,
scène la, vers 776 et 777), en termes plus précis encore, une citation ridicnle
du Digeste. Il y a dans Rabelais plus d*un exemple analogue de ces plaisantes
attributions, entre autres au chapitre Tin du Gargantua,
I. SoANARXLLE prend ici, (1673, 74, 8a, 9a, 97, 17 10, 18, 3o.)
a. SganarelU prend un bâton et/rappê Gérante. (i734>)
3. D'autres lettres, d'antre diplôme de licence ; aucune autre cérémonie ne
m*a fait licencié : compares, an tome I, p. 56 (Toyea aussi note a), une
antre plaisanterie laite sur la même mot par la Sganarelle du Médecin
volant, La licence, qui était alors très-solennellement conférée, aprèa quatre
années d'études et de nombreuses épreuves, donnait dans sa plénitude le
droit 4> pratiquer la médecine. Au doctorat étaient plutôt attadbés des
droits et des honneors uniTersitalres. Voyex Us Médecins au temps de Molière^
p. 3S-55.
ACTE II, SCÉN£ II. 7$
gMroiitb'.
Qael diable d*homme m'avez-voiis là amené ?
YALias.
Je yoQS ai bien dit que e^étoit un médecin gogue-
nard.
GBAOHTB.
Oui ; mais je Tenvoiroia promener avec ses goguenar-
deries.
LUCAS.
Ne prenez pas garde à ça, Monsieu : ce n'est que
pour rire.
GlfaONTE.
Cette raillerie ne me plaît pas.
SGANAaBLLB.
Monsieur, je vous demande pardon de la liberté que
i u prise.
GiaOHTB.
Monsieur, je suis votre serviteur.
SGANAaSLLB.
Je suis (aché....
GJBROimi.
Cela n'est rien.
SGAIfARSLLK.
Des coups de bâton....
GiaONTE.
Il D y a pas de mal.
SGANARSLLE.
Que j'ai eu Thonneur de vous donner*.
I. Giaosm, à yaUre, (1734.)
2* Après les eoapt de bâton einti rendus, rient bien naturellement cette
aauusnte répétition des exeoses, faites de même, pins hsnt, à Sgsnarelle. Aimé-
''«tm rappelle ici la fin des Fourberies de Seapin, Mais c*est avec une tout
autre intention, one Uen plus malicieuse insistance que Scapin implore là, d*un
aatre Gérante, Poubli des deux ondèee qu'il a fait pleuvoir sur Ini.
76 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
G^RONTI*
Ne parlons plus de cela. Monsieur, j'ai une fiUe qui
est tombée dans une étrange maladie.
86ANARBLLB.
Je suis ravi, Monsieur, que votre fiUe ait besoin de
moi ; et je souhaiterois de tout mon cœur que vous en
eussiez besoin aussi, vous et toute votre famille, pour
vous témoigner Tenvie que j*ai de vous servir*.
6KRONTS.
Je vous suis obligé de ces sentiments.
SGANARSLLK.
Je vous assure que c'est du meilleur de mon ame
que je vous parle.
GÉROHTB.
Cest trop d'honneur que vous me faites.
S64HARSLLB.
Comment s'appelle votre fille?
giErontb.
Lucinde.
S6ANARBLLB.
Lucinde ! Ah ! beau nom à médicamenter* ! Lucinde !
GÉROIfTE.
Je m'en vais voir un peu ce qu'elle fait.
SGAKARBLLE.
Qui est cette grande femme-là ?
I. < Ce floiihait, dit Aiiger,... rappell* eelaide Sganaralle, dfx Festin Je Pitrre
(acte IV, Mène m), qui voudrait que qadqtt'on, en bâtoimant M. Dimandie, loi
foaiiitt roecaiion de prouTer ton lèle pour cet honnête marchand. C'est ainsi
que, dans U Mercure galant «, M. BoniGiee Chrétien, reconnaissant des bontés
d*0ronte, rassure qu*il se ferait nn plaisir d*imprimer des billets d^entenmnent
pour loi et pour tons les siens. » Regnard aussi, comme on l*a vn à la
Notice (p. aç], a imité ce passage dans les Folie* amoureuses (1704).
a. Ici, par une tradition d*an godt douteux, la plupart des acteors qui
jouent ce rAle ont coutume de décliner le nom de Lucinde : Lmeimélms%
Lucinda, Lueindum /
• De Bonrsault (|683) : Toyei acte II, scène tu.
kCTE II, SCENE If. 77
CiRCHITB.
Cest la nourrice d'un petit enfant que j*aî.
SGAHAmBLLS^
Peste! le joli meuble que voilà ! * Ah! Nourrice, char*
mante Nourrice, ma médecine est la très-humble esclave
de votre nouiricerie, et je voudrois bien être le petit
poapon fortuné qui tetât le lait (il loi porte U mtin nir le
mb) de vos bonnes grâces. Tous mes remèdes, toute
ma science, toute ma capacité est à votre service, et....
LUCAS. .
Avec votte parmission ', Monsieu le Médecin, laissez
là ma femme, je vous prie.
SGANARBLLK.
Qaoi ? est-elle votre femme * ?
LUCAS.
Oui.
SCANAaiLLS.
(D fut wihlwit* <r«nhiriwr Loeat, «t w toonaal do e6lé de !■ Noorriee,
il l'embraiM.)
Ah! vraiment, je ne savois pas cela, et je m'en ré**
jouis pour Tamour de Tun et de Pautre.
LUCAS, en le tirant'»
Tout doucement, s*il vous plaît.
SGANARELLE.
Je vous assure que je suis ravi que vous soyez unis
eosemble. Je la félicite d*avoir (il fiait enoore aernUant d*em-
I. SCÈ5E IV.
SOAVAAILLB, JACQUaUVI, LUCAS.
Sgasiaaillk, «I fart. (1734.)
a. Btmt, (1773.)
3. Votre, {lé^, 97, 1710, 18, 33, 34.) — Ponniaûon. (i6Sa.) — Pfermi»-
•ioa. (1699, 97, 1718, 3o, 34, mais non 1773.)
4. Qooi? die eat Totre fenme? (1710, 18, 34.}
5. SoàMUMMUJi /*»ii sêmhUiHi, (1673, 74, 8a.}
6. lifnt âêmblmmt de wamicir embrasser Lsteas, et embrasse la Namrriee,
Ucu, tiraut SganaretU^ et se remettant entre loi et sa femme, (1734.}
7ft LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
lamêf et ptHant dancmi ms hn»^ te jette aa ool de sa femme]
an mari comme vous ; et je vous félicite, vous, d'avoir
une femme si belle, si sage, et si bien faite comme elle
est.*
LUCAS, en le timit enoore •
Eh! testigué'! point tant de compliment*, je vous
supplie.
SGAHARELLB.
Ne voulez-vous pas que je me réjouisse avec vous
d'un si bel assemblage ?
LDCAS.
Avec moi, tant qu'il vous plaira; mais avec ma
femme, trêve de sarimonie.
Je prends part également au bonheur de tous deux ;
et (u oontiniie le même jea') si je VOUS embrasse pour vous
en témoigner* ma joie, je l'embrasse de même pour lui
en témoigner aussi.
m
LUCAS, en le tirant derechef •
Ah! vartigué, Monsieu le Médecin, que de lantipo-
nages'.
I. Il fait encore semblant éPembraeeer ÊMeas^ qui lui tend les bras,' Sge^
narelle fasse dessous et embrasse encore la Nouniee, (1734.)
a. Lucas, le tirant encore, (Ibidem,)
3. Hél tétegué! (1773.)
4. Point tant de eomplimenU. (1674, 75A, 89, 84A, 94B, 1734.)
5. Cette indication est placée è la fin de la phrate dani Tédition de 1734.
6. Pour Touf témoigner. (1682,97, 1710, 18, 3o, 33, 34.)
7. LuCAB, le tirant pour la troisième fois, (1734.)
8. Dans Tédition originale et dans nos trois étrangères, Pantiponages. —
Que de lant^onagel (1773.) — Voye» ci-detsos, p. 6a, note 6,
ACTE II, SCÈNB III. 79
SCENE III,
SGANARELLE, GÉRONTE, LUCAS,
JACQUEUNE*.
GnONTE.
Monsieur, voici tout à Theure ma fille qu*on va vous
amener.
SGÀNÀEBLLB.
Je lattends, Monsieur, avec toute la médecine.
GÉRONTB.
Où est-elle ?
SGANAmBIXS, M toQchaiit U front.
Là dedans '.
GBRONTB.
Fort bien.
SGàBA&BLLB, en Tonlant toucher les tetoni de U Nourrice .
Mais comme je m'Intéresse à toute votre famille, il
&at que j'essaye un peu le lait de votre nourrice, et que
je visite son sein. *
LUCAS, le tirant, et loi faisant faire la pirouette.
Nanin, nanin* ; je n*avons que faire de ça.
SGAKARELLR.
Cest Toffice du médecin de voir les tétons des nour-
rices.
LUCAS.
Il gnia office qui quienne, je sis votte sarviteur.
1. SC.ÉNE V.
GÎaOHTK, tOAHARBLLE, LUCAS, JAGQina.IHB. (l734-}
3. Daas les éditions de 1683, 97, 1710, 18, 3J, Là d^tUiu eat %myri Ae
Poisti de rétieenee.
3. Ce jeo de seêne n*ett pas dans Péditloa de 1734.
4* Rimpproeke de Jae^ulime. {1734.)
5. Naaain, aanain. (167$, 74, Sa, 1734.)— Nannain, aannain. (1773.]
8o LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
sganàrblui.
As-tu bien la hardiesse de t'opposer au médecin?
Hors de là !
LUCAS.
Je me moque de ça.
SGàNàEELLB, en \t regardant de tnTen.
Je te donnerai la- fièvre.
JÀCQU£LINBy prenant Lacas par le bras, et loi laiaant aoMi faire*
la pironette.
Ote-toi de là aussi ; est-ce que je ne sis pas assez
grande pour me défendre moi-même, s'il me fait quel-
que chose * qui ne soit pas ' à faire ?
LUCAS.
Je ne veux pas qu'il te tate, moi.
SGANARBLLE.
Fi, le vilain, qui est jaloux de sa femme !
GÉaONTB.
Voici ma fille.
SCENE IV.
LUCINDE, VALÈRE, GÉRONTE, LUCAS,
SGANARELLE, JACQUELINE*.
SGANARELLE.
Est-ce là la malade ?
GBEONTE.
Oui, je n*ai qu'elle de fille; et j'aurois tous les regrets
du monde si elle venoît à mourir.
I. Et lui faisant faire ausii, (l'jZ^,)
a. Queuque chose. (Ibidem,) — 3. Qa*il ne soît pat. (i73o.)
4. «CÈNE Vr.
LUCimW, OnOSTB, tOaVAAILUI, TALÀRB, LUCAS, JACQUELINE. (17I4O
ACTE II, SCÈNE IV. 8i
8GÀNÀ1IBLLE.
Qu'elle 8*en garde bien ! il ne faut pas qu'elle meure
sans Tordonnance du médecin*.
GÉEONTB.
Allons, un siège.
SGANAEBLLB*.
Voilà une malade qui n'est pas tant dégoûtante, et je
Uens qu'un homme bien sain s'en accommoderoit assez.
GEROMTE.
Vous Tavez fait rire, Monsieur.
SGAlfAEKLLS.
Tant mieux : lorsque le médecin fait rire le ma-
lade, c'est le meilleur signe du monde.' Eh bien*! de
qaoi est-il question ? qu'avez-vous ? quel est le mal que
YODS sentez ?
LVCIKDB répond par signet*, en portant m main k la boncbe',
k la tète, et aoos son menton.
Han, hi, hom', han.
86ÀNARSLLE.
Eh î que dites-vous ?
LUCINDB oontinne les mêmes gestes .
Han, hi, hom, han, han, hi, hom.
SGANARELLE.
Quoi?
I. ■ GoBGDUS. MoDsienr le Mededii, j*si grand*peiir que nuiJilU ne meare.
Ssâwiaim. Ahl qn'eUe s'en garde bien! il ne faot pas qu'elle s'amiue i
M ItîtKr Boorir sans Tordonnance du médecta. » (Le diédecim votatt^ tcèoeir,
tsas I, p. 60 : Toyes là, note 9, le même trait dam les passages cités du
JCfaoïi» de Doainiqne et du JÊitUein volant de BourMult.)
a. Boàiamsus, tusU entré Gérante et Lmeimle, (1^34.)
3. ^ IjÊcinde. {Thûlem,)
4* Et hie»^ dans Tédition originale et dans les trois étrangères.
5. Pemr eignes, dans Fédition originale.
6. LnCDDB, portant sa main à sa boueke, ete, (1734.)
7. Bon. (1673, 74, 83, 1734; de même plus bas, quatre fois.)
S. Les menus gestes^ dans Tédition originale, faute k pen près é^
— * Centinuant les mêmes gestes, (1734, mais non 1773.)
luMLiax. TI 6
6% LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
LUCIHDI.
Han, hi| boni.
8GÀNÀEBIXB, U e(mtt«laiMBt^
Han, hif hom', han, ha : je ne vous entends point.
Quel diable de langage est-ce là ?
G^aOHTB.
Monsieur I c^est là sa maladie. Elle est devenue
muette, sans que jusques ici' on en ait pu savoir la
cause ; et c'est un accident qui a fait reculer son ma-
riage.
SGANARBLLB.
Et pourquoi ?
GiROKTB.
Celui qu'elle doit épouser veut attendre sa guérison
pour conclure les choses.
SGANARBLLB.
Et qui est ce sot-là qui ne veut pas que sa femme
soit muette ? Plût à Dieu que la mienne eût cette ma-
ladie ! je me garderois bien de la vouloir guérir.
GÉRONTB.
Enfin, Monsieur, nous vous prions d'employer tous
vos soins pour la soulager de son mal.
SGANARBLLB.
Ah! ne vous mettez pas en peine. Dites-moi un peu,
ce mal Toppresse-t-il beaucoup ?
GBRONTB.
Oui, Monsieur.
SGANARBLLB.
Tant mieux. Sent-elle de grandes douleurs?
I. Cette îndicitioB n*6tt pu daiu Tédition d« 1734.
9. Par eseeptioB, ici Aon, et deux ligaei plus haut Ham^ dans Tédili
originale et daaa let trou Mitions étrangètes.
3. Juaqn*iei. (1730, 33, 34.)
ACTE II, SCENE IV. 83
GÏAOïrrx.
Fort grandes.
SGÀITÀIIBtLB.
Cest fort bien fiât * . Va-t-elle oii vons savez ?
GÉROHTB.
Oui.
SGàKARBLLB.
Gopiensement ?
Je n^entends rien à cela.
SGANARSLLB.
La matière est-elle louable' ?
I. Ce trait de pbîsaiit optîmUme, sur leqpel la répétition appuie , et qai
reriendra eocore (aete TU, seène ▼, p. 108}, était déjà ia^iqaé dans le caneva*
qai nous reste de la fiiree da Médecin volant (scène t, tome I, p. 61 et 6a} :
« SOAVAKEU.E. Sentes-Tons de grandes doalenrs k la tête, aux reins? Lmsu.
Oui, Monsioir. SaÂMÂMtULM., C'est fort bien fait. » Molière se soarenait sans
doute d'un petit oonte inséré parmi les fables d*Ésope *, et dont la traduction
se trouTe dans un chapitre de Montaigne qu'il arait maintes fois lu (le xxzTn*
du litre II des Essais^ ^ tome III, p. i56) : < Ésope.... est plaisant k nous re-
présenter cette autorité tjranniqne que Uê médeeitu usurpent sur ees pauvres
loMS affoîUies et abattues par le mal et la crainte ; car il conte qu'un malade
étant interrogé par son médecin quelle opération il aentoit des médicaments
qu^ loi avoit donnés : < J'ai fort sué, • répondit-il. « Cela est boni » dit le
médecin. Une antre £ms, il lui demanda encore comme il •*étoit porté depuis :
« J'ai en un firoid extrême, fit-il, et si ai fort tremblé. » « Cela est bon ! » suivit
le médecin. A b troisième fois, il lui demanda derechef comment il se
portoit : « Je me sens, dit41, enfler et bouffir comme d'hydropisie. » « Yoilk
< qui va bien! » ajouta le médecin. L'un de ses domestiques venant après k
s'enquérir k lui de son état : « Certes, mon ami, répond-il, k force de bien
« élre, je me meurs. » -« Comme l'indique Auger, Cyrano Bergerac a renou-
velé tout ce récit, en s'y donnant le rôle du malade, dans b XTin* de ses
Utireê sadri^mes^ intitulée Contre le* Midecinâ (p. 17a et 173 de l'édition
de i663).
a. Cest le terme employé dans le Jomrnal de ia santé du Roi (publié par
M. A. le Roy en l86a), par exemple, p. xao : « Le Roi prit k son réveil un
bouillon purgatif..., duquel il fut purgé..., jusqnes k neuf fois, de matière
très-louable. »
a Numéro 43 de Pédition de Coray, le Malade et le Médecin,
* Voyei notre tome V, p. 337, note a.
84 LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
GBBONTE.
Je ne me connois pas à ces choses.
8GANÀRBLLB, M tonraant rm la mtUde^.
Donnez-moi votre bras. ^ Voilà un pouls qui marque
que votre fille est muette.
GÉRONTE.
Eh oui. Monsieur, c*est là son mal; vous Tavez trouvé
tout du premier coup.
sgànarbllb.
Ah, ah!
JÀCQUELINB.
Voyez comme il a deviné sa maladie !
S6ANARELLB.
Nous autres grands médecins, nous connoissons d^a-
bord les choses. Un ignorant auroit été embarrassé,
et vous eût été dire : a C*est ceci, c*est cela ; » mais
moi, je touche au but du premier coup, et je vous ap-
prends que votre fille est muette'.
GBRONTE.
Oui ; mais je voudrois bien que vous me pussiez
dire^ d*oii cela vient.
SGANARBLLE.
Il n*e8t rien plus aisé*: cela vient de ce qu'elle a
perdu la parole.
GÉRONTE.
Fort bien; mais la cause, s'il vous plaît, qui fait
qu'elle a perdu la parole ?
I. SoAHARiLLx, à Lmeindê, (1734.)
a. A Gérante, (Ibidem.)
3. « Le cari....' fit c(Hualt«r sa grandie par les médecins da ManSf qui loi
dirent en latin fort élégant qaHl avoit la fpravelle, ce qne le paoTre homoM
ne saToit que trop. » (Searron, le Rnunan tomifue^ i** partie, de x65i, cha«
pitre ziT, tome I, p. laS, de Tédition de M. V. Foamd.)
4. Que Toas possies dire. (168a.) -^ Que tous me paissiez dire. (1684 A»
94 B.) ^
5. Il n'est rien de plus aisé. (1673, 74» Sa, 1734.)
▲GTE II, SCÈNE IV. 85
S611VARXLLB.
Tous nos meilleurs auteurs vous dux>nt que c^est
rempêchement de Taction de sa langue.
GBRONTE.
Mais encore, vos sentiments sur cet empêchement de
laction de sa langue ?
8GÀ1VÀRBLLB.
Aristote, là-dessus, dit.... de fort belles choses*.
GÉRONTB.
Je le crois.
SGANARELLB.
Ah ! c^étoit un grand homme !
CiRONTB.
Sans doute.
SGINARBLLB, lertnt ion bras depuis U ooadfl .
Grand homme tout à fait : un homme qui étoit plus
grand que moi de tout cela. Pour revenir donc i notre
raisonnement, je tiens que cet empêchement de Tac*
tion de sa langue est causé par de certaines humeurs,
qa*entre nous autres savants nous appelons humeurs
peccantes ; peccantes, c'est-à-dire'.... humeurs pec-
cantes^; d'autant que les vapeurs formées par les exha-
I. « SoAWABELLi. Ooi, M grand médeeîa, aa chapitre qa*i] a fait de la
aatore des animaux, dit.... cent belles choses. » {Le Médecin volant^ scène ▼,
tooie I, p. Sa.)
a. Ce jeu de scène est placé nn peu plus bas, après les mots : qmi étoit plus
grtmd, dans Fédition de 1734. — Levant le bras depuis le eeude» (1773.}
3. Kous appdons hamenrs pesantes, c'est-k-dire. (1734.)
4. Sor le doctrine, alors K^Versellement régnante, de rhamorisme, voyea
M. Manriee Rajnaad, p. 179 et sairantes, p. 363 et Murantes. Uo certain
nombre de principes éuient, dit- il (p. 179 et 181), « passés krétatd*aûomes%
i saroir : que toute maladie prorient d'une surabondance d*humears ; que ees
homeurs peurent pécher par quantité et par qualité...; qu*il s*agissait avant
tout d^éracoer Pkumeur peeeante» • C'était là nn terme que tout le monde
avait appris des médecins ; il est Tenu bien naturellement sous la plume de
ieint François de Sales, dans son Introduction à la pie dévote (1608, l'* partie,
chapitre T, tome I, p. aS, de Tédition de M. SilTOstre de Sacy) : « Cest le
coBUBeneement de notre santé que d*étre purgé de nos humeurs peccantes. »
86 LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
laisoDS des influences qui s'élèvent dans la région des
maladies, venant.... pour ainsi dire...* à.... Entendez-
vous le latin ?
6BRONTB.
En aucune façon.
SGANÀRELLBy te lerânt âTce tooneoMiit^.
Vous n*entendez point le latin !
GÉROHTB.
Non.
SGANAIIBLLB, en Cuiant diyencs plaisantet pottorct*.
Cabricias arci thuram^ catalamus^^ singularitery no^
minatiifo hœc Musa^ « la Muse, » bonus ^ bona^ bonum^
Deus sanciusj estne oratio laiinas ? Eiiamy « oui. »
X. Se ievdni Irutqutm^U, (1734.)
9. SojLNAmBLUi, a«we enthousiasmé, (Ibidem.)
3. Ces quatre premien mots sont forgés à raide de synabct latines, aaseï
Uées aa hasard. Les antres qui vont suÎTre sont des réminiscences de œ
rudiment que Sganarelle se vantait d^avoir so par corar an tempa de sa
sixième, c*est-è-dire da très-court livre, rédigé tout en latin, par demandes
et par réponsee, et intitulé Rudimenta^ que Jean Despautère a placé an-
derant des huit traitée de ses Commentarii grammaiici *. Après quelques
termes de cette petite grammaire qui lui reriennent isolément, Sganarelle linit
par en rattraper deux phrases entières. Void le teste, que n'avait pas entiè-
rement désappris maint spectateur, et qu'il pouvait d'autant pins s'amnaer
d'entendre ainsi dé£gurer dans cette folle réciution* : Poeta, eufus mumeriP
— Singularis, — Qmare? — Quia singulariter fro/ertur,„, — Musa, emfus
generis? — Fœminûù. — Quare? — Quia declinatur eum haec : ut nomimativo
hoemnsa (p. i).,., — Deua sanctus, estne oratio hene latina? •— Etiam, —
Quare? — Quia adjecHvum et suhstanti¥um eoneordant in génère ^ numéro^
casu (p. 8).
• Nous avons déjà en l'occasion de les citer (tome I, notes 5 de la page 33,
et I de la page 44^), et aurons encore à le faire (à la scène vn de la Comtesse
d'Escarbagnas) : c'est k l'édition donnée par Robert Estienne en i537 que
nons renvoyons.
* c Ces affreux singulariter^ nominativo de mes premières dédinaisons, dit
un contemporain, de aeiie ans plus jeune nue l'antenr du Mêdaein maigri
luif ces indicativo modo^ tempère pressenti de mon Donat, ces omne vira eoU
de mon Despautère étoient pour moi autant de spectres et de monstres. >
Yojex les Mémoires de Jean Roo, publiés par M. Francis Waddington (1867),
tome I, p. 4.
''.
ACTE II, SCÈNE lY.
Quare^ « pourquoi? » Quîa substantitH) et adjeetiuum
concordat in generij numerum, et casus^.
ciRONTB.
Ah ! que n'ai-je étudié ?
JACQUELINE.
Lliabile homme que velà' !
LUCAS.
Oui, ça est si biau, que je n y euteuds goutte.
SGANARBLLE.
Or ces vapeurs dont je vous parle venant à passer,
du côté gauche, où est le foie, au côté droit, ob est le
cœur, il se trouve que le poumon, que nous appelons en
latin armjran^j ayant communication avec le cerveau,
qae nous nommons en grec nasmus^ par le moyen de
la veine cave, que nous appelons en hébreu cubile^ ren-
contre en son chemin lesdites vapeurs, qui remplissent
les ventricules de Tomoplate ; et parce que lesdites
▼apeurs.... comprenez bien ce raisonnement, je vous
prie ; et parce que lesdites vapeurs ont une certaine *
malignité.... Écoutez bien ceci, je vous conjure.
GERONTE.
Oui.
SGANARBLLE.
Ont une certaine malignité, qui est causée.... Soyez
attentif, s'fl vous plaît.
1. An^, eomUtant, en iSao, niM tnilitioii mus doate aaaas aBeienne et
loivie eoeore aiijoiird*hai, dit qae l'aeteor, le nHeyant à ce denier mot et
jouaiit utt soB double tent, s'arrange poor tomber aTee ton fanteuil k la
leBTene. Ce lazsi remontait-il k Moli^, tel qu'il t'eiéeate 7 Rien ne permet
de Paffirmer ni de le nier dbaolament, et il en est de même de plus d*an autre.
a. Qoevik! (1734.)
3. S'enbardiaiant toat k fidt, Sganarelle ciée librement les moU saranU dont,
poer prendre le mot de Lèandre (ci-aprèt, p. 97), il pare sa eonaulution. \m
ml leeonnaiseaUe est le latin cMlê^ « lit, gîte, » donné, deus lignes pins
kû, poorbébren.
i. Ont ctttaine. (i68n, 1734.)
88 LE MJÎDECIN MALGRÉ LUL
GBRONTB.
Je le suis.
8GÀNARBLLB.
Qui est causée par Tàcreté des humeurs engendrées
dans la concavité du diaphragme, il arrive que ces
vapeurs.... Ossahandus^ nequeys^^ nequer^ potarinum*^
quipsa milus. Voilà justement ce qui fait que votre fille
est muette.
JÀCQUBLINB.
Ah ! que ça est bian dit, notte homme !
LUCAS.
Que n ai-je la langue aussi bian pendue ?
GEROtlTB.
On ne peut pas mieux raisonner, sans doute. Il n*y a
qu'une seule chose qui m'a choqué : c'est Tendroit du
foie et du cœur. Il me semble que vous les placez au-
trement qu'ils ne sont; que le cœur est du côté gauche,
et le foie du côté droit.
SGANARBLLB.
Oui, cela étoit autrefois ainsi ; mais nous avons changé
tout cela', et nous faisons maintenant la médecine d'une
méthode toute nouvelle.
I. JVêçmêi, (1734.) — Auger sW tooTena qae dans la «fomr de Rotrov
(1645, «cheT^ dHmprimer le 3 septembre 1646, aete III, leène ▼], le Tslet
Ergaste fait aonoer, dans le faux turc qa*il parle, troia mots assea approchants
de eeax-d : Ossasando^ ntquei^ ^equet» — M. de Parseral a remarqué
(p. 33o-33i), on peu plus haut dans cette soène de la Sœmr^ un Cmbriteiam
peu difEsrent du Cabrieias, premier mot latin de la fabrique de Sganarelle.
a. Potarium, (1883,97, 1710, 3o, 33, 34.)
3. Le 17 décembre i65o, on avait la dans la GatetU (p. 1619) : « Et pour ee
qn*on ne tous doit pas moins informer des étranirea diangements qui se
reneontrent dans le corps hnmain que dans eelui des États, cette semaine a'ett
Id tron?é, en la dissection laite publiquement, par un docteur en médecine
de eette Faculté, du cadavre d*ua homme exécuté k mort, le foie ou devoit
être la rate, k savoir du e6té gauche, et la rate au c6té droit, ou devoit être
le foie, le cenir indinant du cdté droit, et la plupart des vaisseaux autrement
disposés qu*k Tordinaire •. » Le souvenir d*ttn &it qui avait eausé un si grand
• Cette partiealarité « fort extraordinaire » est attestée par Gui Patin dans
f
ACTE II, SCÈNE lY. 89
GBAOlfTB.
C'est ce que je ne savois pas, et je tous demande
pardon de mon ignorance.
sgaharbllb.
Il n y a point de mal, et vous n'êtes pas obligé d*ètre
aussi habQe que nous.
Assurément. Mais, Monsieur, que croyez-vous qu'il
(aille faire à cette maladie ?
SGAKÀIIBLLB.
Ce que je crois qu'il faille faire ?
GBEOIITB.
Oui.
SGANIBBLLH.
Mon avis est qu'on la remette sur son lit, et qu'on lui
fasse prendre pour remède quantité de pain trempé dans
du vin*.
GBRONTB.
Pourquoi cela, Monsieur ?
m t65o, de cette eix«oasUiiee soitoot, qu'on xclerût, dm eœur
admaat m drdtê, a bien pa sag^rer k Molière le paradoxe anatonùque de
MB Fa^tier. — Le eentr à gauche, intéparable de Tidée railleuse de eaur à
Jnùêy araic, ce aemble, paîti en prorerbe : « Voyex, je tous prie, écrit
Bat de Singnk le 9 mai tSSo, eomme tout s'eat raffiné sur notre Loire, et
none noue étions grossiers autrefois que le cemr étpii à gamcke, » Et le
SjaiDet i6S5 : « Nous avons changé tout celé, eomoM le çcbht à gauche, •
fToMs Yl àet Lettres, p. 387, et VII, p. 419.) i ' ' ' , ■ ,• 1 . • C >
I. Trempé dans le Tin. (1734.) '
» kttre h Falconnet du 3o décembre i65o (tome U, p. 578, de Tédition
B^*eiUé»Parise). -« Une note qui nous a été transmise signale encore dans
■■ unuserit de la Bibliothèque flCaiarine, an tome UI (i65o) des Mémoires....
^ purres wHes de Dubutsioii-AubenaY, p. a4a et n5a, < deux passages
Kbtifii è des mémoires de médecins sur des pendus anzqnds on a trouvé le
c*<ir à droite et le foie k gauche ; » eeeï renchérissait déik sur la nouTclle de
b Gezeiie. Lu noie ensuite nomme comme auteurs de ces mémoires seienti-
^«n, Peequet et la Mothe le Vajer, le philosophe ami de Molière ; nous
■''VOUS oialheareaaement pu Térifier : le volume manuscrit, prêté au dehors,
* <*• détnût par le fien, pendant la gnem ciTile, en 187 1.
90 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
SGANAASLLB.
Parce qu'il y a dans le vin et le pain, mêlés ensemble,
une vertu sympathique qui fait parler. Ne voyez-vous
pas bien qu'on ne donne autre chose aux perroquets, et
qu'ils apprennent à parler en mangeant de cela ?
GiaOlfTB.
Cela est vrai. Ah ! le grand homme ! Vite, quantité
de pain et de vin !
SGANÀEELLB.
Je reviendrai voir, sur le soir, en quel état elle sera.*
(a U Noarrice.) Doucemeut, VOUS. Monsieur, voilà une
nourrice à laquelle il faut que je fasse quelques petits
remèdes.
JACQUELINE.
Qui ? moi ? Je me porte le mieux du monde.
SGANARELLB*
Tant pis, Nourrice, tant pis. Cette grande santé est
à craindre, et il ne sera mauvais* de vous faire quelque
petite saignée amiable, de vous donner quelque petit
clystère dulcifiant.
GBRONTE.
Mais, Monsieur, voilà une mode que je ne comprends
point. Pourquoi s'aller faire saigner quand on n'a point
de maladie ?
SGANARBLLE.
Il n'importe, la mode en est salutaire ; et comme on
boit pour la soif à venir, il faut se faire aussi saigner'
pour la maladie à venir ^.
I. SCÈNE vn.
oi&omrB, soaitâriliji, «ACQUiun.
SoARAiiLUL [A Jacquetime,) Doueement, tous. (A Gtromte,) Moament.
(1734.)
a. Et il neierapas maaraU. (1673, 74, 8a, 1734.)
3. U iaat aussi m faira saigner. (Une partia du tirage de 1734, et 1773.)
4. Voyei sur ce passage, dans le noméro cité de la Aafiie de MmnmiU et
ACTE II, SCÈNE IV. 91
Ma fi ! je me moque de ça, et je ne veux point ftire
de mon corps une boutique d'apothicaire *.
SGANÀRBLLB.
Vous êtes rétive aux remèdes; mais nous saurons
ie Pn^taeê ^. 334-336), roue âeê plus intimMnitw boIm de M. le doetew
Lodofk de Panerai. Hoat n'en empnmteroiM ici que quelques lignât, qui ae
lappcrtat an dix-septSime nèele. « Ifoaa ▼oyoui figurer, di^>il, parmi lea
âcMi dea bedidicn aoutennea ea iSa5 devant la Faeulti de médeeiae de
Plrii*, la thèae aoiTante : ji» tpeeiota samiUu suspecta? AffinnatÎTe.... Laa
nédcÔBS du tempa de Montaigne et de Molière croyaient en efFet, avec lea an-
deaa, qu'une exubérance de aanli et de forée conduit à la maladie *.... A eette
tpoqae, en aaigwait et on purgeait /eur la maladie à vsnir,,,, L*abbé le Dien«
aoBi montra («• 170a) Monaieur de Meaux « ae portami à menreine et
• smtgeaai néenmoina k ae purger pour précaution. » Mademoiadle de Mont»
peaner.... raconte dana aea Mémoires* qn*aTant d*aceompagner le Roi en
naadre, en 1670, eDe *Jui {se rendit) ii Paria troia on quatre joura pour y faire
• des remèdca 1 de précaution. Pendant qn*on la saignait, Yallot purgeait
Lo«is llf pemr la préférer à son pojrage de Flamdre*. On reate, le grand roi
laUt, durant tout le coura de aa Tie, la dure loi dea remèdes de précaution.
Aiiu)ettl h dTineesaantea purgations, aouTent menacé de la saignée, qn*il re-
doutait beaoeoop..., il ae révoltait qoelquefoia contre lea ordonnances de aea
nêdedas; maia ceux-ci rerenaient k la charge, et le royal malade, effrayé
de se ?oir abandonné k rintempéria de ses entrailles, à la corruption de son
MSf , i Pâereié de sa bile et à la/éemlenee de ses humeurs f, finissait le plus
souvent par vaincre aa répugnance, et 8*il ne ae résignait pas k être saigné, il
aemrdait au moîaa k son premier médecin une bonne purgation. »
i> JACQuaun, en s*en allant. (1734.)
3. M. de Paraaval (p. 337) a relevé, dans la X" Serée de Boucbet (tome II,
F' 179, de rédition de M. Roybet), une variante de la phraae proverbiale em-
ployée par Jacqueline : il est parlé Ik de « ceux qui font de leur estomac une
bociiqBe d'apotlneaira. »
* « Baron, QasBstionum metHearmm séries ehronalogiea. »
* M. de Paraeval fait connaître lea idéea dea andena sur ce point par de
■^■krenaes citatiima. De Montaigne, il vient de rapporter ce passage d*un dia-
pitie des Essais auquel noua avoua eu souvent oecaaion de renvoyer (le xzxvu*
^ fine n, tome lU, p. x5i) : « Lea médecins ne se contentent point d*avoir la
■>f>diecn gooivcmement; ils rendent la aanté malade, pour garder qu'on ne
PÛK en aucune aaison échapper leur autorité : d'une santé constant^ et en-.
m, n'en tireat-ib paa l'aigument d'une grande maladie future? » / *' '
' « Mimmires et Journal sur la pie et les ouvrages de Bossuet, publiés par
IL Tabbé Guettée,... tome O, p. 374 et 975. »
* • Tomeir, p. 104, de rédition de M. Chéruel. >
' • Jeumai de U santé du roi Louis XI F, p. X04. »
f Tojei lea Imprécationa de M. Purgon, k la aoène t de l'acte iU du Malade
9^1 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
vous soumettre à la raison. ' (Ptilant k Gérontie.) Je voas
donne le bonjour.
GBRONTB.
Attendez un peu, s'il vous plaît.
SGANÀRBLLB.
Que voulez- vous faire ?
GBRONTB»
Vous donner de Targent, Monsieur.
86ANARBLLB, tendant sa main derrière^ par^aatoof sa robsi
tandis qoe* Géronte otiiTre sa bonne*
Je n'en prendrai pas, Monsieur.
g^routb.
Monsieur....
sgànàrbllb.
Point du tout.
GBRONTB.
Un petit moment.
SGÀNÀRBLLB.
En aucune façon.
gArontb.
De grâce!
SGÀNÀRBLLB.
Vous vous moquez.
GBRONTB.
Voilà qui est fait.
SGÀNÀRBLLB.
Je n'en ferai rien.
GBRONTB.
Eh!
I. SCÈNE vin.
OBROITTB, SOAHARBLLB.
SOARABKUU. Je TOQS. (l734.)
a. Tendant sa main par derrière^ tandis que^ tte, {Ihidam,)
ACTE II, SCÈNE lY. 9)
SGàNÀRBLLB*
Ce nVst pas Targent qui me fait agir.
ciaoHTB.
Je le crois.
SGAlfÀRBLLBy aprèf tToir prit Taifoit»
Cela est-il de poids?
GBROHTB,
Oui, Monsieur.
SGÀlfARBLLB.
Je ne suis pas un médecin mercenaire.
GSaONTB.
Je le sais bien.
SGANÀRELUI.
Lmtérêt ne me gouverne point'.
G<R01«TB.
Je n*ai pas cette pensée.^
SCÈNE V.
SGÂNARELLE, LÉANDRE.
SGAlf ARBLLBy regardant aon argent.
Ma foi! cela ne va pas mal; et pourvu que....
LiANDRB.
Monsieur, il y a longtemps que je vous attends, et
je Tiens implorer votre assistance.
I. Compares h cette aeènc la fin «le la scène na en Médecin poiani^ tome I,
P* 86, et n»yes la note t de cette dernière page,
a. SouuBxiUy Muif regardant Vargent ^Ul a reçu. Bla fbil etc.
SCÉME£IX.
LBAn>RB/tOAlfAABI.LS.
Ummi. Monaîear. (1734.)
94 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
MÂNARBLLBy loi prenant U poignet^.
Voilà un pouls qui est fort mauvais.
LÉANDaB.
Je ne suis point malade. Monsieur, et ce n'est pas
pour cela que je viens à vous.
SGANARBLLB.
Si vous n'êtes pas malade, que diable ne le dites-vous
donc ?
L^ANDHB.
Non : pour vous dire la chose en deux mots, je m'ap-
pelle Léandre, qui suis amoureux de Lucinde, que voos
venez de visiter; et comme, par la mauvaise humeur
de son père, toute sorte d'accès m'est fermé auprès
d'elle, je me hasarde à vous prier de vouloir servir mon
amour, et de me donner lieu d'exécuter un stratagème
que j'ai trouvé, pour lui pouvoir dire deux mots, d'où
dépendent absolument mon bonheur et ma vie.
SGÀlfÀRELLE, paroimnt en colère'.
Pour qui me prenez- vous? Comment oser' vous
adresser à moi pour vous servir dans votre amour, et
vouloir ravaler la dignité de médecin à des emplois de
cette nature?
L^ANDRB. •
Monsieur, ne faites point de bruit.
SGÀNÀRELLE, en le faisant reculer.
J'en veux faire, moi. Vous êtes un impertinent.
LÉAlfDRB.
Eh! Monsieur, doucement.
I. Lui tdtaHtUpomU, (1734.)
a. Ce jeu de teène ii*e«t pat dans Pédition de 1734.
3. Ceeiest ponctué très-diTersemeiit dans les anciennes éditions : Cossaieot!
oser. (1673, 1733.) — Comment: oser. (1674, 8a.) — Comment, oser. (1675 i.
84 A, 9a, 94B.) — Comment? oser. (1697* 1710, 18* 3o, 34.) — Koospcae-
taons comme Tédidon originale.
ACTE II, SCÈNE Y. qS
SGANAftBLLB.
Dn malavisé.
uiANDaB.
De grâce!
86AHÀRBLLB.
Je TOUS apprendrai que je ne suis point homme à
eela, et que c^est une insolence extrême....
lAllfOas, tirant niM bomM ^*U lui doniM*.
Monsieor..**
SGÀlfÀRELLS, tenant la bonne.
De vouloir m^employer....* Je ne parle pas pour vouSi
car vous êtes honnête homme, et je serois ravi de vous
rendre service ; mais il y a de certains impertinents au
monde qui viennent prendre les gens pour ce qu'ils ne
sont pas; et je vous avoue que cela me met en colère.
L^ANDnB.
Je vous demande pardon, Monsieur, de la liberté
que....
SGÀlfÀRBLLB.
Vous vous moquez. De quoi est-il question ?
LÉÀMDRB.
Vous saurez donc', Monsieur, que cette maladie que
tous voulez guérir est une feinte maladie. Les médecins
ont raisonné là-dessus comme il faut ; et ils n*ont pas
manqué de dire que cela procédoit, qui du cerveau,
qoi des entrailles, qui de la rate, qui du foie * ; mais il
I. Tirant mne fovrj». (1734.)
1. SoAXAMiXB. De Toôloir m*empIojer.... Recevant la bamrse, [Ibidem,)
3. Voot MTes doae. (16S9, 97, 17 10; bute éTidente.)
4. Aeger dit qa*U y a peut-^tre iei une allanoB à la toène tTaltereation que
deaaèrent les quatre médeeint de Mazaiiii, et qa'ane lettre de Gui Patia aoat
a fait eeaaaltre ; mais ▼ojea, à la taite de la citation de cette lettre, tome V,
p. 375, k Ifotice de C Amour màdecia, — Cet emploi familier de « qui, répété
plaiicert fini, pour dire /«# ■«!..., tee aulree,,,. • (ou plutôt, comme ici,
''•a.M, m AUirv....), n'était paa appronré de Vaagelai : « Cett, dit-il, uae
96 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
est certain que l*amour en est la véritable cause, et que
Lucinde n'a trouvé cette maladie que pour se délivrer
d^un mariage dont elle étoit importunée. Mais, de crainte
qu'on ne nous voye ensemble, retirons-nous d'ici, et je
vous dirai en marchant ce que je souhaite de vous.
86ÀNARELLS.
Allons, Monsieur : vous m'avez donné pour votre
amour une tendresse qui n'est pas concevable; et jj
perdrai toute ma médecine, ou la malade crèvera, on
bien elle sera a vous.
fiiçoB de parier qni ett fort en OMge, nais non pat parmi let «scaDeBU ccri*
Tains. • Vojei les exemples de Régnier, de Bakac, de Bossoet, qa'ta rapporte
le Dictionnaire de M, Ùttri.
FIN DU SBGOND ACTB.
ACTE III, SCÈNE I. 97
ACTE IIP.
SCÈNE PREMIÈRE.
SGANARELLE, LÉANDRE*.
LÉ ANDRE.
Il me semble que je ne suis pas mal ainsi pour un
apothicaire; et comme le père ne m'a guère vu, ce
changement d*habit et de perruque est assez capable,
je crois, de me déguiser à ses yeux.
SGÀNARBLLB.
Sans doute.
LÉÀMDRS.
Tout ce que je souhaiterois seroit de savoir cinq ou
sii grands mots de médecine, pour parer mon discours
et me donner Tair d'habile homme.
SGANARBLLB.
Allez, allez, tout cela n'est pas nécessaire : il suffit
(le rhabit, et je n'en sais pas plus que vous.
LÉANDRB.
Comment?
I. L'actioii, noiM TaTOiis dit (ci-deMiM, p. 34), • été Traisemblablemoit, au
Keond acte, transportée de la campagne à la ville. Dans ce troi&ième acte, le
tbèàtre doit représenter soit une chambre, soit le jardin de la maison de Gé-
roate ; Léandre peut pénétrer dans ee jardin, comme il a pu pénétrer dans la
luiaoD même ; il est clairement indiqué, au début de la scène yi,qne Lucinde
7 vient Êiire on tour de promenade, et c*est bien dans un tel lieu que la ^ra-
^vc de rédition originale montre les personnages de cette scène vi ; il n*y a
*«enne néeessité de supposer avec Auger un changement de décor h la troisième
aederaete.
>• liA«DBB, MSAVABBLLB. (iVH')
MOUJUIB. YI 7
9$ LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
SGANARELLE.
Diable emporte si* j'entends rien en médecine ! Vous
êtes honnête homme, et je veux bien me confier à vous,
comme vous vous confiez à moi.
LÉANDRE.
Quoi? vous n'êtes pas effectivement....
SGANÀRKLLB.
Non, vous dis-je : ils m'ont fait médecin malgré mes
dents*. Je ne m'étois jamais mêlé d'être si savant que
cela; et toutes mes études n'ont été que jusqu'en
sixième. Je ne sais point sur quoi cette imagination leur
est venue; mais quand j'ai vu qu'à toute force ils vou-
loient que je fusse médecin, je me suis résolu de Têtre,
aux dépens de qui il appartiendra. Cependant vous ne
sauriez croire comment l'erreur s'est répandue, et de
quelle façon chacun est endiablé à me croire habile
homme. On me vient chercher de tous les côtés*; et si
les choses vont toujours de même, je suis d^avis de
m'en tenir, toute ma vie, à la médecine. Je trouve que
c'est le métier le meilleur de tous; car, soit qu^on fasse
bien ou soit qu'on fasse mai, on est toujours payé de
même sorte : la méchante besogne ne retombe * jamais
sur notre dos; et nous taillons, comme il nous plaît,
sur l'étoffe où nous travaillons. Un cordonnier, en fai-
sant des souliers, ne sauroit gâter un morceau de cuir
qu'il n'en paye les pots cassés '^ ; mais ici l'on peut gâter
X. Il y a ellipse de me ou de vous^ mais bien pIutAt de me. Aree qadqur
semblable ellipse, on dit : « Au diable ou du diable si...! » CVst nneaffinnatioti,
avec imprécation contre soi-même, comme le tour latin : Inteream si.,,, « que jr
meure si.... » : voyez, entre antres exemples, Horace, lirre I, satire ix., ren 39.
On a déjk vn plus haut (p. 64 ^^ 65) Sganarelle, niant avee mauraise bamea:
ou vivacité, employer cette même locution. Comparez tome IV, p. 45 1, note 1.
3. Quelque défense que j'aie faite : voyez tome H, p. aoi, note i.
3. De tons côtés. (i68a, 1734.)
4. fie tombe. (i68a, 97, 1710, 18, 3o, 33.)
^. « Morceau de cuir » et « pots cassés 1» Sont une métaphore plaisammeot
ACTE 111, SCENE I. 99
un homme sans qtt*il en coûte rien. Les bémes ne sont
point pour nous ; et c'est toujours la faute de celui qui
meurt. Enfin le bon de cette profession est qu'il y a
parmi les morts une honnêteté, une discrétion la plus
grande du monde ; et jamais ' on n'en voit se plaindre
du médecin qui Ta tué*.
LÉ ANDRE.
Il est vrai que les morts sont fort honnêtes gens sur
cette matière.
ÎMohéreote, ou plutôt moatrent que U location £iiniUère : « en payer les pots
CMsés, » a prit le sens propre et abstrait de « payer les fraû du dommage
qa*oa a cassé, • et Ta pris si bien, qu^ello •*enploie sans égard k Torigiae
mctaphorique. Voyea les exemples de Aegater et de Voltaire eités par M. Littré
à Psitide Pot, fin de i*.
I. Dn monde : jamais. (1663,97, 1710, 18, 3o, 33, 34.)
a. Molière a construit la phraw et Csit aeeorder le partieipe comme sUl y
avait : « jamais on n*en voit un se plaindre, etc. » — Petitot (tome III des
0Eu9ret de Molière^ p. 489 et 490) cite et traduit un passage d*uoe nouTelle
ds CerraDtes, intitulée U Licencié f^idriera^ où il lui semble qu*ont été
pniicM ces réflfxions de Sganarelle. C*est une des boutades du licencié, du
kcros de la nouyelle, devenu fou, mais resté d*aiUears fort sérieux en son lan-
gage*. « Le juge peut yioler la justice 00 la retarder; Pavoeat peut, par intérêt,
•oatenir une mauvaise cause ; le marchand peut nous attraper notre argent ;
«afin tontes les personnes avec lesquelles la nécessité nous force de traiter peu-
vent nous faire quelque tort ; mais aucune ne peut nous Ater impunément la
ne. Les médecins seuls ont ce droit \ ils peuvent nous tuer sans en craindra les
•cites, et sans employer d*autres armes que quelques remèdes ; leurs bévues
ae se découvrent jamais, parce que, au moment même, la terre les couvre et
las dit oublier. » Il n*y a guère là que le développement un pen lent de
dcax BMts que Montaigne rappelle dans ce chapitre xxxtii du livre II, tout
rcsupK de la satire de la médecine et des médecins : « Un médecin vantoit à
Hicodès son art être de grande autorité : « Vraiment c*est mon {c'est mon
anr*), dit Kieodés, qui peut [un art fui peut) impunément tuer tant
« de gens » (tome 111, p. l57). Et un peu plus haut (p. i54) : « lis (les médecins)
oat cet heur, selon llicoclcs, que « le soleil éclaire leur succès et la terre cache
• laer bute «.• Si Sganarelle dit la même chose, c*est du moins bien à sa manière.
* Voycs dans le Cervantes de la collection Rivadeneyra , p . 1 5a , colonne 1 •
* Vojiez le Lexique de Cormeille, à Particle Mon.
* D'après Coste. c*est dans le recueil des moines grecs Antonius et Maximus,
joint aux premières impressions de Stobée, qu*ont d*abord été rapportés les
deax traits satiriques de ce Nicoclès : voyez, dans le Stobée de Ge.<aer (Pranc-
lert, i5^i), le sermo fx:xi.T (mis sous le nom des deux moines), au haut de la
page 8o5. La sceoade de ces épigrammes « se trouve dans les Talmudbtes, »
dit M. de Parseval (p. 34o, note 3).
loo LE MEDECIN MALGRÉ LUI.
BGANÀftSLLBy Toyant dei lionimet qui Tiennent rm loi*.
Voilà des gens qui ont la mine de me venir consul-
ter. * Allez toujours m*attendre auprès du logis de votre
maîtresse.
SCENE II.
THIBAUT, PERRIN, SGANARELLE.
THIBAUT.
Monsieu, je venons vous charcher, mon fils Perrin
et moi.
SGAKARELLB.
Qu'.y a-t-il?
THIBAUT.
Sa pauvre mère, qui a nom * Parette, est dans un lit,
malade, il y a six mois.
SGAIfARBLLB, tendant la main comme pour receroir de l'argent.
Que voulez*vous que j'y fasse ?
THIBAUT.
Je voudrions*, Monsieu, que vous nous baillissiez
quelque* petite drôlerie* pour la garir.
SGAIfARBLLB.
Il faut voir de quoi est-ce qu'elle est malade^.
I. Qui viennent à lui. (1673, 74, Sa, 1734.) — a. A Litmdre, (1734.)
3. Qui a pour nom. (Ibidem,)
4. Je youdroit. (i68a, 97, 1710^ 18, 3o, 33.)
5. Queuqae. (i73o, 34.)
6. Dans le Bourgeoi* gentilhomme^ M. Jourdain n'emploie pas moins plai-
lamment le mot, quand, 8*adresiant, à son entrée (acte 1, scène n), an mettre
de musique et an maître k danser, il leur dit : « Hé bien ! Messieurs? qa*est-ee?
me £eres-votts voir TOtre petite drôlerie ? »
7. 11 faut Toir. De quoi est-ce qu'elle est malade? (1734.) — L^éditeurde
1734 s*est imaginé à tort que Toriginal avait été mal ponctué. La réunion en
une seule phrase, comme la fait Sganarelle, est un tour populaire, pioa vif
que cet autre, populaire aussi et peut-être plus grammatical : « Il bat voir
(le quoi c^est qu^eÛe est malade. »
ACTE III, SCÈNE II.
lOl
THIBAUT.
Aile est malade d^hypocrisie, Monsieu.
SGAKARBLLB.
D'hypocrisie ?
THIBAUT.
Oui, c est-à-dire qaaile* est enflée par tout; et l'an
dit que c*est quantité de sériosités qu'aile a dans le
corps, et que son foie, son ventre, ou sa rate, comme
vous voudrais Tappeler, au glieu de faire du sang, ne
fait plus que de Tiau. Aile a, de deux jours l'un, la fièvre
quotiguennci avec des lassitules* et des douleurs dans
les mufles des jambes. On entend dans sa gorge des
fleumes • qui sont tout * prêts à l'étouffer ; et par fois * il lui
prend • des syncoles et des conversions, que je crayons
qu'aile est passée. J'avons dans notte village un apothi-
caire, révérence parler'', qui li a donné je ne sai combien
d'histoires; et il m'en coûte plus d'eune douzaine de
bons écus en lavements, ne v's en déplaise, en apo-
stumes ' qu'on li a fait prendre, en infections Me jacinthe,
I. Qa'eDe. (1674. Sa, ga, 97, 1730.)
a. Des iMtitadM. (1673, 74, Sa, 1734.)
3. « On Toit par Iliistoriqae [du mot)^ dit M. Littré 2t la fin de Tarticle
PuoME, f\n9 flemme 00 /lume da peuple est, non nne faate, mais un archaïsme. »
4. U y • iH«n ici tottf, et non, comme k I*ordinaire, tous^ dans nos anciennes
éditions.
5. A réCoof&r; par Ibis. (i68a.) — 6. 11 li prend. (1734.)
7. Ce petit correctif de la âvilité TiUageoise est ici d'un effet très«comique .
Tout à rhenre, dans la scène t, le nom d'apothicaire paraîtra inspirer un
•emblablc scrapole de pudeur k Sganarelle, qui le Ciit seulement entendre par
8, Cjrano Bergerac, dans sa lettre Contre les médecins'^ (p. 179), a em-
ployé apœume pour apozème (décoction). On sait que la Fonuine (fable vin
du lirre VIII, le Ckevçl et le toup^ vers a3) a en quelque sorte consacré la
forme apostume au lieu d*apoâtème (abcès), qui eût été plus régulier. Ces deux
ferme» apùsume et apostume éUnt ainsi en usage, la confusion que fait Thibaut
P«nlt toute naturelle.
9. y>nt il dire injwetiitê? plm4t pent^tr# m/heûms,: voy^s cependant Jes
• Citée ci-deasos, p.S3, note i.
I02 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
et en portions cordales. Mais tout ça, comme dit Tautre \
n*a été que de Tonguent miton mitaine. li veloit li bailler
d'eune certaine drogue que Ton appelle du vin amétile';
mais j*ai-s-eu peur, franchement, que ça renvoyit à
patres; et Tan dit que ces gros médecins tuont je ne sai
combien de monde avec cette invention -là.
SGANÀRBLLE, tendant tonjonrs U main et la branlant, comme
pour signe qu*il demande de Targent.
Venons* au fait, mon ami, venons au fait.
THIBAUT.
Le fait est, Monsieu, que je venons voua prier de
nous dire ce qu'il faut que je fassions.
SGANÀRBLLB.
Je ne vous entends point du tout*.
«xemple» e\xk% par M. Littré à l'historique da root Ihjection, •nrtont celui
-d*A.inbroise Paré.
I . Comme l*on dit. Cette phrase proverbiale a été employée par le Pierrot
de Dont Juan (tome V, p. io3) ; il y en a des exemples dans YAgréahU ron/^r-
rence de deux paysans * (p. 8), et dans le Pédant joui (p. 39 et p. 49] ; Racine
l*a employée sans comme dans le vers 6 des Plaideurs s
On apprend à hurler, dit Taotre, aree les loups.
a. Sur le rin émétiqne, dont parle iei Thibaut, Toyes tome V, p. iS?, note 3.
'3. SoANARBLLa, tendant toujours la main. Venons. (1734.)
4. M. Dexpoîs a noté que ce trait de comédie se trouve nettement indiqué
duos de vieux vers, bien longtemps inédits, et assurément ioconnos de Molière,
dans une Lettre sur Vitat d*avocation d*£ttstache Deschamps ; voyez page zltz
du Précis historique et littéraire sur Eustuche Desckamps mis en tête du dMis
de ses Poésies morales et historiques* pnhUê par Crapelet en iS3a. S'adreeaant
aux trois avocats auxquels il envoie son épttre, le poète leur dit :
Chacun va votre aens requerra
Et votre aide demander
Pour Targent ; car qui truander ^
hk voudroit, bien sauriez répondre :
« Amis, fai ta gelîne pondre,
Et apporte assez, c*pst de quoi ' ;
Car en ton Cait goutte ne voi. »
— On trouve un même dessin de seèue (un souvenir pent-étre de quelque
' Que nous avons citée au tome V, p. 106, note 7.
^ Mendier seulement votre avis, vous le voler, ne le pas payer.
^ C*est de Pargent {du quibus] que je veux dire ; ou bien : c*ett de quoi U
•est question, c*est ce qu'il s'agit de faire?
ACTE III, SCENE II. lo)
PERRIlf.
Monsieu, ma mère est malade; et velà^ deux écus
que je vous apportons pour nous bailler queuque re-
mède.
SGAlfÀRELLIZ.
Ah ! je vous entends, vous*. Voilà un garçon qui parle
clairement, qui s'explique^ comme il faut. Vous dites
que votre mère est malade d*hydropisie, qu^elle est
enflée par tout le corps, qu^elle a la fièvre, avec des
douleurs dans les jambes, et qu'il lui prend parfois
des syncopes et des convulsions, c'est-à*dire des éva-
nouissements ?
PEHRIN.
Eh! oui, Monsieu, c'est justement ça.
sgànàrelle.
l'ai compris d'abord vos paroles. Vous avez un père
qui ne sait ce qu'il dit. Maintenant vous me demandez
un remède ?
PERRIN.
Oui, Monsieu.
SGÀNÀRELLE.
Un remède pour la guérir ?
PBRRIN.
C'est comme je l'entendons.
ueienne Ciree) daas les Plaisantes Journées du sieur Favoral : Toyea ITiis-
toiiv, aiaex platement contée d*aiUears, des Deux vers de l*Avocaf enfers une
f«f^ (p. Ii4 e< 1 15 de rédition de 1644).
I. Etviâ. (1734.)
^. Àimé-Mardtt rappelle iei eejoli passage de Montaigne (IItta II, cha-
pitre ui, tome II, p. 365 et 366) : « Voas récites simplement, nne caose à
Tavocat : il vous y répond chancelant et douteux; vous senter. qu'il lui est
ladifierent de prendre à soutenir Pun ou l'autre purti. L*avez-vcmH bien pnyé
pour y mordre et pour s'en formaliser (s*jr appliquer), commence il d*en être
ntéressé, y a il échanfiEe sa Tolonté : sa raison et sa science s*y écbinflîmt quand
«t qnand ; Toilà une apparente et indubitable rérité qui se présente à son
entendement; il y découTre nne tonte nonrelle lumière.... »
3. Et qui s*espliqne. (i6Sa, 1734.)
io4 LE MÉDECIN MALGRÉ LUL
SGÀNÀRBLLB.
Tenez, voilà un morceau de fonnage^ qu*il faut que
voua lui fassiez prendre.
PERRIN.
Du fromage, Monsieu?
SGÀIIARBLLB.
Oui, c^est un formage préparé, où il entre* de Tor,
du coral', et des perles, et quantité d'autres choses
précieuses^.
PBRRIlf.
Monsieu, je vous sommes bien obligés ; et j'allons li
faire prendre ça tout à Theure.
SGAlfÀRBLLE.
Allez. Si elle meurt, ne manquez pas de la faire
enterrer du mieux que vous pourrez*.
I . Par eette forme, qui s*est oonseryée dans quelques-unes de noa proTÎuees,
et qui, au reste, est plus fidèle à Tétymologie, forme que Sganarelle ts
maintenir dans sa réplique, et qu'il a peut-être apprise de son grand médecin,
il eroit sans doute reletier déjà son fromage médical. C*est, arec nae petite
▼ariante, la forme employée, au seiaième siècle, par Olivier de Serres (vojei
ehex M. Littré, Tbistorique du mot PnoMAos), et par Henri Eitiemae, qui
rappelle en ces termes un de nos rieux proverbes emprunté aux préceptes des
médecins de Saleme : « Tout fourmage est bien sain Qui rient de diiche main. »
{J}e la PrécelUnce du langage françois^ x579« P* '7^-) — Dans les éditiou
de 169a, 17 10, 18, 3o, 33, 34, on a, ici et dans la réplique suiTante de
Sganarelle, imprimé yromo^e. C'est à Perrin que celle de 16^ fait dire
formage^ comme terme de son patois.
a. Où il y entre. (1673, 74, 8a.) — 3. Du corail. (1684A, 94 B, 1734.)
4< Dans un curieux spécimen des compositions pharmaceutiques da temps
que donne M. Raynaud, p. 335, on remarque aussi de Témeraude, da saphir,
de Tor et argent pur en leuilles, des perles, du corail blanc et roug«. Entre
autres remèdes qu'il faisait prendre à son maître en i655, Vallot a noté cdui-
ei (p. 46 du Journal de la santé du Roi) : ■ Je me suis serri d'antres taKIettcs,
que j'ai fiiit préparer avec mon or diapborétique, les perles préparées et mon
specificum ttomaehicum, •
5. « Cette scène n'est' qu'épisodiqne, dit Anger en i8ao; die ralentit
l'action.... Les comédiens la passent à la représentation. • On «ne la paaaait
ni du riTsat de Molière ni encore assez longtemps après: cela est proaré par la
mention qui est faite, dans le Mémoire de.»,, décorations (d-deasos, p. 34*
note a), du morceau de fromage que Sganaralle remet aux paysans.
ACTE III, SCÈNE IIL loS
SCENE III.
JACQUELINE, SGANARELLE, LUCAS '.
8GÀNÀRELLE.
Voici la belle Nourrice. Ah ! Nourrice de mon cœur,
je sois ravi de cette rencontre, et votre vue est la rhu-
baribe, la casse, et le séné qui purgent toute la mélan-
colie de mon âme.
JACQUELINE.
Par ma figue ! Monsieu le Médecin, ça est trop bian
(lit pour moi, et je n'entends rien à tout votte latin*.
SGANARELLB.
Devenez malade, Nourrice, je vous prie; devenez
malade, pour Tamour de moi : j'aurois toutes les joies
du monde de vous guérir.
JACQUELINE.
Je sis votte sarvante' : j'aime bian mieux* qu'an' ne
me guérisse * pas.
SGANARELLE.
Que je vous plains, belle Nourrice, d'avoir un mari
jaloux et fâcheux comme celui que vous avez !
JACQUELINE.
Que velez-vous', Monsieu? c'est pour la pénitence
de mes fautes ; et là où la chèvre est liée, il faut bian
qu'aile y broute*.
!• «AGQCTLIVB, SOASABBLLI, LUCAS Hmu U fomà J» théâtre. {l'jH')
t. Voira Utin. (1674, 8a, 1734.)
3. Voira forante. (17 18.) — Voira urTante. (169a, 97, 17 10, 33, 34*)
4* Biea mieux. (1675 A, 84 A, 94 B.) — 5. Qu*oii. (1718.)
6. Goarisse. (1673, 74« 83,93, 1730, 33.) — GarUse. (1697, 1710, 34*}
7. Qoe Toalev-Toos. (i68a.) — Que vlex-roiit. (1734.)
8. Voycs dans let FarUtit kiêtoriquMs et littérairti de M. Édoaard Fonrnier,
io6 LE MEDECIN MALGRE LUL
SGANARBLLB.
Commeut? un rustre comme cela! un homme qui
vous observe toujours, et ne veut pas que personne
vous parle!
JACQUELINE.
Hélas! vous n'avez rien ^ vu encore, et ce n'est qu'un
petit échantillon de sa mauvaise humeur*.
SGANARELLE.
Est-il possible ? et qu'un homme ait Tame assez basse
pour maltraiter une personne comme vous? Ah! que
j'en sais, belle Nourrice, et qui ne sont pas loin d'ici,
qui se tiendroient heureux de baiser seulement les
petits bouts de vos petons ! Pourquoi faut-il qu*une
personne si bien faite soit tombée en de telles mains ^
et qu'un franc animal, un brutal, un stupide, un sot...?
Pardonnez-moi, Nourrice, si je parle ainsi de votive
mari.
JACQUELINE.
Eh ! Monsieu, je sai bien* qu'il mérite tous ces noms-
là.
SGANARELLE.
Oui, sans doute, Nourrice, il les mérite; et il méri-
teroit encore que vous lui missiez quelque chose sur la
te te, pour le punir des soupçons qu'il a.
JACQUELINE.
Il est bien vrai que si je n'avois devant les yeux que
tome IX, p. 175 et note i, deux ancieiu exempleg de ce prorerbe, et tome lY,
p. 9, du même onvrage, ane Tariante très- voisine. 11 est aussi dans Rraotftme,
mais avec une autre application (Discours sur les couronnels de VinfutUrie
de France, tome VI, p. 148, de l'édition des Œuvres complètes pnbliee, pour
la Société de Tbistoire de France, par M. Lalanne) : < U où la chièrra est
atucbée, il l*y faut laisser bronter. •
I. Rian. (1773.) — a. Himeur. (1734.
3. En de pareilles mains. {Ibidem.)
4. Bian. (i68a, 1734)
ACTB m, SCÈNE III. 107
son intérêt, il pourroit m'obliger à queuque étrange
chose.
sgànàrellb.
Ma foi ! vous ne feriez pas mal de vous venger de lui
avec quelqu'un.. Cest un homme, je vous le dis, qui
mérite bien cela; et si j'étois assez heureux, belle
Nourrice, pour être choisi pour....
(En eet endroit, tous deux aperceTanfc Lacas qui étoit derrière eux et cnten-
doit lear dialogue, diaenn se retire de son côté, mais le Médecin d*tine ma-
nicre fort pbÎMBte *.)
SCÈNE IV,
GÉRONTE, LUCAS.
GBRONTE.
Holà! Lucas, n'as-tu point vu ici notre médecin ?
LUCAS.
Et oui, de par tous les diantres', je Tai vu, et ma
femme aussi.
GiaONTE.
Oh est-ce donc qu'il peut être ?
LUCAS.
Je ne sai; mais je voudrois qu'il fut à tous les
goebles'.
GÉRONTE.
Va-t'en voir un peu ce que fait ma fille.
I. Doju le temps que SganarelU tend le* broê pour embrasser Jacqueline,
^^^^ passe sa tiu par-dessous, et se met entre eux doux. SgaaareUe etJac'
f^iûu regardent Lucas y et sortent chacun de leur côté. (l 734.)
a. OUntea. (1673, 74t 8a, ça, 97, 1710, x8.)
3. A toos les guiebles. (1697, 17 10, 18, 33.) — A tons les diables. (1734,
«Mi» non 1773.) — Voyesd-dessos, p. 48, note 3.
i.o8 LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
SCENE V.
SGANARELLE, LÉANDRE, GÉRONTE.
GGRONTB.
Ah ! Monsieur, je demandois où vous étiez.
SGAMÀRELLE.
Je m*étois amusé dans votre cour à expulser le su-
perflu de la boisson. Comment se porte la malade?
GBRONTB.
Un peu plus mal depuis votre remède.
SGANARELLE.
Tant mieux: c^est signe qu'il opère.
GÉRONTE.
Oui; mais, en opérant, je crains qu'il ne Tétouffe^
SGANARELLE.
Ne vous mettez pas en peine : j'ai des remèdes qui
se moquent de tout, et je l'attends à l'agonie.
GÉRONTE*.
Qui est cet homme-là que vous amenez?
SGANARELLE, faisant des signes avec la main que c'est'
nn apothicaire.
\ji esi* * . •
Quoi?
Celui....
Eh?
GERONTE.
SGANARELLE.
GiaONTE.
I. Voyez ci-dessus, p. 83 et note i.
a. GiaoRTa, montrant Lèandre. (1734.)
3 avec la main^ pow montrer que e'ett^ ««0. (lUdam,)
ACTE III, SCENE Y. 109
MAHARSLLB.
Qui....
GUOHTE.
Je Yoas entends.
8GAHARBLLB.
Votre fille en aura besoin.
SCÈNE VL
JACQUELINE, LUCINDE, GERONTE, LÉANDRE,
SGANARELLE*.
lACQUBLIlIB.
Monsiea, velà votre fille qui veut un peu marcher.
8G4NARELLB.
Cela lui fera du bien.* Allez-vous-en, Monsieur TApo-
thicaire, tâter un peu son pouls, afin que je raisonne
tantôt avec vous de sa maladie.
(En cet endroit, fl tire Géronte i om boot du théâtre, et, lai passant un bms
■ar les épaolea, lui rabat la main sons le menton, avec laquelle il le fait
retovner vers lui, lorsqu^il Teut regarder ce que sa fille et rapothicaire
font easenUe, Ini tenant cependant le diseonrs soivant pour Tamuser* :)
Monsieur, c'est une grande et subtile question entre
les doctes*, de savoir si les femmes sont plus faciles à
guérir que les hommes. Je vous prie d'écouter ceci, s'il
vous plait. Les uns disent que non, les autres disent que
>• LUCmDB, GSHOirrB, LBANORB, JACQUSLIHB, SOAHARBLLE. (1734.)
2. A Uandre. (1734* nuii* non 1773.)
)■ SfmHortlte tire Géronte dans un coin du théâtre^ ft fui fasse un bras
f^ les épaules /wiir Vempéeher de tourner la tête du cSté ok sont Lèandre et
Laeinde. (1734.) ~ « Léandre déguisé en apothicaire pour parler h Lucinde,
dit Aûné-itartin, est dans la ménie situation que le Clitandre de V Amour
^lédeàn {acte 111, scène Yl). Le jeu de Sganarelle, qui empêche Géronte d*en-
^di« l'entretien des deux amants, est le même que celui d'Hali dans le
Sieiliem (scène xii). »
4. Entre les docteurs. (1673, 74, Sa, 1734.)
no LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
oui; et moi je dis qae oui et non: d^autant que Tio-
congruité des humeurs opaques qui se rencontrent au
tempérament naturel des femmes étant cause que la
partie brutale veut toujours prendre empire sur la sensi-
tive^ on voit que Tinégalité de leurs opinions dépend du
mouvement oblique du cercle de la lune ; et comme le
soleil, qui darde ses rayons sur la concavité de la terre,
trouve....
LUCINOB *.
Non, je ne suis point du tout capable de changer de
sentiments'.
GÉRONTE.
Voilà ma fille qui parle ! O grande vertu du remède !
O admirable médecin ! Que je vous suis obligé, Monsieur,
de cette guérison merveilleuse ! et que puis-je faire pour
vous après un tel service ?
SGANARELLE, se promenant snr le théâtre, et l'essayant le front •
Voilà une maladie qui m'a bien donné de la peine !
LUCmOE.
Oui, mon père, j'ai recouvré la parole ; mais je l'ai
recouvrée pour vous dire que je n'aurai jamais d'autre
époux que Léandre, et que c'est inutilement que vous
voulez me donner Horace.
GÉRONTE.
Mais....
I . SganareUe répète ici des expressions employées par Gros-Eeaé, dans son
interminable raisonnement sur la femme (vers ia6i et ia6a du Dépit amou-
reux, tome 1, p. 484) •
La partie bratale alors reut prendre empire
Defsas la sensitire.
a. LuciNDE, à Léandre. (i734>)
3. De sentiment. (1674, 8a, 9*1, 97, 1710, 3o, 33, 34.)
4 sur le théâtre, et s*éventant avec son chapeau. (i734>)
ACTB III, SCENE VI. m
LUCINDB.
Rien nVst capable d*ébraaler la résolution que j*aî
prise.
GKROIITB»
Quoi...?
LUCINDB.
Yous m^opposerez en vain de belles raisons.
GÉRONTB.
^1 ■ . * •
LUCIIfDE.
Tous VOS discours ne serviront de' rien.
GÉRONTB.
Je
LUCINDB.
C*est une chose où je suis déterminée.
GÉRONTB.
Mais....
LUCINDE.
Il n*est puissance paternelle qui me puisse obliger à
me marier malgré moi.
GÉRONTE.
ai....
LUCINDB.
Vous avez beau faire tous vos efforts.
GÉRONTB.
n....
LUCINDB.
Mon cœur ne sauroit se soumettre à cette tyrannie.
GÉRONTB.
■t • . ..
I. La.... (1673, 74, Sa, 1734.)
lia LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
LVCINDB.
Et je me jetterai plutôt dans un convent^ que dVpou-
ser un homme que je n'aime point.
GÉROMTB.
Mais....
LUCINOB9 pariant d*aii ton d« toîx k étoardir .
Non. En aucune façon. Point d'affaire'. Vous perdez
le temps: Je n'en ferai rien. Cela est résolu.
GÂRONTB.
Ah ! quelle impétuosité de paroles ! U n'y a pas
moyen d'y résister. * Monsieur, je vous prie de la faire
redevenir muette.
SGÂNARBLLB.
C'est une chose qui m'est impossible. Tout ce que
je puis faire pour votre service, est de vous rendre
sourd, si vous voulez'.
GÉRONTB.
Je vous remercie. * Penses-tu donc...
LUCINDB.
Non. Toutes vos raisons ne gagneront rien sur mon
âme.
GÉRONTE.
Tu épouseras Horace, dès ce soir.
I. Sur cette former alors très- fréquente, da mot, et sa prononciation, Yojei
au vert lagg du Tartuffe^ tome IV, p. 486.
a. Cette indication n*ett point dans Tédition de 1734. — Lucm», avtc
vivacité, (1773,)
3. Point d'affiiires. (168a, 1734.)
4. A Sganarelle, (1734.)
5. On ae rappelle, dans le récit de Rabelais *, cette scène de Xu/emnu mmt«
trop bien guérie : > La parole recouverte, elle parla tant et tant, qne aon mari
retourna au médicin pour remède de la faire taire. Le médicin répondit en son
art bien avoir remèdes propres pour faire parler les femmes, n'en avoir pour
les faire taire; remède unique être surdité du mari, contre cestoi interminable
parlement de femme. »
6. A Lueinde. (1734.)
' Voyez ci-dessus, à la Notice^ p. ao.
ACTE III, SCENB VI. ni
LVCni0B.
réponaend plot&t la mort.
SOAlfABBLLB*
Mon Dieu ! arretez-vous, laissez-moi médicamenter
cette affaire. Cest une maladie qui la tient, et je sais le
remède qu'il y faut apporter.
gMboutb.
Seroit41 possible. Monsieur, que vous pussiez' aussi
guérir cette maladie d'esprit ?
SGANARELLB.
Oui : laissez-moi faire, j'ai des remèdes pour tout, et
notre apothicaire nous servira pour cette cure, (n appelle
l'ApoiUctire et loi peile'.) Un mot. Vous voyez que Tar-
denr qu'elle a pour ce Léandre est tout à fait contraire
aux volontés du père, qu'il n'y a point de temps a perdre,
que les humeurs sont fort aigries, et qu'il est nécessaire
de trouver promptement un remède à ce mal, qui
pooiToît empirer par le retardement. Pour moi, je n'y
en vois qu'un seul, qui est une prise de fuite purgative,
que vous mêlerez comme il faut avec deux drachmes^
àe matrimonium' en pilules*. Peut-être fera-t-elle quel-
que difficulté à prendre ce remède; mais, comme vous
êtes habile homme dans votre métier, c^est à vous de
ly résoudre, et de lui faire avaler la chose du mieux
que vous pourrez. Allez-vous-en lui faire faire un petit
!• SoàMABiLLB, À Géromte. (1734.)
)• Qw TOBt paÎMies. (16811, 84 A, 94 B, 1718, 3o, 33, 34» maû noa 1773.)
3. A Ummân. (1734.)
4* Deax dragnes. (TÛmi.) -« Ce Bom giee, àrmtkm* on divgme, était em'
plûyc par le» anciens pharmaeîeDa, comme « tjnoajme, dit M. Littré, da
r^ ou bntième partie de ronce. »
^ 5. Celte innlnction latine da nwt mariage donne bien, par sa phyiionoroir,
ii^de qvdqiie drogoe. — Dana lês FoUêi amomreutet de Regoard (acie II,
■^ vi) il j a «a aemblaMe jen, à double entente, avee dea termes, non de
""^■aone, mais de mnsîqwo.
(. OenMtrinM»inmdepUalas.(i68n,97, 1710, 3o, 33.)
Ti. 8
Ii4 LB MÉDECIN MALGRÉ LUI.
tour de jardin, afin de préparer les humeurs, tandis que
j ^entretiendrai ici son père ; mais surtout ne perdes point
de temps : au remède, "vite, au remède spécifique !
SCÈNE VIL
GÉRONTE, S6ANARELLE.
GiaOHTB.
Quelles drogues, Monsieur, sont celles que vous venez
de dire? il me semble que je ne les ai jamais oui
nommer.
SGANARBLLB.
Ce sont drogues dont on se sert dans les néoessîtés
urgentes.
gMbonte.
Avez-Yous jamais vu une insolence pareille à la sienne?
SGANASBLLB.
Les filles sont quelquefois un peu têtues.
g^routb.
Tous ne sauriez croire comme elle est affolée de ce
Leandre.
sganabbllb.
La chaleur du sang fait cela dans les jeunes esprits.
GEROIfTB.
Pour moi, dès que j*ai eu découvert la violence de
cet amour, j*ai su tenir toujours ma fille renfermée.
SGÂNARBLLB.
Vous avez fait sagement.
GEROIfTB.
El j'ai bien empêcké qu'ils n'aient eu oommumcstion
ensemble.
SGANÂRB|.LB.
Fort bien.
AGT£ III, scAnb vu.
Il J
Girnown.
n scroît arrivé quelque folie, n j'avois souffert qu'ils
M fassent vus.
SGANARELLK.
Sans doute.
gjCrohti.
Et je crois qu^elle auroit été fille à s*en aller aveo lui.
S€AIfAAELLB.
Cest pmdemment raisonné.
Gnoirri.
On m'avertit qu'il fait tous ses efforts pour lui par-
ler.
SGARÂRBLLB.
Quel drôle !
GlfaONTS.
Hais il perdra son temps.
SGANARXLLB.
Ah! ah!
GÏBOHTB.
Et j'empêcherai bien qu'il ne la voye.
SGANABBLUI.
n n'a pas affaire à un sot, et vous savez des rubriques
qnii ne sait pas. Plus fin que vous n'est pas bête*.
Zl ^^^' qa'Aiin^-llaitia • pa rapprochw de eelai-d, oà Sjrui flatte
-«•i, aa« dopa q|«a GéfOBla, daa mJaaa ao«pliiiM«ti ironlqoat :
ITAUS.
Tk^ fmamiaê fumnims, mil min tapUmtia m.
.... Simêres vêro tm ilUm tmmm
FmctTû hmei
SûuMmUimm? jUmmtêg UiU
nu fmidmum ecumit ?
imm tm miki moirmê ?
•iî lwJ7?** - ▼""«*«* «•••t bîe. toi qui l.i«araî, ton fil. en Tenir
tottari»;» o!!!*^ j!!®" •' ^•*^ ^"^ "* "*^ * rarance, je n*aarais pa*
-«r»t»w.Cartà«oiquet«Te«iapprewIwUTÎgiUnce? .
ii6 LE MÉDECIiV MALGRÉ LUI.
SCÈNE VIII.
LUCAS, GÉRONTE, S6ANARELLE.
LUCAS.
Ah! palsang^enne, Monsieu, vaicl^ bian' du tinta-
marre : Yotte fille' s^en est enfuie avec ison Liandre.
C^étoit lui* qui étoit TApothicaire ; et velà' Monsieu le
Médecin qui a fait cette belle opération-là.
GiaONTB.
0>mment? m^assassiner de la façon*! Allons, un
commissaire! et qu^on empêche qu^il ne sorte. Ah,
traître! je vous ferai punir par la justice.
LUCAS.
Ah ! par ma fi ! Monsieu le Médecin, vous serez penda^ :
ne bougez de là seulement.
SCÈNE IX.
MARTINE, SGANARELLE, LUCAS.
MARTINE*.
Ah! mon Dieu! que j'ai eu de peine à trouver ce
logis ! Dites-moi un peu des nouvelles du médecin qae
je vous ai donné.
f. Veci. (i734« mais non 1773.)
3. Bien. (1718, et une partie dn tinge de 1734.}
3. Votre fille. (168a, 94 B, 1734.)— 4- C*étoit 17.(1718.)— 5. Et tU. (1734.)
6. De cette fa^n-là^^omme au vere S04 du Misanthrope,
7. Dans la réalité, la peine eapiule men«^ît let anteur» de rapt et leon
compUeea. Hou pourrions, à propos de ee joyeux espoir qu'exprime Leeasi
citer ici les historiens de notre législation criminelle, si ees graTca autorités
n'étaient de trop dans le eommeutaire d'une fai«e.
8. MARTiift, à Lneas, (1734.)
ACTE m, SCENE IX. 117
LQOAS.
Le yelà', qui va être pendu.
MAHTINE.
Quoi? mon mari pendu ! Hélas! et qu*a-t-il fait pour
cela?
LUCAS.
Il a fiiit enlever la fille de notte maître.
MAHTINE.
Hélas! mon cher mari, est-il bien vrai qu*on te va
pendre?
SCANARBLLE.
Ta vois. Âh !
MABTIRB.
Faut^il que tu te laisses mourir en présence de tant
de gens ?
SGANAEBLIA.
Qoe veux-tu que j*y fasse ?
MARTINE.
Encore si tu avois achevé de couper notre bois, je
prendrois quelque consolation.
SGANARELLB.
Retire-toi de là, tu me fends le cœur.
MARTINE.
Non, je veux demeurer pour t*encourager à la mort,
et je ne te quitterai point que je ne t*aie vu pendu *.
I. Le tU. (1734.)
1. MoGire m toa^enait-fl, comme le penie Aoger, d^iToir lu dans Voiture
«tte pleÎMatcrie, qoe loi iTait écrite MOe de Rambootllet ? « Void, Made-
■«•dlc, dit Voitne «, o& j*en étoia, qiMnd j'ai reçu Yotre aaeonde lettre, qai
■*• fart adouci, en m'apprenast que toos ne àmbeûrim paa qae je fnaee penda
*■• qae Toua y fiiaeiei. VéritaUemeat e*est nue grande marque de bonne
*>loBlé, et «ne prenne qu*il vona roite encore qoelqne lendreaee poor moi, de
c» qvevMH ne Tondriaa paa qoe eet accident m'arrÎTAt aant qne Tooa easôes
W pUar de le Toir. » C*eat bien à ce trait de la comédie, non au mot de Voi-
• U dernier jnin i634 : tome I, p. a33, de Tédition de M. Ubieini.
iiS LE MliDBCIN MALGRÉ LUI.
Ah!
SCÈNE X.
6ÉR0NTE, S6ANARELLE, MARTINE,
LUCAS.
Le Commissaire viendra bientôt, et Ton s*en va vous
mettre en lieu où Ton me répondra de vous*.
SGANAaSLLB, \t chapeaa à U main*.
Hélas ! cela ne se peut-il point changer en quelques
coups de bâton ?
GKRONTB.
Non, non : la justice en ordonnera.... Mais que vois-
je?
SCÈNE XI ET DERNIÈRES
LÉANDRE, LUCINDE, JACQUELINE, LUCAS,
GÉRONTE, SGANARELLE, MARTINE*.
L^AlfDlUI.
Monsieur, je viens feire paroître Léandre à vos yeux,
et remettre Lucinde en votre pouvoir. Nous avons ea
ton, que Mme de SéTÎ(pé a bit deux fois anosioii (lettres dn i5 iTril 1676,
toae IV, p. 406, et da 9 octobre 16S0, tome VU, p. 104].
I* OnUMm, •OAHABXLLB, MAETIXB.
GtAom, à SgananlU. (1734.)
». Oà roB rfpendni de ▼««. (1699, 17M, iS. et ne pndt 4a tfcig*
à» 1734.)
3. S>AWàwifjjr, à fVJMMr. (1734.)
4. SCfcllK DBBKltlX. (]«73, 74, •«• 9^ f7« >73*» 34.)— flCtm U.
(1710, iS, 33.)
5. oiaojm, UAHDai, LVGim», •OAVAmuxB, lugâs, jaoqouii*
(1734.) — LVGAt, MAaTIHB. (l7f 3.)
ACTE III, SGÉ1I£ XI IT DULNIArB. IC9
iiewm de prendre la fiûte bo«s devLS et de nous aller
■aricr enaeiable ; mais oette e&trepriae a frk phee à
an proeëdé plua honnêce. Je ne préteads poî&l ¥oas
voler votre fille, et ee n^est que de votre main que je
veux la recevoir. Ce que je vous dirai, Monsieur, c'est
que je viens tout à l^heore de recevoir des lettres par où
j'apprends que mon oncle est mort, et que je suis héritier
de tous ses biens*.
GÏaONTB.
Monsieur, votre vertu m'est tout à fait considérable',
et je vous donne ma fille avec la plus grande joie du
monde.
La médecine Ta échappé belle !
Puisque tu ne seras point pendu, rends-moi grice
d*être médecin; car c'est moi qui t'ai procuré cet hon-
neur.
S6ANAULLB.
Oui, c'est toi qui m'as procuré je ne sais combien de
coups de bâton.
LiAHDas*.
L'effet en est trop beau*, pour en garder du ressenti-
ment.
SGANAaBLLB.
Soit : ^ je te pardonne ces coups de bâton en faveur
I. ToM dras. (171S, 34.)
9. Toyw ci-dMMM, p, ao, m qol Ml dit d« ce d^noMintBt dans la
iMea.
3. 8w le je«, mm doota tnditimuMl, domt l'acCaor aceoaupagna eM laoto,
« q«0 Duparai, il n*j a pat très-longlamps aMora, aaéeatait n ln«B, to^m
ci*d«Mas à la Noitcê^ p. a4 at a5.
4* ft>ftWiBaT.i.i< à pmru (1734.)
5. liftxoftB, â SgtmmnUe, (Ihidêm,)
6. L'effet art trop bMo. (iSSa.)
7. A Mmrtimê. (1734.)
i«o LE MÉDECIN MALGRÉ LUI.
de la dignité oh tu m'as élevé ^ ; mais prépare-toi
mais à vivre dans un grand respect avec un homme de
ma conséquence, et songe que la colère d'un médecin
est plus à craindre qu'on ne peut croire.
I. Cette léeoMilMitkui dtfaidvet plos tiafeira apparmiiiest ^mm celle de la
•eeoBde eeène de la pièee, était dîna la tradition des hittoûres da VHaim mire :
▼oyea h la Notice, p. i6.
riN DU MiEdBCIN MALGftlE 1.01.
APPENDICE
AU MÉDECIN MALGRÉ LUI.
CHiHSOH DE SGAKARELLE^ GHAHTÊB PAB MOUÂRS
à la scène v du !«' acte du Médtcui malgré lui.
(Voyci ci-dcMus, p. 55 et note 5.)
Texte de la Clef des chansoimiers (1717).
L*air : Qu'ils tani doux,
Bouieille Mamiê^ etc. *.
B^'^r fi[- iw^
Qo*Ui font doux. Boa - tcil-Ie jo - li . «
Qa'Ut toat doua \oi pe- tiu gloa - glootl Ifaia mon
mi - e, Foor-quoi Tons vi - des - tou?
I. Tticst rintitalé dant Im CU/des ckantonmierê { noa« iront déjà dit que
u>v parolM primitivM en aru«nt été •ubsticoeM d*autrM «t fort inagni-
met; BOUS retoblÎMOiM ici aoua le« notes lea Tera de Molière, ee qui était
*v*i l'air étant toat ajllabiaae. — Lea eroix dans cette notation marquent la
puce d'un aeeent, d*aa renforeement de la voix, on d'un ornement du diant.
-^U elaf employée ne donne point, eomme dans une partition régulière, le
wpnoa de la voût de Molière; s'il chantait dans ce ton, c*éuit à ToeUve
laa APPENDICE AU MÉDECIN MALGRÉ LUI.
Texte du Rtcueil de la Comédie-Fra&çaise (1758).
U Méémtm mmlgré /m. Ully. i«i6.
-U, ma roi - «, Poar- quoi tous Ti-dci - toos?
Texte dn manuecrit de la Sorbonne.
BoMtùlU ma Mie,
n' r iij ii| Mil II fi
d' I iT'f r ^ijiJ ^ ^1''
^^
a' r I ij JirMi i if j h i
MELICERTE
COMÉDIE PASTORALE HÉROÏQUE
upiÉaDmùc LA pixmiu vois ▲ 8AinTH;iiMAiir m l4tk
rOVWL UL ftOI
AU MJLLMT DES MOSMSf EW D^CDIBIE t666
ME &A
TROUPE DU ROI
NOTICE*.
Dâhs les fêtes brillantes et galantes auxquelles le Baiiei des
Muses servit de cadre, et que Louis XIV fit cëlëbrer à Saint-
Germain, depuis le a décembre 1666 jusqu'au 19 février de
l'année suivante, trois pièces furent la contribution de Molière
aux divertissements : MéUcerte^ la Pastorale comique et le
Sicilien. On lit dans le Registre de la Grange pour les années
1666 et 1667 : <c Le mercredi i*' décembre [1666], nous
sommes partis pour Saint-Germain en Laye, par ordre du
Roi. Le lendemain, on commença le Ballet des Muses^ où la
Troape était employée dans une pastorale intitulée Mélicene^
pois celle de Goridon'. Quelque temps après, dans le même
I. On Tem, en lisant cette notice, que son réritable titre serait
Notice sur l^ Ballet des Muses^ c^est-à-dire sur tout Tensemble de
dÎTertissements dans lequel étaient encadrés Mélicerte^ la Pastorale
comique et le Siciliem {wa\ aura néanmoins sa notice distincte),
comme la Princeue d^àlide et trois actes du Tartuffe étaient com-
pris dans les Plaisirs de Vile enchantée^ sans parler des Fâcheux et
du Mariage foreé^ qui Tinrent aussi y prendre place. U eût donc, ce
•emUe, été logique de mettre aussi en tète, au feuillet précédent,
riotitnlé collectif de Ballet des Muses. Si nous ne Tavons pas fait,
c*est que ce ballet n*a pas été, comme les Plaisirs de l'ile enehamtée^
rangé, à titre de cadre, dans les premières éditions des Couvres de
Molière^ et que nous arons cru devoir en rejeter le lirret (la partie
utile du moins du lirret) à V^ppendiee de la Pastorale comique et du
Siciliem, A l'exemple de presque toutes les éditions antérieures, nous
nous bornons à inscrire successirement les trois intitulés partiels.
s. La Grange avait d'abord écrit: c dans une pastorale intitulée
Coridon; » il a ensuite ajouté au-dessus de la ligne : a Mélicerte^
pois celle de. a C*est la Pastorale comique qu'il appelle pastorale
ia6 MÉLIGERTB.
Baliei des Muses^ on y ajouta la comédie du Sicilien, La
Troupe est revenue de Saint-Germain le dimanche ao* fé-
vrier 1667. » Le Registre établit donc Tordre dans lequel les
trois pièces se succëdèrent ; mais il ne précise pas la date
de chacune d'elles. Nous ne la trouverons pas non plus dans
le livret du BaUet des Muses.
Cependant, conmie ce livret, qui seul nous a conservé
quelques fragments de la Pastorale comique^ nous parait
inséparable de l'histoire des trois pièces de Molière jouées
pendant les fêtes de Saint-Germain, c'est lui que nous inter-
rogerons d'abord sar cette histoire; et puisqu'il ne résout
pas le petit problème chronologique que le Registre de la
Grange laisse indéterminé, nous en chercherons ailleurs
l'échircisseiiient.
L'idée et le plan du BaUee des Muses ^ que l'abbé de
MaroUes, longtemps avant les fêtes de i666| semble avoir
suggérés* 9 sont dûs à Bensserade, au moins très^probable-
ment; il est certain qu'il en avait écrit les chansons, ainsi
que les vers sur la personne et le personnage de ceux qui j
dansaient. Ce qm n'est pas de lui, ce sont les petites oomé-
dies qu'on intercala dans le ballet ; il avait dA seulement eo
marquer la place. L'une d'elles, intitulée les Poètes^ est d'un
auteur dont on nous a laissé ignorer le nom; les antres sont
celles que nous venons de nommer comme appartenant à
Molière.
On sait que le livre de chaque ballet, qui en était comme
le programme détaillé, expliquant les entrées et donnant les
vers des réf^u^ était distribué aux spectateurs, et quelque»
vendu ensuite au pdniic'.
« de Goridon, » du nom du berger qui est le héros du petit romaii
de la pièce et dont le r6ie loi avait été donné.
I. Voyes aux pages 191 et suivantes de la Smtt du Mémdns
de llCehel de MaroUet , i volume în-folîo, à Paris, ches Antoine
de Sommaville, MocLm.
a. Voyes au tome II, p. ao8, des Contemporains de Molière^ de
M. Victor Fournel. Le passage auquel nous renvoyons est dans
VHittoire du Mlet de cour (p. ijS-aai), étude intéressante que
recommande aux lecteurs de Molière la part prise par hti aux
ballets royanm
NOTICE. 1*7
Le lirrel ou livre da Ballet dee Mmtef est Tenu jusqu'à
nous dans plusieurs ëtats différents, dont il convient de par-
ler ici. Nous ne voyons pas qu'on les ait encore fait connaî-
tre complëtement. Là cependant se trouve l'explication de
piques difficultés qui se sont rencontrées au sujet de la
plaee à d<Hiner à Méticerie dans le ballet. Il n'est pas inu-
tile d'ailleurs de savoir à quoi s'en tenir sur ce livret^ dont
DOQS reproduirons le texte', à la suite des fragments qu'il
contient de la Pastorale comique et du Sicilien^ qui y est ana-
lysé. Noos le donnerons sous sa dernière forme; mais il faut
savoir ce qa*U était avant qu'il l'eût reçue.
Les divers exemplaires que nous avons vus du livret por-
tent tous le même titre : Ballet des Muses, Dansé par Sa Ma-
jesté à son château de Saint^Germain en Laye^ le a* décembre
■666'; tous ont ce même millésime de 1666. Ce livret a été
pourtant reaianié plusieurs fois, après les changements succès
sifs que les divertissements ont subis, et qui, pour ne parler
do moins que de ceux dont il reste des traces, sont de l'année
suivante. Robinet, dans sa Lettre en vers à Madame^ datée du
10 février 1667, au moment où les f^tes venaient de finir, a
pu £re avec vérité que le ballet avait changé
• . • . eneor beaucoup plus
De vÎMget que Protéms»
Le livret aussi se fit Protée et se transforma, sans toutefois
prendre jamais un nouveau titre. Il fut d'abord mis en vente
dès les premiers jours des fêtes, comme Robinet l'atteste dans
sa lettre du 1% décembre 1666, écrite le 11, où il avertit
ttnsi les curieux :
.... Pour de ce noble spectacle
Concevoir bien mieux la beauté,
Je leur conseille en rérîtë
D'aller, pour livre ou deml-lîvre,
En acheter le galant livre,
I. Voycs ci-après, à la suite du SleUien,
s. A Ptois, par Robert Ballard, seul imprimeur du Roi, pour
Ift «atîqne, ■nouEn. Apte privUégt de Sa Majesté»
laS MELIGERTE.
Qm la tobititut d'Apollon ^
£ii a fait à son ordinaire.
Après un témoignage si positif, on ne pouvait révoquer en
doute l'existence d'une rédaction dans Liquelle avait été dé-
crit le ballet, tel qu'il fut représenté au commencement de
décembre 1666 ; mais jusqu'ici on n'avait pas, que nous sa-
chions, retrouvé « le galant livre » dans ce premier état.
Notre Bibliothèque nationale le possède cependant. Que ce
soit celui-là même, nous le regardons comme certain ; on va
pouvoir en juger.
Quel était le Ballet des Muses dans sa première représen-
tation? La Gazette du 4 décembre 1666' nous l'apprend :
« De Saiot-Genndm em Laye, le 4 décembre 1666.
V \^ % du courant, fut ici dansé iK>ur la première fois, en
prcsonce de la Reine, de Monsieur et de toute la cour, le Ballet
des Muses^ composé de treize entrées : ce qui s'exécuta avec
la magnificence ordinaire dans les divertissements de Leurs
Majestés. 11 commence |>ar un dialogue de ces divinités du
Parnasse, en l'honneur du Roi ; et tous les Arts, que l'on voit
si bien refleurir par les soins de ce grand monarque, étants
venus les recevoir, se déterminent à faire en l'honneur de cha-
cune d'elles une entrée particulière. Dans la première, pour
Uranie, on représente les sept Planètes. Dans la seconde,
pour Melpomène, on fait parottre l'aventure de Pyrame et de
Thisbé, désignés par le comte d'Armagnac et le marquis de
Mirepoix. La troisième est une pièce comique, en faveur de
Thalie. La quatrième, pour Euterpe, est composée de bei^rs
et de bergères; et Sa Majesté, pour s'y délasser, en quelque
façon, de ses travaux continuels pour l'Etat, y représente Tun
de ces pasteurs, accompagné du marquis de Villeroy, ainsi que
Madame (/ représente) l'une des bergères, aussi accompagnée
de là marquise de Montespan et des damoiselles de la Vallière
I. C*ett Bensserade, et il est nommé en marge,
s. Pages is39 et ia4<>-
NOTICE.
i«9
et de Toossi^. Dans la cinquième, pour GHio, se voit ]a bataille
donnée entre Alexandre et Poros; et la sixième, en faveur de
Galliope, est dansée par cinq poètes. Dans la septième, qoi est
accompagnée d*un récit, pait^t Orphée, qui, par les divers
tons de sa lyre, inspire la douleur et les autres passions à
ceux qui le suivent. La huitième, pour Érato, est dansée par
six amants, entre lesquels Cyrus est désigné par le Roi, et
Polexandre par le marquis deVilleroj. La neuvième, pour Po*
lemnie, est composée de trois philosophes et de deux orateurs,
représentés par les comédiens (rançois et italiens. La dixième
est de quatre Faunes et d^autant de femmes sauvages, en fa-
veur de Terpsioore, avec un très-beau récit; et dans l'onzième
il se Êdt une danse des plus agréables par ces Muses et les filles
dePiërus, représentées par Madame, avec les filles de la Reine,
de Soo Altesse Royale, et d'autres dames de la cour. La dou-
zième est composée de trois nymphes qu'elles avoient choisies
pour juger de leur dispute; et, dans la dernière, Jupiter vient
iNioirles Piérides, pour n avoir pas reçu le jugement qui avoit
été prononcé : tontes ces entrées étants si bien concertées et
exécutées qu'on ne peut rien voir de plus divertissant. »
U serait superflu d'appuyer cette citation de celle de la
lettre en vers de Robinet, en date du la décembre, dont nous
avons tout à l'heure extrait l'annonce de la vente du livret.
Cette lettre, qui explique aussi les treize entrées, ne fait que
confirmer, sans y rien ajouter, le compte rendu de la Gtaeîte.
BorooDs-nous à en citer le passage où il est parlé, dans la
tf^oînème entrée, de la pièce de Molière :
Thalie, aimant plus sagement*
Ce qui donne de Tenjouement,
Est comiquement dirertie
Par une belle comédie,
Dont Molière^ en cela docteur,
Est le très-admirable auteur.
Si l'exemplaire tout à l'heure mentionné du livret, qui est
I. Fille de la maréchale de la Mothe. Mlle de Toussi épousa, en
aoToubfe 1669, le due d'Aumont.
a. Plus sagement que Melpomène, en Thonneur de qui était
rcûtrée précédente.
MOUÉBB. Ti 9
i)o MELICERTE.
ëvidemment le plus ancien de tous ceux que nous avons eos
sous les yeux, est compare avec l'article de la Gautie et la
Lettre à Moilame, on trouvera que tout concorde. Il renferme
aussi les treize entrées. Dans la troisième, où la Pastorale co-
mique a ëtë plus tard insërëe, on lit seulement : « Thalie, àqui
la comëdie est consacrée, a pour son partage une pièce co-
mique représentée par les comédiens du Roi, et composée par
celui de tous nos poètes qui, dans ce genre d'écrire, peut le
plus justement se comparer aux anciens ^ » Ces lignes ont été
conservées dans les exemplaires postérieurement remaniés;
mais elles y sont suivies de la désignation et de l'analyse, (fû
manquent ici, de la pièce comique. Il est à remarquer que
la Gazette du 4 décembre et la lettre de Robinet, qui parlent
aussi de la comédie de Molière, ne le font pas moins vague-
ment que la première impression du livret, et se contentent
de même du nom de « pièce comique » ou de « comédie. »
Pour la sixième entrée, qui, de même que la troisième, fut
plus tard modifiée, l'exemplaire dont nous parlons n est pas
moins d'accord avec les comptes rendus de la Gatette et de
Robinet, datés du 4 et du i a décembre 1666. Il met sembla-
blement dans cette entrée de Galliope les cinq Poètes dan-
sants, au lieu de la petite comédie des Poètes Cfxi encadre
la Mascarade espagnole^ et qu'on y introduisit depuis :
« Pour Galliope, mère des beaux vers, cinq poètes, de dif-
férents caractères, dansent la sixième entrée.
Cinq poètes,
M. Dolivet*.
Poètes sérieux : le sieur Mercier et Broûard.
Poètes ridicules : le sieur Pesan et le Roy*. »
Il ne manque donc rien à la parfaite conformité de cette
imi>ression du livre avec ce qu'ailleurs nous avons appris des
divertissements du a décembre ; c'est la seule dont on en poisse
I . Le lirret a ici en marge : Molière et sa troupe.
3. Dans tous les exemplaires de lirrets qui donnent, pour cette
entrée, les cinq Poètes^ manque l'indication du caractère pa^tbuUer
qu^arait le premier poète représenté par Monsieur DoUvêt,
3. Lisez : a et le sieur Broûard,... et le sieur le Roy. a
NOTICE. i3i
dire autant, la seule qui puisse avoir été mise en vente d'aussi
bonne heure que le dit Robinet.
Cette impression a quarante pages. La treizième et der-
nière entrée est à ]a page i6. Les F^ers sur la personne et le
personnage de ceux qui dansent au Ballet commencent à la
page 17, et finissent à la page 40.
Faiscms connaître un second ëtat du livret. Il nous est donne
par un autre exemplaire appartenant aussi à la Bibliothèque
nationale. Le texte n*en diffère pas de celui du précédent
joaqa a la troisième entrée, où est insérée la Pastorale comique,
doût J'analjse et les fragments, qui commencent à la page 7,
finissent à la page i8. A partir de la page 19, où se trouve
la quatriàne entrée, il n*y a plus rien qui pour le texte offre
des différences avec Texemplaire précédent. On peut remar-
quer seulement que la page qui suit la page !io, porte le
chiffre 9, au lieu de ai, et que la pagination continue ainsi,
de façon que la dernière page porte le chiffre 40, comme
ie premier exemplaire dont nous venons de parler, quoique ce
second soit en réalité de 5a pages. Il semble donc qu'on ait
tont simplement ici, pour faire l'économie d'une nouvelle com-
position, réuni aux feuilles remaniées les feuilles de la pre-
mière impression. Cependant, s'il en est ainsi, il faut qu'il
y en ait eu plusieurs tirages, plus ou moins modifiés ; car, en
comparant les pages correspondantes des deux exemplaires
dont il s'agit, on reconnaît quelques différences typographiques.
Us caractères employés ne sont pas toujours les mêmes, et à la
page i3, dans la neuvième entrée, le premier exemplaire a mis
<ieaz fob «orateurs grecs », pour a orateurs latins », et « philo^
lophes latins », pour «c philosophes grecs », faute corrigée dans
le second. Ces remarques minutieuses, qu'il serait aisé, mais
inotile, de multiplier, il y a lieu de les renouveler dans Texa-
oien comparé de la plupart des autres exemplaires que nous
aurons encore à citer. Elles ne permettent pas de croire que
les imprimeurs aient toujours conservé la même composition
dans toutes les pages où il n'y avait pas de modifications du
Aallet à introduire. Le livret a été plusieurs fois réimprimé,
^▼ec plus on moins de changements, dans toutes ses parties.
Nous avons dit que si la pagination du second exemplaire
eût été régulière, il eût fini à la page 5a. C'est précisément
i3a MELICERTE.
ee que noos troaTons dans an troisiènie, qui ne dificre dv
second que par la rëgolaritë rétablie dans la pagioatkm et
par quelques antres particnlaritës typographiques K
Nous ne comptons encore, dans ce que nous avons dit ju-
qn'ici, que deux ëtats du livret, distingues l'un de l'autre par
Tomission, dans le premier état, du nom de la comëdie de
Molière ; par l'indication et l'analyse, dans le second, de la
Pastorale comique»
Un quatrième exemplaire, qui est, comme les précédents, à
la ffibiiothèque nationale, nous donne un ëtat nouvesn sem-
blable au second et au troisième exemplaire jusqu'à la sixième
entrée; la, aux « cinq Poètes » dansants il substitue « iei
Poètes^ petite comëdie, » avec la Mascarade espagnole, La
page 36 finissant la treizième entrée, la page 37 devrait,
comme la page ^19 du troisième exemplaire, commencer les
Fers sur la personne et le personnage de ceux qui dansent au
Ballet; mais ils sont entièrement omis et remplacés par ime
quatorzième entrée, bien qu'on ait laisse au bas de la page 36
les mots : a Treizième et dernière entrée. »
L'entrée nouvelle, ajoutée aux treize du ballet primitif, est
remplie par le Sicilien^ par une analyse du moins de la piècci
qui va jusqu'à la page 47, la dernière de ce livret, où nous
trouvons le Ballet au troisième état '. On voit que, malgré les
additions, il a cinq pages de moins que Texemplaîre qni re-
présente cet état précédent : c'est qu'il ne donne pas, noas
l'avons dit, les vers de la fin.
Nous en avons fini à peu près avec les métamorphoses da
ProtéCy pas tout à fait pourtant. Au tome IV d'un recueil de
ballets que possède également la Bibliothèque nationale, se
I. Nous ATons rencontré cet exemplaire de 5a pages, régulière-
ment paginé, à la Bibliothèque nationale et à la Bibliothèque de
rAnenal.
a. A parler exactement, c*est du lirret, non da Ballet, que nous
trouvons trois états. Le Ballet, comme on va le voir, a subi plus
de deux changements. Si même on néglige ceux qui paraissent
aToir été trèt-peu importants, la comëdie des Poète* et celle da
Sicilien furent deux nouTeautës qu^on n*introduisit que Vvne aprè<
Tautre, bien qu'elles nous soient données pour la première fois dins
la même impression du lirret.
NOTICE. i33
tronre an Uvret du Ballei des Muses qui, à ne prendre d'à*
bord garde qa'anx 47 pages où il donne l'explication des
e/urées et les réeiis^ est, de tous points, identique avec le der-
nier dimt nous avons parle. Une serait donc pas à mentionner,
si, après la page 47 ^^ I^ verso blanc qui la suit, n'avaient été
ajoatës les Fers sur la personne et le personnage de ceux qui
dansent au JBaliet, Ces pages supplëmentaires ne continuent
pas la pagination de celles auxquelles on les a réunies, car
elles commencent au chiffire ^9, et non, comme il eût fallu,
au chiffre 49. De la page 29 à la page 5a, tout est d'accord
ïïfte Texemplaîre que nous avcms décrit le troisième, et l'on
semble bien s'être borné à joindre à la nouvelle impression
les feuilles d'une impression précédente, sans en avoir changé
U pagination; ce ne seraient pas, il est vrai, celles de notre
troisième exemplaire, car il y a des différences typogra-
phiques : ce seraient des feuilles empruntées à quelque autre
réimpression. En résumé, il n'y aurait rien ici de nouveau à
signaler, si tout finissait à la page 5a ; mais U y a soixante
pages; et ce que renferment les huit dernières ne s'était
pas encore rencontré dans les exemplaires précédents. Aux
pages 53-56, celui-ci nous donne des vers se rapportant à
one Entrée des Espagnols et Espagnoles; aux pages 57-60,
des vers qui sont pour une Entrée des Maures. Bien que l'on
n'indique pas dans lesquelles des quatorze entrées ces vers
deraient trouver place, on voit facilement que les premiers
ont été faits pour la sixième, où la Mascarade espagnole
était insérée dans la comédie des Poètes^ et les seconds pour
la quatorzième entrée, celle du Sicilien,
Cette nouveauté n'est peut-être pas suffisante pour faire
f^^oonnattre encore un nouvel état du Ballet ; c'est du moins un
complément du dernier de ceux que nous avons constatés.
U est d'ailleurs sans importance pour nous, qui ne cherchons
ici que Molière. Les vers ajoutés, sans doute à un dernier
^^KHDent des (êtes, ne se trouvent pas dans les œuvres de
knsaerade*; ib sont pourtant bien de sa manière et dans
1. Voyez les OBwres dt MomsUur ds Bensêerede^ 1 Tolumes in-ia,
à Paris, chez Charles de Sercy..., Mocxom. Le Stdlet royal das
i34 MÉLICKRTE.
son goût; et ceax qui sont pour u Roi, Monsimir le Grand
et le marquis de ViUeroy, Maures; pour Masamb, Mlle deii
Vallière, Mme de Rochefort et Mlle de Brancas, JUoMretqtet,
bien qu'ayant rapport à l'entrëe du Sicilien^ ne sauraient être
attribués à Molière, dont ce n'est ni le tour d'esprit, ni ii
langue. On ne les trouvera pas ci-après dans le BaUet^ non
plus que les autres qui servent comme d'appendice aux 47
pages du Hvret définitif, les seules que nous ayons cru utile
de mettre sous les yeux des lecteurs de Molière. U n'y aundt
eu à conserver que les vers pour la troisième entrée, parce
qu'ils sont pour la personne de notre poète. U suffit de les
dter ici :
ni* EHTBtB.
Comédie, — • Molière et sa troupe^
Pour Molière.
Le célèbre Molière est dans un grand éclat :
Son mérite est connu de Paris jusqu^à Rome.
Il est arantageux partout d*ètre honnête homme.
Mais il est dangereux arec lui d^étre un fat'.
L'examen que, d'après les livrets, nous venons de faire du
Ballet des Muses^ dans ses états difTérents, prouve que les
pièces de Molière n'y ont jamais en place que dans la troir
sième et la quatorzième entrée. Les auteurs de ï Histoire dM
théâtre français^ croyant sans doute que la Pastorale comiipÊi
avait été donnée, dès les premières représentati<ms, dans la
troisième entrée, et ne sachant plus où mettre MéUcerte,
ont supposé * que cette dernière comédie avait appartenu à
l'entrée suivante, en l'honneur d'Euterpe ; mais cette qua-
trième entrée, au témoignage du livret, a de tout temps éuf
remplie par des danses et chants de bergers et de bergères,
qui n'ont rien à voir avec notre Pastorale héroïque. Le fait
4iors de doute est que la Pastorale comique remplaça un jour,
Mùsesy ne renfermant que les rers pour la personne et le per-
^•onnage des danseurs, y est aux pages 357-877 du tome II.
I. Un sot, un ridicule.
9. Tome X, p. i3S.
NOTICE. i35
dans la titMsiènie entrée, MéUcerte^ retirée par Tauteur. A
quelle date ? c'est la Gazette qui va nous en informer.
Suivons dans ce journal les vicissitudes du Ballet. Il ne pa-
rait pas que le 5 décembre il y ait encore eu rien de changé.
« De Samt-Germain en Laye, le lo décembre 1666.
« Le 5 de ce mots, la cour eut, pour la deuxième fois, le di-
vertissement du £aliet des Muses^ qui fut suivi d'une magni-
fique collation ^. »
Hais avant la fin du mens, le Ballet n'était déjà plus tout
à lait le mfeme :
« I>e S«iiifr*Ocnnaiii en Iiaye, le a3 décembre 1666.
« Le Ballet des Muses continue d'être ici le divertissement
de la cour, depuis que l'on y a fait quelques changements , et
ajouté d'autres choses, qui le rendent encore plus agréable^. »
De ces changements et additions le livret n'ayant gardé au-
cune trace, il ne s'agissait sans doute que de quelques nou-
veaux détails sans importance. Voici une modification plus
int^essante, constatée au mois de janvier suivant :
« De Saint-GermaÎB euLaye, le 7 JenTÎer 1667.
« Le 5, les réjouissances {celles de la naissance d*une fille
du Roi) en furent continuées par le Ballet : lequel divertit
d'autant plus agréablement la cour, qu'on y avoit ajouté une
pastorale des mieux concertée '. »
Cette pastorale, étant alors une nouveauté qu'on avait ajou-
tée, ne saurait être le chœur des bergers et des bergères de
la quatrième entrée, dont la Gazette du 4 décembre avait déjà
parlé. Il est clair que c'est la Pastorale comique de Molière.
La date de la première représentation de cette pièce se trouve
donc fixée au 5 janvier 1667.
Apres cette date, on embellit encore de plusieurs agréments
le BaUet des Muses.
I. Gatette du XI décembre 1666, p. 1363.
). Gazette du a4 décembre 1666, p. 1819.
3. Gazette du 8 janvier 1667, p. 35.
i36 MÉLICERTE.
« De Stint-Gcnnam en Laye, le aS jeafior 1667.
«e Le a 5, on continua le divertissement du Bailet desMaset^
avec de nouveaux embellissements, entre lesquels ëtoitune
Entrée espagnole, qui fîit trouvée des mieux concertées et des
plus agréables '..*• »
Il s'agit de la Mascarade espagnole que le livret place dans
la sixième entrée, à la scène m de la comédie des Poètes^ jouée
par la troupe royale de l'Hôtel de Bourgogne.
« De Saml4»eraiaia en Laye, le 4 fivner 1667.
a Le 3i, la cour prit derechef le divertissement du BaJki^
qui parott toujours nouveau et de plus en plus agréable par
les scènes qu'on y ajoute et les autres embellissements des
mieux concertés^. »
Nous sommes porté à croire que les scènes ajoutées le
3i janvier sont celles de la comédie des Poètes^ et que la
Mascarade espagnole en avait été d'abord indépendante. Il se
pourrait cependant que l'une et l'autre eussent été données
ensemble dès le a5. C'est ici une question de peu d'intérêt.
^ Ce qui resterait encore à citer de la Gazette^ réservons^Ie
pour la Notice du Sicilien^ dont nous aurons aussi à chercher
la date. Celle du 5 janvier 1667, que nous avons assignée à la
Pastorale comique^ est confirmée par le témoignage de Robinet,
dans sa lettre en vers du 9 janvier, où il parle assez plaisam-
ment de la naissance de la jeune princesse, qui fit laisser là
le Ballet au « cher papa » :
Mercredi, le cas est certain,
Le Ballet fîit' des mieux son train,
Mélange d*une Pastorale
Qu*on dit tout à fait joviale,
Et par Molière faite exprès,
Avecque beaucoup de progrès.
Ce me rcredi d'avant le dimanche 9 janvier était le 5 : c'est
la même date que nous avons trouvée dans la Gazette pour
I. Gazette du ag janvier 1667, p. 108.
s. Gazette du 5 février 1667, p. i3i.
3. C*est-à-dire a alla ».
NOTICB. i37
Il représentation de la <( pastorale des mieoz ooncertëe. »
Ce que la Gazette n'avait pas fait, Robinet annonce eipres-
sÀnënt cet ouvrage comme celui de Molière. U est étrange
avec son progrès^ dont, au reste, il n'avait pu juger par lui-
même : il est vrai que le mot n'est là sans doute que pour la
rime. Les personnes à qui Mélicerte avait paru surpassée,
devaient être de celles qui trouvent tout nouveau tout beau.
Il est donc prouve surabondamment que Mélicerte et la
Pastorale comique ont été représentées l'une et l'autre dans
la troisième entrée, non pas ensemble, mais successivement :
Mélicerte le a décembre 1666; ia Pastorale le 5 janvier 1667^
el probablement aussi dans la reprise que la Gazette du %% oc-
tobre 1667 apporte en ces termes : « Le 18 et le ao de ce
mois, le Roi prit {à Saint^Germain) le divertissement d'un
ballet tiré des plus belles entrées de celui des Muses^ accom-
pagnées de récits, de concerts et de tous les autres agréments
ordinaires. »
Pourquoi cette pastorale héroïque de Mélicerte^ qui avait
^ asseï goûtée pour que Robinet la nommât « une belle co-
iD^, » fit-elle une apparition si courte? Pourquoi Molière
favait-il remplacée par une autre bergerie, dcmt les débris
conservés donnent è croire qu'elle ne valait pas la première,
^ <P^i jetée dans le même moule que tant d'autres de ce
genre, elle était d'une fadeur médiocrement relevée par un
^^omiqne assez bizarre ? On ne peut beaucoup s'étonner qu*il
se fût dégoûté du roman héroïque de Mélicerte^ et qu'il eût
»isi l'occasion de le laisser là pour reverdir, ne l'ayant pas
conduit jusqu'au dénouement en temps utile. Peut-être alors
CQt-il l'idée d'y substituer le Sicilien^ et, en attendant qu'il
troorât le loisir d'exécuter son nouveau dessein, se hâta-t-il
de fournir, pour la place vide, quelques scènes provisoires.
Il est assurément regrettable qu'un tel génie ait eu si sou-
^^t à produire, sur commande, de petits ouvrages com-
posés en toute bâte pour satisfaire à l'impatience royale, et
dont il fallait accommoder le sujet aux galanteries frivoles des
l^ts; mais sa complaisance était la rançon nécessaire de
^t d'ttuvres hardies : c'était à ce prix que pouvait être mé-
l'^gée une laveur dont elles avaient besoin. A quoi bon même
^te explication? Loin que le chef des comédiens du Roi eût
i38 MÉLICERTE.
pu vouloir se dispenser de payer son tribat au amasements
de la cour» quel est le poète, le prince, le grand seigneur, la
dame de cour, qui ait -échappe à une obligation dont la
prësenoe du monarque, non-seulement parmi les spectateurs,
mais parmi les personnages charges d*un rôle muet, Caisait nn
glorieux privilège? Sous les règnes prëcëdents, au reste, on
avait déjà vu ces mascarades royales, où les princes étaient
mêlés aux comédiens, et dont tout poêle de théâtre était né-
cessairement tributaire. Puisque l'impôt levé sur le génie de
Molière était inévitable, n'insistons pas sur des regrets qoe
lui-même sans doute n'eut guère, et admirons les ressources
infinies, la facilité, la souplesse de son esprit IcMrsque, forcé de
travailler en décorateur de fêtes, d'associer son art à celui
•des Bensserade et des Lully, il a su, d'un pinceau rapide,
laisser sa marque inimitable dans la plupart au moins de ces
Jégers à-propos, tous singulièrement variés. A côté des trois
pièces par lesquelles il contribua aux agréments des grandes
fêtes de Saint-Germain en 1666 et 1667, et d<Hit une, ^^'-
cilien^ est des plus heureusement originales, comptons tontes
celles que, soit avant, soit après, il improvisa également pour
les divertissements de la cour, et où il dut admettre le mé-
lange des ballets et de la musique : les Fâcheux^ le Mariage
forcée la Princesse d*Élîde^ VAmùur médecin; puis Geor§t
Jkmdin, Monsieur de Pourceaugnaci les ji monts magnipqvety
le Bourgeois gentilhomme^ Psyché^ la Comtesse d' Escarbagnas,
Si ce sont là, pour la plupart, des pièces brochées, qui en eût
broché de semblables ? N'y a-t-il pas à s'étonner que, dans
•des amusements qui semblaient devoir être bagatelles d'un
jour, la vraie comédie se soit, tant de fois, fait sa place, et
que tout cela ait été bien loin de s'éteindre avec les illumina-
tions de Vaux, de Versailles, de Saint-Germain et de Cham-
bord ? Ztf Malaile imaginaire ne fut-il pas d'abord, en projet,
un divertissement de cour? Le Tartuffe lui-même, on ne peut
l'oublier, se montra primitivement au milieu des Plaisirs de
Vile enchantée; mais il (aut le mettre à part, parce que, s'il
s'est glissé parmi les fêtes, et comme à leur abri, il n'y était
pas attendu, et se trouvait certainement en dehors de leur
programme.
Molière, après tout, a tiré assez bon parti de la tâche im-
NOTICE. i39
posée. U faut répéter d'ailleurs que très-probablement ces
corvées exigées de sa Muse ne lui déplaisaient pas trop. Nous
penserions plutôt que, malgré toute sa supériorité sur les
poëtes et les musiciens, ses coopérateurs, mis, avec lui, en
réquisition par les fantaisies royales, comme eux cependant,
avec les sentiments qui étaient ceux de tous les contemporains,
il trouvait plaisir et honneur à avoir pour théâtres de ses ou-
vrages ces belles salles des palais, quelquefois ces jardins
splôidides *, où le Roi se montrait tantôt en paladin, tantôt
en dieu de la Fable, Neptune, Apollon ; où Ton admirait les
MoQtespan et les la Vallière
. . . . conduites par rAmour,
Dansant arec Louis sous des berceaux de fleurs*.
Seulement tout cet éclat, qui nous laisse à nous-mêmes
une impression poétique, ne devait pas empêcher que le poète
ne senttt son talent plus libre siu* la scène du Palais-Royal;
que, tout en étant flatté d'être mêlé, avec ses camarades, aux
plus nobles et même aux plus augustes figurants des fêtes, il
n'éprouvât parfois quelque impatience, quand le faux goût de
ces pompes mythologiques ou féeriques et de ces galanteries
d'opéra réloignait de sa route si franche, et quand la préci*
pitation forcée du travail ne lui permettait pas de mettre la
dernière main à de premières ébauches.
On se souvient de cette comédie de la Princesse d'Élide^
dont Marigny a dit spirituellement qu'elle a n'avoit eu le temps
que de prendre un de ses brodequins, et qu'elle étoit venue
donner des marques de son obéissance un pied chaussé et
l'autre nu'. » Encore, dans cet équipage, qre Molière ne
voulut point prendre la peine plus tard de rendre moins ir-
régulier, n'était-elle pas demeurée en chemin. Un peu boi-
teuse, il l'avait pourtant fait arriver, tant bien que mal, moi-
tié en vers, moitié en prose. Il fut pour Mélicerte plus insou-
dant encore. Ayant manqué de temps pour la mener d'abord
I. A Versailles, dans la fête des Plaisirs de Pile êiuhtmtée.
s. Voltaire, U Russe à Paris ^ vers 28 et 3i.
3. Voyez an tome IV, p. «56.
i4o MÉLICBRTE.
jusqu'au bout, 3 n'alla pas la reprendre où il l'avait quitta,
nie resta comme elle ëtait, avec ses deux actes en vers, joués
à Saint»Germain, qui ne faisaient que commencer à nooer
l'action. Dans cet état de pièce inachevée, elle a été recueillie
par les éditeurs de i68a, qui avertissent que <c Sa Majesté
en ayant ëtë satisfaite pour la fête où elle fût représentée, le
sieur de MoHère ne l'a point finie *• » Dès que le Roi domiùt
quittance de l'ouvrage, l'ouvrier, content lui-même, ne de-
mandait pas mieux que de se tenir pour libéré.
Nous n'appliquerons pas à Mélicerte les paroles de Vir-
gile :
.... Pendent opéra interrupta^ minmque
Murorum ingénies * ;
l'édifice n'est pas si grand. Ceux qui ne lisent pas cette co-
médie pastorale ont tort cependant. On y trouve des passages
qui ne sont pas à dédaigner; et, comme M. Villemain l'a dit',
à propos d'une bergerie 4^ Shakspeare, « c'est un genre foux,
agréablement touché par un homme de génie. » Un ouvrage
si étranger au goût de l'auteur et si improvisé mérite encore
l'attention, comme une preuve, entre tant d'autres, que le
talent de Molière savait prendre les formes les plus diverses.
Les premières scènes ont de la grâce avec leur dialogue coupe
symétriquement en vers, hémistiches, ou couplets égaux qui
se répondent à la façon de ces chants que les anciens nom-
maient amœbéens^ et dont on a des eiemples si connus dans
leurs églogues, ainsi que dans une des plus charmantes odes
d'Horace ^. L'idyUe était un poème bien artificiel dans notre
dix-septième siècle et à la cour de Louis XIV. De ces bei^
ries de carnaval et de cour Molière devait un peu rire tout
bas. Sous sa plume toutefois sont ici venus, sans efibrt et
comme en courant, quelques vers de vrai poète ; ceux-ci, psr
I. Voyez la dernière note de la pièce, ci-après, p. i85.
a. Enéide^ livre IV, rers 88 et 89. f On roit pendre l'œuvre in-
terrompue et la menaçante hauteur des murailles. »
3. Études de littérature ancienne et étrangère (ëditioa de 184^)1
P- »77-
4* La IX* du livre III : Donec gratus eram^
NOTICE. i4i
eiemple, lorsque Myrtil oflBre à M^oerte la cage et le petit
Le présent ii*est pas grand ; mais les dirinitës
Ne jettent leurs regards que sur les Tolontës ;
C^est le cœur qui fait tout*....
Od pat voir que les ëditeurs de 1682 n'avaient pas mal fait
de sauTer de l'oubli d'aussi jolis vers, lorsque, trois ans après
l'impression qu'ils donnèrent de la pièce, et qui fut la pre-
mière de toutes, la Fontaine publia cette autre idylle, si dëli-
dease, de Philémon et Baucis^ dans laquelle il avait mis ces
vers à profil et s'en ëtait approprie un hëmistiche :
Ces mets, nous Farouons, sont peu délicieux ;
Mais quand nous serions rois, que donner à des dieux?
C*est le cœur qui fait tout....
Si l'on doutait qu'il y ait eu imitation, il y a eu du moins
réminiscence; et ne crût-on qu'à une rencontre, par cela même
encore le passage de Mélicerte se trouve loué.
Nous pouvons noter encore, dans le rôle de Lycarsis, une
allosioa très-ingénieuse à la fête même où parut Mélicerte
et à celui qui était l'auguste héros de celte fête. Un peu
moins de quatre ans plus tard, en 1670, Racine plaça de
même dans sa Bérénice ' un portrait, qui est à comparer, de
Louis XJV, entouré aussi de toute sa cour, au milieu d'une
noit de splendeurs; là tout est d'une noblesse d'épopée ou de
tragédie :
Cette pourpre, cet or que rehaussoit sa gloire,
Tous ces yeux qu^on voyoit Tenir de toutes parts
Confondre sur lui seul leurs avides regards*,
et les derniers traits du tableau qui sont d'une souveraine ma-
jesté:
En quelque obscurité que le sort Teût fait naître,
Le monde, en le voyant, eût reconnu son maître.
I. Aete II, scène m, vers 389-391.
s. Aete II, scène m, vers 3oi-3i6 (tome II, p. 387 et 388).
i4a MÉLICBRTE.
Molière n'avait pas à faire, comme Racine, une ëlëgie ayant
pour thëâtre an palais ; avec ses princes qui s'ignorent, il
^tait reste parmi les bergers : il ne le prend donc pas sur un
ton si haut, sachant bien qu'il n'avait pas à emboucher la
trompette au milieu d'une églogue. Son petit tableau de la cour
et son portrait du Roi n*ont pas les couleurs que leur a données
l'auteur de Bérénice; mais, en demeurant tels que les deman-
dadent le Mger sujet et la muse comique, ils nous semblent aassi
parfaits dans leur genre diCTërent. Le Prince n'y paraît pas
moins grand, malgré le tour plus familier de l'ëloge ; et le
brillant essaim d'adorateurs qu'il attire dans la lumière de sa
gloire est bien agréablement montré, avec la fine touche de
satire où l'on retrouve le railleur si redoutable aux mar-
quis :
Ce ne sont que seigneurs, qui des pieds à la tète
Sont brillants et parés comme au jour d^une fête ;
Us surprennent la rue *, et nos prés au printemps
Arec toutes leurs fleurs sont bien moins éclatants.
Pour le Prince, entre tous sans peine on le remarque,
Et, d*une stade' loin, il sent son grand monarque;
Dans toute sa personne il a je ne sais quoi
Qui fait d*abord juger que c^est un maître roi.
Il le fait d^une grâce à nulle autre seconde ;
Et cela, sans mentir, lui sied le mieux du monde.
On ne croiroit jamais comme de toutes parts
Toute sa cour s*empresse à chercher ses regards :
Ce sont autour de lui confusions plaisantes.
Et Ton diroit d'un tas de mouches reluisantes
Qui suirent en tous lieux un doux rayon de miel*.
N'est-ce pas charmant ? et peut-il y avoir plus d'élégance
dans l'apparente négligence ?
MéHcerte est intitulée Comédie pastorale héroïque. C'était
pour les derniers actes, ceux qui n'ont pas été faits, qne
l'héroïque était réservé. Jusque-là il ne fait que s'annoncer.
Le Roi vient chercher Mélicerte et révéler de quel sang elle
est née. Il est déjà clair que cette bergère va être reconnue
I. Voyea ci-après, p. i6o, la note sur le Ters i34.
s. Acte I, scène m, vers 129-143.
NOTICE. 14)
princesse, et que le jeune berger Myrtiï sera trouré de
même sang qu'elle. Nous sommes en plein roman de Mlle de
Scudërjr. Molière, en effet, avait pris son sujet dans le Grand
Cjmu^ où SësostriSy fils d'Apriès, roi d'Egypte dëtrônë, et
Hmarète, fille de l'usurpateur Amasis, sont élèves parmi les
pasteurs, s*aiment fatalement, par sympathie de noble race, et
finissent par s'ëpouser, lorsque le secret de leur naissance est
dëcoayert*. On voit, dans ce que nous avons de Mélieerte^ se
préparer dëjà ce dénouement par reconnaissance, sans qu'on
puisse savoir, et Ton ne s'en inquiète pas beaucoup, si Molière,
qui a placé ses personnages dans la vallée de Tempe, aurait fiiit
de cette bergerie royale une histoire égyptienne. Ce qui pour-
rait, à la rigueur, le donner à croire, c'est que dans le ballet
qui termine la Ptutorale comique^ substituée à Mélicerte pour
la troisième entrée, il y a une Égyptienne qui chante et danse,
et des égyptiens joueurs de gnacares^. C'est peut*ètre un dé-
bris qui sera resté de la première en date des deux pièces'.
La source oii Molière avait puisé a été signalée par un
Gontmnateur de Mélicerte^ que nous nommerons tout k
l'heure. Nous ignorons s'il avait été le premier à faire la
découverte, qui ne pouvait guère échapper aux lecteiurs du
Grand Cyrus. Là et dans Mélicerte, on reconnaît le même
roman jusque dans des détails : « Je me souviens bien, dit
Timarète à Sésostris*, que vous m'avez mille et mille fois
domié des fruits, des oiseaux, des joncs à faire mes cor-
beilles, et des bouquets. » MUe de Scudéi7 aurait donc pu ré-
clamer des droits d'auteur sur le moineau de Myrtil. Seulement,
I. La partie principale de V Histoire de Sésottrit et de Timarète^
eeDe qui a pu servir à Molière, est au livre second de la sixième
partie à^Artamène ou le Grand Cyrus; elle commence à la page SSy
et finit à la page 986 du tome YI (ou 6* partie) de Tëdition
ia-S* de i65i. Paria, chea Augustin Courbe.
>. Voyez ci-après, p. ao4.
3. Il faut dire : a à la rigueur 9, parce que les Égyptiens que nous
troQTons çâ et là chez Molière, dans les dirertissementa et ailleurs,
«ont des Gipsies, des Bohémiens, et non d'anciens Égyptiens. Une
contenance plus marquée avec le sujet est celle des Turcs et des
Mores du ballet du Sicilien.
4. Page 656.
144 MÉLICERTE.
dans la cage oà Molière l'avait mis, il était devenu plus gentil.
Notre poète put, sans regret, en rester à ce que ce conte
d'enfant a de plus gracieux; on comprend qu'il n'ait pas tenu
k le dénouer, dès qu*on ne l'y obligeait pas.
Comme il avait sans doute reçu commande de quelque chose
de pastoral, parce que rien n*éuiit mieux dans le caract^ de
la fête, il est probable que l'épisode du Grand Cjrrus lui avait
plu à cause du rôle du jeune prince berger, qui promettait
de convenir à merveille au petit Baron, alors âgé de treise
ans* Il aimait beaucoup ce gentil enfant, qu'il formait lui-
même dans l'art du comédien.
Baron joua le Me de Myrdl, écrit, suivant toute apparence,
pour lui ; Molière avait eu quelque peine à l'y décider, si Gri*
marest est exact dans ce qu'il raconte k ce sujet. Ce bio-
graphe de Molière, très-sujet k caution, est assez croyable
ici, parce que les détails qu'il donne, il devait les tenir de
Baron lui-même, dont il était l'ami. Grimarest rapporte donc
que Mlle Molière, très-malveillante pour Baron, lui donna un
jour un soufBet^ qui manquait d'à-propos, car c''était juste-
ment dans le temps où l'enfant était chargé d'un Me dans
une pièce que Ton devait représenter incessamment devant le
Roi. Baron se sauva de la maison de Molière et retourna ches
la Raisin, sur le théâtre de laquelle il avait fait ses premiers
débuts. Le rôle* ainsi en danger de n'être pas rempli était
certainement celui de Myrtil dans Afélicerie. La suite du récit
de Grimarest n'en laisse pas douter, a Rien, dît-il de Baron,
ne pouvoit le ramener...; cependant il promit qu'il représen-
teroit son rôle ; mais qu'il ne rentreroit point chez Molière. En
effet, il eut la hardiesse de demander au Roi à Saint-Germain
permission de se retirer'. » Qui sait si ce malencontreux
I. La FU de M. de Molière (l7o5), p. III.
3. Grinurettdit (p. i ii) « un rôle de six cents tert. » Lea deux
actes, joués à Saint-Germain, n*en ont en tout que six cents ; et,
si la pièce avait été acbeTée, il est clair que le rôle de Baron n*cn
aurait pas eu six cents à lui seul. Ce nombre dit en Tair n^em-
pèche pas que la mention de Saint-Germain ne désigne éndemment
Mélieerte,
3. Voyez la Fie de M. de Molière^ p. lis et Ii3.
NOTICE. 145
incident ne contribaa point à dëtouraer Molière de toute pensée
d'achever Méliccrie?
Il s'était néœssairement chargé luî-mème d'un rôle dans sa
pièce. Gomment n'eût-ce pas été celui de Lycarsis, le premier
après celui du jeune berger? Molière avait dû se réserver
l'honneur de réciter le couplet à la louange du grand mo-
narque. On croit bien voir aussi que, s*il s^toit plu à exprimer
la tendresse de Lycarsis pour le « petit pendard * » quHl trai-
tait en père, c'est qu'il jouait lui-même ce Lycarsis.
Plusieurs éditeurs ont donné les noms des acteurs qui, sui-
vant eux, auraient joué les autres personnages. Cette distri-
tmtion est toute conjecturale sans doute, quoique, selon leur
ooatome, ils n'en aient point averti. Ils font représenter le
personnage de Mélicerte par Mlle Duparc. Devons-nous croire
qae Mlle Molière, quelle que fût son aversion pour Baron,
renonça à créer le rôle de l'amante de Myrtil, pour prendre,
comme on le vent, le rôle beaucoup plus effacé d'Eroxène?
De quoi eût servi cette bouderie? En jouant une bergère
très-éprise elle-même du petit berger, elle ne donnait pas
beaucoup moins d'ennui à son antipathie, et se privait, comme
comédienne, d*une belle occasion de paraître avec éclat devant
toute la cour, dans une pièce de sou mari. Il eût donc été plus
vraisemblable peut-être de lui attribuer le rôle auquel il était
difficile qu'elle ne se prétendit pas des droits. Au surplus,
nous restons, faute de renseignements, sur le terrain des con-
jectores.
Ârmande Béjart, devenue veuve de Molière, vivait encore,
lorsque le fils né de son second mariage, Nicolas Guérin, fit
l'entreprise, plus pieuse que prudente, de donner une fin à
Mélicerte, Se croyait-il donc obligé à remplir un devoir de
famille envers un illustre esprit dont cependant l'héritage,
avec ses charges, n'aurait pu lui venir que très-indirecte-
ment? Sa pièce, continuation et refonte de celle de Molière, a
été imprimée, en 1699, sous ce titre : Myrtil et Mélicerte^
pastorale héroïque *. Non content d'attacher aux vers de
I. Acte II, scène r, vert 5 16, p. 181.
». In-ia, à Paris, chez Pierre Trabouillet, mdcxcix. L'Achevi?
d'imprimer pour la première fois est du i5 arril 1^99. Le Pri-
MoLiÊRE. Ti 10
i46 MELIGERTE.
Molière uq supplëment très-përilleux, il ne les oonseira dans
les deux premiers actes qu'après les avoir estropies en les
remettant sur l'enclume, s*ëtant laisse persuader par des
« personnes éclairëes » que les vers libres étaient plus dans
le goût de la pastorale. On croira sans peine que, sons une
forme raccourcie, les vers qui n'offraient à retrancher ni
redondances, ni chevilles, et n'avaient pas autrefois paru mar-
cher trop mal, prirent une assez mauvaise tournure.
Quant à la suite donnée à la pièce, voici comme en parle
Guërin dans sa Préfetce^ où il fait profession de respect et de
vénération pour Molière : « J'avouerai en tremblant que le
troisième acte est mon ouvrage, et que je l'ai travaillé sans
avoir trouvé dans ses papiers ni le moindre fragment, ni la
moindre idée. Heureux s'il m'eût laissé quelque projet à exé-
cuter t Tout ce que je pus conjecturer, ce fut qu'il avoit tiré
Mélicerte de l'histoire de Timarète et de Sésostris, qui est
dans Cjrus. Je la lus avec attache ; et là-dessus je traçai mon
sujet. »
Il a suivi^ en effet, le récit de Mlle de Scudéry, et n'en a
rien tiré que de très-froid. Lorsque Molière s'était dispensé de
continuer cette histoire jusqu'à son dénouement, il avait para
n'y pas voir la matière -d'un chef-d'œuvre ; on est cependant
assuré qu'il eût jeté sur ces inventions romanesques bien des
étincelles de son esprit et d'aimables traits de son imagina-
tion.
La Lande fit la musique des intermèdes ajoutés par Guérin à
Mélicerte. Les agréments de cette musique et ceux des danses
ne préservèrent pas d'un mauvais succès l'ouvrage de l'impru-
dent continuateur.
Ce qui expliquerait, sans la justifier, la tentative de Guérin,
c'est que l'ancienne, la véritable Mélicerte n'était pas faite
pour rester au répertoire avec ses deux actes qui la laissaient
inachevée. Abandonnée par Molière après les fêles de Saint-
Germain, elle ne fut plus jouée sur la scène du Palais-
Royal ; et c'est à titre de curiosité seulement que, deux siècles
rilégc du Roi est donné à N.-A.-M. {Nieolas-Armand-Uartiûl)
Guérin.
n
NOTICE. 147
plus tard, le Théâtre-Français l'a reprise. Des fragments en ont
été joués trois fois sous le second Empire ', en 1864, le lundi
17 juin, le mercredi 29 du même mois, et le dimanche 3 juillet.
Ils avaient été insérés dans ravant-dernière scène (la rra*) de
la Comtesse tfEscarbagnaSy où le Vicomte fait représenter une
comédie. Mme Tordéus remplit avec beaucoup de grâce le
rôle de Myrtil, que Baron avait créé ^.
Nous avons dit que, le 5 janvier 1667, la Pastorale comique
remplit le vide laissé dans les divertissements par Mélicerte,
qui n'avait eu aucune envie d'y reparaître dans l'état d'é-
bauche où elle était demeurée. On trouvera ci-après (p. 187-
204) ce que le livret du Ballet des Muses nous a conservé de
cette nouvelle bergerie, évidemment esquissée à la hâte, en
attendant mieux. Molière ne crut sans doute pas digne de lui
de la faire survivre à la circonstance, et puisque les éditeurs de
ses oeuvres posthumes n'en ont rien donné, c'est qu'ils n'en
avaient retrouvé aucun vestige, et que Tauteur ne l'avait
pas laissée dans ses papiers.
On verra, par les fragments que le Livret a fait connattre de
cette seconde pastorale, qu elle n'avait rien du caractère hé^
nique de la première, et que le sujet en était des plus minces :
Ifolière n'avait cherché que quelques motifs de chants et de
clauses'. Les premiers couplets de l'invocation des Magiciens
à Venus sont assez plaisants.
Dans ce que nous n'avons plus, nul doute qu'il n'eût échappé
à la plume rapide de l'auteur plus d'un trait où l'on eût re-
connu son esprit ; nous ne supposons pas cependant une perte
très-sensible. Faut-il croire que l'on trouve un débris, cei^-
tainement très-défiguré, de la pièce, au commencement des
Fragments de Molière ^^ cette hïzarreollapodrida? M. Edouard
Foumier a dit' que la pièce de Ghampmeslé <c commence par
I. Voyez à la page $49 de notre tome I.
a* Voyez dans le Moniteur universel du 4 juillet 1864, le feuille-
toQ de Théophile Gautier.
3. Pour la musique de Lully, yoyez ce qui en est dit ci-après,
p. tigS, note 3, à la fin de V Appendice à Mélicerie^ etc.
4 . Voyez sur les Fragments de Molière notre tome V,p.53-54et7a.
5. Dans un article Farta de la Repue des provinces^ octobre i865,
p. 143.
148 MELICERTE.
une scène de pastorale pour rire, où les fleures Lignon et
Jourdain.... semblent reprendre le râle qu'ils avaient pu jouer
déjà dans la Pastorale comique, » Comment cette scène aurait-
elle trouvé place dans la pastorale, telle qu'il nous est possible
de la reconstituer dans son plan ? faut-il donc supposer un
prologue ? Mais la liste des personnages étant dans le Livret^
pourquoi les deux Fleuves ne s'y trouvent-ils pas ?
Le Livret donne les noms des acteurs de la Pastorale
comique; on les trouvera en tête de l'analyse que nous lui
devons de la pièce ^. Le rôle bouffon de Lycas, que les Ma-
giciens essayent de débarbouiller de sa laideur, était joué par
Molière.
Mélicerte, nous l'avons dit, ne se trouve pas dans le livret
du Ballet des Muses^ publié en 1 666 ; il n'y en a même là au-
cune trace, aucune mention. Notre texte reproduit celui du
tome Vil de l'édition de 16811, tome I des OEuvres posthumes^
où les deux actes de cette comédie inachevée ont été imprimés
pour la première fois.
Quant à la Pastorale comique^ nous avons averti que nous
la donnions d'après le livret original. La première édition où
elle ait été réimprimée est celle de 1734.
La Bibliographie moliéresque indique (n"* 91a et 91 3) deux
traductions polonaises de Mélicerte (s. 1. ni d.), la seconde
sons un titre qui signifie la Pastorale comique. Elle mentionne
de plus (n° 81 5) une pièce suédoise intitulée Melicerta (1750),
« qui paraît imitée de la pastorale de Molière. »
I. Voyez ci-après, p. 189 et 190.
SOMMAIRE D£ VOLTAIRE. 149
SOMMAIRE
DE MÉLICERTE, PAR VOLTAIRE.
Molière n*a jamais fait que deux actes de cette comédie ; le Roi
le contenta de ces deux actes dans la fête du BalUt des Mutêi*, Le
public n*ai point regrette que Fauteur ait négligé de finir cet
ounage : il est dans un genre qui n^était point celui de Molière*
Quelque peine qull y eût prise*, les plus grands efforts d*un homme
d'esprit ne remplacent jamais le génie'.
I. Yojes ci-dcnuSy k la Notice^ p. 189 et 140.
s. Noos Aoos eoafbriiioiu.^t0éiliMi de 1764 ; dim itHa da 1739, Im mot» :
« Qotlqiie p«iiie qa*il j e&t prise, » termiiient la phrase précédente.
3. Bcadiot dit eo note : « Le texte me parait altéré : Voltaire refuserait h
Molière le génie qu^il lui a reconnu » dans d^autres passages. On peut lé- /
poudre que la phrase précédente montre bien que g^nie n'a point ici le même
leas qoe dans ces passages, mais le sens, autrefois très-fréquent, de talunt
Bsturel particulier, propre à un genre. Voltaire n^aurait jamais touIu dire
que Molière ne Iftt pas un hooune de génie ; mais il lui refuse le génie de lu
pssiorale, qui, fiuaant défiiut) ne pourrait être reoipUcé par Te^rit.
/ f
4
PERSONNAGES.
ACANTE, amant de Daphnë.
TYRÉNE, amant d'Éroxène.
DAPHNÉ, bergère ^
ÉROXÈNE, bergère.
LYCARSIS, pâtre, cru père de Myrtil.
MYRTIL, amant de Mëlicerte.
MÉUCERTE, Nymphe on bergère*, amante de Myrtil*.
œRINNE, confidente de Mëlicerte.
NIGANDRE, berger.
MOPSEy berger, cru oncle de Mëlicerte^.
La scène est en Thessalie, dans la Tallée de Tempe.
I. A bergère il faudrait, ce semble, ici et à la ligne suitante,
substituer : a Nymphe ou bergère » (royez plus bas, au nom de
Mkï.ïcebte), ou même plutôt : Nymphe^ tout court. Dans le dialo-
gue, Daphitb et Éaoxàiis sont constamment nommées Nymphes^ et
elles-mêmes s*appellent ainsi (yers a54). Voyez ci-après, p. i54)
note s.
9. Princesse crue simple bergère^ auraient pu dire les premiers
rédacteurs de cette liste, d* après les vers 44^ et 590-696 : Toyex
la Notice^ p. 149 et i43.
3. On a TU à la Notice (p. i44 et 14$) que ces trois principaiu
personnages de Ljrcarsîs^ de Mjrriil^et peut-être de Mélicerte(cu ici
il n*y a pas certitude], furent joués par Molière, le jeune Baron
et Mlle Molière.
4 . ACTEURS. — MsLicBHTB, bergère. — Dapbbb, bergère. —
Éaoxin, bergère. — Mtbtil, amant de Mélicerte. — AcAVia,
amant de Daphné.— Tthèkk, amant d'Éroxène. — Lygaesis, pâtr^t
cru père de Myrtil. — CoanrirB, confidente de Mélicerte. —
Nigaudes, berger. — Mopsb, berger, etc. (1734*)
MÉLICERTE.
COBfÉDIE PASTORALE HÉROÏQUE •.
ACTE 1.
SCÈNE PREMIÈRE.
TYRÈNE, DAPHNÉ, ACANTE, ÉROXÈNE».
ACAKTE.
Ah ! charmante Daphné !
TYRENB.
Trop aimable Éroxène'.
DÀPBNÉ.
Acante, laisse-mol.
SROXÀNE.
Ne me suis point, Tyrène.
ACANTE.
Pourquoi me chasses-tu?
TYRÀNE.
Pourquoi fuis-tu mes pas ?
DAPHNÉ.
Ta me plais loin de moi.
X. MÉLICERTE. PAffroBAi.E béroSque. (1734; ici et au feuillet de titre.)
2. DAPHKS, XHOÙn, AGAHTB, TYBlkirE. (1734.)
3. Sar le eanetère de ce dialogoe des premières eeèiies, Toyex à la Notice^
1 p. 140.
iSa MELICERTE.
ÉROXÀNE.
Je m'aime^ où tu n^es pas*.
ÀCÀNTK.
Ne cesseras-tu point cette rigueur mortelle ? 5
TYRÉNE.
Ne cesseras-tu point de m^étre si cruelle ?
DAPHM^.
Ne cesseras-tu point tes inutiles vœux ?
ÉROXÈNB.
Ne cesseras-tu point de m'ctre si fâcheux ?
▲GANTE.
Si tu n'en prends pitié, je succombe à ma peine.
TYRÈNE.
Si tu ne me secours, ma mort est trop certaine. lo
DAPHNÉ.
Si tu ne veux partir, je vais quitter ce lieu'.
ÉROXÈNE.
Si tu veux demeurer, je te vais dire adieu.
ACANTE.
Hé bien ! en m'éioignant je te vais satisfaire.
TYRÉNE.
Mon départ va t'ôter ce qui peut te déplaire.
I. J'aime à être, j'aime à me voir, j'aime à TÎvre, je me plais..,. L'ex-
presiion parait avoir été familière à Montaigne : « Je m'aime mieax doosièn»
ou quatonième que treizième à table. » (Livre III des Estais, chapitre Tint
tome lu» p. 40a.} Elle se trouve dans une citation faite par Paaeal dei
Peimturts mtwaies du P. le Moyne : « 11 {Itfim mélattcoltque) s'ainie nietf
dans un tronc d'arbre ou dans nne grotte que dans un palais ou sur oa
trône. » [IX* Provinciale^ p. 140 de l'édition de M. Lesieur.)
«. ACAICTB, à Daphné,
Pourquoi, etc.
TvniHi, à Éroxène,
Pourquoi, etc.
DAPBiii, « Aeante.
Ta me, etc.
ÉsoziiiK, k Tjrrène,
Je m^aime où tu n'es pas. (1734*)
3. Si ta ne Tenz partir, je quitterai^le lieu. (1730, 34.)
ACTE I, SCÈNB IL iSI
ACANTK.
Généreuse Éroxènei en faveur de mes feux i S
Daigne au moins, par pitié, lui dire un mot ou deux,
TYRANS.
Obligeante Daphné, parle à cette inhumaine,
Et sache d'où pour moi procède tant de haine.
8CENE IL
DAPHNÉ, ÉROXÈNE.
ÉROXÂNB.
Acante a du mérite, et t'aime tendrement :
Doii vient que tu lui fais un si dur traitement? %o
DAPHNK.
Tvrène vaut beaucoup, et languit pour tes charmes :
D où vient que sans pitié tu vois couler ses larmes ?
ÉROXÈNB.
Puisque j'ai fait ici la demande avant toi,
La raison te condamne à repondre avant moi.
DAPHNÉ.
Poor tous les soins d'Acante on me voit inflexible, a 5
f^oxe qu'à d'autres vœux je me trouve sensible.
ÉROXÀHE.
it ne fais pour Tyrène éclater que rigueur.
Parce qu^un autre choix est maître de mon cœur.
DAPHNÉ.
Puispje savoir de toi ce choix qu'on te voit taire ?
SROXÈNE.
Ooi, si tu veux du tien m^apprendre le mystère. 3o
DAPHNÉ*
Sans te nommer celui qu* Amour m'a fait choisir.
Je puis facilement contenter ton désir,
t54 MÉLIGERTE.
Et de la main d'Atis, ce peintre inimitable,
J'en garde dans ma poche un portrait admirable,
Qui jusquau moindre trait lui ressemble si fort, 3 S
Qu'il est sûr que tes yeux le oonnoitront d'abord.
ÉROXiNE.
Je puis te contenter par une même voie,
Et payer ton secret en pareille monnoîé^ :
J'ai de la main aussi de ce peintre fameux.
Un aimable portrait de l'objet de mes vœux, 40
Si plein de tous ses traits et de sa grâce extrême,
^Que tu pourras d'abord te le nommer toi-même*.
DÀPHlf^.
La boite' que le peintre a fait faire pour moi
Est tout à fait semblable à celle que je voi.
I. On ■ TU une rime lembUble aux Ten 37 et 38 du Misanthrope,
a. « Qaelle est, te demande Ânger, cette personne, nommée Daphné, qai
a dans sa poche le portrait de son amant, fait de main de mattre ? Noos se-
rons bien étonnés, quand nous appreniirons que c*est nne bergère. Dans
quel pays, dans quel temps a-t-on tu les bergers et les bergères se fsixe
peindre en miniature? Molière a peint dans sa pièee les fausses mttnrs pas-
torales du roman de VAstrie, en transportant seulement sur les rives dn I^èDée
les personnages que d*Urfé avait placés sur les bords do Lignon. » U fiot
avouer que la nature de ces personnages reste asses indécise. Peut-être le
nom de Njrmphe qui leur est donné ne s'appliqnait-il qn*à des mortelles,
eomme un titre plus pastoral, plus antique, ou moins tragique du moins, qnc
Madame^ et tout à la fois plus noble que Bergère^ qui n'aurait pas sofIL pour
de si bdles personnes, si élevées par leur naissance, leur rang et leur for-
tune au-dessus du peuple parmi leqnd elles vivent (vers a 19, 4^1, 443). Peut-
être (et un costume de convention, quelque attribut* en pouvait d'abord
avertir les spectateurs] étaient-elles plus encore. Mais, qu'on rêvât soit de
reines et princesses des bergères soit de vraies divinités, voir entre lot mains
des unes ou des autres un chef-d'onivre de Tart le plus parfait n'avait rien qni
dût surprendre au milieu de toutes ces fictions de la pastorale hérofqoe.
3. Le mot est écrit hoëu dans l'édition originale : vojet an rers 5ao de
PÉeole dêt maris,
• La gravure de l'édition originale de i68a montre Mélieerte recevant d*nne
main la cage de Myrtil et tenant de l'autre une longue flèche : est-ce une
flèche d'amour on nne arme de chasseresse? Mélieerte seule d'ailleurs est ré>
putée simple bergère (vers 437-448), non Daphoé ou Êroaène, et ce n'est
qu'à elle aussi que Lycarsis, prenant un ton d*bumeur et de mépris, peut
dire (vers 475-477) : ^t vout^,., la gentilU bergère,,,.
ACTE I, SCÈNE IL i55
bhoxInb.
n en vrai, Tune à Tautre entièrement ressemble^ 45
Et certe il faut qu'Atis les ait fait faire ensemble.
DÀPHNé.
Faisons en même temps, par un peu de couleurs,
Confidence à nos yeux du secret de nos cœurs ^
KROXÂNB.
Vojons & qui plus vite entendra ce langage,
Et qui parle le mieux, de Tun ou l'autre ouvrage. 5o
DÀPHNS.
La méprise est plaisante, et tu te brouilles bien :
Au lieu de ton portrait, tu m*as rendu le mien.
ÉROXÈNK.
n est vrai, je ne sais comme j*ai fait la chose.
DÀPHNÉ.
Donne. De cette erreur ta rêverie est cause.
ÉROXÂNE.
Qae veut dire ceci ? Nous nous jouons, je croi : 5 5
Ta fais de ces portraits même chose que moi.
DAPHIIÉ.
Certes, c'est pour en rire', et tu peux me le rendre".
ÉROXÈNB '.
Voici le vrai moyen de ne se point méprendre.
DAPHNB.
De mes sens prévenus est-ce une illusion ?
BROXÂNB.
Mon âme sur mes yeux fait-elle impression? 60
DÀPHNB.
Myrtîl à mes regards s'offre dans cet ouvrage.
1. Cathos on Maddon ne dirait pas plus prédeusement : faisont-nott< con-
■dire Doa amants Tona è Tantre, en nous montrant leurs portraits. {Note
a. Voilà qni cet lisible, plaisant.
3. iaoxni, mêttmnt Um demx poriraU* Vum à côté de F autre. (1734.)
i56 MÉLICERTE.
broxAne.
De Myitil dans ces traits je rencontre Fimage.
DAPUNS.
C'est le jeune Myrtil qui fait naître mes feux.
ÉROXÂIIE.
C'est au jeune Myrtil que tendent tous mes vœux.
DAPHNÉ.
Je venois aujourd'hui te prier de lui dire 65
Les soins que pour son sort son mérite m'inspire.
ÉROXÂIIE.
Je venois te chercher pour servir mon ardeur,
Dans le dessein que j'ai de m'assurer son cœar^.
DAPHNÉ.
Cette ardeur qu'il t'inspire est-elle si puissante ?
ÉROXÈNE.
L'aimes-tu d'une amour qui soit si violente ? 70
DAPHNÉ.
Il n'est point de froideur qu'il ne puisse enflammer,
Et sa grâce naissante a de quoi tout charmer.
ÉROXÉNE.
Il n'est Nymphe en l'aimant qui ne se tînt heureuse,
Et Diane, sans honte, en seroit amoureuse.
DAPHNÉ.
Rien que son air charmant ne me touche aujourd'hui, 7 S
Et si j'avois cent cœurs, ils seroient tous pour lui.
ÉROXÉNE.
Il efface à mes yeux tout ce qu'on voit paraître ;
Et si jVvois un sceptre, il en seroit le maître.
DAPHNS.
Ce seroit donc en vain qu'à chacune, en ce jour,
On nous voudroit du sein arracher cet amour : So
I . Dans la première édition, sana égard à la meanre : « de m^aiaonr de ton
eanr • ; cette fauta n*«at paa reproduite dana lea éditiona aaivantea.
ACTE I, SCENE II. iS?
Nos âmes dans leurs vœux sont trop bien affermies.
Ne tachons, s*il se peut, qu'à demeurer amies ;
Et puisque, en même temps, pour le même sujet.
Nous avons toutes deux formé même projet.
Mettons dans ce débat la franchise en usage, s 5
Ne prenons Tune et Tautre aucun lâche avantage.
Et courons nous ouvrir ensemble à Lycarsis
Des tendres sentiments où nous jette son fils.
ÉROXÈNE.
J'ai peine à concevoir, tant la surprise est forte,
Comme un tel fils est né d'un père de la sorte ; 90
Et sa taille, son air, sa parole et ses yeux
Feroient croire qu'il est issu du sang des Dieux ;
Mais enfin j'y souscris, courons trouver ce père,
Allons lui de nos cœurs découvrir le mystère,
Et consentons qu'après Myrtil entre nous deux 95
Décide par son choix ce combat de nos vœux.
DAPHNJS.
Soit. Je vois Lycarsis avec Mopse et Nicandre ;
Us pourront le quitter : cachons-nous pour attendre.
SCÈNE III.
LYCARSIS, MOPSE, NICANDRE.
NICANDRE^.
Dis-nous donc ta nouvelle.
LYCARSIS.
Ah ! que vous me pressez !
Cela ne se dit pas comme vous le pensez. i o o
MOPSB.
Qae de sottes façons, et que de badinage !
I. BiiGAiiDAi, à Ljrearsù, (1734.]
i58 MÉLIGERTE.
Ménalque pour chanter n*en fait pas davantage.
LYCÀR8IS.
Parmi les curieux des affaires d'État,
Une nouvelle à dire est d'un puissant éclat.
Je me veux mettre un peu sur Thomme d'importance',
Et jouir quelque temps de votre impatience.
NICANDRE.
Veux-tu par tes délais nous fatiguer tous deux ?
MOPSB.
Prends-tu quelque plaisir à te rendre fâcheux?
NICANDRB.
De grâce, parle, et mets ces mines en arrière*.
LYCARSIS.
Priez-moi donc tous deux de la bonne manière, 1 1 o
Et me dites chacun quel don vous me ferez,
Pour obtenir de moi ce que vous desirez.
MOPSB.
La peste soit du fat ! Laissons-le là, Nicandre.
Il brûle de parler, bien plus que nous d'entendre;
Sa nouvelle lui pèse, il veut s'en décharger ; i iS
Et ne l'écouter pas est le faire enrager.
LYCARSIS.
Eh!
NICANDRE.
Te voilà puni de tes façons de faire.
LYCARSIS.
Je m'en vais vous le dire, écoutez.
MOPSE.
Point d'affaire.
I. Me mettre à faire Thoinme d^importance : par analogie, ce semble, ()«
se mettre sur ton quttnt à soi» Compares la locution du vers 147 : • wr U
fier TOUS TOUS tenez si bien. »
a. Mettre en arrière , laisser là, quitter; Corneille a employé Pexpressioa
dans le sens d'oublier, sacrifier : voyez le Lexique de sa langue.
ACTE I, SCENE III. iSg
LYCARSI8.
Quoi ? Yous ne Toulez pas m^entendre ?
IflCAUDIUI.
Non.
LYCAR8I8.
Eh bien f
Je ne dirai donc mot, et yous ne saurez rien. i ao
MOPSB.
Soit.
LYCARSIS.
Vous ne saurez pas qu'aYec magnificence
Le Roi Yient d'honorer * Tempe fle sa présence ;
Qu'il entra dans Larisse hier sur le haut du jour' ;
Qtt a Taise je l'y vis avec toute sa cour ;
Que ces bois vont jouir aujourd'hui de sa vue, i % s
Et qu'on raisonne fort touchant cette venue'.
NICANDRB.
Nous n'avons pas envie aussi de rien savoir.
LYCARSIS.
Je vis cent choses là ravissantes à voir.
Ce ne sont que seigneurs, qui, des pieds à la tète,
Sont brillants et parés comme au jour d'une fête ; 1 3o
Ils surprennent la vue ; et nos prés au printemps,
Avec toutes leurs fleurs, sont bien moins éclatants.
Pour le Prince, entre tous sans peine on le remarque ;
1. Le réritable texte ne lerait-il pas platAt, comme on a imprimé dans one
partie du tirage de 1734, mais non dans 1773 : « vient honorer »?
2. Cette hetirenae expression, U Aon/ da j'our^ appartient-elle à Molière?
U. Idttré (article Joun, i«) nous apprend qu*à la fin du siècle dernier Mme de
^^olis a dit encore : « dans le haat du jour » (tome I, p. 338, des Feilléeg
^» ehâUaUf 1784)- Dans Froissart on lit, arec haut adjectif: « Quant U fn
l>aas jours » (livre I, fin du $ 3 18, de rédition publiée par M. Siméon Luce).
3. Le viens Lyearsia ne pouvant résister à son envie de conter, tout en
pr^endant ne vouloir parler de rien, rappelle à Auger la manière dont (à la
fia de la scène t, acte H, de George Dandin) Vinnocent Lubin laisse échapper
I« secret qu^il déclare garder pour lui. Mais ce sont U des traits de denx
caractères assez differenu, et les situations sont tout autres aussi.
i6o MELIGERTE.
Et d'une stade ^ loin il sent son grand monarque;
Dans toute sa personne il a je ne sais quoi i55
Qui d'abord fait juger que c'est un maître roi ;
Il le fait d'une grâce à nulle autre seconde,
Et cela, sans mentir, lui sied le mieux du monde.
On ne croiroit jamais comme de toutes parts
Toute sa cour s'empresse à chercher ses regards : 140
Ce sont autour de lui confusions plaisantes;
Et l'on diroit d'un tas de mouches reluisantes
Qui suivent en tous lieux un doux rayon de miel.
Enfin l'on ne voit rien de si beau sous le ciel ;
Et la fête de Pan, parmi nous si chérie, i4$
Auprès de ce spectacle est une gueuserie*.
Mais puisque sur le fier vous vous tenez si bien',
Je garde ma nouvelle, et ne veux dire rien.
MOPSE.
Et nous ne te voulons aucunement entendre.
LYCARSIS.
Allez vous promener.
MOPSB.
Va-t'en te faire pendre. i5o
I. Mesure grecque d*enTiron 184 mètres. •— Faretière, en 1690, fait encore
fiéminin le mot ttade^ neutre en grec et en latin; Thomas Corneille^ àxt» k
Dictionnaire deM arts et des sciences^ de 1694, met à la suite du mot «./«
mais remploie au masculin dans le corps de Tarticle. Richelet, dès 1679, ^"^
contre le féminin cette remarque peu polie : « Quelques auteurs de la denuere
classe font le mot .... féminin, mais ceux de la première le font mateolia,
et il les faut imiter. »
a. Sur ce joli couplet, Toyei ci-dessos è la Notice , p. 141 et 141.
3. Puisque tous tenex si bien Totre fierté^ votre morgue, puisque Toa« p^*
sistex à faire les fiers. Saint-Simon a dit se tenir sur *<m Jier, dan« le sens àe
te tenir sur son quant à soi : m. Monsieor le Prince se mit à rechercher Hmf.
qui se tint longtemps sur son fier. » (Tone 11, p. 424, de l'édition de 1873-)
ACTE I, SCENE IV. i6i
SCENE IV.
ÉROXÈNE, DAPHNÉ, LYCARSIS.
LYCARSIS ^ .
C'est de cette façon que Ton punit les gens,
Quand ils font les benêts et les impertinents.
DAPHNE.
Le Ciel tienne, pasteur, vos brebis toujours saines !
ÉROXÂRB.
Gérés tienne de grains vos granges toujours pleines !
LYCARSIS.
Et le grand Pan vous donne à chacune un époux 1 5 5
Qui voas aime beaucoup, et soit digne de vous !
DAPHNÉ.
Ah ! Lycarsis, nos vœux à même but aspirent.
ÉROXÈNB.
C'est pour le même objet que nos deux cœurs soupirent.
DAPHNÉ.
Et FAmour, cet enfant qui cause nos langueurs,
A pris chez vous le trait dont il blesse nos cœurs. 160
ÉROXBNB.
Et nous venons ici chercher votre alliance,
Et voir qui de nous deux aura la préférence.
LYCARSIS.
.\ymphes....
DAPHNÉ.
Pour ce bien seul nous poussons des soupirs.
LYCARSIS.
Je suis....
1. LTGàEAis, se arojanî seul, (1734.)
MOLISHS. TI IK
iê% MÉLICERTB.
iioxÈns.
A ce bonheur tendent tous nos désirs.
Cest un peu librement expliquer sa pensée. t6S
LTCARSIS.
Pourquoi ?
iEOZillB.
La bienséance y semble un pe» blessée.
LTCIBSIS.
Ah! point.
aAFSifi.
Mais quand le cœur brâle d*nn noble feu,
On peut sans nulle honte en (aire un libre aveu.
LYCAESIS.
je • • •
BRoxàai.
Cette liberté nous peut être permise ,
Et du choix de nos cœurs la beauté^ Tautorise. 17»
LYCAaSIS.
Cest blesser ma pudeur que me flatter ainsi.
xaoxinB.
Non, non, n^affSectez point de modestie ici.
DAFSlfS.
Enfin tout notre bien est en Totre puissance.
Cest de yous que dépend notre unique espérance.
DAPHNB.
TrouYerons-nous en yous quelques difficultés? 17S
LTCIRSIS.
Ah!
ÉROXÂNE.
Nos Yœux, dites-moi, seront-ils rejetés ?
I. Et la beaaté da efaoiz qu'ont fait noa eorars.
ACTB I, SCiNB lY. i«3
Non : j*ai reçu du Gel une àme peu cruelle ;
Je tiens de fea ma femmei et je me sens comme elle
Pour les désirs d'autrui beaucoup d'humanité,
Et je ne suis point homme à garder de fierté. xt»
DAPHNÉ.
Accordez donc Myrtil à notre amoureux zèle.
BtOXÀNB.
Et souffrez que son choix règle notre querelle.
LYCARSIS.
Mynil?
DAPHNÉ.
Oui, c'est Myrtil que de vous nous voulons.
EROXÂlfS.
De qui pensez- vous donc qu'ici nous vous parlons ?
LTCARSIS.
Je ne sais ; mais Myrtil n'est guère dans un âge 1 95
Qui soit propre à ranger au joug du mariage.
DAPHlflf.
Son mérite naissant peut frapper d'autres yeux ;
Et l'on veut s'engager un bien si précieux,
Prévenir d'autres cœurs, et braver la Fortune
Sous les fermes liens d'une chaîne commune. 190
XROXÉNX.
Gomme par son esprit et ses autres brillants^
Il rompt l'ordre commun et devance le temps.
Notre flamme pour lui veut en faire de même',
I. Wx Pédst àê 9Bê aatrtt cjaalitât : euuipwM 1« f«rt S5 àê la Printesse
^Éiide^ le v«n 197 da Tartuffe, «t le vert lOiS da Misanthrope,
3. CetUà-dira « vent ■mû am m Uwmr tnmpra Tordra eomman. » £n
faire de mimta te trouve dans le léeit dn Cîd (tots 1969) :
Par mon eommaadoiMBt la garde en fiiit do même.
Oa pcat rtpprodier de cette location celle que Molièra a employée, anael à
l'exemple de Corneille, an Tert ao6 da Dépit amoureux :
, . . Ven tais bien de même.
▼ojcB le texifua de la langue da CorneUU^ tome I, p. 356.
i64 MÉLIGERTE.
Et régler tous ses vœux sur son mérite extrême'.
LYC1R818.
Il est vrai qu*à son âge il surprend quelquefois ; 1 95
Et cet Athénien qui fut chez moi vingt mois,
Qui, le trouvant joli*, se mit en fantaisie
De lui remplir Tesprit de sa philosophie,
Sur de certains discours Ta rendu si profond,
Que, tout grand que je suis, souvent il me confond', ao»
Mais, avec tout cela, ce n^est encor qu'enfance.
Et son fait est mêlé de beaucoup d'innocence.
DAPHNÉ.
Il n'est point tant enfant, qu'à le voir chaque jour,
Je ne le croie atteint déjà d'un peu d'amour ;
Et plus d'une aventure à mes yeux s'est offerte «o5
Où j'ai connu qu'il suit la jeune Mélicerte.
ÉROXÈNB.
Ils pourroient bien s'aimer ; et je vois.,..
LYCARSIS.
Franc abus^
1 . Ce vers, dans la première Mîtion seule, e&t mû, par une faute d*impm-
ston sans doute, dans la bouche de Lycarsis.
2. Lui trouvant Tesprit vif, un heureux naturel. Voyex, dans le DictÎM^
narre de M. Littré (à Joli, i*) et dans le Lexique de la lanf^ue de Mme de Se'
vigné^ les nombreux exemples du temps dans lesquels joli a ce sens de fi/t
spirituel, avenant, aimable en général.
3. Comme en avertit Aimé-Martin, il y a sans doute encore ici (vojes •
Notice, p. 143 et 144) un souvenir de VHietoire de Sésostris et de Timarètt:
on y lit (p. 669) que Pythjigore, pendant quatre mots, « instruisit Sésostris
Hvec un plaisir extrême, ce grand homme étant ravi de trouver en Pesprit de
ce jeune prince une si merveilleuse disposition à apprendre les choses les plo«
élevées. »
4. C*eât-à-dire complète erreur, vous vous abusez. On employait tonvcnt
alors abus en ce sens. Ainsi Corneille a dit :
Qu*un si charmant abus seroit & préférer
A Tàpre vérité qui vient de m*éclairer!
(HèracUus, vers 8a5 et 8a6.)
£t la Fontaine, avec une nuance de signification :
Alléguer l'impossible aux rois, c*est un abus.
(Fable m du livre VIU, vers 3.)
ACTE I, SCÈNE IV. i65
Pour elle, passe encore : elle a deux ans de plus;
Et deux ans, dans son sexe, est^ une grande avance.
Mais pour lui, le jeu seul l'occupe tout*, je pense, a i o
Et les petits désirs de se voir ajusté
Ainsi que les bergers de haute qualité.
DAPHNK.
Enfin nous desirons par le nœud d'hyménée
Attacher sa fortune à notre destinée.
ÉROXéNE.
Nous voulons, Tune et Tautre, avec pareille ardeur, a 1 5
Nous assurer de loin Tempire de son cœur.
LYCARSIS.
Iein*en tiens honoré autant* qu'on sauroit croire,
le suis un pauvre pâtre ; et ce m'est trop de gloire
Que deux Nymphes d'un rang le plus haut du pays
Disputent à se faire un époux de mon fils. a 20
Puisqu'il vous plait qu'ainsi la chose s'exécute,
Je consens que son choix règle votre dispute ;
Et celle qu'à l'écart laissera cet arrêt.
Pourra, pour son recours, m'épouser, s'il lui plaît.
C'est toujours même sang, et presque même chose. aa5
Mais le voici. Souffrez qu'un peu je le dispose.
Il tient quelque moineau qu'il a pris fraîchement,
Et voilà ses amours et son attachement.
I. L*aeeord du verbe s*expliqae et par Tattribut singalier qui le suit, et par
}*apresiion nomérique considérée comme un total, un tout unique : ce totale
ce pius qu'elle a de deux ans est une grande avance. En prose, Molière a dit
de même (acte lit, scène tu, de Monsieur de Pourceaugnac) : « On lui a fiait
cnira que cet antre e«t plus riche que moi de quatre ou cinq mille écus ; et
quatre on cinq mille écus est un denier considérable. • Et Mme de ScTigné
(tome VI, p. 401) : « Cinquante domestiques est une étrange chose. *
1. Toat entier.
3. Lea éditions de 171 S et de 17)4 remplaeent le teeond hémiitidie par
• plu qa*on ne sauroit croire » ; mais les autres ont l'hiatus.
i66 MÉLIGERTE.
SCÈNE V,
MYRTIL, LYCARSIS, ÉR0X£NE, IUPHMÉ.
MYRTIL*.
Innocente petite bête,
Qui contre ce qui vous arrête 9 3o
Vous débattez tant à mes yeux.
De votre b'berté ne plaignez point la perte :
Votre destin* est glorieux,
Je vous ai pris pour Mélicerte.
Elle vous baisera, vous prenant dans sa main, «3S
Et de vous mettre en son sein
Elle vous fera la grâce.
Est-il un sort au monde et plus doux et plus beau ?
Et qui des rois, hélas f heureux petit moineau.
Ne voudroit être en votre place ? aio
LYCARSIS.
Myrûl, Myrtil, un mot. Laissons là ces joyaux' :
Il s'agit d'autre chose ici que de moineaux.
Ces deux Nymphes, Myrtil, à la fois te prétendent,
Et, tout jeune*, déjà pour époux te demandent.
Je dois, par un hymen, t'engager à leurs vœux, «45
Et c'est toi que Ton veut qui choisisse' des deux.
I . ÉaoxisB, DAPUNB et LYGAASis dans le fond du théâtre, htbtil.
Mtetii., se crcjant seul, et tenant un moineum dans une eage. (i734*)
a. Daiu U première édition : « Votre desseio » ; cetito faate ■ été conigie
dans les édidons taiTaiites, sauf 1697 et 1710.
'i. Ces présenti de haut prix. « On dit ironiquement d*une (uûme o«
d*ane chose qu'on nVstime pas belle : ^oilà un beau joyau i vrmment c*0'
un hesm joyau, • (Dictionnaire de V Académie, 1694.)
4. Tout jeune que tu es : compares les ver* 390 et m) du Misanér^'
5. Dans nos anciennes éditions, sauf 1773, il 7 a ainsi la troisième penoaae,
dont on troure, en ce temps-là, de nombreux exemples, après on relatif pr^
cédé d*un pronom de la première ou de la seeonde personne.
ACTE I, SCiNS y. 167
MTATIL.
CesNjrmphes....*
LYCAMIt.
Oui. Des deux tu peux en chcnsir une :
Vois quel est loa bonheur, et bénis la FMtune.
MYETIL.
Ce choix qui m*est offert peut^il m'être un bonheur,
SHl nW aneunement touhaité de mon cour ? a So
LTCAISIS.
Enfin qu'on le ffeQotve, et que, sans le confondre ',
A rhonneur qu'elles fioat on songe à bien répondre.
iaoxiiiix.
Malgré cette fierté qui règne parmi nous,
Deux Nymphes, 6 Myrtil, viennent s'offrir à vous ;
Et de vos qualités les merveilles écloses %B$
Pont que nous renversons ici Tordre des choses.
DAPsni.
Nous vous laissons, Myrtil, pour l'avis le meilleur,
Consulter sur ce choix vos yeux et votre co9ur ;
Et nous n'en vouions point prévenir les suffrages
Pftr un récit paré de tous nos avantages. 160
MYRTIL.
C est me faire un honneur dont l'éclat me surprend ;
Mais cet honneur, pour moi, je l'avoue, est trop grand.
A vos rares bontés il faut que je m'oppose ;
Pour mériter ce sort, je suis trop peu de chose ;
Et je serois (aché, quels qu'en soient les appas, ^65
Qu'on vous blâmât pour moi de faire un choix trop bas.
1. Cm NjmplMt? (1734.]
a. Tel «t I0 texte, qa*il ii*est pu trop aisé d*eiiteadre. Cela Teat-il dire :
MM tonfmârê eet hommemr oMe tPamiretf saiu le méeonnaùrê^ *n stmUuU
tmt U prix de eet honneur? L'édition de 1 734 ehaage U en m, doMiaat mm
doele k se eonfomJlte la aeM de se tromhUr, dememrer interdit t la eorroelioa
poerrait bien être Ixnuie ; aona peaeherioat k le eroirt, oMia ae mom piM
pM de ahaegar la 1090» orifiaak.
i68 MÉLICERTE.
ÉROXÂlfE.
Contentez nos désirs, quoi qu'on en puisse croire,
Et ne vous chargez point du soin de notre gloire.
DAPHNÉ.
Non, ne descendez point dans ces humilités,
Et laissez-nous juger ce que vous méritez. 970
MTRTIL.
Le choix qui m'est offert s'oppose à votre attente,
Et peut seuP empêcher que mon cœur vous contente.
Le moyen de choisir de deux grandes beautés,
Égales en naissance et rares qualités ?
Rejeter l'une ou l'autre est un crime effroyable, 75
Et n^en choisir aucune est bien plus raisonnable.
ÉROXÀNB.
Mais en faisant refus de répondre à nos vœux,
Au lieu d'une, Myrlil, vous en outragez deux.
DAPHNÉ.
Puisque nous consentons à l'arrêt qu'on peut rendre,
Ces raisons ne font rien a vouloir s'en défendre*. »8o
MYRTIL.
Eh bien ! si ces raisons ne vous satisfont pas,
Celle-ci le fera : j'aime d'autres appas ;
Et je sens bien qu'un cœur qu'un bel objet engage
Est insensible et sourd à tout autre avantage.
LYCARSIS.
Comment donc ? Qu'est-ce ci * ? Qui l'eût pu présumer?
Et savez-vous, morveux, ce que c'est que d'aimer?
MYRTIL.
Sans savoir ce que c'est, mon cœur a su le faire.
LYCARSIS.
Mais cet amour me choque, et n'est pas nécessaire.
I. Et peut i lui Mol.
a. Pour M refuser à rendre cet arrêt, ees riiaoïit sont de peu de pcûdi, àe
pca de Telear.
3. Dans Péditioii originale : « Qu^ett-ce-ey? » Compares p. 4i« >^ote 4-
ACTE I, SCENE Y. 169
MTRTIL.
Vous ne deviez donc pas, si cela vous déplaît,
Me iaire un cœur sensible et tendre comme il est. 190
LTCÀBSIS.
Mais ce cœar que j*ai fait me doit obéissance.
MTKTIL.
Oui, lorsque d'obéir il est en sa puissance.
LYCARSIS.
Mais enftn, sans mon ordre il ne doit point aimer.
MTRTIL.
Qae n empêdiiez-vous donc que Ton pût le charmer ?
LTCARSIS.
Eh bien ! je vous défends que cela continue. agS
MYRTIL.
La défense, j*ai peur, sera trop tard venue.
LYCARSIS.
Quoi? les pères n'ont pas des droits supérieurs ?
MYRTIL.
Les Dieux, qui sont bien plus, ne forcent point les cœurs.
LYCARSIS.
Les Dieux.... Paix, petit sot! Cette philosophie
Me...,
DAPHNÉ.
Ne vous mettez point en courroux, je vous prie.
LYCARSIS.
Non : Je veux qu'il se donne à l'une pour époux,
Ou je vais lui donner le fouet tout devant vous :
Ah ! ah ! Je vous ferai sentir que je suis père.
DAPHnS.
Traitons, de grâce, ici les choses sans colère.
ÉROXÂNE.
Peot-on savoir de vous cet objet si charmant 3o5
Dont la beauté, Myrtil, vous a fait son amant?
I70 MÉLICERTr
MTATIt.
Mélicerte, Xladame. Elle en peul faire d «utne.
Voas comparez, MyrtU, ses qualités aax nôtres ?
Le choix d^elle et de nous est assez inégal.
MYaTIL.
Nymphes, au nom des Dieux, n en dites point de mal :
I^ignez eonaidérer, de grâce, que je Taime,
Et ne me jetez point dans un désordre extrême.
Si j outrage en Taimant vos célestes attraits.
Elle n*a point de part au crime que je fais :
C*est de moi, s*il vous plait, que vient toute Toffense.
Il est vrai, d*elle à vous je sais la différence ;
Mais par sa destinée on se trouve enchaîné ;
Et je sens bien enfin que le Gel m*a donné
Pour vous tout le respect, Nymphes, imaginable,
Pour elle tout Tamour dont une àme est capable. 3io
Je vois, à la rougeur qui vient de vous saisir,
Que ce que je vous dis ne vous fait pas plaisir.
Si vous parlez, mon cœur appréhende d*entendre
Ce qui peut le blesser par Tendroit le plus tendre ;
Et pour me dérober à de semblables coups, 3s s
Nymphes, j'aime bien mieux prendre congé de vous.
LYCÀRSIS.
Myrtil, holà ! Myrtil ! Yeux- tu revenir, traître ?
Il fuit; mais on verra qui de nous est le maître.
Ne vous effrayez point de tous ces vains transports :
Vous Taurez pour époux ^; j*en réponds corps pour corps.
I. « C*est-à-dîre, explique Auger, ane de tous raura poar époux; • Miû
le plaieaiit, c'est cette coafiuioii, cette promena faite par indina.
riN DU PXEMUR ACTE.
ACTI II, 8GÉNB I. 191
ACTE IL
SCÈNE PREMIÈRE.
MÉUCERTE, œRINNE.
MÏLICBBTB.
Ah ! Corinne, tu viens de l'apprendre de Stelle,.
Et c'est de Lycarais qu'elle tient la nouvelle.
coanniB.
Oui.
■ilICBATB.
Que les qualités dont Myrtil est orné
Ont sa toucher d^amour Éroxène et Daphaé ?
comniiB.
Oui.
■iLICERTB.
Que pour Tobtenir leur ardeur est si grande, 335
Qu'ensemble elles en ont déjà fait la demande ?
Et que, dans ce débat, elles ont fait dessein
De passer, dès cette heure, à recevoir sa main ?
Ah ! que tes mots ont peine à sortir de ta bouche !
Rt que c'est foiblement que mon souci te touche ! 34 o
CORINIIB.
Mais quoi? que voulez-vous ? C'est là la vérité.
Et vous redites tout comme je Tai conté*.
I. CûouM la rappelle Petitot (au tome IV des Œuvre* ic MolUrey l8a4»
P* ^ *^4o), ridce de ce dialogue, plua tard reprise par Molière lui-même,
litai la première Kène, ploa rwBArqnèe, d«f FmirhtrUê de S^fim, avait ith
17^ MÉLIGERTE.
MBLICBBTB.
Mais comment Lycarsis reçoit-il cette affaire ?
CORINFŒ.
0>mme un honneur, je crois, qui doit beaucoup lui plaire.
MÉLICERTB.
Et ne vois-tu pas bien, toi qui sais mon ardeur, 345
Qu'avec ce mot\ hclas ! tu me perces le cœur ?
GORllfNE.
Comment ?
déjà fort heureutement mÎM en ouTre par Rotrou, «a débat de sa eomédie
de /a Scnw (i645)'
O fatale nourelle, et qui me déaespirel
Mon oncle te Ta dit ? et le tient de mon père 7
■aoàarn.
Oni.
LBLXB.
Que pour Éroxène il destine ma fol ?
Qu*il doit absolument m^imposer cette loi ?
Qn*il promet Aurélie aux vœux de Polydore ?
BROASTR.
Je TOUS Tai déjà dit, et tous le dis encore.
LKL».
Et qu*exigeaat de nous ce funeste devoir.
Il nous veut obliger d*épouser dès ce soir ?
KAOASTB.
Dès ce soir.
LÉLXX.
Et tu crois qu'il te parloit sans feinte?
Sans feinte.
LÉLII.
Ha I si d'amonr tu ressentois Tatteinte,
Tu plaindrois moins ces roots qui te coûtent si cher
Et qa*avec tant de peine il te faut arracher;
Et cette avare écho ' qui répond par ta bouche
Seroit plus indulgente à Tamour qui me touche.
XRaASTB.
Comme on m'a tout appris je tous Tai rapporté,
Je n*ai rien oublié, je n*ai rien ajouté :
Que desirex-vous plus ?
I. Qu'avec ces mots. (1734.)
• Bien que le genre du mot fdt an dix-septième siècle fixé comme il VeA
aujourd'hui (voyez le Lexique de la langue He Corneille)^ il est au fiminia
. dans l'édition oi-iginale. et snns majuscule ; il est néanmoins pea probable
qu'id Rotrou voulût faire songer à la nymphe Éeho.
ACTE II, SCÈNE I. 173
MILICSKTB.
Me mettre aux yeux^ que le sort implacable
Auprès d^elles me rend trop peu considérable,
Et qu*à moi, par leur rang, on les va préférer,
N'est-ce pas une idée à me désespérer ? 35o
COAIlfNI.
Mais quoi ? je vous réponds, et dis ce que je pense.
MKLICBRTS.
Ah ! tu me fais mourir par ton indifférence.
Mais dis, quels sentiments Myrtil a-t-il fait voir ?
CORINNE.
Je ne sais.
MKLICBRTB.
Et' c'est là ce qu*il falloit savoir,
Cruelle ! 3S5
coamNi.
En -vérité, je ne sais comment faire,
Et de tous les côtés je trouve à vous déplaire.
MÉLICBRTB.
C'est que tu n*entres point dans tous les mouvements
D un cœur, bêlas ! rempli de tendres sentiments.
Va-t'en : laisse-moi seule en cette solitude
Passer quelques moments de mon inquiétude. 36 o
SCENE IL
MÉLICERTE».
Vous le voyez, mon cœur, ce que c'est que d'aimer,
Et Belise avoit su trop bien m'en informer.
I. Ot tour est déjli en wtn 97 dn TarUtfJê^ «t an Ttn 359 ^^ MUantkroffe
1. DnsridiftioB originAfe, aT«e Uatu : « Je no t^ay. — Et •.
3. Moflaorn, smU. (1734)
174 MiLICBRTK.
Cette charmante mère, awant sa destinée S
Me diioît one fois, sur le bord du ¥éaée :
« Ma fille, songe à toi : ramovr aux jeunes eoeurs 3€S
Se présente toujours entouré de douceurs ;
D*abord il n'ofire anx yeux q«e choses agréables;
Mais il traîne après lui des troubles effroyables ;
Et si tu veux passer tes jours dans quelque paix^
Toujours, comme d*un mal, défends-toi de ses traits. »
De ces leçons, mon cosur, je m*étoîs souvenue ;
Et quand Myrtil venoit à s*offrir à ma vue,
Qu'il jouoit avec moi, qu*il me rendoit des soins.
Je vous disois toujours de vous y plaire moins.
Vous ne me crûtes point ; et votre complaisance 37$
Se vit bientôt changée en trop de bienveillance ;
Dans ce naissant amour qui flattoit vos désirs.
Vous ne vous figuriez que joîe et que plaisirs :
Cependant vous voyez la cruelle disgrâoe
Dont, en ce triste jour, le destin vous m^uice, 3to
Et la peine mortelle où vous voilà réduit !
Ah, mon cœur! ah, mon cœur! je vous Ta vois bien dit.
Mais tenons, s*il se peut, notre douleur couverte :
Voici....
SCÈNE m.
MYRTIL, MÉLICERTE.
MYRTIL.
Tai fait tantôt, charmante Mélicerte,
Un petit prisonnier que je garde pour vous, 3S5
Et dont peut-être un jour je deviendrai jaloux :
C^est un jeune moineau, qu^avec un soin extrême
I. Avant ta mort : le mot dêttùuê eit prit iô ea ee mbs, quHI a'a guRC
ea fnm^if, du Y»tàai/mt»m,
ACTK II, SCÈNE III. 175
Je Teicc, pour tous Toffinr, appriinoiser nioi«-BiAme.
Le présent n^est pas grand ; mais les divinités
Ne jettent leurs regards que sur les Tolontés : y^o
Cest le eosor qui (àk tout * ; et jamais la richesse
Des présents que. . . .Mais, Gel ! d*où Tient cette tristesse ?
Qa STes-TOtts, Mëlicerte, et quel sombre cbagrin
SeitMt' dans vos beaux yeux répandu ce matin ! -
Vous ne répondez point? et ce morne silence 395
Redouble encor ma peine et mon impatience.
Parlez : de quel ennui ressentez-vous les coups ?
Qu^est-ce donc?
■<LICBKTB.
Ce n^est rien.
■TBTIL.
Ce n*est rien, dites«>votts ?
Et je vois cependant vos yeux couverts de larmes :
Cela s'aceorde-t-il*, beauté pleine de charmes ? 400
Ah! ne me fiutes point un secret dont je meurs.
Et m*expliquez, hélas! ce que disent ces pleurs.
MiEucniRTi.
Rieu ne me serviroit de vous le (aire entendre.
■TRTn.
Devez-vous rien avoir que je ne doive apprendre ?
Et ne blessez-vous pas notre amour aujourd'hui, 40 5
De vouloir me voler ma part de votre ennui ?
Ah! ne le cachez point à Tardeur qui m'inspire.
Hé bien, Myrtil, hé bien ! il faut donc vous le dire :
I. La Foataîiw a-t-tl «apniiité, on troavi, loi a«Mt, es ciMnwat
iticht ? Voyas eî-de«iu à la l^oUcê, p. 140 et 141 .
a. L'édîtioa de 17^4 corrige serait en sê voit, La correction est ingémeme,
naît cile ne août parait pas abuolument iiéeeMaire ; c*ett comme si Mjrrtîl
^natt : « Auriez-vous qadque chagrin qui obacurclt yos beain yeux?»
3. CestȈ-dire eela n*est41 pas contradictoire 7 Comment accorder ces
'«"■es arec cette réponse?
176 MÉLICERTE.
J'ai su que, par un choix plein de gloire pour vous,
Éroxène et Daphné vous veulent pour époux; 4^
Et je vous avouerai que j'ai cette foiblesse
De n*avoir pu, Myrtil, le savoir^ sans tristesse,
Sans accuser du sort la rigoureuse loi,
Qui les rend dans leurs vœux préférables à moi.
MYRTIL.
Et vous pouvez Tavoir, cette injuste tristesse! 41 5
Vous pouvez soupçonner mon amour de foiblesse,
Et croire qu'engagé par des charmes si doux,
Je puisse être jamais à quelque autre qu'à vous?
Que je puisse accepter une autre main offerte?
Hé! que vous ai-je fait, cruelle Mélicerte, 430
Pour traiter ma tendresse avec tant de rigueur.
Et faire un jugement si mauvais de mon cœur?
Quoi? faut-ii que de lui vous ayez quelque crainte?
Je suis bien malheureux de souffrir cette atteinte;
Et que me sert d'aimer comme je fais, hélas! 4>^
Si vous êtes si prête à ne le croire pas ?
MBLICERTB.
Je pourrois moins, Myrtil, redouter ces rivales,
Si les choses ctoient de part et d'autre égales,
Et dans un rang pareil j'oserois espérer
Que peut-être l'amour me feroit préférer; *^^
Mais l'inégalité de bien et de naissance.
Qui peut d'elles à moi faire la différence....
MYRTIL.
Âh ! leur rang de mon cœur ne viendra point à bout,
Et vos divins appas vous tiennent lieu de tout.
Je vous aime, il suffit; et dans votre personne 4^^
Je vois rang, biens, trésors. États, sceptres*, couronne;
1. DajM la première édiûon : « la savoir »| faute éndeate, corrigea dans
les testes de 1733 et de 1734.
a. Sceptre. (f73o, 33, 34.)
ACTE II, SCENE III. 177
Et des rois les plus grands ^ m*offr!t-on le pouvoir.
Je n y changerois pas le bien de tous avoir*.
C*est une vérité toute sincère et pure,
Et pouvoir en douter est me faire une injure. 440
BiÉUCEBTK.
Hé bien ! je crois, Myrtil, puisque vous le voulez,
Que vos vœux par leur rang ne sont point ébranlés;
Et que, bien qu*elles soient nobles, riches et belles.
Votre cœur m^aime assez pour me mieux aimer qu'elles.
Mais ce n'est pas Tamour dont vous suivez la voix : 445
Votre père, Myrtil, réglera votre choix ;
Et de même qu'à vous je ne lui suis pas chère,
Pour préférer* à tout une simple bergère.
MYRTIL.
Non, chère Mélicerte, il n'est père ni Dieux
Qui me puissent forcer à quitter vos beaux yeux ; 45*
Et toujours de mes vœux reine comme vous êtes....
BiBLICBBTE.
Ah! Myrtil, prenez garde à ce qu'ici vous faites :
N'allez point présenter un espoir à mon cœur,
Qu'il recevroit peut-être avec trop de douceur.
Et qui, tombant après comme un éclair qui passe, 455
Me rendroit plus cruel le coup de ma disgrâce.
MYRTIL.
Quoi? faut-il des serments appeler le secours,
I. « Et àe* roU le plus graad •, daos la premièra éditioa. Faat-U mettre
le «om aa dnguKer : « da roi » ? ou, comme noua l*arons fait, avec les édi-
boai de i73o, 33, 34, radjeetifaa pluriel?
a. « Je ne ehangeroU pas mon boahear à toates les ehoset du monde, •
dit Oom Joan* ; jr représente ici à eel«y à ce pouvoir.
3. Et je ne lai sou pas cbère comme à toqs, à ce point qu*il Toulilt pré-
* 4 b fin de la aoène m de Pacte U, tome V, p. ia5. Nous avons renToyé
li, poar cette constmetion, aa Lêxiqme de la tangue de CorneilU^ tome I,
p. Il, et à celai de la lamgue de Raetne, p. Sa.
Mouiaa. n is
176 MÉLIGERTE.
Lorsqae Ton vous promet de vous aimer toujours ?
Que vous vous faites tort par de telles alarmes.
Et comioissez bien peu le pouvoir de vos charmes! 460
Hé bien! puisqu'il le faut, je jure par lés Dieux,
Et si ce n'est assez, je jure par vos yeux,
Qu'on me tuera plutôt que je vous abandonne ^
Recevez-en ici la foi que je vous donne,
Et souffrez que ma bouche avec ravissement 465
Sur cette belle main en signe le serment.
MBLICERTB.
Ah ! Myrtil, levez-vous, de peur qu'on ne vous voie.
■TRTIL.
Est-il rien...? Mais, 6 Ciel ! on vient troubler ma joie.
SCÈNE IV.
LYCARSIS, MYRTIL, MÉLICERTE.
LYCARSIS.
Ne vous contraignez pas pour moi.
MÉLICERTB*.
Quel sort fâcheux!
LYCARSIS.
Cela ne va pas mal : continuez tous deux. 470
Peste ! mon petit fils, que vous avez l'air tendre,
Et qu'en maître déjà vous savez vous y prendre !
Vous a-t*il, ce savant qu'Athènes exila,
Dans sa philosophie appris ces choses-là?
Et vous, qui lui donnez de si douce manière 47$
Votre main à baiser, la gentille bergère,
I. PluUt que^ dans ce tour, est eonstruit eomnw se oonttmirait «#«■/ f^^
dont U S0 rapproche fort par le sens : ▼ojes tome IV, p. 475, las deu ▼«* ^
GomeUle qaï ont été comparis au Ters iii3 et 1 114 dn Tarêmffk,
a. M iucEin, i ^ar<. (1734.)
ACTE II, SۃNE IV. 179
L*honneur vous apprend-il ces mignardes douceurs,
Par qui vous débauchez ainsi les jeunes cœurs ?
MYRTIL.
Ah! quittez de ces mots Toutrageante bassesse,
Et ne m*accablez point d*un discours qui la blesse. 480
LYCÀRSIS.
Je veux lui parler, moi. Toutes ces amitiés....
MTRTIL.
Je ne souffirirai point que vous la maltraitiez.
À du respect pour vous la naissance^ m'engage ;
Mais je saurai sur moi vous punir de Toutrage.
Oui, j'atteste le Ciel que si, contre mes vœux, 485
Vous lui dites encor le moindre mot fâcheux,
Je vais avec ce fer, qui m'en fera justice.
Au milieu de mon sein vous chercher un supplice,
Et par mon sang versé lui marquer promptement
L'éclatant désaveu de votre emportement. ^go
MBLICKRTB.
Non, non, ne croyez pas qu'avec art je l'enflamme,
Et que mon dessein soit de séduire son âme.
S'il s'attache à me voir, et me veut quelque bien,
C'est de son mouvement : je ne l'y force en rien.
Ce n'est pas que mon cœur veuille ici se défendre 49 ^
De répondre à ses vœux d'une ardeur assez tendre :
Je Taime, je^avoue, autant qu'on puisse aimer;
Mais cet amour n'a rien qui vous doive alarmer ;
Et pour vons arracher toute injuste créance.
Je vous promets ici d'éviter sa présence, 5 0 o
De faire place au choix où vous vous résoudrez.
Et ne souffrir ses vœux que quand vous le voudrez.
I. Ma ludsaiiee, mon titre de fils, Totre titre de père.
i8o HÉLICERTE.
SCENE V.
LYCAllSIS, MYRTIL.
MYariL.
Eh bien! vous triomphez avec cette retinite,
Et dans ces mots votre àme a ce qu*elle souhaite;
Mais apprenez qu*en vain vous vous réjouissez, SoS
Que vous serez trompé dans ce que vous pensez,
Et qu*avec tous vos soins, toute votre puissance,
Vous ne gagnerez rien sur ma persévérance.
LYCARS18.
G>mmcnt? à quel orgueil, fripon, vous vois*je aller?
Est-ce de la façon* que Ton me doit parler? 5i*
MTATIL.
Oui, j'ai tort, il est vrai, mon transport n^est pas sage :
Pour rentrer au devoir, je change de langage.
Et je vous prie ici, mon père, au nom des Dieux,
Et par tout ce qui peut vous être précieux,
De ne vous point servir, dans cette conjoncture, 5iS
' Des fiers' droits que sur moi vous donne la nature:
Ne m'empoisonnez point vos bienfaits les plus doux.
Le jour est un présent que j'ai reçu de vous ;
Mais de quoi vous serai-je aujourd'hui redevable,
Si vous me l'allez rendre, hélas! insupportable? Sto
Il est, sans Méliccrte, un supplice à mes yeux :
Sans ses divins appas rien ne m'est précieux ;
Ils font tout mon bonheur et toute mon envie;
Et si vous me l'ôtez, vous m'arrachez la vie*.
'' / /^ . I* Est-«e de cette fa^on^ Voyex ci-deuns, p. 1 16 et note 6.
' ' * ' ' "^ ^ 9. Ri^oreuz, cruels : ^ôyez remploi qui a été fait du mot ta ven 5ii
I ■ * de VÉUmrdi^ et au ytn 376 du Tartuffe.
3. Ou peut comparer à ee couplet celui des suppUcatioBS de BfanM*
à Orgon, dans la scèoe lu de Tacle IV du Tartuffe (tome lY, p. 485 et 486}.
-r ,
ACTE II, SCENE V. i8i
LTCABUft^
Aux doolenrs de son âme il me fait prendre part. Sa 5
Qui Tauroît jamais cru de ce petit pendart ?
Quel amour ! quels transports! quels discours pour son âge!
Ten suis confus» et sens que cet amour m*engage'.
MTâTtL*.
Voyez, me voulez-vous ordonner de mourir?
Vous n*avez qu'à parler, je suis prêt d*obëir. 530
LTCIRSIB ^.
Je ne* puis plus tenir : il m*an*ache des larmes,
Et ces tendres propos me font rendre les armes.
MYâTIL.
Que si dans votre cœur un reste (ramitié
Vous peut de mon destin donner quelque pitié,
x\ceordez Mélicerte à mon ardente envie, 53 5
Et vous ferez bien plus que me donner la vie.
LYCARSIS.
Lève-toi.
JUTâTlL.
Sercz-votts sensible à mes soupirs ?
LYCARSIS.
Oui.
MTRTIL.
J'obtiendrai de vous Tobjet de mes désirs ?
LYCARSIS.
Oui.
I. Ltcamd, à part, {l^^i.)
>. ?(e Bc laiite pas Iiln«, froid, me gagne le cœur, ne touche. L'emploi
9^ ComcUle a bit d^engagtr^ pris absolauient, au rtn 745 de Cinna^ ae-
>nt pc«t4tre aa seaa qu'il a ici :
L'intérêt du paya a*est point ce cjui Tcngage.
3. Mtitii., se jeiant aux genoux de LjrcartU. (1714*)
4. LTCaatD, à part, {IbitUm.)
5. L'édition de 1734 change ne en njr.
i8a MÉLICERTE.
MYRTIL.
Vous ferez pour moi que son oncle Toblige
V me donner sa main ?
LYCABSIS.
Oui. Lève-toi, te dis-je. 540
MTRTIL.
O père, le meilleur qui jamais ait été.
Que je baise vos mains après tant de bonté !
LYCARSIS.
Ah ! que pour ses enfants un père a de foiblesse!
Peut-on rien refuser à leurs mots de tendresse?
Et ne se sent-on pas certains mouvements doux, H^
Quand on vient à songer que cela sort de voas?
MYRTIL.
Me tiendrez-YOUs au moins la parole avancée ?
Ne changerez- vous point, dites-moi, de pensée?
LYCARSIS.
Non.
MYRTIL.
Me permettez-vous de vous désobéir,
SI de ces sentiments on vous fait revenir? SSo
Prononcez le mot.
LYCARSIS.
Oui. Ha, nature, nature!
Je m'en vais trouver Mopse, et lui faire ouverture
De Tamour que sa nièce et toi vous vous portez.
MYRTIL.
Ah ! que ne dois-je point à vos rares bontés ! *
Quelle heureuse nouvelle à dire à Mélicerte! ^^^
Je n*accepterois pas une couronne offerte,
Pour le plaisir que j*ai de courir lui porter
Ce merveilleux succès qui la doit contenter.
I. Seul, (1734.)
ACTE II, SCÂNI YI *tl
SCÈNE VI.
ACANTE. TYRÈNE, MYRTIL.
ÂCAlfTB.
Ah ! Myrtil, toos avez du Gel reçu des charmes
Qui nous ont préparé des matières de larmes, S6o
Et leur naissant éclat, fatal à nos ardeurs,
De ce que nous aimons nous enlève les cœurs.
tyrAnb.
Peat-on savoir, Myrtil, vers qui de ces deux belles
Voos tournerez ce choix dont courent les nouvelles,
Et sur qui doit de nous* tomber ce coup affreux 56 S
Dont se voit foudroyé tout Tespoir de nos vœux ?
▲CÂim.
Ne faites point languir deux amants davantage,
Et nous dites quel sort votre cœur nous partage *.
TTaÀNB.
Il vaut mieux, quand on craint ces malheurs éclatants,
£a mourir tout d'un coup, que traîner si longtemps. S70
■YRTIL.
Rendez, nobles bergers, le calme à votre flamme :
La belle Mélicerte a captivé mon âme ;
Auprès de cet objet mon sort est assez doux.
Pour ne pas consentir à rien prendre sur vous ;
Et si vos vœux enfin n*ont que les miens à craindre, 5 7 5
Vous n*aurez, Tun ni Tautre, aucun lieu de vous plaindre.
▲GANTE.
Ah! Myrtil, se peut-il que deux tristes amants...?
I . • Et sur qni ife noua doit tomber. • La confttmctîoB a été géaée par la
■ée.-uité d*iw rapot h lliéaiiaticbe.
3. Qad fort le ckoix de ▼être ccaor nous raerve en partage.
i84 MÉLICERTE.
TYBiN£.
Est-il vrai que le Gel, sensible à nos tourments...?
MYBTIL.
Oui, content de mes fers comme d'une victoire,
Je me suis excusé de ce choix plein de gloire* ; SSo
J*ai de mon père encor changé les volontés,
Et Pai fait consentir à mes félicités.
ACANTE*.
Ah ! que celte aventure est un charmant miracle,
Et qu'à notre poursuite elle^ôte un grand obstacle !
TYBÈNJl'.
Elle peut renvoyer ces Nymphes à nos vœux^ 5S5
Et nous donner moyen d'être contents tous deux.
SCÈNE VIL
TSICA.NDRE, MYRTIL, ACVNTE, TYRÈNE.
NICANDRE.
Savez- VOUS en quel lieu Mélicerte est cachée?
MYRTIL.
Comment?
NICANDRE.
En diligence elle est partout chercliéc.
MYRTIL.
Et pourquoi?
NICANORB.
Nous allons perdre cette beauté.
C'est pour elle qu'ici le Roi s'est transporté : 590
I • C'est-^-dîre, je me suis dérobé ■ ce glorieux choix des deux NjhijiIm^
(que TOUS aimex), je l*ai refosé aTec excnaes et respect.
a. ACAHTX, à Tjrrtne, (1734.) — 3. TTRXirr, â Acante. (Ibidem.)
4. £11«* peut noua ramener ces Njrmpbes, les rendre CiTorablet à nos tctu.
ACTE 1I« SCKIfS VII. t85
Avec un grand seigneur on dit qu*il la marie.
MTRTIL.
OCiel! Expliquez-moi ce discours, je vous prie.
NICANDRB.
Ce sont des incidents gi^ands et mystérieux.
Oui, le Roi vient chercher Mélicerte en ces lieux ;
Et l'on dit qu'autrefois feu Belise, sa mère, 595
Dont tout Tempe croyoit que Mopse étoit le frère —
Mais je me suis chargé de la chercher partout :
Vous saurez tout cela tantôt, de bout en bout.
MTBTIL.
Ah, Dieux! quelle rigueur! Hé! Nicandre, Xîcandre!
▲GANTE.
Suivons aussi ses pas, afin de tout apprendre. 600
FIN DU SBCONO ACTE.
Cette comédie na point été achevée; U ny avoit que ces deux
actes de faits lorsque le Roi la demanda. Sa Majcàté en ayant
été satisfaite pour la fête où elle fut représentée^ le sieur de Mo-
lière ne Va point finie^. (Note des éditeurs de i68a.)
I. Snr la soite qu'aurait pa aToir Mélicerte^ et lur celle qoe hasarda de
lai dooaer le £la de Gaérin et d'Aimande Béjard, Yo/ez ci-deiauii, à la Itotiee^
p. 14a, 143, et p. 145, 146. — L'éditeur de 1734, qui le premier a recueilli,
poar lea joindre aux OEmvret de Molière, let fragments de la Pastorale eo~
mifme imprimés dans k tirret du Ballet des Muses, a placé à la fin de Mèli'
etrte «n Avertissement qui contient :
I* La note des éditeor* de i6Sa, moins les premiers roots : « Cette comédie
a*s point été acberée ; •
1* Cette introduction de ce que nous donnons ci-uprès, à leur exemple,
tous le titre de Pastorale comique :
• Cette pastorale héroïque, qui formoit la troisième entrée du Ballet Jet
^usee, dansé par Sa Majesté, e a décembre 1666, dans le chAtean de Saint-
^^cfBain en Laje, fut saivie d*nne pastorale comique, espèce d'impromptu
nHè de scènes récitées et de scènes en musique, arec des dirertissements et
des entrées de ballet.
i86 MÉLICERTB.
« 11 y a apparene* que les paroles rhiitéai, qai font partia de Tactioa, toai
de Molière, ainaî qne Tinveiitioii da lajet et les dialoguai récitéa.
■ Comme eette dernière pièce B*a jamais été imprimée dans le recueil dei
CEêwrêt de Molièrêf on a jugé à propos, pour rendre Tédition plos complke,
de rimprimer en l*état ou elle est, quoiqu'il ne nons en reste que le nom d«s
acteurs, Tordra des scènes, avec les paroles qai se chantoient. »
PASTORALE COMIQUE'
I. ▼ojex» à U note i de la page i85, I*iBtrodQctloii à la Pastorale eo^
"ùfoe, de réditeor de 1734. — La PastoraU «omîque fat repréflentée le 5 ]aa-
vier 1667 : Toycs ei-deasos la TfotUe^ p. iSS-iS?.
ACTEURS.
IRIS^ jeune bergère Mlle de Baie.
LYCAS, riche pasteur Moueeb.
FILÉNE, riche pasteur D'Estivale
GORIDON , jeune berger. ... La Grange.
BuGBB EmouiE Blondel^.
Un PÂtBB CHÂTBAUNKUr*.
f. D'£ttiral appartenait à la Musique du Roi, et paraft avoir
«V une Toix de balte remarquable * ; on Ta déjà tu eharg<^ des
rôles importants (sans compter les moindres dans les ensembles)
(lu ^fagicien du Mariage forcé et du Satyre de la Princesse JtAlidt, Il
est nommé ici parmi les acteurs; mais son emploi, comme celui de
tutts les artistes du chant, était tout musical ; il chantait, et n^eût
Toulu ni peut-étre, comme dit Moron, su « parler d'autre façon, »
s. Blonde], un ténor, était aussi un des principaux chanteurs
des récits et airs mêlés aux ballets de la cour *.
3. La Grange, dans son Registre^ a &it mention de Châteauneuf,
«n 1670 et en 1678 (p. m et p. i43)} comme d^uu gagiste de la
Troupe.
Voici quelle est dans Tédition de 1784 la liste des personnages :
ACTEURS.
ACTEUaS DE LA PASTOEALE.
lais, bergère. — Lycas, riche pasteur, amant d*Iris. — FiLfaiE,
riche pasteur, amant dlris. — Coeidoe, herger, confident de
l'jrcas, amant d*Iris. — Ua pÂtee, ami de Filène. — Ue beecee.
ACTEUES DU BALLE r.
Magiciess, dansants. — Maoiciees, chantants. ^ Démoes, dan-
• Voy« tome IV, p. i33, et p. 79, 177.
• Vojex iVidem^ p. i33 et 217.
sanU. — Paysajsti. — Unb ÉoTpnurnK, cliantante et dansante. —
ÉoTPnBHt, dansants*.
La même édition fait suivre cette liste de cette indication :
La scène est en Thessalîe^ dans un ftameau
de ia vtdlée de Tempe,
* L'éditeur ds 1734 eAl pa fondre a?«e cette liste le tableau soiTant (rejelé
par lui k la fin de la Pastorale eomifme)^ dans lequel il a raaaemblé, d*iprà
le Livret même, les noms de tous ceux qui contribuèrent à l'esécotion. Il j a
omis (au 3* alinéa) le nom de Paysan^ qui est au Livret (voyes ci-après,
p. 197), et cbangé (au dernier alinéa) en Faigiutnt ou F'aignart (teloB ks
différents tirsget) le nom de Fagnart (vojex p. ao3}. Dans une partie des
esemplaires de 1734, les noms de la Grange^ CkAteauneu/ et la Mare iost
précédés de b particule da,
vous DB GBUX QUI KBGITOIEirT, CHAlTronUrr ET DAKtOIBirr
DAJrS LA PASTORALE:
tria» ilf//e de Brie, Lyeas, Is sieur Molière. FUéae, U sieur EstiPol. Coridon,
le sieur la Grange, Un Berger, le sieur Bloadel, Un Pitre^ le sieur Ckà-
teamnauf,
Magidens dansants : Us sieurs la Pierre^ Pavier» Magiciens fhantSBts : les
sieurs le Gros^ Don, Gajre, Démons dansants : les sieurs Ckieanneau^ Benard,
IfohUt le cadet^ Jrnald^ Majreu, Poignard,
Paysans : les sieurs Dolivet, Desonets^ du Pron, la Pierre, Mercier^ Pesa»,
U Bof,
Égyptienne dansante et chantante : le sieur Ifohlet Vatnè, Égyptiens dan-
unts : quatre jouant de la guitare, les sieurs Lulli^ Beauekamp, Ckieen'
neam, f^aignartf quatre jouant des castagnettes, lee sieurs Poster, Bouard,
Smni-Andri, Amaldf quatre jouant des gnacares, Us sieurs la Mare^ des
Mrs seecmd, du Peu, Pesan,
PASTORALE COMIQUE*.
La première fcène est entre Lycas, riche pasteur, et Coridon,
son confident .
La seconde scène est one cérémonie magique de chantres et
dânaeors.
Lst dflox Magiciens danMoti sont :
Les aiean la Piimaa et FATxaa.
Las trois Ma^dens assistants et chantants > sont :
I. Dans le H^rat da RaiUi des Mmsês, qui noua a eonaerTé la canevas
«t les paroles chantées qu'on va lira, la titre Pastobaui oowqub est suivi
et la lista daa WVles, comme nous la donnons ci-deasas, avec les noms de ceux
qai ks joswnt; at il est précédé de eet autn titra : III. Banaa, et da eatte
aols pséUminaîre, intéressante à reproduire ici* :
TWw, à ^ la ConuMe est eontacrée^ a pour son partage une pièce eo'
wfaa reprise niée par tes Comédiens du Roi^ et eompasie par celui de tous
net pentes fui^ dans ce genre d'écrire^ peut le plus justement ee comparer
Las aiots : Comédiens dm Am, sont expliqués en marge par ceux-ci : Mo»
liire et sa trompe.
La aote, qui ne fut modifiée dans aucune des éditions du livret, s*appliquait
nJaux à la coraédk de Mélicerte^ qu'à la pièce da genra mixte, qu'à respéce
de petit opéra boufla qui en prit b place, dans le grand Ballet, k partir du
5 janvier 1667 *. Comme on en peut juger par le lihretto même qui nous
reste et par le eaulogne donné d-aprés à Y Appendice, Lullj, ses chanteurs
et sas danseurs, annnt caruinaoïant plus de part au succès de b Pastorale
femi^ que Molière et sa troupe.
a. Sahant laa indications de U premièn partition ndlidor, et suivant
• ftoas ravona d*aillenrs laissée k sa place dans lelivrat (qa*on trouvera à
V Appendice] d'o& a été extrait le texte de la Pastorale comique (d-après,
f' aSo).
^ Voyez k b Notice^ d-desaus, p. i35-i37, at p. 147 et 148.
ig% PASTORALE COMIQUE.
liM. LS Gam', Dor* et Gati*.
Ils chantent ^ :
Déesse des appas,
le tome A de la Bibliothèque nationale (royet ci-aprài la fin de la dernière note
de V Appendice)^ e*était, après une première entrée de Magiciens dansean, aoi
trois Magiciens, mais trois Sorcières qui ehanuient enaenUe le eonpkt de
Kept Tors qui va sni^-re; Tune d'elles chantait seule le second eoupîet, de
cinq Ters, pnis le pramier couplet était redit comme la première û. •* A
une seconde entrée des danseurs succédait l'air en deux conplata des atèmc*
« trois Sorcières • : Akl qu*il est buiu, et Qm*il est joii. L'idée de ce ehaa-
gement faTorable k la variété ^ k la fantaisie des costumes, avait p« venir à
l'ordonnateur sans que personne songeât h en informer l'éditeur du livret.
1. Le Gros est le même sans donte que celui dont le livret des PUisirs
tromkiés* constatait la célébrité m i657 et qui a été nommé h la Bfhtû»
des intermèdes de /« Princesse ttÉlide (tome IV, p. 217). Sa voix, dans U
partition (è b xr* et è la ix* entrée * de ce Baiiet des Muses)^ a été notée a U
clef des hautes-contre.
a. Nous savons encora par la Relation de Plie enchantée (tome lY, p. i33;
qne Don, musicien du Roi comme d'Estival et Blondel, avait, ainsi qu'eux, oat
voix admirable ; c'était une basse, mais qui n'avait sans doute pas les note»
profondes de d'Estival. -— La vraie forme de ce nom, qu'on trouve anfsi écrit
Donc et Dom ', parait avoir été Due. • La Csmille Don, dit Gaatil-BUze
(tome I, p. 4ao, de Molière musieien)^ a fourni pendant plus d'un sArle dsi
sujets diantants à l'Académie royale de musique, au coneart spirituel, et des
professeurs à l'école de musique dépendante de ee théâtre. Dun (Jean], fili de
cdtti qui est ici mentionné.,» ^ remplit le rôle d'Hidraot dans Armide en 16SS,
et tint remploi de premier bar} ton abandonné par Beanmavielle. »
3. Jean Gaye, un des ordinaires de la Musique du Roi, d'après Jal, a été
porté sur les états jusqu'en janvier i683. II paraît avoir eu une voix de
baryton.
4, SCÈISE PREMIÈRE.
LYC4S, G0HID09.
SCÈNE II.
i.YCAS, MACiciExs chaiitonts et dansants^ dkmojis.
PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET.
{Deux Magiciens eonuneneenl, en dansant^ un enehantemeni pour embelli
Lyeasi ils frappent la terre apec leurs baguettes, et eu/omt sortir six Dé-
mons, qui se joignent à eux. Trois Magiciens sortent aussi du destout terre.)
Teois MAOïaxTis ouiiTAirra. (1734.)
* Tome U, p. 455, des Contemporains de Molière, de M. Foumel.
* Cette XX* entrée de la copie Philidor e<it la x* du livret donné i VJ^
pendice,
* Voyez M. Fournel, tome II, p. 455, note 8 : il est question là d'un Doac
l'ainé et d'un cadet, vivants en 1657.
n
SCÈNE II. 193
Ne nous refuse pas
La grâce qu'implorent nos bouches* :
Nous t'en prions par tes rubanS|
Par tes boucles de diamants ,
Ton rouge, ta poudre, tes mouches,
Ton masque, ta coëlTe et tes gants*.
«
O toi' ! qui peux rendre agréables
Les visages les plus mal faits,
Répands, Vénus, de tes attraits
Deux ou trois doses charitables
Sur ce museau tondu tout frais. ^
Déesse des appas.
Ne nous, etc.*
Ah! qu'il est beau,
Le jouvenceau !
Ah! qu*il est beau! ah! qu'il est beau'!
Qu'il va faire mourir de belles !
I. Le trio, dans la partitiout est eoupé à ce troisième Tcrt par un signe de
reprise, et eette première partie se répétait en eflet, ainsi que la seconde.
1. Le diani répète ees deox derniers Ters, et eette seconde fois le tout der-
nier est eaeore répété.
3. Noos Tenons de dire (note a de la page 191) que, d*après la partition,
c'est un solo de cinq vers qui commence avec ees mots : O toî/ il est donné à
Is basse; on Ut an-derant: « Une Sorcière. » — Un MAOXCznr, seul, (1734.)
4. Les trois Sorcières rechantent : Déesse des appas, etc {Partition Pki»
lidor.] — Lis tbou MAOïcoiirs cnAifTÀHTs. (1734.]
5. Une nouTelle danse des Magiciens (une ehaconne) s*eEéeutait iei, entre
le trio des Sorcièrts qui précède et celai qui ts suiTre : Toyei ci-eontre, p. iga,
la fin de In note a de la page 191. — L*édition de 1734 met ici cet en-téte :
n. OITRÉE DE BALLET.
{Les six Démons dansante hahillent Ljreae Jtune manihe ridiemle et àisarre.)
Lbs teoxs MAOxaurs chantasts.
6. Au lieu de ee troisième vers, on lit dans la partition, ici et au refrain,
une répétition des deux premiers. U 7 a même suppression et même répétition
aux vers correspondants du seeond couplet.
MoLiiaB. ▼! i3
i9i PASTORALE COMIQUE.
Auprès de lui, les plus cruelles
Ne pourront tenir dans leur peau.
Ah ! qu*il est beau.
Le jouvenceau !
Ali ! qu*il est beau ! ah ! qu*il est beau !
Ho, ho, ho, ho, ho, ho*.
Qu'il est joli,
Gentil, poli!
Qu^il est joU ! qu'il est joli !
Est-il des yeux qu'il ne ravisse ?
Il passe en beauté feu Narcisse,
Qui fut un blondin accompli.
Qu'il est joli.
Gentil, poli!
Qu'il est joli ! qu'il est joli !
Hi, hi, hi, hi, hi, hi*.
Les «ix Ma^ciens atsittanU et daniants sont :
Les Mettra Chicaiiiau, Bovabd, Noblkt le cadet, AtSALO,
MaTBU et FoiOHABD,
I. Le musicien, pour terminer le refirain, a répété dix-sept fuis rezehmatitA :
Uo! pnis repris Akl qtCU est beau, et répété tonte cette terminaison. Mésw
emploi devait naturellement être (ait des secondes paroles qn*on ts lire : Hi!
qu'il estjolU — L'édition de 1734 £iit suirre Ho,,,! qu'elle répète hait fois,
au lieu de six, de ce nouTcl en-téte :
IlL EI^TRÉE DE BALLET.
[Lu Magiciens et les Démons continuent leurs danses^ tandis quêtes trois
Magiciens chantants continuent à se moquer de Ljcae,)
Lis noiB MAOïcitiiB cnâirrAsrrs. (1734.)
^ On peut croire que les danseurs ne se tenaient pas immobilet pewfaitf
Pexécution de ces gais couplets : Ahl quUl est beau et QuUl est joli; mais W
rôle principal ici était aux chanteurs ; il n*7 sTait pas de nouTelle, h savoir àt
troisième entrée, ni même de danse réglée sur l*air des eouplets s senlement, «atie
les deux et après le second, la copie de Versailles dit expressément que Ton te-
prenait la « chaconne des Bfagiciens, » d*abord entendue avant le premier
conplet (e*est la danse mentionnée ci-dessus, p. iqS^ note 5).
a. Hi» hi, hi, hi, hi, hi, hi, hi!
(Les trois Magiciens ekanttuits s*en/bneent dans la terre^ et les Mmgiàens
dansants disparoissent,) (1734*)
^ . , r-i .' ;•. i — •i"^/
SCÈNE III. 195
La troiflîème icène est entre Lycas et Filène, riches paiteurs.
FILÈNE chante ^ :
Paissez, chères brebis, les herbettes naissantes;
Ces prés et ces ruisseaux ont de quoi vous charmer * ;
Mais si tous desirez vivre toujours contentes.
Petites innocentes,
Gardez- vous bien d'aimer '.
(Ltcas, Tonlant fabr* des yen, nomme le nom dlaii, sa mattreiae,
en présence de Fixiiix, ton riTal; dont FiLim en colère chante :)
FILÀlfB^.
Est-ce toi que j'entends, téméraire, est-ce toi
Qui nommes la beauté qui me tient sous sa loi ?
LTCAS répond*:
Oui, c'est moi; oui, c'est moi.
FILÈNB.
Oses-tu bien en aucune façon
Proférer ce beau nom ?
LYCAS.
Hé! pourquoi non? hé! pourquoi non?
FILiNB.
Iris charme mon âme ;
1. SGÈIfE lU. LTCAS, PILXITB. — FiLJENi, «on/ l'oir Lyccu^ ehantt, (1734.)
a. La BEianqae de ces deux Tcrs formant la première reprise de l*air, le
^hantenr arait k les redire, comme ensuite ceux de la seconde.
3. Dana la seconde reprise de Talr, les deux derniers Tara sont répètes, arec
rppcCidon particulière, cette seconde fois, de Gardez~vouê,
4. Ltcas, éans voir Filène, {Ce pasteur^ voulant Jaire des vers pour sa mat'
ireseef pranonee le nom tTIrit assez haut pour que Filène V entende,) — FniiirSy
àLjcae. (1734.)
«-^ Dans toot le dialogue, mis en récitatif mesuré, qui suit, Molière chantait
ses courtes répliques ; il y répétait deux fois, en écho moqueur, 1m dernières
notes da chant de d*£stiTaI; è la fin du couplet Irie charme mon âme seule-
Bwnt, d'EstiTal descendait jusqu'aux cordes les plus graves de sa belle basse (il
s'arrêtait sur un ri au-dessous de la portée bien soutenu), et Molière, affectant
sans dottte aussi de forcer sa Toix pour descendre, n'arrirait à imiter qu'è l*oc-
ta?e celle da vrai chanteur.
5. Lvcaa, (>734-)
196 PASTORALE COMIQUE.
Et qui pour elle aura
Le moindre brin de flamme,
Il s'en repentira*.
LTCA8.
Je me moque de cela.
Je me moque de cela.
FILÈNB.
Je t'étranglerai, mangerai,
Si tu nommes jamais ma belle*.
Ce que je dis, je le ferai,
Je t'étranglerai, mangerai :
Il suffit que j'en ai juré.
Quand les Dieux prendroient ta querelle,
Je t'étranglerai, mangerai.
Si tu nommes jamais ma belle.
LYCAS.
Bagatelle, bagatelle.
FILÂIfE,. Tenant poar se battre, chante' :
Arrête, malheureux,
Tourne, tourne visage,
■ Et voyons qui des deux
Obtiendra l'avantage.
(Ljeai parle*, et Filène reprend' :)
C'est par trop discourir ;
I. Dans le ehant, le premier Ters de ce couplet est r&pété, puis lei^trob
antres le sont de suite ; après, reTÎent encore deux fois la mcnaee : Il ii*
repeHttra,
a. Il 7 a encore répétition de ces deux vers dans le chant.
3. SCÈNE IV. IBIS, LYCA8. — SCÈNE V. lygas, m pItke. {U PUrt
apporté à Lfcoj un cartel de la part de Pîiène.) — sdfcNE VI. LYCAS, CO'
BiDoir. ^ SCÈNE VII. viLiiVB, lycas. — Tuàn ckanu, (1734.)!
4. Il n*y a pas dans la partition d*antres paroles qae IceUÎss qnÇont c(
conservées dans le lirret imprimé dont nous donnons le texte.
5. LYCAt.
{Ljrcae késiie à se battre,)
Fiiiirx. (1734.)
SCÈNE m.
Allons', fl fout mourir.
Ia qiwtrièinc teint Mt entre Ljcm et Iri*, jeune bergère, dout
La cinquième icène Ml entre Lycnt et un Paire, cjui apporte
un cartel à Lf cm de la part de Filène, son rival.
La ûiième icèue eU ei
l* «epdime icine e*t entre t-jcai et Filine.
Ia huitième tcène eit de hait Pajuni, qui, Tenant pour »dpA-
nr Filène et Ljcu, prennent querelle et dament en >e tMitant.
Lm knit p>7uu tonl ;
Lm miui Dourn*, Pi¥>u, Duonn*, mt PaM, u Tiuki, Miton,
Puu > at La Roi '.
La neniiène «cène e*t entre Coridon, jeune berger, et le* huit
paftana, qui, par tel peranaiioni de Coridon, te rëcoiicilieDt, et
aprèt l'être ri^concilië*, dament*.
La dixième «cène e*t entre Filène, Lyeaa et Coridon.
fcène ett entre Iria, bergère, et Coridon, berger
I. Ce Bat Ht dit d«a[ bit «Uu 1« tbtaL
1. Ssr d'Olînt, rajn toae III, p. 6, p, 49 (Mcoada partie d« la aole) i et
tMH IV, p. ^3, BDt* 3.
3. Au toH* IT, p. a(S, il j ■ iiiaLdiai sa Bènc gnnpe da duteon bb
4. Un danUT d« frntttBoa. .
5. Um dtBM dei Pa-ftmnt rinmatUt «t pU«ie, duu b pntlden, «Cn
Ttb du Bigm njoat (ci-ipr«, p. aoi , Hèse zir) et «loi de Vtgjflîmnat
imbu ptg», Mte* x>). hnt-<IM ('n^Uit-cUs m prcmib* loi* Ici, at us
"mil» lioû CBtn 1« •cènié'xi* «t it| p«at-élrg aoiB n'ot-o* qu pa>
onar qaa la e^îM l'a repartie II,
198 PASTORALE COMIQUE.
FILKNB chinte ^ :
N'attendez pas qu'ici je me vante moi-même,
Pour le choix que vous balancez :
Vous avez des yeux, je vous aime,
Cest vous en dire assez*.
La treizième scène est entre Filène et Lycas, qui, rebutés par 1»
belle Iris, chantent ensemble leur désespoir*.
FILÈNE^.
Hélas! peut-on sentir de plus vive douleur?
Nous préférer un servile pasteur!
Ho Gel!
LTCÂ8*.
Ho sort!
FILÂNE.
Quelle rigueur!
I. SCÈNE VIII. PiLàKE, LYCA8, PAYSAiTS. {Les Paysans viennent {tour
serrer FiUne et Ljreas,) — IV. ENTRÉE DE BALLET. {Les Paysans prett-
nent querelle, en voulant séparer les deux Pasteurs, et dansent en se hatUtmt,]
^ SCÈNE IX. COBIXM», LYCAS, PilJDn, PAYSAHS. {Coridon,par SOS dis^
cours, trouve moyen d'apaiser la querelle des Paysans,) — V. ENTRÉE DE
BALLET. {Les Paysans réconciliés dansent ensemble.) — SCÈNE X. CO-
aiDoir, LYCAS, PiLÀNE. — SCÈNE XI. iris, cohidov. — SCÈNE XII.
PILÈXB, LYCAS, IRIS, CORIDOIT. {Lycas et Filène, amants de la Bargire^
la pressent de décider lequel d'eux deux aura la préférence^ Fnxna, à /m.
(1734.)
a. L*air de ce couplet est divisé en deux reprises; deux vers sont dits dans
' chacune, et dans la seconde les vers sont répétés.
3. Cette fois, sous les répliques de Molière (une seule exceptée : // iejamt
obéir) les (çuillets de b partiiioo ne montrent d*autre« notes que ceUen de la
basse continue. A proprement parler, Molière ne ehantait donc pas dans catte
•cène ; entre les courts silences du récitatif, la baaae iastramentale figurait
en quelque sorte sa réponse, faisait sa partie, qn*il se contentait loi dlnler-
prêter du parler et du geste, ou bien, soutenu par le moimore non interompu
de l'aceompagoement, il déclamait rapidement ses paroles, avec des intona-
tions deminnusicales sans doute et qui parodiaient eelles dn chanteor.
4. {La Bergère décide en faveur de Coridon.) — SCÈNE XIIL rJLàsfL,
LYCAS. — FiLàiifi chante, (1734.)
5. Lycas chante. (1734 ; mais Toyez la note 3 de cette page.)
SCENE XIII. iç)9
LTCAS.
Quel conp !
FILÈNB.
Quoi? tant de pleurs,
LYCAS.
Tant de persévérance,
FlLÀlfE.
Tant de langueur,
LYCAS.
Tant de souffrance,
FILÈNE.
Tant de vœux,
LTCA8.
Tant de soins,
FILÈNK.
Tant d^ardeur,
LYCAS.
Tant d*amour
FILÈ^TB.
Avec tant de mépris sont traités en ce jour!
Ha! cruelle,
LYCAS.
Cœur dur,
FILÈNE.
Tigresse,
LYCAS.
Inexorable,
FILÀNE.
Inhumaine,
LTCAS.
Inflexible %
FILÈNE.
Ingrate,
1. iBKMiUe. (1734.)
aoo PASTORALE COMIQUE.
LYCAS.
Impitoyable,
FILÈNB.
Tu veux donc nous faire mourir?
Il te faut contenter.
LYCAS.
Il te faut obéir '•
FILÈNB*.
Mourons, Lycas.
LYCAS'.
Mourons, Filène.
FILÈNE.
Avec ce fer finissons notre peine.
LYCAS.
Pousse.
FILÈNE.
Ferme.
LYCAS.
Courage.
FILÂNS.
Allons, va le premier.
LTCAS.
Non, je veux marcher le dernier.
FILÈNE.
Puisqu'un même malheur aujourd'hui nous assemble,
Allons, partons ensemble.
La quatorzième scène est d*un jeune berger enjoué^, qui, Tenant
consoler Filène et Lycas, chante* :
I. On Ta Ta plas haat (p. 198, note 3), les six tyUabet de cet
étaient kt teolet que Molière ehantât dans la foène.
a. FiLftifx, îirmmi tùH javûlot, (1734.)
3. LTGâS, tirMit #0M jopeloi. (Ibidem.)
4. Représenté par Blondel, comme on Ta tu à la liste des Aetenrs.
5. SCENE XIV. m bsrobb, lycas, filbwb.— La w aoii aifcwls. (1734.)
SCÈNE XIV.
Ha! qaelle folie*
De quitter la vie
Pour uoe beauté
Dont on est rebuté* !
On peut, pour ud objet aimable
Dont le cœur nous est favorable,
Vouloir perdre la clarté;
Mais quitter la vie
Pour une beauté
Dont on est rebuté.
Ha! quelle folie!*
Id quiniitme et dernière tcine cil d'one Eg/ptienne, inîne
d^me doauÎDc de gens, qui, ne cherchant que la joie, danwnt
ane die lox cbantont qu'elle ehauie agi^aitleDieat. En voicïle
ptrolei* :
D'un pauvre cœur
I. Cann, ici ot i U ta da couplât, Mti Durqoar tù d'âpre! 1* pwtilio*.
" ' a iDdiqne que la prtmiire parti* da l'air, qai liait id, Mut i
i. La paititioa ïadiqoe à la laiu da atta chauoH on air d* daiM intitaU
F—r If fayuau ricontilièi i ce n'ot peat-Ara qa'uoa interranioa duu
r<rd^ da monaaai; «t air, d'apièi le lÏTret et tràa-oaMnllamtat, dariit
nâr 1 la »Aam a. : TOfaa ci-dc«iia, p. i(^, at aoM 5.
4. D aa aaaUa pu, d'aprét la paitition. qa'aa diartt ptMafawat aoi
<iaaioH daaa estu acme fiail* da la PaitoraU canif a*. L'Egrpliaaaa, dl>-
iîUbotI accompagnée, dwatait bb premier airt psii diMua daanart, mtml»
po LaBj CB panoBB* [od aa rappelle qo'il iuit oa graad baladia*), M Bat>
tMBt ea bnola ine eUe at adèofaieBl lean pu lar k ai4Ba air, mda qaa
■^■laail aa aiahaMn mfani de gaitarea, cHtagaattai at aacairea (tiadwiaa),
L'nritiiuu radiaait da mto* daoa f«i, pou <Er« daaiia apiii Aaqaa eoa-
fl^ la «»ni»da Ainw qoa diaatait ï'Ëgjptiaoae.
I. ScfcifB DBUlltKB. ma âoTmxna, âonTmi, immmu. —
L'iwniaMa. (i?]*.]
' Taja xemm IT p. M, aot* a.
aoa PASTORALE COMIQUE.
Soulagez le martyre,
D*un pauvre cœur
Soulagez la douleur.
J'ai beau vous dire
Ma vive ardeur.
Je vous vois rire
De ma langueur.
Ah ! cruelle, j'expire
Sous tant de rigueur.
D'un pauvre cœur
Soulagez le martyre,
D'un pauvre cœur
Soulagez la douleur.
SBCOKD AIR*.
Croyez-moi, hâtons-nous, ma Sylvie,
Usons bien des moments précieux;
Ck>ntentons ici notre envie.
De nos ans le feu nous y convie :
Nous ne saurions, vous et moi, foire mieux*.
Quand Thiver a glacé nos guérets,
Le printemps vient reprendre sa place,
Et ramène à nos champs leurs attraits;
Mais, hélas! quand Tâge nous glace,
Nos beaux jours ne reviennent jamais'.
Ne cherchons tous les jours qu'à nous plaire,
Soyons-y l'un et l'autre empressés ;
I . Vi. ET DERNIÈRE ENTRÉE DE BALLET. {I>ouse Égjptwu, dont
quatre jouent de la guitare^ quatre des castagnettes^ quatre des geaemtty
dstnseM avec P Égyptienne , aux chansons qu'elle chante.) L'ioiïitusi.
(1734.)
a. Un ttgne de reprise partage id Tair en deox parties.
3. Ces deux derniers vers sont répétés dans le chant. — Lea paroles du
second coaplet, qai suit, n*ont pas été écrites dans la première partition Ptûli-
dor ; elles Tont été^ sods les premières paroles, dans la eopie de Tersaines.
SCÈNE XY ET DERNIÈRE. M^
Da plaisir faisons notre affaire.
Des chagrins songeons à nous défaire :
n vient un temps où Ton en prend assez.
Quand Thiver a glacé nos guérets,
Le printemps rient reprendre sa place,
Et ramène à nos champs leurs attraits ;
Mais, hélas! quand Tâge nous glace, ^
Nos beaux jours ne reviennent jamais. , >- • »
L'Égyptîemie qui dante et chante e«t :
NoBLBT Patné *.
ht» doaze damants tout :
Quatre jouant de la gnitare,
M. DK LvtXT, BfM. BxAVCHAiiP*, Cbicariau et Vaosiaiit';
Qaatre jooant dea eaatagnettea.
Les aienn FAtiem, Bor a&d, Sàiirr-Airomi et Auiald ;
Quatre jouant det gnaearee*,
!• Ce Noblet Talné, h la foii danseur et chanteur, est sans doute celui qui
c^aatiit aossî dans le premier concert du Sicilien (▼ojei ci-après, p. aSg,
Mte a. et l V Appendice^ p. 294 et 295) ; il arait une roix haute. Il 7 a un No-
^ le eadet nommé parmi les danseurs de la cérémonie magique (d-dessns,
s* Sar Pierre Beanchsmps, compositeur des ballets du Roi (c'est le titre
<{n1] prenait, diaprés Jal), rauteor des danses et de la musique des Fâcheux^
^Jtz toaie III, p. 6; tome IV, p. 74, note 4, et p. 3^9, note 5.
3. Ce nom ae trouve dans d*Bntres livres de ballet (Toyet, au Ballet éPAU
cùu^ tome IV. p. aaS), et e*est par faute sans doute que l'éditeur de 1734,
dam ton tableau (ô-deasus, p, 190, noie a), y a substitué le nom de Yaignart
(oa Yaignant).
k- L'sttteur du livret ne parait pas avoir dboisi la forme la plus francise de
et mot d*mrigine orientale et désignant un instrument de percussion apporté
d'Orient par lea croisés a : naccàre est celle qu'a employée Joinville* et qui
(^ la plus uaîtée. « Les nacaires, dit Castil-Blase (p. 416), éuient des tim-
*w d'une petite dimension et, comme les nôtres, inégales en diamètre, dont
* Voyez an Dictionnaire étymologique det mots d'origine eriemtale dans le
Sep^iment de H. Littré^ et le Molière musicien de Castfl-Blaae^ tome I,
P- 414 etsoivantes.
^ Gté par M. littré, à Nacaim : « Et sembloit que fondre dieist {tombât)
«n dex, au bmit que.... li nacaire, li tabour et H cors sarraiinnois menoient.»
(Clupitre zzzxT, p. 56, de l'édition publiée par M. de WaiUy pour h Société
de rHistoire de France.) Joinville faisait notaire masculin
' t
-^ '
ao4 PASTORALE COMIQUE.
MM. Là Maiis, Dit-Ans aeeoiMl*, ou Fnr et Pto&«.
Uf SaiTtibis M Mrriient à cheral, pour régler la marelie de lean eendrois.
Plmieurt peintret aoeieiii aooi mootrent la fille de Jephté jouuit dei mteaim,
graeleoteinent atUchéei à m eeîntiure. »
I. Des- Airs scccmd est sans doote le même que Des-Airs Galaad, soBmt
■près Des- Airs Talné, à la VU* entrée du Ballet des Mtues (ci-après, p. 991,
à VAppendiee)^tli que Des-Aîrs le jenne mentionné an Mariage /breé {tant IV,
p. 74* et seeonde partie de la note 4). Les deux Des-Airs étaient msabirsi de
V Académie royale de danse depuis sa fondation en 1661 *. Castil-Blaie (tome I,
p. 4ao et 4^1) dit qu'ils étaient frères et que Désert on dm Désert était b
▼raie forme de leur nom ; Félibien Ta écrit ainsi dans la liste qnH donne
des premiers académiciens de la danse K
• Voyes tome III, note 7 de la page 48, et le Théâtre fiemiuàM sm
Louis XIFt per M. Despois, p. Sap et 33o.
* Tome V, p. 188 de V Histoire de la vUle de Paris: on 7 roitFrsnçois
Galland, sieur du Désert, et Florent Galland, dit sans doute daas k noaée
Unt6t Désert Gallaad, tantôt Désert second on le j<
FOI DK LA FÀSTOKALB COMIQUE.
LE SICILIEN
OU
L'AMOUR PEINTRE
COMÉDIE
UPÛMKKTME POVm LA PBMnJBW FOIS A SADTr-GXBHAIH ES LAYB
PAA OSDRK DB SA MAJESTE, AU MOIS DE JAITTIER 1667*,
KT DOJraiB DEPUIS AU PUBLIC, SUA LE THÉÂTBE DU PALAIS-KOYAL,
LE 10* DU MOIS DE JUIH DE LA H^ME AEREE 1667,
PAR LA TEOUPE DU KOI.
I- I^ preaûire repréiantotion à la eonr, à Salnt-GemiaiBj eut lieo, aoa en
j^vier, eonme le porte ce titre de réditbn de i68a, mats trèt-probableineiit
^ 14 finier 1667 : Toyes ci-après, au début de la Notice^ p. 207-209.
NOTICE.
Les dernières pages da Ballei des Muses * nous apprennent
qne le Sicilien fut jou^, non» comme les deux pastorales de
Molière, dans la trobième entrée^ remplie d'abord par Méli*
cerie^ et depuis ie 5 janvier 1667, vraisemblablement jusqu'à
la fin des fêtes, pai* la Pastorale comique^ mais dans la qua-
torzième, nouveauté de la dernière heure, qui, dans le livret,
n'a pris qu'un rang surnuméraire.
Aien ne pouvait plus heureusement clore les divertisse-
ments, si prolonges, de Saint-Germain, ni mieux venir à la
<Jenuère entrée du ballet, comme pour donner le signal du
Pkuulite.
Les ^teurs de i68a ont placé la première représentation
du SiciUen en janvier 1667. Nous croyons que cette fois ils se
sont trompes. La Grange, un de ces éditeurs, était aux fêtes
de Saint-Germain, et y eut un rôle dans le Sicilien ; mais,
D'ayant pas daté sur son Registre les représentations données
<lans ces fêtes de la cour, ses souvenirs ont bien pu, quinze
2Ds plus tard, n'être plus assez précis, et le témoignage de la
Gazette^ qui les contredit, est tout autrement certain, puisqu'il
^t du moment même.
Dans une des citations que précédemment nous avons faites
de ce joumaly sous la date du 4 février, on a vu, il est vrai,
que, le 3i janvier, le ballet avait trouvé de nouveaux agré-
ments dans des scènes qu'on y avait ajoutées*. Au lieu de
penser, oonome nous l'avons fait, à la comédie des Poètes^
on serait tenté peut-être de supposer qu'il s'agbsait du
I. Voyez ci-après, p. 394 et suivantes,
a. Vojrez ci-dessus, p. i36.
ao8 LE SICILIEN.
Sicilien. Il serait cependant étonnant que le meillear ouvrage
représente dans ces fêtes n'ait pas été plus clairement dési-
gné, et que, le 1 1 février, ayant encore à parler du ballet, la
Gazette^ au lieu de compléter sa très-sèche mention, se soit
contentée de dire :
■ De Saint-Gennaia en Laje^ Tu fémer 1667.
ce Le 5, le Ballet des 31 uses fut derechef dansé avec la même
satisfaction des spectateurs ^, »
Mais voici qui est clair et ne permet pas de croire, pour If
Sicilien^ à la date du 3 1 janvier :
« De Saiat*Gennatii en Laye, le 18 Chnior 1667-
« Le I a de ce*mois, les ambassadeurs et ministres étrangers
vinrent faire leurs compliments à la Reine sur la naissance de
la Princesse..., après laquelle fonction, ils eurent, par Tordre
du Roi, le divertissement du Ballet des Muses.... Le i4 ^
le 16, le ballet fut encore dansé, avec deux nouvelles entrées
de Turcs et de Mores, qui ont paru des mieux concertées : U
dernière étant accompagnée d'une comédie françoise, aussi des
plus divertissantes '. »
Le journal date certainement ainsi du 14 février 1667 la
première représentation du Sicilien. Robinet» dans sa Lettre
»;'*,»* y ' , en vers à Madame du ao février •, rapporte an même momeot
^ la nouveauté de l'entrée des Turcs et de celle des Mores; et,
l, ; r ;. u ^ bien qu'il ne nomme point, n'étant pas sans doute encore
informé complètement, la comédie qui servait de motif a la
dernière de ces enti*ées, il se trouve pourtant qu'il la place,
de fait, à sa date, puisque les Mores et le Sicilien parurent
ensemble :
Oïl a, depuis le treizième.
Dansé trois fois ce ballet même.
Qui changeant encor beaucoup plus
De visages que Protêits,
Avoit lors deux autres entrées,
I. Gazette du la février 1667, p. i56.
a. Gazette du 19 février 1667, p. 175 et 176.
3. Écrite le 19.
NOTICE. ao9
Qa'on a beaucoup confidérëet,
Saroir des Mores et Mahoms^
Deux trèfl-perTenes nations.
Cest donc entre le i3 février et le jour où Robinet ëcri-
fait, qoe le Sicilien fut joue trcns fois : d'abord le lundi 14
«tle mercredi 16, comme nous l'a appris la Gazette; puis le
jeudi oa le vendredi suivant, si toutefois la troisième représen-
tation n'est pas celle du jour même où Robinet versifia ses
nouvelles des dernières représentations du ballet ; nous savons
du moins par la duette que ce jour-là, samedi 19 février, le
Met reparut avec ses plus récents embellissements, dont elle
parle akûrs en des termes qui en attestent le succès :
« De Saint-Gennain en Laye, le %S ferrier 1667.
« Le 19 de ce mois, la cour eut encore le divertissement du
BaUei des Muies^ avec les nouveautés que Ton y avoit ajou-
tées, lesquelles y attirèrent une foule extraordinaire *. » Ce
fut la cidtore. Le dimanche ao, au matin, la cour quitta Saint-
Oennain. La troupe de Molière, outre les six mille livres de
pension accordées par le Roi depuis i665, reçut encore, comme
le Begistre de ia Grange le constate, six mille autres livres.
I^ comédiens revenaient comblés de libéralités, et, ce qui
était d'un plus grand prix, rapportaient pour la scène du Palais-
Royal un vrai joyau : ce n*est rien dire de trop de la petite
pièce en un acte, de la bluette, que bien des grands ouvrages
Qegaient pas.
La ville cependant attendit le Sicilien quatre mois. Les va-
cances de Pâques ne suffisent pas à expliquer ce long retard.
Molière eut une grande maladie. Sa poitrine, depuis quelque
tttops fatiguée, le fut sans doute plus encore dès son retour de
Saint>Gennain, où il ne s'était pas ménagé dans son double
tnrsàl d'auteur et de comédien. Robinet nous apprend ^ qu'un
moment on le crut dans un état désespéré. Il lui fallut prendre
du repos et se mettre au laitage. Ce fut en juin seulement que,
rendu à la scène, il put jouer le Sicilien^ dont la première
1. Gazette du 36 fëTrier 1667, p. 197.
î. An 17 ATril.
Houàaa. ti i4
aïo LE SICILIEN.
reprësentation, accompagnée des Entrées^ fut donnée sur U
scène du Palais-Royal le vendredi lo juin 1667, avecla tragé-
die d*^rf lia ^, comme le Registre de la Grange Y dLiïoié, Robinet
écrivait le 1 1 juin :
Depuis hier
On a pour dirertiMement
Le Sicilien^ que Molière y
Arec sa charmante manière,
Mêla dans ce ballet du Roi,
Et qu*on admira, sur ma foi.
Il y joint aussi des Entrées
Qui furent très-considérées
Dans ledit ravissant Ballet :
Et Liii^ tout rajeuni du lait
De quelque autre infante d^Inache
Qui se couTre de peau de vache *,
S*y remontre enGn à nos yeux,
Plus que jamais facétieux'.
Jusqu'à la fin de juin, le Sicilien fut représenté toos les
jours qui étaient ceux de la troupe de Molière, le la et le U»
encore avec Attila^ les 17, 19 et ai avec Rodogune^ les a4,
a6, et a8 avec V Amour médecin. Fut-ce une mauvaise for-
tune pour notre petite pièce de se présenter d'abord à côté
d*Jttila, dont il serait à croire que, depuis le 4 mars pré-
cédent et malgré l'interruption de Pâques, les spectateurs
avaient assez? Le fait est que la représentation du 1 4 juin
(troisième du Sicilien) fit une bien médiocre recette : gS livres,
10 sous. Il faut dire que la recette de la sixième, avec la belle
tragédie de Rodogune^ fut encore un peu moins brillaote.
11 y en eut de meilleures ; mais, en somme, le Registre Be
nous donnerait pas l'idée d'un empressement du public tel
qu'on aurait dû l'attendre, même en ce temps-là, qui, pour
l'a£Duence des spectateurs, ne peut jamais être comparé su
I. 12 Attila de Corneille avait été représenté pour la première
fois le 4 mars 1667.
a. C'est-à-dire de quelque belle et merreilleuse Tache, comme
fut, après sa métamorphose, lo, fille du fleure Inachos.
3« Lettre en vers à Madame^ datée du la juin 1667.
N0T1G£. m
nfttre. Après les neuf représentations de jnin, nous en troii-
T0D5 huit en juillet; puis, jusqu'à la mort de Molière, encore
trois seulement; en tout vingt*.
Pendant les années suivantes du règne de Louis XIV, le Si"
cHien fat joué soixante-quatorze fois; au temps de Louis XY,
quatre-vingt-dix-huit fois. Ce sont des chiffres signiGcatifs,
quand on les compare avec ceux que donnent les autres petites
comédies de notre poète. Le temps avait fait reconnaître que
Molière avait laissé là quelque chose de mieux qu'un agréable
â-propos de carnaval de cour.
Si l'entière justice paratt avoir été tardive, il ne faudrait
pourtant pas se hâter de croire qu'en ses premiers temps la
pièce n'eût été nullement goûtée. Les spectateurs étaient toa->
jours alors peu nombreux, et l'on n'en pouvait espérer un grand
concours pour une comédie qui n'avait que quelques scènes ;
mais l'agrément n'en fiit pas méconnu, a Le Sicilien^ dit Gri-
marest*, fut trouvé une agréable petite pièce, à la cour et à la
ville, en 1667. » La preuve qu'il dit vrai, nous la rencontrons
dans là Lettre en versa Mtidame, datée du 19 juin 1667, où le
mot de tt chef-d'œuvre » n'aurait pas été prononcé, si Robinet
n'avait remarqué la vive approbation de ceux qui assistaient
avec lui (un peu à l'aise, paraft-il) à la seconde représentation,
le dimanche i a juin. Citons ce compte rendu de notre pièce,
qui est le plus ancien de tous :
Je vis à mon aise et très-bien,
Dimanche, le Sicilien,
C*e8t un chef-d'œuvre, je vous jure,
Où paroissent en mignature.
Et comme dans leur plus beau jour,
Et la jalousie et Tamour.
Ce Sicilien, que Molière
Représente d'une manière
I. Voyez au tome I, page 548, les représentations des pièces de
Molière à la ville. — Dans le tableau des représentations à la lour
{ibidem ^ p. SSy), on n'en a compté qu'une du Sicilien (comme
ajant M seule mentionnée par la Grange : voyez ibidem^ p. 55 S).
Il j en eat au moins trois en février 1667, ainsi que nous l'avons vu.
3. la yU de M, de MoUèrt^ p. 190.
«la LE SICILIEN.
Qui ùli rire de tout le ccrar,
£«t donc de Sicile un seigneur,
Charme juiqn^à la jalousie
D*nne Grec^e son affranchie.
D*atttre part un maripiis firançois
Qui soupire dessous ses lob,
Se serrant de tout stratagème
Pour Toir ce rare objet qu'il aime
(Car, comme on sait, TAmour est fin).
Fait si bien qu*il Tenlève enfin
Par une intrigue fort jolie.
Dès ce premier moment, la louange méritée n'a donc pas
fait défaut» Ou peut dire cependant que, de nos jours seule-
ment, la critique a reconnu tout le prix d'une charmante
esquisse, que, par certains côtés, on pourrait comparer à la
beaucoup plus grande peinture du Dom Juan^ Tone et l'autre,
si françaises qu'elles demeurent, faisant plutôt penser an
théâtre étranger qu'à notre comédie classique, et nous laissant
voir aujourd'hui le signal^ longtemps inaperçu, d'un art dra-
matique nouveau.
Le Sicilien est d'un caractère très-singulier, d'une fantaisie
très-neuve. L'intrigue, il est vrai, que Robinet trouve fort
jolie, en rappelle beaucoup d'autres des plus connues déjà au
théâtre. Ce n'est pas là ce qu'il faut voir, mais la perfection
du piquant tableau. Grâce aux détails si fins et souvent si
poétiques, aux couleurs qui lui donnent la vie^ il nous laisse la
vive impression d'un pays où les passions, comme les cou-
tumes, sont celles de l'Orient. Cailhava dit ^ que Molière a
transporté sur son théâtre cette comédie, dont le sujet est
étranger, a sans se donner la peine de l'habiller à la française».
C'est fort heureusement, croyons-nous, qu'il ne se l'est pas
donnée. Ni la paresse, ni le manque de temps, mais le senti-
ment de l'art la lui a épargnée. Il a bien su habiller sa pièce
à la française où il devait le faire. Parfaitement à l'aise dans
ce pays des sérénades nocturnes et de la jalousie armée d'é-
pées et de pistolets, l'aimable légèreté de notre nation et sa
politesse galante se jouent avec grâce au milieu de ces moeurs
I. De PÀrt de ii Comédie^ tome II, p, aay.
NOTICE. ii3
tarnùi iuKennes, moitM moresqoes. Les caractères de dont
Pèdre et des deux jeunes femmes esclaTes sont esquissés en
quelques traits dont la vérité locale est frappante. La liberté
des changements de scèie est plus grande encore qne dans
la comédie de Dom /«an.
Moins encore par ce genre de hardiesse, peu familière alors
k notre théltre, que par la puissance d'une imagination dra-
nutiqne ou tout venait se colorer fidèlement, il y avait du
Siakspeare dans Molière ; et il est ângulier que ce soit une de
ses petites improvisations qui surtout suggère le rapproche-
ment des deux génies.
Le atjle du Sicilien est remarquable : comme dans telle
pièce de Hosset, où la part à faire au marivaudage nuirait
d'ailleurs à la comparaison, il s'y mêle à l'agrément comique
une sorte de poéûe qui semble chanter la romance. Cette
poésie ne se fait pas seulement sentir par l'expression colorée,
mais aussi par le rhythme. Ce n'est pas d'hTer qu'a été faite
sur la prose de notre pièce cette observation, qui prit d'abord
la forme d'an blâme. « Généralement parlant, dit une note
du lUenagiana', la prose de Molière est ampoulée, poétique,
remplie d'expressirais précieuses et toute pleine de vers. Le
Sicilien, par exenqtle, est nue petite comédie toute tissue de
vers non rimes, de six, de cinq ou de quatre [ûeds; » et de
douze, aurait-il falln ajouter. Est-41 besoin de dire que l'on ne
découvre pas plus dans fe Sicilien que dans n'importe laquelle
des comédies en prose de Molière, l'enflure, les expressions
précieuses, an mauvais sens du mot? Jamais critique n'a plus,
împertinemment rêvé. Hais ce qui est vrai, c'est que la pièce
a des vers, son rimes, en assez grand nombre pour qu'ils ne
paraissent pas venus sons la plume de l'auteur è son insu.
L'explication d'un fait qui n'avait pas pn échapper à l'atten-
tion n'a pas semblé sans quelque difficulté. On a quelquefois
pensé que Molière avait commencé à écrire en vers sa comé-
die, et que, trop pressé dans son travail, il avait pris le parti
de la réduire k la prose, sans trouver le temps de cacher ce
qu'Horace a nommé les lambeaux des membres du poëte * ; iU
ai4 LE SICILIEN.
aurait seulement dissimule la rime. Une forte objecdon, c'est
qu'il n'aurait pu si bien la faire disparaître, qu'il ne fût plus
<m moins facile de la retrouver : or on l'essayerait en vaio.
Serait-ce donc plutôt que l'habitude prise par la plume de
Molière, dans ses pièces versifiées, n'aurait pas laisse sa prose
tout à fait libre dans son allure? Ovide faisait ainsi des vers
malgré lui :
Serihere eonahar çerha toluta modis^
Et quod tentaham dicere^ pertus erai '•
Nous reviendrions ainsi à ce que tout à l'heure nous ne
trouvions pas aisé d'admettre dans le Sicilien^ à une invo-
lontaire rencontre de la phrase mesurée, rencontre bien fré-
quente pour être vraisemblable. Il nous répugnerait de donner
raison à l'auteur de la note du Menagiana^ qui (le sens de
ses remarques est clair) ne voyait là qu'une négligence. Il
signale la même fréquence des vers dans toute la prose de
Molière. Cette prose donne-t-elle lieu partout, en effet, à une
s^Bblable observation ? Lisons Dom Juan, Il est vrai que là,
dès les premières lignes, on est frappé de ce vers :
Et qui vit sans tabac n'est pat digne de vivre;
on peut ajouter qu'il n'est pas tout à fait le seul. Dans
cette pièce cependant, le cas, ainsi qu'il est facile de s'en as-
surer, est assez rare pour qu'il n'y ait nullement à y recon-
naître ou une très-forte domination des habitudes métriques
ou un parti pris. C'est autre chose dans ie Sicilien; et c'est
pourquoi le JHenagiana Fa pris particulièrement pour exemple.
N'était la rime qui manque, nous aurions souvent, dans cette
comédie, les vers libres de l'Amphitryon ; et, suivant noas,
il est visible que Molière l'a su et voulu.
Il y avait été probablement invité par le sujet de la pièce,
tout poétiquement conçu. Dirons-nous qu'alors la couleur du
style avait instinctivement appelé la phrase mesurée? Nous
I. « Je m'efîorçaîft d'écrire des paroles que n*enchatnemit pu
la mesure. . . , et tout ce que j'essayais de dire éuit vers.» {Les Trittetf
livre IV, élégie x, yers 34 et s6.)
.NOTICE. aiS
croyons plutôt au desseÎD réfléchi : on a peine à ne pas le re-
coiûultre, qiund on trouve, daas cette prose du Sieilien, des
iaversioDS, des particnlarités de la langue des vers dont l'au-
teur n'a pu manquer de se rendre compte :
Je veos jmqnef an jonr les bire id chuKer' ;
Mail je m'en *aii prendre mon toîIc :
Je n'ai garde uni lui de paroitre à te* jeux*.
Le caractère même de l'ouvrage conseillant à la forme poé-
tique de se mcHitrer, l'occasion était bonne pour faire l'essai
d'une nouveauté aussi hardie qu'ingénieuse. Nul plus que Mo-
lière n'étùt capable d'une telle tentative ; et ceux qui, avant
Doos, la lui ont attribuée, n'ont peut-être pas été trop subtils.
Voici donc ce qu'on a pensé ; les vers blancs d'inégale
mesure, mêlés à la prose tout à fait libre, mais revenant assez
fréquemment, et d'un rhythme assez marqué pour ne pas s'y
perdre et pour rester sensibles à l'oreille , auraient paru k
Molière répondre, autant que notre langue le permettait, aux
TCrs, très-peu soumis à de sévères lois, des vieux comiques
latins, à leurs nombres irrégulièrement réguliers, numeri innu-
flurf*. Quoique la forme imaginée par notre poète pût d'abord
sembler no peu indécise, nous n'oserions dire qu'il uit en tort
d'eu espérer un heureux elTet. Dans la comédie elle-même,
sans excepter la plus familière, l'art doit se distinguer de la
prosaïque réalité. C'est ce qui explique très-bien qu'au dix-
septième siècle on eflt peine k n'y pas regretter quelque chose,
Iwsqu'elle renonçait au vers, qui lui donne un caractère moins
vulgaire, et par lequel d'auteurs les traits du dialogue,
mieux frappés, prennent plus de relief. Mais la poésie co-
■mqne doit conserver beaucoup de simplicité. Notre grand
vers, surtout quand U ne s'agit pas de ce qu'on nomme la
haute comédie, la gêne et la guindé un peu trop. Les anciens
se servaient, en pareil cas, d'une forme métrique qui ne dis-
1. Seine n, p. s36. — s. Sciae xti, p. a^i,
3. Vojei r^itaphe de Plaute rapportée, d'aprt* Varron,
Anin-Gelle (liTre I, chapitre xxrr).
2i6 LE SICILIEN.
tinguait pas plus qu'il ne fallait le langage du théâtre du lan-
gage de la vie ordinaire. Il y a des raisons de penser que
Molière, au temps où nous sommes arrivés dans Thistoire de
ses ouvrages, cherchait pour nous quelque chose d'équiva-
lent. Son Amphitryon ya venir qui le prouvera. Dans U Si-
cilien il ne s'y est pas pris tout à fait de la même manière.
<c Tout ce qui n'est point prose est vers, et tout ce qui n'est
point vers est prose, » dit le maftre de philosophie à Mon-
sieur Jourdain ^ C'est d'une naïve évidence. Il est curienx
que Molière, sans se révolter contre un axiome qu'il a mis
lui-même dans un jour si plaisant, paraisse avoir eu l'idée
d'une transaction. Cette idée, nous croyons qu'après le Sici-
lien il ne l'avait pas abandonnée : témoin l'Avare^ ou se re-
marquent aussi beaucoup de vers non rimes, de toute mesure.
Si ce n'a pas été une erreur de conjecturer qu'il n'en a tant
semé dans le Sicilien que pour mettre la langue de son dia-
logue en harmonie avec une peinture poétique, nous devons
supposer qu'une fois entré dans la voie de l'innovation, il l'a
jugée bonne pour toute comédie en prose, même d'un autre
caractère, partout du moins où le dialogue pouvait s'élever
un peu au-dessus du langage tout à fait familier.
Molière avait-il trouvé quelque part le sujet du Sicilien? Il
se pourrait. Mais quand il en aurait rencontré l'idée dans une
comédie ou dans une nouvelle étrangère, soit italienne, soit
espagnole, on est assuré qu'il ne serait pas plus convaincu de
plagiat qu'il ne l'a été dans Dom Juan, malgré Tirso de Mo-
lina, Giliberto et Cicognini, tant il savait toujours, en emprnn*
tant, garder son originalité. Il n'y avait que son pinceau pour
donner à la légère intrigue de notre courte comédie les cou-
leurs d'un tableau si parfaitement agréable ; et nous oserions
affirmer que ces couleurs n'ont pas été copiées, si quelques
traits du dessin l'ont été. Sur cette question d'un emprunt,
que l'on est certainement porté à supposer, Gailhava ne nous
apprend rien en disant ^ : « Il suffit d'examiner les mœurs
de cette comédie pour voir que le sujet en est étranger; »
I. Le Bourgeou gentilhomme, acte II, scène rr.
1. A Tendroit de son Art de la coméMetXxé ci-dessus, p. 9ii«
NOTICE. ai7
mais ajouter, comme 0 fiiit, qae « MoEère l'a transporta sur
son théâtre, » c'est insinuer que positivement on le savait dëjà
traite sur un théâtre étranger. L'ouvrage auquel Cailhava
semble faire allusion lui était cependant resté inconnu; autre-
ment il aurait trouvé autre chose à dire que ceci : « Je
n'indiquerai pas précisément la pièce d'où est imitée la ruse
employée par Adraste pour s'introduire auprès d'Isidore. »
Ce n'est guère de quoi il est question. S'U y a dans le Sici^
lien un ressort usé de comédie, peu importe qui Ta fourni.
Cailhava croit savoir où a été pris le voÛe qui facilite l'éva-
sion d'Isidore, ce voile qui avait déjà servi dans le dénoue-
ment de l'École des maris : « Cest dans le Cabinet^ cane-
vas en cinq actes, très-vieux et très-bon, qu'on a imité de
la Dama tapada^ pièce espagnole traduite par M. Linguet,
sous le titre de la Cloison^, » La courte analyse que donne
Cailhava de quelques boufiTonneries du canevas permet seule-
ment de reconnaître une certaine ressemblance entre la ruse
qui amène le dénouement du Sicilien et le déguisement d'Ar-
lequin, qui, vêtu d'habits de femme et couvert d'un voile,
sort d'un cabinet où se cache une certaine Rosaura.
Le rapprochement est assez insignifiant. Quant à la pièce
espagnole, qui est de Calderon, et dont le vrai titre est ei
Escondidoy ta Tapada, « l'Homme caché et la Femme voilée, y>
il s'y trouve une scène, la xv* de la seconde journée*, où
Celia, couverte d'une longue mante, vient demander protection
à don Diego, contre les violences d'un jaloux, de même que
Qimène voilée cherche un asile chez dom Pèdre, sous un
semblable prétexte. Il n'y a rien de plus. La découverte du
critique, si c'en est une, n'est donc pas grande. Il nous pa-
rait probable qu'il en reste une autre à faire, et que Molière
a dû plus que le stratagème de la femme voilée à quelque
ouvrage espagnol ou italien; mais jusqu'ici nous pouvons dire
que l'on n'a rien trouvé, bien qu'on nous ait signalé un rap-
prochement avec une nouvelle de Gabriel Chappuis. Il ne nous
semble pas plus significatif ni moins douteux que celui qui
I. De VArt dé la comédie^ tome II, p. 917 et 998.
9. La xn* dans la Cloison de Linguet, pages 188 et 189 dntome II
de son Théâtre espagnol (4 Tolumet in-i3, 1770).
ai8 LE SICILIEN.
est indiqué par Cailhava. Ce n'est pas le vdle d'Isidore,
c'est ridée d'un « Amour peintre » que Molière aurait em-
pruntée aux Facétieusei journées * . La première nouvelle de la
huitième journée a pour titre : Galeaz de la Foliée aime une
femme^ et la fait pourtraire : elle devient amoureuse du
peintre et ne veut plus voir Galeaz*. Voici le seul passage
qui rappelle un peu la galanterie du gentilhomme français,
lorsqu'il est en présence de son charmant modèle : « Icelui
ayant vu la beauté de la gentilfemme, il s'en amouracha
étrangement tout à coup, de manière que, pour avoir plus
de loisir à la contempler, il étoit long à la besogne, et ne
faisoit quasi rien ou peu, et, quand il la devoit tirer, il entroit
en nouveaux propos et devis, cherchant néanmoins le moyen
de faire aviser la dame de son amour*. » Nous dirons avec
le vieux conteur : c'est « quasi rien ou peu. » La situation
est toute différente. Le peintre est un vrai peintre, qui n'a
pas imaginé un prétexte pour s'introduire auprès de la gen-
tille femme vénitienne. Celle-ci, très-peu digne d*interèt dans
son infidélité, n'a aucune ressemblance avec Isidore. Galeai
•
lui-même, musicien et poète, trahi en son absence, et qui
finit par tuer son rival, est tout autre que le ridicule dom
Pèdre, cet ancêtre de Bartholo. Il est donc bien peu probable
que cette nouvelle ait rien inspiré à Molière, même la scène
du portrait. L'ignorance où nous restons de quelque source
moins indirecte, qu'on a peine k ne pas soupçonner, n'est qne
médiocrement regrettable; nous avons déjà dit pourquoi:
telle était la transformation que Molière savait faire subir a
tout ce qu'il touchait, que nous nous consolons de ne pas con-
naître qui a eu l'honneur de lui fournir une première donnée.
Tout en attachant peu d'importance à quelque emprunt fait
à une scène étrangère, nous n^en avons pas contesté la vrai-
semblance ; elle nous frappe surtout dans une particularité de
la pièce : il j a des esclaves dans le Sicilien^ le Turc Hali et
les deux fenunes grecques, sans compter les autres esclaves,
1. Les Facétieuses journéss...^ par G. C, D. T. (Gabriel Chappui*
de Tours), Paris, mdlxxxiiii, in-S^*.
a. Polio 247 r«. — 3. Folio a^S v».
NOTICE. ai9
de la même nation qa'Hali, qui chantent et dansent dans
le ballet. On se souvient de Gëlie, esclave de Trufaldin, dans
l' Étourdi t pièce imitée de l'inawertito^ et naturellement on
peose ici encore à quelque comédie italienne. C'étaient cer-
tainement les Italiens qui avaient appris à Molière à mettre
dans an sujet moderne des aventures d'esclavage.
On ne fait pas autant d'attention, dans V Étourdi ^ à ce que
Too serait tenté tout d'abord de regarder comme un de ces
aoachrooismes dont, au théâtre, on prend fort bien son parti.
Il semble que dans les premiers ouvrages de Molière on n'ait
pas a craindre de faire la part trop grande à la fantaisie. On
s'y seDt encore au milieu d'un monde imaginaire, et sur un
théltre où il n'j avait pas de difficulté à laisser régner la con-
veotion. C'est pourquoi, s'il était vrai que, dans les pièces
italiennes, l'esclavage ne fût, comme on Ta cru souvent, qu'une
réminiscence de la comédie latine, une tradition qu'elles au-
raient héritée de Plante et de Térence, on s'étonnerait peu
qu'une invraisemblance assez vénielle leur ait été empruntée
par Molière à l'époque oiî il ne s'inquiétait pas encore beaucoup
de l'exactitude de ses peintures.
Mab, en 1667, n'aurait-il pas corrigé ceux à qui il faisait
nnonear de leur prendre quelques sujets, s'il avait su que
leurs tableaux reproduisaient si peu fidèlement la vie réelle ?
li est donc vraisemblable, même avant tout examen du fait,
qu'alors il les reconnaissait suffisamment exacts. Tout dit que
le Sicilien est une peinture où les mœurs doivent être bien
observées.
Cette présomption est confirmée par l'histoire de l'escla-
^ge dans le pays, si éloigné du nôtre par ses institutions, où
il a fait vivre ses personnages* On a trop facilement admis que
dans les esclaves, hommes ou femmes, des pièces italiennes,
il ne fallait voir que les Dave et les Pamphile du théâtre
antique.
Une remarque doit être faite : c*est en Sicile qu'est la
scène dans l* Étourdi^ comme dans le Sicilien; elle est à Naples,
ce qui ne difiere pas beaucoup, dans rinawertito, qui est sem-
blablement une comédie ayant des personnages esclaves. Nous
sommes ici chez les peuples qui, avec celui d'Espagne, au
(OQvemement duquel ils ont été longtemps soumis, ont le plus
220 LE SICILIEN.
opiniâtrement maintenu chez eux l'esclavage. An commence-
ment du seizième siècle, les Espagnols tenaient encore les
Mores dans une dure servitude. Mais la Sicile est, de tous les
pays chrétiens en Europe, celui où les traces de l'esclavage
peuvent être suivies jusqu'au temps le moins ëloignë du nôtre.
On va jusqu'à dire que, s'il y avait, de fait, cessé bien avant,
il n'y prît fin légalement qu'en Tannée iSia^, au temps où
lord Bentinck y faisait adopter une constitution presque tout
anglaise. Mais nous croirions plutôt qu'il ne fut alors question
que de l'abolition du servage. Il nous reste assez d'autres
preuves d'une très-longue durée en Sicile de Pesclavage pro-
prement dit.
Les mœurs des musulmans s'étaient fortement implantées
dans cette terre longtemps possédée par les Sarrasins ; et, par
la suite, les guerres continuelles que, sur ces côtes de la Mé-
diterranée, on eut à soutenir, durant plusieurs siècles, contre
les corsaires barbaresques et contre les Turcs, ces guerres ou
I. C'est ce que pense un homme trèft-Tené dans Tétude de
rhistoire des esclayes chez les peuples modernes, M. René de Se-
mallé, que nous devons nommer ici, parce que le premier il a ap-
pelé notre attention sur la question de Tesclayage en Sicile et nous
a engagé à ne point la passer sous silence dans la notice du Siciliem.
Dans les communications qu^il a bien touIu nous faire, il appuie
ce qu^il dit de Tabolition légale, en i8i3, de la servitude dans-
la Sicile, sur Tautorité de M. de Castiglia, président de cas-
sation en Italie, et de M. Lancia di Brolo, vice-président de
VAssemblea di storia paîria de Palerme. Il nous a permis de faire
usage des lettres qu^ils lui ont écrites en réponse à ses questions.
Nous y avons trouvé des faits que nous citons ci-après : TesclaTe
Lucia apportée en dot dans un acte nuptial de la maison Lancia,
la vente aux enchères des captifs de Tamiral Octave d* Aragon, les
ordonnances du président Charles d* Aragon, des vice-rois Mare-
Antoine Colonna et comte de Castro. C*est aussi M. de Semallé
qui nous a indiqué Pexemple de saint Benoit, dit le More, comme
preuve de Texistence de Tesclavage en Sicile au seizième siècle.
Voyez à la page 8 de son rapport, qui a été imprimé sous ce titre :
la Traite des esclaves en Afrique pendant Vannée 1871 par £, Berlious^
Extrait du Bulletin de la Société de Géographie (mars 1874)- Voyez,
encore, à la page 10 du même écrit, Topinion qu*il exprime sur la
persistance de Tesclavage en Sicile jusqu'aux environs de Tan i6oo..
NOTICE. ssi
tint de ehrAiois faitt prisoimias fuient r^daita ai ««rvitude,
dormèreot toujours lieu à des représailles : esclavage pour
eicUnge était devenu la loi. On faisait, de part et d'autre, h
chasse aux hommes.
Noos n'avtxis paa tous les élémeats d'une histoire de l'es-
clavage eu Sicile; et nous ne savons s'il serait fadle <te les
rénoir. Cette histoire, qu'il serait intéressant de faire com-
plcte, si, pour la tirer de l'oubli, l'on n'a pas trop longtemps
négligé de s'en informer, ne pourrait, même mieux connue,
trouver ici qu'une très-petite place. A l'éclaircissement d'ua
point assez curieux de l'examen de notre comédie, il suffit des
quelques renseignements que nous avons pu recueillir.
L'esclavage en Sicile, au moyen 3ge, ne peut faire pour
perjffline l'objet d'un doute. Au douzième siècle, une loi du
rn Roger, sous le ùtre de Venditione liberi hominit, prononce
b peine de l'esclavage contre celui qui vendra un homme qu'il
ccHuiaisuit libre'. Dans la seconde moitié du même siècle, une
loi da roi Guillaume le Mauvais ordonne de rendre à leurs
maîtres les esclaves fugitifs des deux sexes, et, si le mattre
reste inconnu, de les remettre entre les mains d'officiers de
la cour, nommés bajidi (bailli&] '. Elle parait avoir été renou-
vela an siècle suivant, dans les constitutions de l'empereur
Frédéric, sous le nom , duquel nous la voyons reparaître*.
On a de ce même empereur une loi d^ Mancipiit fugitivis*,
qoi complète celle de Guillaume le Mauvais, en prescrivant
que les esclaves fugitifs, remis aux bailUfs, restent pendant
DQ au à la disposition des maîtres qui les réclameraient, Plu-
lieun des lois {çapituia) du roi Frédéric III', données à
Kessine, règlent des questions d'esclavage. Des peines sont
I. Biliaire civile du royaiau dm NapUt, traduite de l'ilalien de
Pierre Giaanone (la Haye, 1741, 10-4', tome II, p. i38).
1. Voyez le telle de la loi : Seri-oi et ancitlat omnet fuglti-
nu..., «te., à la page 167 des ComiUutionu regni ulriujjue Sicilim,
Venise, i58o, in-folio.
3. Voytx k la page i8g des Conslitutlonti rtgum regni uiriuique
S'xUim, mandante Fridtrieo II imperatort, ftr Pelrum d» Fînea..,.
t/mcimAatm, Naple*, 1786, ÎD-folio.
4. Ibidem, p. 190.
5. Ou pinidl Frédéric II: il s'agilde celui qui régaa de Iig6ài33fî.
222 LE SICILIEN.
portées contre les maîtres qui font empêchement aux esclayes
sarrasins vonlant se convertir à la foi catholique [capitulam
Lix) . — Il est prescrit aux maîtres de suivre les préceptes
de saint Paul dans la manière de traiter leurs esclaves après
le baptême {capitulum lx). — Les mattres des esclaves, soit
chrétiens, soit sarrasins, à qui naissent des enfiuits, doivent
baptiser ces enfants dès leur naissance [capitulum umi).
— Les esclaves grecs de la Romanie, après qu'ils ont oom-
mencë à croire les articles de foi de l'Église romaine, doivent
être libres si, à partir de ce moment, ils ont encore servi sept
ans (capitulum lxxii). — Un esclave grec ne doit pas être
vendu à une personne suspecte ou à toute autre, si, par dé-
vouement à son premier maître, il n'y consent pas {capitulm
Lxxui) ^ Ces deux dernières ordonnances prouvent que parmi
les esclaves il y avait alors, en Sicile^ des Grecs et, en général,
des chrétiens tout aussi bien que des sarrasins. Vers la fin da
quinzième siècle, sous la dynastie des princes d'Aragon, une
esclave du nom de Lucia est ap|K)rtée en dot, et estimée
3o onces (environ 400 francs) dans un contrat de mariage
de la maison Lancia *. Nous ne sommes plus cependant dans
le moyen âge.
Nous en sommes encore plus décidément sortis au temps des
rois espagnols et de leurs vice-rois par lesqueb ils faisaient
gouverner ce pays. Sous le règne de Charles-Quint, en iSi^,
Benofty le saint nègre, canonisé en 1807, naît au village de
Saint-Philadelphe, du diocèse de Messine, de parents esclaves,
et assurément esclaves en Sicile, a 11 eut, dit la bulle de ca-
nonisation du pape Pie Vil, des parents éthiopiens, esclaves
d'un homme riche, catholiques toutefois, et d'une piété singo-
lière. Leur maître avait promis de donner la liberté à leur
premier enfant. C'est pourquoi Benoît, leur premier-né, fut
libre dès sa naissance'. » Dans tout le cours du même seizième
I. Begni Sicilîm capitula^ novUsime,,,, impresta per îlluttrtm Do»
Raîmundum Raimondettam,,,, Panhormi, i6a3 (in-4*) : voyez aux
pages 35, 36 et 38.
a. Nous aTons sous les yeux une lettre de M. Lancia di Brolo
qui atteste ce fait. Voyez ci-dessus, p. 310, note i.
3. Btdlarii romani continuation tome XIII, p. 140. — La balle de
canonisation de saint Benoît est datée du 24 mai 1807.
NOTICE. %%%
siècle nous trouvons d'autres faits à citer. Sammoate, dans
son Histoire de la ville et dm royaume de Naples^^ rapporte
qu'en i558, lorsque Soliman, avec une flotte puissante, fit
une descente dans ce royaume, les Turcs entrèrent dans Sor-
rente, qui leur avait éxé livrëe par un esclave, à qui son maître
avait confie les clefs de la ville '. En parlant de Sor rente, nous
sortons de la Sicile; mais quand l'esclavage existait encore
dans le royaume de Naples, il est certain que de l'autre c6të
du Phare il n'avait point disparu.
Don Carlos d'Aragon, nomme président de Sicile par
Philippe II, fit des lois de ce pays un recueil qui a éxé im-
prime à Venise, en 1574, sous ce titre : le Prammatiche del
regno di Sicilia, Parmi ces lois ou ordonnances on nous en a
signale* une du a6 juillet 1567 qu'on lui attribue, et où les
esclaves sont nommes. Quelques annëes après, le vice -roi
Marco-Ântonio Golonna, dans les Capitoli e Ordinazioni di
PaUrmOj défend d'afiermer l'impôt à des esclaves. La même
défense est renouvelée par le vice-roi comte de Castro en i6aa.
Cette preuve que, même au dix-septième siècle, l'esclavage
existait encore en Sicile, n'est pas la seule. Sous Philippe III,
et sous la vice-royauté de don Pèdre Giron, duc d'Ossone,
l'amiral de la flotte sicilienne, Octave d'Aragon, dans des
expéditions à Scio et à Malte, fit esclaves un grand nombre
de Turcs, hommes, femmes et enfants. Un historien* en
compte plus de cinq miUe en ces années du duc d*Ossone (iGia-
ifiifi) ; et, ce qui a plus de rapport à l'histoire d'amour de
l'autre don Pèdre, de celui de la comédie, il nous apprend
que le vice-roi reçut en présent de Cosme II de Médicis,
trois belles jeunes filles de Chypre, prises par les galères du
Orand-Dac, et qu'il devint amoureux de l'une de ces esclaves,
que la vice-reine, jalouse, fit empoisonner ^.
I. Deir Hutoria délia ciità e regno di Napoli (Naples, 167$,
in-4»), tome IV, p. 33a.
a . Per opra d un schia vo^à eut ilpadrone le ehia vi délia eittà fidate haveva .
3. Ce renseignement et le suirant ont été donnés par M. de Cas-
ûglia: voyez ci-detsus, p. 110, note i.
4. Voyex la Vie de don Pedro Giroa^ duc dOssone^ par Gregorio
Leû (traduite en français), Amsterdam, 1700, tome II, p. 3o4«
5. làidem^ tome II, p. aSoet a5i.
ai4 LE SICILIEN.
Qu'on nous pardonne une dissertation historiqoeun peu plus
longue que nous n'aurions voulu et qui pourra paraître une glose
pesante d'une œuvre si channante par sa grâce légère. Cest
un genre d'accident auquel sont fort exposes les commentateurs.
Nous avions à cœur, et ce doit être notre excuse, de montrer que
Molière, soit qu'il ait entièrement inventé sa comédie sicilienne,
ou qu'il en doive l'idée à quelque ouvrage du théâtre étranger,
n'y a point mêlé arbitrairement les mœurs des temps de Mante
et de Térence, et qu*il n'y a pas à réclamer ici pour lui l'indul-
gence, facile d'ailleurs à accorder aux anachronismes des poètes.
Nous n'afifirmons pas qu'au moment où il écrivait son Amour
peintre il y eût encore en Sicile des esclaves turcs comme Hali,
des esclaves grecques comme Isidore ; on a vu du moins que pour
les y rencontrer, les uns prisonniers de guerre, eux ou leurs au-
teurs, les autres achetées aux Turcs, ou s'étant trouvées parmi
le butin fait sur eux, il n'avait pas eu à remonter bien loin.
Gela suffit pour expliquer et justifier les rôles d'esclaves de
ses comédies et des comédies italiennes. Ce n'est pas à dire
qu'il faille renoncer à reconnaître là quelques souvenirs aussi
du théâtre latin. Ils nous paraissent évidents quelquefois, dans
V Étourdi^ par exemple, et dans les Fourberies de Scapin^ ou,
pour dénouer ces pièces, les Célie et les Zerbinette, autrefois
volées par les marchands d'esclaves ou par les Egyptiens, sont
reconnues pour être d'honnête maison; mais ces emprunts
faits à l'antiquité ne perdaient pas toute vraisemblance sur la
scène moderne, quand l'auteur comique plaçait le lieu de
l'action dans ces pays que pendant si longtemps le christia-
nisme ne parvint pas à purger de l'institution de la servitude.
La distribution des rôles du SieUien est donnée ci-après^,
dans le livret du Baliet des Muses, On y voit que Molim
joua celui de dom Pèdre. Son costume est décrit dans l'inven*
tidre fait après sa mort : « Un habit du Sicilien^ les chausses
et manteau de satin violet, avec une broderie or et argent,
doublé de tabis vert, et le jupon de moire d'or, à manches de
' toile d'argent, garni de broderie et d'argent, et un bonnet de
nuity une perruque et une épée ^. » Son jeu est loué dans la
I. Page 194.
3. Recherches sur Molière^ par Eud. Soulié, p. 377.
NOTICE. %%S
lettre de Robinet, du 19 juin 1667, que nous ayons dtée tout
à rheure*, et où l'on a dû remarquer ces vers :
C« Sicilien que Molière
Représente d'une manière
Qui fait rire de tout le cœur.
Nous avons réserve, pour la donner ici, la fin de la même
lettre, dans laquelle il est ainsi parlé des rôles des deux
femmes :
Surtout on j voit deux esclaves,
Qui peuvent donner des entraves,
Deux Grecques, qui. Grecques en tout,
PeuTent pousser cent cœurs à bout,
Conune étant tout à hh charmantes,
Et dont enfin les riches mantes
Valent bien de l'argent, ma foi ;
Ce sont aussi présents de roi.
Robinet avertit, à la marge, que les deux Grecques étaient
Mlle Molière et Mlle de Brie, et nous savons par le livret que
la première jouait Zalde (Climène^), la seconde Isidore.
11 est vraisemblable que les habits de Molière, dont on vient
de lire la description, étaient, aussi bien que les riches mantes
des actrices, « présent de roi. » Us sont, dans l'inventaire,
prisés 75 livres. Cest l'estimation la plus haute que Ton y
trouve des costumes de théâtre de Molière ; et ceux dont le
prix n'est pas très-éloigné de celui-là paraîtraient avoir dû
kar laze à la même générosité royale. M. Soulié a conjecturé
que l'habit de rArménienne (rôle inconnu), décrit dans l'inven-
taire des habits de théâtre de Mlle Molière, était peut-être
celai de l'esclaye grecque Zalde *. Mais, en y joignant quel-
ques autres habillements, il est prisé 8 livres : le Roi, dans
ses dons, n'était pas si bon ménager.
Le Mercure de 1740 dit * que Molière plaisait dans le rôle
d'Hali. S'il veut parler de la première distribution, l'erreur
est évidente, puisque Molière y joua dom Pèdre, et la Thoril-
lière Hali. Il est certain que ce dernier rôle est un des plus
X. Pages 31 X et aïs.
s. Sur ce double nom, voyez ci^près, p. as6, et p. aSi, note 3.
3. Reckerehes sur Molière, p. 90 et a8o.
4* Voyes notre tome III, p. 383.
TI i5
2i6 LE SICILIEN.
agréables de la pièce : Molière aurait-il, on jour, été teDt^
de le prendre ? Ce n'est pas impossible, peu probable cepen-
dant. Quand l'aurait-il fait? Nous savons par Robinet que ce
ne fut pas dans les premières représentations à la yllle. Il j
jouait, comme à Saint-Germain, le personnage du Sicilien.
Un peu plus tard, après la mort de Molière, voici quelle fut la
distribution des rôles du Sicilien. Nous l'empruntons aiiRéper^
toire des comédies françoises qui se peut^ent Jouer (à la cour^
en i685 :
DAMOIttLLlS.
Clixènb La Grange,
IsiDORB De Brie,
BOMMBS.
ÂDBA8TB La Grtmge.
D. PàoRB Mosimoni.
Hali, valet Guerin,
Molière eut, nous ne savons au juste à quel moment, mais
d'assez bonne heure, l'intention, qu'il ne paraît pas avoir exé-
cutée, de faire une petite modiûcation à sa comédie : dans la
liste des personnages de l'édition même de 1668, imprimée
sous ses jeux en 1667, Climène, qui a remplacé Zalde, est dite
<c sœur d'Adraste. » Le rôle ainsi changé aurait-il reçu quel-
ques développements ?
On ne pourrait faire à ce sujet que des conjectures. Nous
ne croyons pas que, dans aucune des représentations, Molière
ait donné suite à sa nouvelle idée. Si elle n'était pas restée en
projet, il serait difficile d'expliquer qu'il n'eût pas pris la peine
de l'introduire dans le texte, lequel a conservé, dans la
scène ix (p. 258], ces mots en contradiction avec la qualification
donnée à Climène : ce J'ai, par le moyen d'une jeune esclave, un
stratagème.... » Ce qui est probable, c'est que la pensée de
donnera Adrasteune complice mieux choisie de sa ruse lui était
venue au moment où l'on préparait la première édition de
la pièce, et qu'il en labsa achever l'impression avant d'avoir
eu le loisir de s'occuper du changement, qui n'aurait pas ce-
pendant demandé beaucoup de temps à sa facilité. Puis, en
homme qui jamais ne se souciait guère de revenir sur ses pas,
il pensa à autre chose.
Dibdin, dans son Histoire du théâtre^ parle de deux comédies
NOTICE. 227
anglaises^, dans lesquelles le Sicilien aurait été imité : Tune
est de SheridaUt l'autre, antérieure d'un siècle, est de Crowne.
Celle de Sheridan est bien connue ; elle est intitidëe the Duenna^
et lut représentée pour la première fois sur le théâtre de
Covent^jarden, le ai novembre 177$. Cet opéra-^comique^
qu'en France nous appellerions plutôt vaudeville, diffère en-
tièrement du SiciUen par le sujet, par les caractères, par la
manière d'entendre le comique. La seule ressemblance qu'avec
Dibdin nous pourrions noter entre les deux pièces est, en ajou-
tant peut-être les sérénades, celle que l'on avait déjà remarquée
entre ie Sicilien et la Tapada de Galderon. Il s'agit toujours
du stratagème du voile. La duègne chargée de veiller sur
doua Louisa, fille d'un certain Jérôme, s'entend avec elle pour
favoriser sa fuite de la maison paternelle. Louisa, sous les
yeux mêmes de Jérôme, sort couverte d'un voile et d'un
cardinal^ et se faisant passer pour la duègne, qu'elle a laissée
dans sa chambre'. La ruse n'est découverte que lorsque la
fille mal gardée est déjà mariée à celui qu'elle aime. Sur ce qui
n'est dans le Sicilien qu'un mojen du dénouement, roule toute
l'action de la Duègne; et c'est ce qui y donne lieu à bien des
complications burlesques. Il est évident que là Sheridan ne s'est
nullement montré le disciple de Molière. Il peut seulement lui
devoir l'idée dont il a tiré son imbroglio assez amusant, mais
on il y a moins de finesse que de gaieté et de verve.
Noos n'avons pu voir la comédie de Crowne, the Country
wit^ a l'Esprit de campagne » (1675). Il y a dans cette pièce,
suivant Dibdin, beaucoup d'esprit de bas étage. Il est donc bien
vraisemblable que si elle a pu être aussi rapprochée de notre
comédie, ce n'est que pour lui avoir emprunté ce fameux voile,
où il est encore moins juste d'envelopper tout le Sicilien que
les Fourberies de Scapin dans le sac ou les mettait Boileau.
Si nous cherchons chez nous quelque imitation, nous n'en
donnerons pas le nom à la petite pièce à couplets que Louis XVI
et Marie- Antoinette firent représenter devant eux à Versailles
en 1 780. Cétait bien l'œuvre même de Molière, mais assaison-
I. Vojez a Cornette kistorf of t/te siage^ tome IV, p. 194, et
tome V, p. 397.
%. Manteau de femme. — 3. Acte I, scène iv.
lift LE SICILIEN.
nëe d'assos pauvres ariettes, que leur autear disait y aToir
« trouvées toutes dessinées ^, » quoique son crayon n'ait pts
été assez bien taille pour suivre habilement le dessin du maf&ne.
Nous ignorons si le musicien fut plus heureux que lui. Ymd
le titre de ce nouveau Sicilien :
« Lt Sicilien ou Vjimour peintre^ comédie en un acte, mêlée
d'ariettes, représentée devant Leurs Majestés à Versailles le
lo mars 1780. » De l'imprimerie de Ballard, 1780, in-8^.
ce Les paroles sont de Molière et arrangées, pour être mises en
musique, par M. le Vasseur. La musique est de M. d'Anvei^,
surintendant de la musique du Roi. Les ballets sont de la com-
position de M. Laval, mattre des ballets de Sa Majesté. »
Nous avons encore à citer : « Le Sicilien ou V Amour peintre^
ballet-pantomime en un acte, par Anatole Petit..., musique de
la composition de M. Sor, ouverture et airs de danse de
M. Schneitzhoefier, représenté sur le théâtre de rAcadémie
' royale de musique le 1 1 juin 1827. » Paris, Barba, 1817, in-8*.
Nous mentionnerons enfin une œuvre qui a déjà pu être
appréciée et qui a paru à de bons juges digne d'être un jour,
comme le fut autrefois celle de Lully, entendue avec la comédie
de Molière : les nouveaux intermèdes musicaux du Sicilien, qne
M. Eugpne Sauzay a fait exécuter en 1875, et dont la publi-
cation prochaine est promise^.
La première édition du Sicilien porte la date de 1668; le
titre est :
SICILIEN,
OT
L'AMOVR
PEINTRE,
COMEDiB.
PaB I. B. P. DB MOUEBB.
A PARIS,
Chez Ibav Ribot au Palais, ris
à yis la Porte de la S. Chapelle,
à rimage S. Louis.
M.i>c.LXVin.
jrsc pntriLSGS or nor.
I. Page 4 de son jivertUiement.
3. Voyez le feuilleton de M. £. Reyer dans le Journal dêtDihtit
du 97 février 1875*
NOTICE. 2^9
(Test nnin-ia, de deux feuillets liminaires (titre et liste des
Acteurs), 8i jMiges numërotëes, et deux feuillets pour la fin
du Privilège, qui commence au verso de la page 8i.
L'Achève d'imprimer pour la première fois est du 9 no-
vembre 1667 ; le Privilëge, date du dernier jour d'octobre,
est donné pour cinq années à Molière, qui a cédé son droit
« a Jean Bibou, marchand libraire à Paris. »
Cette comédie est qualifiée dans le Privilège de belle et três^
agréaUe ; c'est la seule appréciation littéraire qui se trouve
dans tous les Privilèges du théâtre de Molière '. / j ; ] ' ; . ; ^ v , ,( C
Une réimpression a été publiée la même année, 'sans Pri-^^
^ége ni Achevé d'imprimer, sous ce titre : « Le Sicilien, co-
médie de M, de Moixibab (sic). À Paris, chez Nicolas Pépin-
glë [sic, pour Pepingué)^ » 60 pages in-ia. Il y a tout lieu
de la regarder comme une contrefaçon faite en province sous
le nom d'un libraire de Paris*.
Il existe des traductions séparées dans les langues suivantes :
italien (1796); portugais, imitation en vers (1771); roumain
(i835, autre édition ou tirage, i836) ; allemand, arrangement
en opérette (vers 1 780} ' ; anglais (1857); néerlandais, en vers *
[17x6); danois (1749}; russe (1755, autre édition, 1788].
I. Voyez la Bihliographie moliéresque, p. 14.
3. Voyez ibidem, tx ci-aprèt, p. 3o3-3o7, V Appendice au Sicilien,
3. Bretzner, dont un texte d*opéra (f enlèvement au Sérail) a pu
être utilisé par Mozart, a arrangé cette opérette tous le titre
^Adroite et Isidore; elle fat jouée av^ succès en Allemagne; nous
ne MTons de qui était la musique, l ç-u » '.J /• , , . 4 ' \. * - • r '' a- .
4- Outre les deux tradactiona rersifiéés (en portugais et e|i néer-
landais), il en faut citer une en allemand, celle qui fait partie de
la traduction complète des Comédies de Molière par M. le comte
Baudissin (1867). Voulant rendre Teffet de la prose si sourent
Okesnrée du Sicilien^ il a pris le parti assez naturel de la traduire
(Uns le mètre ordinairement choisi par les poètes allemands pour
leurs comédies : en vers ïambtques de cinq pieds.
ft3o LE SICILIEN.
SOMMAIRE
DU SICILIEN ou VAMOVR PEINTRE^
PAR VOLTAIRE.
C*ett la seule petite pièce en un acte où il y ait de la grâce et
de la galanterie. Les antres petites pièces que Molière ne donnait
que comme des farces ont d*ordinaire un fonds plut bouffon et
moins agréable.
ACTEURS.
ABRASTE, gentilhomme frtnçois, amant d'Iûdore.
DOH' PÉDRE, Sicilien, amant d'Iùdore.
ISIDORE, Grecque, esclave* de Dom Pèdre.
CLUÈNE, sœur d'Adraste*.
OAU, valet d'Adraste.
I'' Sàrtinn.
I. ^oi ancienne* édition* ont ici et partout rabrériation D.,
uoT en tête dei ictnei xti et xtii, où la plupart partent Dom
I"!!»!. Duu le livret du ballet 11 jr ■ conitamment Don.
t. EiclaTe afiranchie : Tojez ci-aprèi, p. a49 et p. »j5. Un «li-
tre principal penonnage de cette li*te, qui n'y eit ippelë que Ta-
in, Hali, le plaint, tout au d^but de la pitce, de la lotte condition
d'ncUTc. Cette condition eit auMÎ celle de Clîmtne (vof ex la note
nÙTiitte). Sor li Traiiemblance qu'il pourait y aroir k «uppoier
mcore l'exlMeace de l'etclaTage en Sicile, Toyes cï-deinu la /fotite,
P- ii8 et iuÎTaJttei.
3. Tel eti le texte de no» ancienne* éditioni et mtme d'une partie
Jn tirage de 1734, Ce remplacement, dan* la liste de* acteur*, par
• CuMÎai, *ceiir d'Adra*te, s de a ZaIiw, e*claTe, » qui figure dan*
le liTTit dn ballet (royea ci-apr4* VJfpauUct, p, ig4], permet de
■Bppoeer que Uolière avait fongë à une modification ; mai* il ne
Il point &ite. Dan» la pièce (tcèuei xir et xti-xtiii), il a, comme
n, mUtitué au nom de Zilm celui de CuMiaa ; mai* Climine e«t,
coaune dan* le ballet, «ne « jeune etolave, a et non la kbut
d'AdraMe ; Tof ei cï-aprèt, actae n, p. >S8, et i la Ifoliee, oi-
i«»o., p. »6.
',. L'emploi de cet article temble indiquer qu'il l'igit k He**ine
0< litre de «énateur *'e*t entendu ainti dan* Home moderne) d'un
chef de la rille, d'unpodeitat;BraTant-deTnitre letne ce penonnage-
pule auui en édile occupé de* préparatift d'un *pcctacle publie. Il
M Tiai que, conttairement à cette hjpothite, d'ailleun de nulle con-
•^cnce pour l'action, Dom Pèdre dit (a U fin de la *cène xna)
hppant à U porte dn personnage ; ■ Cett ici le logis d'nn téna
leur • : ee n'eu pku dëeigner qu'un mapMrat quelconque.
i3i LE SICILIEN.
Lis Musicuns*
Tboupb d'bsclavbs.
Tboupb db Maubbs*
Dbux laquais^
I. ACTEURS.
ACTBUB8 DB LA 00m6>IB.
Don pàDBB, getUUhomnu sieilien, — Adbastb, gentilhomme ^«i-
eois^ amant ttUidore. — ItmoRB, Grecque^ esciape de Dom Pèirt, —
Zaïdb, Jeune esclave^ — Ux fÊHAiBUB. — Hau, Ture^ esclave iA"
draste, — Deux laquais.
AGTEUB8 DU BALLBT.
MuaicaBHt. — Esglatb chantant. — Esglatbs dansants, — Maubb
BT Maubbsqubs dansants,
La scène est à Messine^ dans une place publique» (1734O
— La seène, tout Tindique et la grarure de 1689 la montre aimi,
doit être transportée, à Pentrée du Peintre, dans rintérieur de
la maison de Dom Pèdre. Aux derniers mots de la scène xfui^
quand Dom Pèdre Ta frapper à la porte du Sénateur, le théâtre
représente de nouveau une place ou une rue, dans laquelle poonra
se déployer la mascarade finale. — Au temps de Cailhara (i8os)i
les comédiens se dispensaient de faire ces changements : Tojei
ci-après, p. a58, note 4. — La distribution des rôles est donnée tn
livret^ ci-après, p. 294 : royez aussi, et pour le costume de Mo*
Hère, la Notice^ p. aa4 et suivantes •
LE SICILIEN
L'AMOUR PEINTRE.
SCENE PREMIERE.
HALI, uusiaEtis.
BALI, i
Chut.... N'avancez pas* davantage, et demeurez dans
cet endroit, jusqu'à ce que je vous appelle. Il fait noir*
comme dans un four : le ciel s'est habillé ce soir eu
Scaïamouche *, et je ne vois pas une étoile qui montre le
bout de sou nez. Sotte condition que celle d'un esclave I
de ne vivre jamais pour soi, et d'être toujours tout
entier aux passions d'un maître I de n'être réglé que
par ses humeurs, et de se voir réduit à faire ses propres
affaires de tous les soucis qu'il peut prendre! Le mien
me fait ici épouser ses inquiétudes; et parce qu'il est
1. cBoÙMB-ULin. (1734; id M an traiUM d* tim.)
3. OdI. N'itaDMi pu. (i;34.)
3. 8CftH£ II.
Hau, ttul,
a bil BOir. {IUtltm.)
4- Sar ca pcnoDug*, toul <!• aair hibillc, d* U eentàù
H toai T. b Bou I a« U pua 335.
a34 le sicilien.
amoureuxi il faut que, nuit et jour, je n'aie aucun re-
posa Mais voici des flambeaux, et sans doute c*est lui*.
I. LHdée de ce débat ae retrooTe, vais bien agrandie, an eonunenesiMBt
da premier monologne de Soiae, dana Jmpkitryon (1668). — Yojm aoai
le Dépit amoureux^ Ter* sSi et a3a (toawl, p. 418 et note 3).
S. IVetqae tont ee conplet d'entrée est meaoré et eadeneé en «ne nitt
de ven libres, aana rine.
Chat : n'arances pas davant^e,
Et demeures dana cet endroit.
Jusqu'à ee que je tous appelle.
Il fait noir comme dans un four :
La ciel s*est babillé ce soir en Scaramonebe,
Et je ne vois pas une étoile
Qui montre le bout de son nés.
Sotte condition que celle d'an esclave I
De ne vivre jamais pour soi, etc.
On rencontre plas loin bon nombre de ces vers blancs on'on pouirait ^roa-
per. Compares une grande partie de la scène smTante et la fin de la aeène m;
au début de la scène xiT, les deux premières phrases, et à la scène xn, ht
deux premiers couplets. Des autres Ten pins isolés et perdus dans la prus
nous ne citerons que les principaux :
Je veux jnsques au jour les faire ici chanter.
(Scène n; voycs ci-après, p. n36, note 3.)
Si fisnt-il bien pourtant trouver quelque mojen.
(Scène it.)
Pl&t an Ciel que ce fdt la charmante Isidora.
[Thidem ; dans tont le passage enfermé entre ces denx denden alexandziasi
le riiythme est très-sensible.)
Il est vrai, la musique en étoit admirable. (Scène n.)
Et n'est-ce pas pour s'applaudir
Que ce que nous aimons aoit trouvé fort aimable? ttUJemA
Mais les femmes enfin n'aiment pas qu'on les gène. Ubidem.S
Vous reconnoissex pen ce que vous me devex. [IhidemA
{Ibùiêm.)
Mais tont cela ne part que d'un excès d'amour.
Il faut que j'y périsse ou que j'en vienne à bout.
(Scèn
La maniera de France est bonne pour vos nmmes
(Scène td, fin.)
n
(Scène x.j
Pour moi je vous demande nn portrait qui soit moi.
Et qui n'oblige point à demander qui <rest. (Scène zi
On ne se trompe guère à ces sortes de choses. [iHdêm
Dom Pèdra soufmra cette injura mortdle! (Seène xrm
Sans doute, une fiois préoccupés par ce genra de remarques, les
teun ont fini par forcer les choses ; mais pour cenx mêmes qui se défient de
leun préventions, il reste nn fait bien constaté. Pour la condution à en tirer,
▼oyei ee qui est dit & la Woiice^ ci-dessus, p. ai3 et toivnnftH.
SCÈNE 11.
SCENE II.
AORASTE iT DBDx ui}Di.ts. HALI*.
ADRàSTB.
Est-ce toi, Hali?
BàU.
Et qui ponrroit-ce être que mot ? A ces heures de
naît, hors vous et moi, Monsieur, je ne crois pas que
pereomie s'avise de courir maintenant les nies*.
ADRASTl.
Aussi ne crois-je pas qu'on puisse voir personne qui
sente dans son cœur la peine que je sens. Caf, enfin,
ce n'est rien d'avoir à combattre l'iadifférence on les
rigueurs d'une beauté qu'on aime : on a toujours an
moins le plaisir de la plainte et la liberté des soupirs;
mais ne pouvoir trouver aucune occasion de parler à ce
qu'on adore, ne pouvoir savoir d'une belle si l'amour
qu'inspirent ses yeux est pour lui plaire ou lui déplaire',
c'est la plus fôcheuse, à moD gré, de toutes les inquié-
tudes; et c'est où me réduit l'incommode jaloux qui
1. sc&NE m.
iI>ftÂ*i>, Dam l^QUkit, parlant ekaatn u^antMa, 9UA. (i73(0
1. Et lU poiiiTaii-« ttn qui moi, 1 « bann* dg nnlLf Hon Tou at
moi, MF. [1730, 33, 3t-) n itût iutiiTdil«Kiiig«rtMnaci»niitiaBidauU
aboÊ phnM, «MMWiuiH ipi^ i eti ànni pmt panttTa bb tarma lOperfla t
BÛ l'il aa ptidia pu la rirroTutanfn diji IsdJijBte, il 7 Inaûta pir la pUo-
3. Aags ralàra aneore dam U SieîlUM plorinDi aiemplei da ea Mor 1
• C« n'ait gafa« poor aToù la taint tnli et Im feu brillanla ■ (d-aprèa
M^n. p. aiSXMB)' —• Cm hommage» k noa ippa» na loal jimal* pow
ma déplaira.... n*«M-«a pM pour l'applaudir, ijiia ea que ooD* «Imou toit
tn>Ti fvt *iB*bl«f • {lUdtm, p, 14; M p. 148.) Tajai toow T, p. 447> ^
*au 4 ■■ T*n 60 dn Mùntinft.
a36 LE SICILIEN.
veille, avec tant de souci, sur ma charmante Grecque,
et ne fait pas un pas sans la traîner à ses côtés.
HALI.
Mais il est en amour plusieurs façons de se par^
1er; et il me semble, à moi, que vos yeux et les
siens, depuis près de deux mois, se sont dit bien des
choses.
▲DRASTE.
Il est vrai qu*elle et moi souvent nous nous sommes
parlé des yeux; mais comment reconnoitre que, chacun
de notre côté, nous ayons comme il faut expliqué ce
langage ? Et que sais-je, après tout, si elle entend bien
tout ce que mes regards lui disent? et si les siens me
disent ce que je crois parfois entendre ?
HALI.
Il faut chercher quelque moyen de se parler d'autre
manière.
ADRASTB.
As-tu là tes musiciens ?
HALI.
Oui.
ADRASTB.
Fais-les approcher.^ Je veux, jusques au jour', les
faire ici chanter*, et voir si leur musique n'obligera point
cette belle à paroître à quelque fenêtre.^
HALI.
Les voici. Que chanteront-ils ?
I. Seul. (1734.)
s. Jusqu^au jour. (1710, x8, 34.)
3. Comme le fait remarquor Aoger (dans sa Notice, tome V, p. 493. note),
ti Molière n*avait tenu à garder ce vers, rien n*était plus naturel et aisé qas
de le déconstroire; il saflfiaait même de mettre c jasqa*aa jour. »
4. SCÈNE IV.
ADRASTB, HALI, MUSIGIEVa. (l734«}
SCÈNB IL 2i37
▲BRAftTB.
Ce qu^ils jugeront de meilleure
HAU.
n faut qu'ils chantent un trio qu'ils me chantèrent
lautre jour.
ADBASTB.
Non, ce n'est pas ce qu'il me faut.
HALI.
Ah! Monsieur, c'est du beau bécarre*.
ADRASTB.
Qae diantre veux-tu dire avec ton beau bécarre?
HALI.
Monsieur, je tiens pour le bécarre : vous savez que
je m y connois. Le bécarre me charme : hors du bécarre,
point de salut en harmonie. Écoutez un peu ce trio.
ADRASTB.
Non : je veux quelque chose de tendre et de pas-
sionné, quelque chose qui m'entretienne dans une douce
rêverie.
HAU.
Je vois bien que vous êtes pour le bémol ; mais il y a
moyen de nous contenter l'un l'autre*. Il faut qu'ils
TOUS chantent une certaine scène d'une petite comédie
que je leur ai vu essayer. Ce sont deux bergers amou-
reux, tous remplis* de langueur, qui, sur bémol, viennent
I. Cet emploi de dir, eBalogoe i cdai qui en est fidt encore tTec opoir,
èuk ton usité, an dix-Mptième siècle, stcc être et paraiirt / « Ce qni est
de léd, disait Mme de Sivlgné •, c'est.... » « Ce qoi loi paroisioit de plus
rfufanf, c'étoit mon absence ^. b
a. Bcceare. (1668, 74, 75 A, 8s, 84 A, 9a, 943,97, 1710, 18; ici et plos
W) — -Bécare. {1730, 33, 34.)
3. L*Bn et l'antre. (i68a, 1734*) — 4* Tout remplis. (1710, 18, 3o, 33, 34.)
• ToDM Yin, des Lttires^ p. 3i4.
* IhUem, tome II, p. 3oi ; totcs un exemple tout semblable de Bossaet
daas M. littrét an mot Ds, divimm A, Tsrs la fin de 7*. Le tonr est fir6qaent
^38 LE SICILIEN.
séparëment fidre leurs plaintes dans un boisi puis se
découvrent Tun à Tautre la cruauté de leurs maîtresses;
et là-dessus vient un berger joyeux, avec un bécarre
admirable S qui se moque de leur foiblesse.
I . Hali ptrle da Umol •! da béearra conmie let PrécieiuM parlaient de U
chromatique • ; oa sont termes que, sans trop les entendre, U a recoeillis de b
boaelie de ses miisidens, et dont il Ciit montre. Mais, bien qu'AdrasIe sembk
ne pas le comprendre da tout, il est plus aisé d'expliquer ce qu'il a vonia
dire qoe le mot prétentieux de Magdelon. Poor loi, bémol éqaivaat à mode
mlnenr, i mélodie en mineur, et bécarre à mode majeur, à mélodie en majear.
U ne serait même pas impossible que des gens du métier eussent parfeis osé
de œ langage. Il eit tel ton, en effet *, ou le païaage du mode majeur au asode
mineur amène Temploi du bémol ou de nouTeaux bémols, et le passage
inverse l'emploi du bécarre ^ ; on conçoit que pour ees tons, une feb reeoa-
nns, on pût din jouer en bémol au Ueu déjouer eu mineur^ et jouer eu Ucerrt
au lieu dej'ouer eu majeur, Hali, qui, dans Tintention évidente de Molière,
doit affecter ici le jargon d'un demi-connaisseur, d'un amateur ridicule, élead
ces expressions à tous les tons quelconques. De fait, à consulter la partîtioa
de la scène m qui allait être chantée, Lullj a écrit un air en Im mineur poor
le premier berger, et un air en mi mineur pour le second ; pour leur dialogue,
il a choisi de nouveau le ton de la mineur ; puis il a composé en U majear
l'air du troisième berger; enfin il est encore revenu i ia mineur dans la pbnse
des deux premiers bergers qui termine la scène. Voilà bien le plaintif bémol
et l'admirable bécarre annoncés par Hali : le chant des deux ïangourea ae
sort pas des tons mineurs; le chant du personnage gai au contraire est daas sa
ton majeur; Hali en les écoutant essayer leurs morceaux a eu le aentiment de
cette diCEérence de mode, facile à saisir, et se flattant, se sacbant gré de b
pouvoir exprimer en termes de l'art, il généralise hardiment l'enaploi oommede
• Voyex i la scène ix des Précieuses ridietdes, tome II, p. S9.
* Par exemple celui d'à/, celui de «9/. LuUy, pour une raison ou pour oae
autre, affectionnait tout particulièrement le ton de sot mineur, d*oà natordle-
ment il modulait souvent en sol majeur; il n'indiquait le minevr à la def qae
par le premier bémol (par si b seul), écrivant diaque fois l'autre comme aeci-
dentel. Or on peut remarquer que si les mots bé mol et bé carre étaient prà
dans leur acception propre et ancienne de si bémol et de #i natnrd (voja le
Dictionnaire de M. Litiré), ils pourraient servir parfaitement, pour k ton ds
«o/, i déterminer le mode : un air en sol avec bé mol (avec si h) serait on six
en sol mineur; avec bé carre (avec si naturel], serait en sol majeur. H ea
serait de même pour le ton de r«, où l'emploi au bé mol on du bé carre serait
tout aussi caractéristique.
0 Nous avons eu l'occasion de fisbre remarquer (tome IV, p. a63, i 1*
note) que, dans la notation du temps, on trouve des dièses servant à aoM-
ler les bémols; réciproquement on rencontre des bémols qui annulent da
dièses; l'annulation des dièses peut aussi marquer le passage de majeur ea
mineur, et il est clair que c'est encore le dièse qui edt marqiaé le retour sa
majeur; en pareU cas, avec ce système d'écritun, ropposition edt été eetrs
bémol et dieve.
SCÈNE II. a39
▲DRA8TB.
J 7 consens. Voyons ce que c*est.
HALI*
Voici, tout juste, un lieu propre à servir de scène ; et
voilà deux flambeaux pour éclairer la comédie.
▲DRASTE.
Place-toi contre ce logis, afin qu*au moindre bruit
qae Ion fera dedans, je fasse cacher les lumières*.
SCÈNE III,
CHAMTBB FAA TAOXt MCtICIBKt *.
PREMIER MUSiaSK \
Si du triste récit de mon inquiétude
Je trouble le repos de votre solitude^
qa'O a oof faire, en quelque cas particulier, da nom de eertaini aignet d*é-
<ritare, maîa d'une écriture qu'il n*a jamais appris à déchiffrer.
I. Ce débat de pièce est rif, aatmé, et, si je Tote dire ainsi, pittoresque.
I« choix du pays et de l*beure ; la nuit si agréable sous le beau ciel de la Si-
cile, et partout si fisrorable aux aTcntures galantes ainsi qu'aux méprises
conignes ; la dirersité des costumes et des mceurii ; la jalousie astucieuse d'un
Sicilien aux prises aTec l'amour entreprenant d'un Français : tout cela pique
la carioeité, et commence même à exciter une sorte d'intérêt. (jNote ttAuger.)
a. Nous saTons par le lÀvrei (ci-après, p. 294 et 395) quels furent les
«hauteurs de cette scène & la cour. Le Premier musicien, représentant Pbi-
Icae, cuit Blondel; le Seeamd mutidsn^ représentant Tirais, était Gaje; le
Troisième musicien^ représentant un berger joyeux, était Noblet (Noblet
l^alaé très-probsMement) : royes sur eux, ei-dessns, à la Pastorale comique,
p< 189, note a, p. 19a, note 3, et p. ao3, note i. — Pour la musique de
I<idly, Toyes-en le catalogue, ci-apris, p. 3oi. — Au Palais-Royal, atrant 167 1,
le etmeert n'était sans doute pas exécuté sur le théâtre même : grâce à la nuit
^ était eensée l'obecnrcir, il était facile d'y montrer un groupe de joueurs
d'iastmmenta miietS| tandis que les chanteurs se tenaient sn^ les cAtés^è cou-
vert de tous les regards : Toyex ci-après, p. aSa, note i. \ 5. > . , ' y
3. FRAGMENT DE COMÉDIE,
ekamié et aceompagni pmr Ut Mmâieieiu qu*Bali a amenés,
SCÈNE I.
PHILiHS, TIAGIS.
I. Muanasx, ttjirésemimu Pkiline» (173^.)
/
t
!i4o LE SICILIEN.
Rochers j ne soyez point^ fâchés^.
Quand vous saurez V excès de mes peines secrètes^
Tout rochers^ que ifous éteSy
Vous en serez touchés.
SECOND MUSICIEN*.
Les oiseaux réjouis j dès que le Jour s*avance^
Recommencent leurs* chants dans ces ifostes fortis^ ;
Et moi fy recommence
Mes soupirs languissants et mes tristes regrets?
Ah! mon cher Philène*,
PBBMTEH MUSICIEN,
jih! mon cher Tirsis,
SECOND MUStClE».
Que Je sens de peine!
PREMIEE MUSICIEN,
Que J^ ai de soucis!
SECOND MUSICIEN.
Toujours sourde à mes $fœux est f ingrate Climene,
1 . n Vn soyez point. [Partition Philidor.]
a. Un signe de reprise indique iei, dans la partition, que diaeiiM i»
deux moitiés de ce couplet, très-probablement, étaient redites. Dans 1* *"
conde, le chant répète d^abord les deux derniers Tert, puis reprend eneoft sit
fpis le tout dernier.
3. Toauroekert, (BalUt deê Mutet^ i666; et 1697, 17 10, 18, 33.)
4. II. MoatcciH, repràgentamt Tireîs, (1734.)
5. Le livret du ballet a la Tieille orthographe : Uur, sans s,
6. Pour ce couplet, la première reprise du chant* finit aree ce seeoodl ferii
la seconde reprise se compose des deux antres rers répétés et, la seconds bU,
•ncore sniris du dernier hémistiche.
7. Le morceau ou ont été mis en musique les neuf Ters suivants etf iati^sl*
DUlogme dans la partition. Aa-derant de la première portée du chsat c<
écrit le nom de Tircis f an-dcTant de la seconde, cdni de FUèiu,
8. Dans le liTrat du ballet, l'orthographe est FkLàm, et, an vos ninBt,
Tncn.
• Ce mot de reprise derra toujours faire entendre qn*il y avait ripMtioa:
In répétition n*est absolument certaine que lorsqu'elle amenait quelque dna-
gement, k la fin, qui fdt i noter; mais «De est presque tonjoors très-probsbk,
et devait être tout à fait d« règl«.
SCÈNE IIL 241
PEÊMIEB UaSÊCUN.
ClorU na point pour moi de regards adoucis.
TOCS DEDJ^.
O loi* trop inhumaine!
Amour y si tu ne peux les contraindre d* aimer,
Pourquoi leur laisses^tu le pouvoir de charmer?
TROISIÈME MDSiCiBlt».
Paui^res amants j quelle erreur
V adorer des inhumaines ^!
Jamais les âmes bien saines
Ne se payent* de rigueur;
Et les faveurs sont les chaînes
Qui doivent lier un cœur *.
On voit cent belles'^ ici
ji après de qui je m^ empresse :
1. Toieî eomnent les deux motidmu chantaient ensemble let verfl qui tai-
sent : 0 loi trop inkmmamë^ trop imkmmame / Amomr^ jimomr, *i tu me peux
lu eomtrmimdre d'aimer^ (une première toi» Tirsii tenl, pnii à deax :) Pourvoi
'«v Uiues-tu le pouvoir de charmer?
s* FBEL&n.
Ah! mm dicr TinUl
Qm je MM de peine!
Qee j*al de soueitl
Toujours, etc.
Qorii n'a, etc.
TlAOt.
FBIublK.
TOVB DKUX BHSDIBLI.
Ok»i.(,734.)
3. SCÈNE II.
PBiLàaB, TiacM, uir pathb.
III. Moaicaïf, représentant un pâtre, {Ititlem.]
4. Le masieîea a conpé en deux parties, qai chaemie se répètent et dont
la pfemière se termine avec le seeond Ters, Tair qu'il a composé poar les coa«
pieu de cette ehanson.
5. Pajremt est mceoié id eonune Test paye an Ters ^o da MieanArope t
Maïs die bat ses gens, et ne les paye point,
▼ojex tome I, p. 484, au rers ia6i da Dépit amoureux,
6. Nos eoran. {Partition Pkilidor,) — 7. Il est eent bdles. [Ihidem.)
Mouùi. Tl 16
a4a LE SICILIEN.
A leur vouer ma tmuiresse
Je mets monpluê doux^ souci;
Mais y lors que Von est* Ogresse ^
Ma foi! je suis tigre aussi.
PhEMan ET 8BC0ND MV8iCIES\
HeureuXj hélas! qui peut aimer ainsi^!
H ALI.
Monsieur, je viens d^ouîr quelque bruit au dedans.
ADBASTB.
Qu*on se retire vite, et qu*on éteigne les flambeaux.
SCÈNE IV».
DOM PËDRE, ÂDRASTE, HALI.
nOH PÈDBBi lorunt eu bonnet de noit et robe* de cbambR,
avec une épée tooe ion bfit*
Il y a quelque temps que j*entends chanter a ma
porte; et, sans doute, cela ne se fait pas pour rien. 11
faut que, dans Tobscurité, je tache à découvrir quelles
gens ce peuvent'' être.
ADBASTB.
Hali!
HALI.
Quoi?
f . If OB plos grand. (JPùrtition Philidor.)
a. Par fâate, dans le Ballet des Muses (1666) : « Mais, lonqa*on est ». Le
musicien a préféré comme pins dons : « Hais, dèa qee Ton eit »•
3. PHiLBin et Tiacsa ensemble. (1734*)
4. Dans cette phrase finale, le premier mot et les quatre dernien, Hiwrttuc
et 9«i peut aimer ainsi, ont été reflétés par le masiden.
5. SCÈNE V. (1734.)
6. £t en robe, {i6|4 B, 1 718, 3o, 33.) — D. Pftou, sortant de sa mmstn
en bonnet de nuit et en robe, ete. {1734*)
7. c Se peaTent s, dans l'édition originale et dans celle de 1689; Ciatc
évidente, qai est corrigée dans nos autres édition*.
SCÈNE IV. ft43
À0AA9TB.
N^entends-tu plus rien?
HALI.
Non.
(Omb Mdrt «tt darrikn «uz, qui Us éeonto.)
▲DR4STB.
Quoi ? tous nos efforts ne pourront obtenir que je parle
un moment à cette aimable Grecque ? et ce jaloux maudit,
ce traître de Sicilien, me fermera toujours tout accès
auprès d'elle?
HALI.
Je Youdrois, de bon cœur, que le diable Teût emporté,
pour la fatigue qu'il nous donne, le fâcheux, le bourreau
qu'il est. Ah! si nous le tenions ici, que je prendrois
de joie a venger sur son dos tous les pas inutiles que
sa jalousie nous fait faire !
▲DRASTB.
Si faut-il bien pourtant* trouver quelque moyeil^
quelque invention, quelque ruse, pour attraper notre
brutal : j'y suis trop engage pour en avoir le démenti ;
et quand j'y devrois employer....
HALI.
Monsieur, je ne sais pas ce que cela veut dire, mais
la porte est ouverte; et si vous le voulez, j'entrerai
doucement pour découvrir d'où cela vient.
(Dom Pièdre se redre sur la porta.)
ADRASTB.
Oui, fais; mais sans faire de bruit; je ne m'éloigne
pas de toi. Plût au Ciel que ce fût la charmante Isi-
dore!
DOM l^ÈDRB, loi dotmaiit sur la joae.
Qui va là ?
I. Cspendant fl faiit bien, malgré toat. Aîlleiini Molière ■ d^à ainai appuyé
n/mmi'ii âmfOÊirtuMt: «Silaat-â pourtant tenter tonte chose.» {La PrittcMse
^iiUU, êm de 1*aele m, tone IV, p. 191.)
!i44 LE SICILIBN.
HALI, loi en lalMBt im
DOM PiDRB.
Holà! Francisque, Dominique, Simon, Martin, Pieire,
Hiomas, Georges, Charles, Barthélémy : allons, prompte-
ment, mon épée, ma rondache, ma hallebarde, mes
pistolets, mes mousquetons, mes fusils; irite, dépêchez;
allons, tue, point de quartier.
SCÈNE W
ADRASTE, HALL
ADaASTB.
Je n^entends remuer personne. Hali? Hali?
HALI, cà/cbé dans im coin.
Monsieur.
▲DRASTB.
Ob donc te caches-tu ?
HALI.
Ces gens sont-ils sortis ?
ADRAST£.
Non : personne ne bouge.
HALI, en lorunt* d*oii il étoit oaché.
S*ils viennent, ils seront frottés.
I. D. PÂDM, dmmmmt mm tomffUt à Bmiû Qoî vm là? — Hau. rmdêiU U
somffUi {un somffUi^ dans ima partie da tirage de 1734, mais non daas 1773}
à D. Pèdre, Ami. (1734.) ^ Comme le dit Anger, Rosimottd a, ea 16711
reproduit ce jea de scène si plaisant dans sa comédie * qoi a poor titre U»
Quiproquo on U F'aUt èiourdi (acte III, seène zo^ : « Qui ra là? » deasaade
Fabrice à Cliton, en lui donnant vn soofiiet. « Pcrianne, » riposd CBtan,
en rendant le sooOlet à Fabrice.
s. SG&NB YL (1734.)
3. Hau, sortant, etc. [thidem.)
* Imprianie en 1673.
SCÈNE V. 2k4S
▲0RASTB.
Qaoi? toas nos soins seront donc inutiles? Et toujours
ce fiicheux jaloux se moquera de nos desseins?
HALI.
Non : le courroux du point d*honneur me prend ; il
ne sera pas dit qu*on triomphe de mon adresse ; ma
qualité de fourbe s*indigne de tous ces obstadeSi et
je prétends faire éclater les talents que j*ai eus du
Gel.
▲DRASTB.
Je voudrois seulement que, par quelque moyen, par
an billet, par quelque bouche , elle fut avertie des sen-
timents qu'on a pour elle, et savoir les siens là-dessus.
Après, on peut trouver facilement les moyens.. ..
HÂLI»
Laissez-moi faire seulement : j'en essayerai tant de
toutes les manières, que quelque chose enfin nous
pourra réussir. Allons, le jour paroit ; je vais chercher
mes gens, et venir attendre, en ce lieu, que notre jaloux
8orte^
SCÈNE \l\
DOM PÈDRE, ISIDORE.
ISIDORE.
Je ne sais pas quel plaisir vous prenez à me réveiUer
si matin; cela s'ajuste assez mal, ce me semble, au
dessein que vous avez pris de me faire peindre aujour-
d'hui; et ce n'est guère pour avoir le teint frais et les
I. « Ici la teàne rftta fide, » dit Aager. Il aenit pint jatte de dire que la
Mine change : le jow qui ea éloigne lee premiers actenrt Ta l'éclairer tout à
fait et 7 appeler d'aotret perummiges ; le tpectataur a le MUtînieBt d*iu temps
Aeoali, e*est on aete noareaa.
a. SCÈNE Vn. (1734.)
A46 LE SICILIEN.
yeux brillants que se lever ainsi dès la pointe du
jour *.
]K>if pimui.
J'ai une affaire qui m oblige à sortir à Tbeure qu'il
est.
ISIDORB.
Mais l'affaire que vous avez eût bien pu se passer,
je crois, de ma présence; et vous pouviez, sans vous
incommoder, me laisser goûter les douceurs du sommeil
du matin.
DOM yÈDKB.
Oui ; mais je suis bien aise de vous voir toujours avec
moi. Il n'est pas mal de s'assurer un peu contre les
soins des surveillants*; et cette nuit encore, on est
venu chanter sous nos fenêtres.
tSlDOKB.
Il est vrai ; la musique en ëtoit admirable.
DOM PiDBB.
C'étoit pour vous que cela se faisoit?
ISIDORB.
Je le veux croire ainsi, puisque vous me le dites.
DOM PÂDRB.
Vous savez qui étoit celui qui donnoit cette séré-
nade?
ISIDORB.
Non pas; mais, qui que ce puisse être, je lui suis
obligée.
DOM PÀDRB.
Obligée !
ISIDORB.
Sans doute, puisqu'il cherche à me divertir.
I. Qa« M Urer dès la pointe da joor. (1674, 8s.)
9. Coatre 1« manège dea capiona, de eea gêna que je roia tonnicr aatoor
d*ici, toajoora au agueta.
SCÈNK VI. 347
Vous troavez donc bon qu^on vous aime ' ?
I8IDOEB.
Fort bon. Cela n*e8t jamais qu'obligeant,
DOM PÀDRB.
Et vous voulez du bien à tous ceux qui prennent ce
soin?
ISIDORE.
Assurément.
DOM PiORE.
C*est dire fort net ses pensées.
ISIDORE.
A quoi bon de dissimuler*? Quelque mine qu*on
fasse, on est toujours bien aise d^être aimée : ces hom-
mages à nos appas ne sont jamais pour nous déplaire.
Quoi qu^on en puisse direi la grande ambition des
femmes est, croyez-moi, d*inspirer de Tamour. Tous
les soins qu*elles prennent ne sont que pour cela ; et
Ton n'en voit point de si fière ' qui ne s'applaudisse en
son cœur des conquêtes que font ses yeux.
DOM PÂDRE.
Mais si vous prenez, vous, du plaisir à vous voir ai-
mée, savez-vous bien, moi qui vous aime, que je n'y en
prends nullement ?
ISIDORE.
Je ne sais pas pourquoi cela; et si j'aimois quelqu'un,
je n'aurois point de plus grand plaisir que de le voir
aimé de tout le monde. Y a-t-il rien qui marque davan-
I. QB*il Toot aîoie? (1734.)
«. A pui ëH^i oa strmit^ii h&m de diuimmler? Cet emploi de de aree
•Oîpee a déjà M rderé aa Tert 753 des FéekeuXf tome III, p. 91 , note 3.
3. Le pwmom en, quoique piieédé da plnxM Jemmes, repréteate id très-
fwiieiliiiuttt le aliignUer : « Ton ne roit pas de femme, aucirae finnme si
ttre; » il y a «ne eoMtraetion d'en à rapprocher de œUe-ei daiu la fcène i de
Vacte ni da Méd4cim mmlgré imi (eî-deMos, p. 99).
34d LE SICILIEN.
tage la beauté du choix que Toq fait? et n'est«ce pas
pour s^applaudir, que ce que noua aimons soit trouvé
fort aimable?
DOM PKDRE.
Chacun aime à sa guisci et ce n^est pas là ma méthode.
Je serai fort ravi qu*on ne vous trouve point si beUe, et
vous m'obligerez de n'affecter point tant de la paroitre'
à d'autres yeux.
ISIDORE.
Quoi? jaloux de ces choses-là?
DOM PÂDRB.
Oui, jaloux de ces choses-là, mais jaloux comme
un tigre, et, si voulez*, comme un diable. Mon amour
vous veut toute à moi; sa délicatesse s'offense d'un
souris, d'un regard qu'on vous peut arracher ; et tous
les soins qu'on me voit prendre ne sont que pour
fermer tout accès aux galants, et m^assurer la posses-
sion d'un cœur dont je ne puis souffrir qu'on me vole
la moindre chose.
ISIDORE.
Certes, voulez-vous que je dise ? vous prenez un
mauvais parti ; et la possession d'un cœur est fort mal
assurée, lorsqu'on prétend le retenir par force. Pour
moi, je vous l'avoue, si j'étois galant d'une femme qui
fût au pouvoir de quelqu'un, je mettrois toute mon
I. De le paroltre. (1734.) — Mais Molière pentt afoir préftré Tnage le
plus ordinairament luivi de ton temps i la règle de Vaagelaa qui fait loi
aajonrdliai. Comparez ce panage det Amants magni/lqmes. Ter* la fia de la
«cène n de Taete 1*'' : « Iybicbatb. Ah I Madame, c'est tous qui ▼oalea êtir
mère malgré tout le monde.... AaiSTioaK. Mon Dieu, Prinee,... je v«vk être
mère parce que je la mis, et ce seroit en Tain qoe je ne la vondraie pas être. »
Sur Tancien usage et sur la règle noaveUe, un peu timidement imposée par
le grammairien, royez le Lexique de la iamguê de Corneille , tone U, p. 46
et 47, et celui de Mme de Sévigné, tome It P* ^^i ^ zm.
a. Tel est le texte de 1668, 74. 75 A, Sa, S4 A« 97. — Si
(169a, 94 B, 1710, 18, 3o, 33, 34.)
SCÈNE YI. A49
étade à rendre ce qaelqa'an jaloux, et l'obliger* à veil-
ler nuit et jour celle que je voudrois gagner. Cest
un admirable moyen d'avancer ses affaires, et Ton ne
tarde guère à profiter du chagrin' et de la colère que
donne à l'esprit d'une femme la contrainte et la servi-
tude ^
DOM pÈnai.
Si bien donc que, si quelqu'un vous en contoit, il
TOUS trouveroit disposée à recevoir ses vœux?
ISIDORB.
Je ne vous dis rien là-dessus. Mais les femmes enfin
n'aiment pas qu'on les gène ; et c'est beaucoup risquer
que de leur montrer des soupçons, et de les tenir ren-
fermées.
DOM PEDRB*
Vous reconnoissez peu ce que vous me devez ; et il
me semble qu'une esclave que Ton a affranchie, et dont
on veut faire sa femme....
isinoRx.
Quelle obligation vous ai-je, si vous changez mon
esclavage en un autre beaucoup plus rude ? si vous ne
me laissez jouir d'aucune liberté, et me fatiguez, comme
on voit, d'une garde continuelle ?
I. Et PobligeioU. (1734.}
1. L'Àeadémie, en 1694, doniM cette définitioB da sqbetontif ehagrim :
« aâiBeolie, ennot; fieheote, mauTeiae humeur; » die la modifie dèt 17x8.
— Ceinperet on peu plot bai (à I*aTaBt^emiere Kgne delà loèBe).
3. Ceci nppeUe à Aimé-Martin ane tirade aatei longue de tÉeoiê dês
«enr (eele I, aeène it, Tcra 3i5 et toiTanU, tome II, p. 38 1 et 38a). Là
plas qn'ici le thème parait être pria de ce paaiage de Rabelaia, cité par le
•anamntateiir : • On tempi, dit Carpalim, que j*étoit rufien à Orléans, je
l'anua coolear de rhétorique plat valable ne argument plus persuasif eoTers
l*s damea, pour les mettre ans toilee et attirer au jeu d*amoars, que vitement,
•pcrtaneaty détestablement remontrant comment leurs maris étoient d*elles
jalooK. Je ■• PsTois mie inventé. H est éerit. Et en avons lois, exemples, rai-
eras «t espérienees gnotidlanee. » (Chapitre zzxir dn tiers livre, tome II,
p. i65.)
^5o LB SICILIEN.
BOM PiDRB.
Mais toat cela ne part que d*an excès d^amoiur.
I8IDOEB.
Si c^est votre façon d'aimer, je vous prie de me
ha!r.
DOM PÂDRB.
Vous êtes aujourd'hui dans une humeur désobligeante;
et je pardonne ces paroles au chagrin oh vous pouvez
être de vous être levée matin.
SCÈNE VII.
DOM PÈDRE, HÂLI, ISIDORE.
(Rali faiiant* pIotMort r&vireneet & Dom PMn.)
DOM PéORB.
Trêve aux cérémonies. Que voulez-vous ?
HALI.
(II M retoume deran Itidore*, i ehaque parole qnHl dit i Dom Pèdie, Cklnl
fiiit daa aigaaa pow lai faire eonnottie la dcaaein de aon mshie.)
Signor (avec la permission de la Signore), je vous dirai
(avec la permission de la Signore) que je viens voas
trouver (avec la permission de la Signore), pour tous
prier (avec la permission de la Signore) de vouloir bien
(avec la permission de la Signore)....
DOM PÈORB.
Avec la permission de la Signore, passez un peu de
ce côté*.
I. Hau, hahiiié en Tàre^/ahani^ etc. (i68a.) — Dans l'^tioade 1734'
SCÈNE Vin.
D. ptoaa, ismoRB, hau, kaUlU en Tare, /aUûmt^ etc.
a. Hau. U se tourne devert Isidore, (i68a.) — Hau, se mettMt flUrr
D. Pèdre et Isidore, (Il te tourne depers (p«r#, 1773) Isidore,) (1734.)
3. Paates on peu ee c6tè. (1674 ; date érideate.) — 1>. Pèdre semetteo*
Sali et Isidore, (1734.)
SCËNB VII. aSi
HALl.
Si^or, je suis un virtuose ' ,
DOH PÈDRK.
h n'ai rieD à donner.
HALI.
Ce n'est pas ce que je demande. Mais, comme je me
mêle un peu de musique et de danse, j'ai instruit quel-
(|aes eidares qui voudroient bien trouver un maître qui
se plût à ces choses ; et comme je sais que vous êtes une
personne considérable, je voudrois voua prier de les voir
et de les entendre, pour les acheter, s'ils vous plaisent,
00 pour leur enseigner quelqu'un de vos amis qui voûtât
l'en accommoder.
ISIDOaB.
C'est une chose à voir, et cela nous divertira. Faites-
les-nous venir.
HALI.
Chalabala.... Voici une chanson nouvelle, qui est du
temps*. Ecoutez bien. Ckala bala.
I- U. Umif ■*• newilH Ai «irtmm* <pw de* mcmplct pMtéHsiin k «lai-
(|. I, pnHHT qa'il doua, dMé d* i6So MalnwBt, «I de Mme d« Scrlfsé :
'VAki d> IJoaioB, wlt.«II* !■ iS Si*i\n (tome VI, p. 983].... dit que
Hiiti» U Dn^hÎBi «t rirnuo (elb •■it tni) no quatre langoei] . • Sor
l'v'fiM italiaaiiii da mat, tfmt Mme de SMgBa ■ alnti aonUfs*, toj« le
fMMfa de VUlamala cid pu M. Litti^.
^ Qa nt Jt ârtniâlm€a, Tmit-Il bire eatendre i Iridora en ÏMbtant
aSa LE SICILIEN.
SCÈNE VIIL
HÂLI ST QUATRB ESCLAVES, ISIDORE, DOM PÈDRE.
(HaU chante dans cette acène, et les eaelaret danaent dana les iatcrfsOM de w i
dianft*.)
BALI ekante*.
D'un cœur ardent, en tous lieux
I . Cette ooarte indication précède, dans nos anciennes éditioBS, lei w^
des personnages. — Elle est à compléter par Tanalyse de eetépifode inBtUtf,
donnée anx spectateurs dana leur /l'itv, sous rintitolé de tcéiu ri (d-ipR*.
p. 396) ; on 7 a, pour ainsi dire, sons les yeox tonte la mise en leène, tdk à»
moins qo*elle était ft la cour. Réduite au cadre du Palait-Boysl, elle bt civ
doute beaucoup moins brillante : Ift, an lieu de Porchestre dirigé par UQj< ^
faut se figurer un petit chaur de TÎolons autour d*un clavecin, et, en tnai An
quatre esclares danseurs, au lieu de Gaye «, d'un rirtuose de la Mnsiqae ai j
Roi, qui faisait Taloir de aon mieux la chanson sérieuse et la {anàam»
bouffonne, la Thorillière-Hali, payant plus de belle prestance et d*a4nne ^
de Toix. Peut-être cependant Pbabile comédien n*eat-il qu*en ipp<renK<
sortir de son emploi ordinaire. Une note curieuse de la Grange dosienit
à le penser. Énnmérant les agrandissements, les erabellisienients, totiei ^
réformes dont la préparation dn pompeux spectacle de PtjAi (ut roea-
sion en 1671, il noua apprend (p. ia3 et 124) qu'il fut alors seoieDCBtl^
soin c d*aToir dorénavant ft toutes sortes de représentations, tant nmpb ^
de machines, un concert de donze riolons *^ ce qui n*a été exécuté qa*i{ir0"
repvéaentation de Psjekê (du 24 jmilUt 1671) ; > et il ajoute : c lesqnei iè, i»
musiciens et musiciennes n'avoient point Touln paroltre en publie; dt^»'
toîent à la Comédie dans des loges grillées et treillissées; mais on mnasatt ^
obataele, et, «Tee qnelqne légère dépense, on trouva des persomes qai chiaiim'
sur le théâtre ft visage déconrert, habilléa comme les eomédîens. > D ot *«>
naturel de supposer que la Tborillière, dans cette aoène, se contentait de %**
rer HaU chantant, d'en fiiire toute la pantomime sur le théâtre, tsadis ^'<*
moricien, se dissimulant derrière sa grille, exécutait tranquillement sa p**-
9. Comme l'atteste la partition, une prmnîère danae des Esclaves précfdi'''
premier eouplet de la chanson qui suit : voyes ci-après, à r^^en&s, p.3oi>
^> Dans rédition de 1734 :
SCÈNE IX.
D. PÈDRBy ISIDORE, HALI, B8CLATBS TmCS.
UN ascLATi chantant^ à Isidore,
* Gaye, à Saint-Germain, paraissait sous Thabit d*nn cinqaicBe escb««-
dont, on le voit, il n*est pas question dans le texte origiinal de la coaiêdis, **■
peraonnage 7 étant confondu avee celui d*Hali.
* Comprenant des dessus, hautes-contre, tailles et basset, répondant «a»*
notre quatuor d*ittstruments h cordes.
SCÈNE Tlli. aSl
On amaDt sait une belle' ;
Mais d'un jaloux odieux
Id vigilance étemelle
Fait qu'il ne peut que des yeux
S'entretenir avec elle :
Est-il peine plus cruelle
Pour un cœur bien amoureux * ?
CAiribirida ouch alla* !
Star bon Tarca,
Xmt aver daaara.
Ti voler comprara?
Mi servir a li,
Sepagarper mi :
Far botta coucina *,
Mt levar matina,
i- lâtvt,dn*bebut, ua nprta qû «t ï radin.
1. Ch dKx dvawn Tcn ds k ehauOB d'imau oat M ripMi pu le
napoaiMBT. La nfrua mnqBmr qu'oa *• Un iuil iprii, taama sa l'iBa-
fïM bics, bnuqiHiiuat itliiiiii, al daox pirtiai luam d'iaMnHoti nuimt
nâmir l' neaMpu—maat da limpla biiw •aplajt jntqiw-U i il «t probabli
fH, poD BUKB • aBBÉv ■ •! hoonUr Dom PMn, 1« m<1«t« d*u«Bt* «-
oadii^ dd Ican BwaïvBaBla raedon darsvBS plu TÎt* du Thinlar
3. Cami, qn Mt pricâdi, dau l'iditiaB ib 1734, ^ riodicatiaB : i D.
Fidft, a'at, fb ivéna qaa lu dem «ou qui tanniBeal U icinaTii, qa'iia •»-
imilafi da ijUBlMt groUaqwnDCBt «aaiini, bhù ajant arac la laa|iw tarqur
nu k dira plu* lois, i l'iMeatian du Awf «ù gamtiUammt, du jargOB qai
wraeoatov dau U Cirimnmt GDale. — Nou tnaTanmi plu bM(p. 9g6).
iimit B-dUl dti Mata.aaa orthograpba et ana eonpa dilfaraalM : hauthii
U; ta» iaia Pbiltdor a terit «0 troii iaa ctd f ■ i bd* lati* (oli a dam hit
lUa. — La uiM da CM paroln baroqnw, qni ne ■ «a laagag* tinae, •
«■■H dît b lirrti, paat u tradoii* liaii : • (Mai) bn bon Tore, (HoiJ
■'•nir argcDt. Tm TOuloir acbEtorr Moi Mrrvr i toi. Si (loi) paj«r pour
iHi : (Hoij tiii* bout enialac. Ha lanr tutia, Fain bauiUir duudiin
(dr aâtÏHM, d* Uttir*, Â* taù>). Toi ripeadra, ripoad» : {Toi} Touloir
achat»? ■
t. Id M pac< i5(, laa tratat de 18S8 at da lUi 01
b fftraa damk partitioa Pliilidor], la aecoad, at
1694 8, M«ùa ; dau mn plu* baf , ib oat lau la
MUaM da I061, 7(, 1% A, 8f A doaaaBt a«w M
:iS6 LE SICILIEN.
changé de pensée ; et pou le temps se couvre un peu.
(▲ Halii qai pmit MicoTt U^) Ah ! fourbe, que je vous y
trouve!
HALI.
Hé bien ! oui, mon maître Tadore ; il n*a point de
plus grand désir que de lui montrer son amour; ^t si
elle y consent, 0 la prendra pour femme. •
DOM PiDRB.
Oui, oui, je la lui garde.
H AU.
Nous Taurons malgré vous.
DOM PÂDRE,
Conmient? coquin....
HALI.
Nous Taurons, dis-je, en dépit de vos dents*.
DOM PÂDU.
Si je prends....
HALI.
Vous avez beau faire la garde : j*en ai juré, eUe sera
à nous.
DOM PÂDRB.
Laisse-moi faire, je t'attraperai sans courir.
HAU.
Cest nous qui vous attraperons : elle sera notie
femme, la chose est résolue.* Il faut que j'y périsse,
ou que j'en vienne à bout.
I. Qmi parcSt encore, (1734.)
a. Quoi que tous CuMn pour la garder et «ooi effirajer. On ■ «M)* **
TesprenioB au vers 45a de SgmittarelU (tome II, p. aot); compareiei-dasa>,
p. 9S, aa tecoad renroî.
3. S€ml. (1734.)
SCÈNE IX. !iS7
SCENE IX.
ADRASTE, HALI*.
HAU.
Monsiear, j'ai déjà fait qaelque petite tentative ;
mais je...'.
ADRA8TE.
Ne te mets point en peine; j*ai trouvé par hasard
tout ce que je voulois, et je vais jouir du bonheur de
yw chez elle cette belle. Je me suis rencontré chez le
peintre Damon, qui m*a dit qu'aujourd*hui il venoit faire
le portrait de cette adorable personne ; et comme il est
depuis longtemps de mes plus intimes amis, il a voulu
servir mes feux, et m'envoie à sa place, avec un petit
mot de lettre pour me faire accepter. Tu sais que de
tout temps je me suis plu à la peinture, et que parfois
je manie le pinceau, contre la coutume de France, qui
ne veut pas qu*un gentilhomme sache rien faire' : ainsi
j'aurai la liberté de voir cette belle à mon aise. Mais je
>• SCÈNE X.
ADEAfTS, HAU, mUX LAQUAIt. {tjH')
S. Dans les éditîoiit de i6Sa et de 1734, ecc nou d*flaU TianneiiC ea r^poiMe
à BBe ^oeslioii faite dVnrrée par Adraste : « Adaasts. Ué bienl Hali^ nos
aCbiret l'avanceiit-^lles ? Hau. Moniienr, j*aî déjk fait, » etc.
3. Uo trait analogue se troure dans la fable des Membre* et VEstomae (le
*^eonde du livre 111), qae la Fontaine publia dana ton premier reenml, en
1668, mais dont il avait pu, comme de mainte antre, fiiire des lectoret anpa-
ravant:
Chacun d*enx réaolnt de Tivre en gentilhomme.
Sans ri«n faire.
" o eertaÎB, «omme l*a dit Montaigne *, qne « la forme propre et seule et
^MsnliclU d« noblesse en France, c^ était la vacation militaire, » et que hors
^ U, hocs de «e glorieux senriee, et sauf quelques éclatantes eKceptioas, elle était
«d*aae eomlitton olÛTe, et.... ne vivait^ comme on dit, que de set rentet^. *
n, chapitre tu, tome II, p. 76 et 77.
' livre, cbapitiv Tin. ihùiem^ p. 85.
'7
aS8 LE SICILIEN.
ne doate pas que mon jaloux fâcheux ne soit toujours
présenti et n'empêche tous les propos que nous pour-
rions avoir ensemble; et pour te dire vrai, ju, par le
moyen d'upe jeune esclave, un stratagème pour* tirer
«ette belle Grecque des mains de son jaloux, si je puis
obtenir d'elle qu'elle y consente .
HÂU.
Laissez-moi faire, je veux vous faire un peu de jour
â la pouvoir entretenir*. Il ne sera pas dit que je ne
eerve de rien dans cette affaire-là. Quand allez-vous?
ADRASTB.
Tout de ce pas, et j'ai déjà préparé toutes choses.
HAU.
Je vais, de mon c6té, me préparer aussi.
ADRASTB*.
Je ne veux point perdre de temps. Holà * ! Il me tarde
que je ne goûte * le plaisir de la voir.
t. Un ttriUgèiiM prêt pour. (i68s, 1734.)
a. A 1« pouvoir ontretenîr. (i68a, 9a, 1730.) — Uéditioo de 168a ijoiite
«d ce jett d« toèiie : // parle bas à VoretiU d^AàratU»
3. ADEAtTS, /Ml/. (1734.)
4* Adraite frappe doae à la porta de Dom Pèdre et diaparatt daaa la auî-
eoa ; paie le théâtre change, et Dom Pèdre entrant avec le eaTalier iaeaoae
«a le reoeTant dana Télégaiite aalla que montre la pravura de 168a, loi de<*
«Bande : « Que eherchex-voua dana eette maiaon •? » Il est aisé de ae lepiéica
ter lea choses ainsi} mata ellea se passaient alors plus simplement. Il se poa-
▼ait bien qu*on laissât Timaginadon des apeetateurs ae tranaporler d'elle rn^mf,
«ana Faide d*im nouvean décor, sinon dans IHntérieur du logis, du moins wr
quelque point de ses dehors les plus proches? Une6té du théâtre, i Pondirr
de U maison et d*un arbre, pouvait être censé bien à Técart, et, sans antre
clôture visible, suffisamment annexé i Thabitation. Une fois le dialogue eatsB^*
qui doae se fût inquiété de savoir en quel lieu le peintre amoareoK allait ic
mettre à tracer le premier eroquia de son portrait ? Cailbava et Anger otf va
eetle aimplicité de mise en scène et s*en plaignent ; sans doute, k Porigine êe
la pièce, Molière lui-même s*en était contenté : voyex tome III, p. a3a, bom *.
5. MoKère a déjà employé cette conatruction i la fin de la aeène s du Jfa-
rUifeJorei (tome IV, p. a8). Voyes lea Lexiquêt du CoriuUU «t du Aaem«.
* « Qni laiaae monter lea gens aans nona en venir avwtir? » dit aneora Daai
Pèdre an début da la aeène zn : il iaut donc aappoaer naa aatfe hante, oaaar
8CÉNB X. ftSg
SCÈNE X.
DOM PÈDRE, ADRASTE'.
DON rioRB.
Que eherchez-TOU8, cavalier, dans cette maison ?
▲BRASTB.
Ty chercbe le seigneur Dom Pèdre.
DOM ptoas.
Voas Tavez devant vous.
▲BRASTB.
n prendra, s'fl lui plaît, la peine de lire cette lettre.
DOM PÂDEB lit*.
Je vous erwoie^ au lieu de moi^ pour le portrait que
f^(wt satfezj ce gentilhomme francoiSj qui^ comme curieux
d'obliger les honnêtes gens y a bien çoulu prendre ce soin,
'ur la proposition que je lui en ai faite. Il est, sans con^
tredity le premier homme du monde pour ces sortes d^ou^
*^<iges, et foi cru que je ne pou9ois rendre^ un service
plus agréable que de 90us Cempojrer^ dans le dessein que
ff^u avez dCapoir un portrait achevé de la personne que
vous aimez. Gardez'-iwus bien surtout de lui parler d^au--
cune récompense; car cest un homme qui s'* en offenseroit,
^ qui ne fait les choses que pour la gloire et pour la
réputation*.
i« SCÈNB XI.
D. ràOBB, ADEAm, DBUX LAQUA». (17HO
». D. Pioms. {IbûUm.)
3. Que je ne toiu pooToU lendie. (1674» 8i« 1734.) — Qee je ne penroit
«i«Bdre. (1694 B.)
4- QvepoorU gloire et la rfpnUtioB. (Une partie dn tirage de 1734, et 1773.]
oa peo élerée'aa-deHoa de la roa et y eomoMiBiqaaal par un
^^ LE SIGILIBIf.
DOM PEDRBf parlant an Fcançois^
Seigneur François, c'est une grande grâce que vous
me voulez faire; et je vous suis fort obligé.
ADRASTK.
Toute mon ambition est de rendre service aux gens
de nom et de mérite.
DOM PÂDRE.
Je vais faire venir la personne dont il s*agit.
SCENE XL
ISIDORE, DOM PËDRE, ADRASTE ct dmjx
4
LAQUAIS.
DOM PEDRE*.
Voici un gentilhomme que Damon nous envoie, qw
se veut bien donner la peine de vous peindre. (Adm»
baÎM IiidoN en la saluant, et Dom Pèdre loi dit' :) Holà ! SeigneOT
François, cette façon de saluer n'est point d'usage en
ce pays.
ADRASTE.
C'est la manière de France.
DOM PÈDRE.
La manière de France est bonne pour vos femmes;
mais, pour les nôtres, elle est un peu trop familière.
ISIDORE.
Je reçois cet honneur avec beaucoup de joie. L'avcn-
I. Cet en*téte a*est pas dans rédîtîoa de 1734.
7. SCÈNE XII.
TftlDORB, D. PÈDRE, ADRASTS, DBUX LAQUAlt.
D. PàoaK, à fsUon. (1734.)
3. J jidragtâf qui êmbrasn Isidore ttn Im êatmënt, (thidem,)
SCENE XL s6i
tare me surprend fort, et pour dire le vrai, je dc
m*attendois pas d^avoir ^ un peintre si illustre.
ADRÂSTB.
Il n*y a personne sans doute qui ne tint à beaucoup
de gloire de toucher à un tel ouvrage. Je n*ai pas
grande habileté; mais le sujet, ici, ne fournit que trop
de lui-même, et il y a moyen de faire quelque chose
de beau sur un original fait comme celui-là.
ISIDORE.
L^original est peu de chose ; mais l'adresse du peintre
en saura couvrir les défauts.
ADRASTE.
Le peintre n*y en voit aucun; et tout ce qu'il sou-
haite est d'en pouvoir représenter les grâces, aux yeux
de tout le monde, aussi grandes qu'il les peut voir.
ISIDORE.
Si votre pinceau flatte autant que votre langue, vous
allez me faire' un portrait qui ne me ressemblera pas.
ADRASTS.
Le Gel, qui fit l'original, nous ôte le moyen d'en
&ire un portrait qui puisse flatter.
ISIDORE.
Le Gel, quoi que vous en didiez, ne....
DOM PÂDRE.
Finissons cela, de grâce, laissons les compliments,
et songeons au portrait.
1. C*eit «a sulTMt l*aM|e ordinaire de loii tempt que Molière eonetrait
^Mtêmdrt avec de :
Oa ne ■'■ttendoit guère
De voir Ulyue en eette aflîiire.
(La Fontaine» la Tortue et lee iUmx Canards^ fable u
du livre X, vert i3 et i4>}
VojoB fat Lettrée de Raeine, tomct VI, p. 5o4, 5o5, et VII, p. 3o5« et b re-
mmttfÊm de M. Uttic i rartide atimou (S^), fia de a*,
a. Youi aSes faire. (1734.)
26a LE SICILIEN.
ÂDRABTE^
Allons, apportez toat.
(On apporte tout m q«*il bmX pour peindra bidoraii)
I81DOBB*.
Où voulez-vous que je me place ?
ADRASTS*
Ici. Voici le lieu le plus avantageux, et qui reçoit le
mieux les vues favorables de la lumière que nous cher*
clions.
Suis-je bien ainsi?
ISIDORE*.
ADRASTE^.
Oui. Levez-vous un peu, s*il vous plaût. Un peu plus
de ce côté-là; le corps tourné ainsi; la tête un peu
levée, afin que la beauté du cou paroisse. Ceci un peu
plus découvert, (n parle de sa gcwg^O ^^» Là» UU pCU
davantage*. Encore tant soit peu.
POM PBORB*.
n y a bien de la peine à vous mettre; ne sauriez*
VOUS vous tenir comme il faut?
ISIDORE.
Ce sont ici des choses toutes neuves pour moi; et
c*est à Monsieur à men^ettre'' de la façon qu*il veut.
ADRASTB.
Voilà qui va le mieux du monde, et vous vous tenez
I. AoaâSTK, aux laquais, (i734>)
a. IstooEi, a Adnutê, {Ibidem.)
3. biDOEi, ^auêjrant. (Ibidem,) — Après s'être assise. (1773.)
4 ADaABTi, assis, (1734*} Cette incÛcation ett renToyée plot bat dana
l'édition de 1773, avant les moCa : P^oilà qui m le mieux du monde. Il eat
clair qu*Adraite ne ■'éloigne et ne l'assoit un instant qoe pour rarenir poeer
iui-méme son modèle, pftia en modifier plasieurs fois Tattitude.
5. Du col paroisse. Ceci un peu plus découTcrt. (// décembre mi feu plus sa
gcrge.) Bon, là. Un peu darantage. (1734-)
6. D. Pions, à Isidore. (Ibidem.)
7. A mettra. (168a % ▼ariaate, on plnt^faate, qoine ae troave pas dans aoa
autres éditions.)
SCÈNE XI. %6^
i merreilles^ (U fdunt toonsr un pea dtren loi.) G>mme
cela, s'il vous plaût. Le tout dépend des attitudes* qu'on
donne aux personnes qu'on peint.
BOM PÂDRE.
Fort bien.
AORASTE.
Un peu plus de ce côté; vos yeux toujours tournés
vers moi, je vous en prie; vos regards attachés aux
miens.
ISIDORE.
Je ne suis pas comme ces femmes qui veulent, en se
faisant peindre, des portraits qui ne sont point elles, et
ne sont point satisfaites du peintre s*il ne les fait tou»
jours plus belles que le jour*. Il faudroit, pour les
contenter, ne faire qu'un portrait pour toutes; car
toutes demandent les mêmes choses : un teint tout de
lis et de roses, un nez bien fait, une petite bouche, et
de grands yeux vifs, bien fendus, et surtout le visage
pas plus gros que le poing, Teussent-elles d un pied de
lai^e ^. Pour moi, je vous demande un portrait qui soit
moi, et qui n'oblige point à demander qui c'est.
ADRASTX.
n seroit malaisé qu'on demandât cela du vôtre, et
vous avez des traits à qui fort peu d'autres ressem*
I. Voyei le même emploi du plnriel dans let Lexiques de Mme de SMgné-
et de Racime^ au mot Mbrtullb, et dans la première édition du Dietioiutaire
de t Académie (1694). — A merreille. (1718, une partie du tirage de I734, et
1773.)
9. Des ladtadet. (1668, 74, 7$ A, 84 A, 94 B.) — Dans le* textes de 168»
et de 169a, Atitudes («ic).
3. Plus belles qu*elles ne sont. (i68a, 1734.)
4. Lucien, comme le rappelle Aimé-Martin, a raillé en passant^ dans soa
traité intitulé : Comment il faut écrire thietoire*, le ridicule de « ces finnmes
qui recommandent aux peintres de les faire les plus belles possible : elles.
s*imaginent qu'elles n*en seront que plus jolies, si Tartiste fleurit Tincamat dfr
leur teint et mék du blanc à ses couleurs.
• Att $ i3, tome I, p. 36o, de la tradoetioa de M. Talbot.
a64 LE SICILIEN.
blent. Qa*ils ont de douceun et de diarmes, et qa*on
court de risque * à les peindre !
DOM PÉDRE.
Le nez me semble un peu trop gros*.
ADRASTB.
J*ai lu, je ne sais oh', qu'Apelle peignit autrefois une
maîtresse d'Alexandre, et qu'il ^ en devint, la peignant,
si éperdument amoureux, qu'il fut près d'en perdre la
vie : de sorte qu'Alexandre, par générosité, lui céda
Tobjet de ses vœux*, (n parle à Dom Pédre'.) Je pouiTois
iaire ici ce qu'Apelle fit autrefois; mais vous ne feriez
pas peut-être ce que fit Alexandre.^
ISIOOEK*.
Tout cela sent la nation ; et toujours Messieurs les
François ont un fonds de galanterie qui se répand par-
tout.
▲DRASTB.
On ne se trompe guère à ces sortes de choses; et
vous avez l'esprit trop éclairé pour ne pas voir de
quelle source partent les choses qu'on vous dit. Oui|
1. Et qu*on eonrt ritqae. (1674, 8s, 1734.)
%, Le nés me lembie trop grof. (i697« 17 10, 18.) — Un peaf^rot. [ijU-]
— Voyes la fin de la note a de la page a66.
3. H est peut-être à propoe de rappeler, aux endroiCt où, eomme ici, Tor-
tbograpbe actuelle rUqne de Iaire altérer la prononciation do teste, que ks
éditioni du dix-eeptième siècle écrivent, iuivant la règle dn temps, jê «e s» m.
4* Une maltresse d'Alesandre, d'une merreillease beauté, et qn*îl. (i683i
1734O , ^ , . n
5* « Alesandre donna une marque trèt-mémoraUe de ta considération qa»
aTaît pour ce peintre (Jpelle) : il FaTait chargé de peindre nue, par adau-
ration de la beauté, la plus chérie de ses concubines, nommée Campaspe;
Tartiste à Tauvre devint amoureus ; Alesandre s'en étant aperçu la loi deans...*
11 en est qui pensent qu'elle lui servit de modèle pour la Vénus AnadyoaMne. *
(Pline, Bist^iM maturelU, livre XXXV, g 24, traduction de M. littré.) tfiea
rapporte le même dit, livra XII, $ 34, des ffUtmrês averses,
6. A D. Pèdre. (l^^^,) — 7. '/>. Pèdre fait U grimace, (i68ft, 1734)
8. Imdoax, è D. Pèire, (1734.)
SCÈNE XI. 965
quand Alexandre seroit ici, et que ce aeroit votre
amant, je ne pourrois m*empêcher de voua dire que je
n*ai rien vu de ai beau que ce que je voia maintenant»
et que....
DOM pÂoas.
Seigneur Françoia, voua ne devriez paa, ce me aem-
Ue, parler^; cela voua détourne de votre ouvrage.
ADB48TB.
Ah ! pcnnt du tout. J'ai toujoura de coutume* de parler
qoand je peins ; et il est besoin, dans ces choses, d'un
peu de conversation, pour réveiller Tesprit, et tenir les
TÎsagea dans la gaieté nécessaire aux personnes que
1 on vent peindre.
SCÈNE xir.
HALI, Téta en Etpagnoi, DOM PÈDRE, ADRASTE,
ISIDORE.
DOM PÈDRE.
Que veut cet homme-là* ? et qui laisse monter les
gens sans nous en venir avertir ?
HALI*.
J'entre ici librement; mais, entre cavaliers, telle li-
berté est permise. Seigneur, suis-je connu de vous?
DOM PÈDRE.
Non, Seigneur.
1. Ce OM wmble, tant parier. (i6Sa, 1734.)
a. i*n tooioan coatuM. (1710, 18, 3o, 33, 34.) — Apoir de e^mimmt ae
tnmve encore dana Us Fmwhêriss de Scafim (▼ara la fin de la aeène m de
^**cte U], et était akn» lort oaité : voyes le Lêxifmé dé U loMgmêdé
3. SCÈIIE XIU. (1734.)
4> <hae vent dira cet hoonme^U ? (1710, 18, 3o, 33, 34.)
5. Eau, k D. Pèdt€, (1734.)
»68 LE SICILIEN.
ADBASTS.
Qa*attendez-you8 pour cela?
ISIDORB.
A me résoudre.
ADRA8TI.
Ah ! quaud on aime, on se résout bientôt.
ISIDORE.
Hé bien! aliezi oui, jy consens.
Mais consentez*YOUS, dites-moi, que ce soit dès ce
moment même ?
isiooas.
Lorsqu*on est une fois résolu sur la chose, s'airete-
t-on sur le temps ?
DOM PÈDRB, à Hali.
Voilà mon sentiment, et je vous baise les mains.
HALI.
Seigneur, quand vous aurez reçu quelque souiBet, je
suis homme aussi de conseil, et je pourrai vous rendre
la pareille.
DOM P&DU*
Je vous laisse aller sans vous reconduire ; mais, entre
cavaliers, cette liberté est permise.
ADRASTB^
Non, il n*est rien qui puisse effacer de mon cœur les
tendres témoignages....
(Dom Pèdre, apereeTant* Adratte qui parle de prit à Indore.)
Je regardois ce petit trou qu'elle a au côté du men-
ton, et je croyois d*abord que ce fut* une tache. Mais
I. ADAiara, à Isiifore, (1734.)
a. A D, Pèdre^ apercevant^ etc. {Thidem,)
3. Pour eet emploi dn tahjoiielif, eomparet let Ters 16(^16^ *''
r Étourdi, 5ao et 5s 1 de V École des maris ^ et ci-eprès, acène zr, h ^ ^"
premier eoaplet de Dom Pèdre; voyes aussi le Lexiqme de im iaag^ ^'
Mme de Sévigné, tome I, p. xzcx, et ceux do CormeUle^ tome I, p. U •< ^^
et da Racine^ p. zgit.
SCiNE XII. S69
c'est assez poor aujoanl'hni, nons finirons une aatic
foù. (pailuit i Don Ptdn'.) NoQ, ne regardez rien encore;
faites serrer cela, je voos prie. (A iiiatm.) £t Yons, je
voDS conjure de ne voas relâcher point, et de garder
UB esprit gai, pour le dessein que j'ai d'achever notre
ouvrage.
ISIDOKI.
Je conserverai pour cela toute la gaieté qu'il (aot *.
SCÈNE xiir.
DOM PËDRE, ISUX)RE.
ISlIKtRK.
Qu'en dites-vous? ce gentilhomme me paroît le plus
civil du monde, et l'on doit demeurer d'accord que les
François ont quelque chose en eux de poli, de galant,
qae n'ont point les autres nations.
DOM pàona.
Ooi ; mais ils ont cela de mauvais, qu'ils s'émancipent
an peu trop, et s'attachent, en étourdis, à conter des
fleurettes à tout ce* qu'ils rencontrent.
ISIDORE.
Cest qu'ils savent qu'on plaît aux Dames par ces
choses.
t. A D. PàJrt,im H^l ftit U farlrail. {l^H.)
t. • Pirmiln roHi.... cmplojMt aa Ibéttre, dil ABgcr.ani d« plu eam-
•fia ia l'iatrodiiin loprà da M BillnH*. Holun n'i pu bit onfi iwiH
it qsBtn lob il* « noyea d> comédli. Ici AdniM m as paûtrai dama
fAmomr midtti», Clitandra aat db doclnri dau fa MMitia mil f ri Ui,
Liaadn «a os apoiUcai» 1 anfia, daai /a MmiaiU imaginairt, CUima aat aa
3. SCÉSE XIV, {i7Îi.}
4. A toaa««a.(i7io;bate éiidaU.) — AUMMiMUM.(i;i8, 3d. 31. !«■]
-•7« LK SICILIEN.
DOM PiDU.
Oui ; maisi s^ili plaisent aux DameSt ik dëplaûent fart
;aiix Messieurs; et Ton n^est poîni bien aise de Toir, tnr
sa moustache^ cajoler hardiment sa femme <m sa aiai-
tresse.
ISIDOaB.
Ce qu^ils en font n*est que par jeu.
SCÈNE XIV.
CLIMÈNE, DOM PÈDRE, ISIDORE.
CLIMiNS, TOiUe.
Ah*! Seigneur cavalier, sauvez-moi, s*U vous pUft,
des mains d*un mari furieux dont je suis poursuivie. Sa
jalousie est incroyable, et passe, dans ses mouvements,
tout ce qu'on peut imaginer. Il va jusques à* vouloir
que je sois toujours voilée ; et pour m'avoir trouvée le
visage un peu découvert, il a mis Tépée à la main, et
m*a réduite à me jeter chez vous, pour vous demander
votre appui contre son injustice. Mais je le vois pa*
I. Sons M Boutadia. (1734.) — MoKire, eomme l'a fiilt nad Uh^pk
aaat Mbm de Sérlgn^ (tooM V, p. 34i), ▼ari« la phraaa proferbiala «aliMr
*mr U mmutmcke, qu'il a emploTéa an ven io33 da CÊcoU des femmes
(tooM in, p. a3a), et qa*a emploTée aiuii la FonUiae «.
A. SCÈNE XV.
zàÎDEj D. pia>ui, ismoEB.
Zàb».
Ahl (1734.) — Sur ee aom dîffirent de Zaîde âonnh dane eette MîdeBM
'BMi^wn penosnage, Toyei ei-detnu, p.aSi, note 3.
3. Joaiia'à. (1730, 34.)
• Aa vert 3i5 de U Compe tmekoMtiê^ le tr* eoate de la 3* partie, p. Si
•de r^ditioa BarUn, 1671; tome II, p. 188, de rMitlon de M. Martj-U-
vean : dans eette dernière ii*eit point iadiqaée la Tariante : « toos la oMaf-
•tadhe, » qui est nai dbate aae loçoa nas aatorilé, biea qoe, adoptée par
Walakenaer ea iSaS, elle ait paieé delà daatle DUtiMUimM dé M. UiÊré.
SCAlfB XIT. «7t
nîire. De gnc«, Seigneur cavalier, MUTO-moi de n
farenr.
DOH pi»Bx'.
Entrez U dedans arec elle, et a'apprébeodez rien.
SCÈNE XV \
ADRASTE, DOM PÈDRE.
DOH pAdRK.
Hé quoi? Sei^eur, c'est vous? Tant de jaloiuie pour
on François? Je peasois qu'il n'y eût que nous qui en
Jutions capables.
Les François excellent toujours dans toutes les cho-
ses qu'ils Font; et quand nous nous mêlons d'être
jaloux, nous le sommes vingt fois plus qu'on Sicilien.
L'infôme croît avoir trouve chez vous un assuré refu^ ;
mais vous êtes trop raisonualile pour blâmer mon res-
sentiment. Laissez-moi, je vous prie, la traiter comme
«lie méritË.
DOH pAdhx.
Ah! de grâce, arrêtez. L'offense est trop petite pour
un eoorroox si grand.
La grandeur d'une telle offense n'est pas dans l'im-
portance des choses que l'on fait : elle est ù transgresser
Jet ordres qu'on nous donne ; et sur de pareilles ma-
tières, ce qui n'est qu'une bagatelle devient fort cri-
(nînel lorsqu'il est défendu.
DOH piDBS,
De la façon qu'elle a parlé, tout ce qu'elle en a fait a
'. 07340
<i7!i LE SICILIBN.
èU sans dessein; et je Tons prie enfin de vous remettre
bien ensemble.
ABIIASTt.
Hé quoi? vous prenez son parti, vous qai êtes si dé-
licat sur ces sortes de choses?
DOM PiDRB.
Oui, je prends son parti ; et si vous voulez m*obligert
vous oublierez votre colère , et vous vous rëconcilierez
tous deux. C*est une grâce que je vous demande; et je
la recevrai comme un essai de Tamitié que je veux qui
soit entre nous*
ADRÀSTE.
n ne m^est pas permis, à ces conditions, de toiis
rien refuser : je ferai ce que vous voudrez.
SCÈNE XVI.
CLIMÈNE, ADRASTE, DOM PÈDRE.
DOM PiDllB^
Holà! venez. Vous n*avez qu*à me suivre, et j*ai&it
votre paix. Vous ne pouviez jamais mieux tomber qne
chez moi.
CUMÂlfE*.
Je vous suis obligée plus qu^on ne sauroit croire;
mais je m*en vais prendre mon voile : je n*ai garde,
sans lui, de paroitre à ses yeux.
1. scÈifE xvn.
ZAÎDB, D. pisDRS, ADKA8TS tUuu «H eoÎH du ikéûtre,
D. PàDRx, à ZaUê. (1734.)
a. ZaCoi. {aUêm.)
. SCÈNE XYL 173
La voîci^ qui s^en ya venir; et son àme, je vous assure,
a para toate réjouie lorsque je lui ai dit que j*ayois rac-
conunodé tout.
SCÈNE XVII.
ISIDORE, font le ToU« de GUmène, ADRASTE,
DOM PÈDRE.
DOM PÂDRB.
Puisque vous m*avez bien voulu donner votre res-
sentiment*, trouvez bon qu'en ce lieu je vous fasse tou-
cher dans la main Tun de i^autre, et que tous deux je
vous conjure de vivre, pour Tamour de moi, dans une
parfaite union.
ADRASTB.
Oui, je vous le promets', que, pour Tamour de vous,
je m'en vais, avec elle, vivre le mieux du monde.
DOM PiDRE.
Vous m'obligez sensiblement, et j'en garderai la mé-
moire.
ADRÀSTE.
Je vous donne ma parole. Seigneur Dom Pèdre, qu'à
votre considération, je m'en vais la traiter du mieux
qu'il me sera possible.
I. SCÈNB XVIII.
D. FJOMUI, ADEAfTE.
D. PàoAi.
LaToid. (1734.)
3. SCÈNE XIX.
isiDoai, satu U poiU de ZaûU^ aoeaks, d. pioM.
D. PiDU, à AirmêU,
Paû^no TOM M*«v«B Ymm. Toaln eh— Hoa— r vtoirt MneatinaoC. {IhiéemJ)
*- RwT gom rêêtêmtêmmt ett an bliaitae 1 «mmImmwv àoUrêm smmm.
3. Oei* {• Yooi prooMto. {Ibidmn.)
Mouiiir. Ti 18
174 LB SICILIEN.
C*e8t trop de grâce que vous me faîtes. ^ Il est bon de
pacifier et d adoucir toujours les choses. Holà ! Isidoie,
venez.
SCÈNE XVIII.
CLIMÈNE, DOM PÈDRE».
DOM PiORB.
Comment ? que veut dire cela ?
CLIMÂME, sani Toile'.
Ce que cela veut dire ? Qn^un jaloux est un monstre
haï de tout le monde, et qu'il n y a personne qui ne soit
ravi de lui nuire, n*y eût-il point d'autre intérêt; que
toutes les serrures et les verrous du monde ne retien-
nent point les personnes, et que c'est le cœur qu'il (aut
arrêter par la douceur et par la complaisance ; qu'Isidore
est entre les mains du cavalier qu'elle aime, et que
vous êtes pris pour dupe.
DOM PBORE.
Dom Pèdre souffiîra cette injure mortelle! Non, non :
j'ai trop de cœur, et je vais demander l'appui de la
justice, pour pousser le perfide a bout ^. C'est ici le logis
d'un sénateur. Holà!
I. Seul, 1734.)
a. SCÈNE XX.
xaSdb, d. vksïBM. {rbidem,)
3. ZaEdb, mhu 9oiU, llbiiem.)
4* Si Dom PèdrSy «a proaoaçant cet daraiert moU, te troave daai l^^
rMar de n meiaoïi, il fant qn'aux moU ■uinBU on changement de thcètre k
montre ae prêdpiuat, à traTers la place on la me dea premièrea eeênes, w>
4e logia du Sénateor. liait, ti Ton admet la aoppotidon Traiaemblable iai^
qa4e plot haut (p. n58, note 4], let chotet peuvent te pataer plot aimplanaat:
Dom Ndre n*a qu*à traferter la aetee pour te rendre, en free on an fond, ta
logitdn Sénaieor. Dèa lert, rien n'oblige, mteiott la comédie n*ctt patdoaaêc
une let danaw «t eoneerti, è baitter ici la toile et à enpprinMr In acènt xn*
•qui cet fort plaiaente.
v]S
SCÈNE XIX.
LE SÉNATEUR, DOM PÈDRE'.
LE UÉHATBVH.
Serviteur, Seigneur Dom Pédre. Que vous veoes m
propos!
DOM PtDRE.
Je viens me plaindre à vous d'un aflroiit qu'on m'a fiùt.
LB SSHATKUa.
J'ai fait une mascarade la plus belle du monde.
DOM pftDBI.
Un traître de François m'a joué une pièce.
Ll SiHATBUa.
Vous n'avez, dans votre vie, jamais rien vu de ai beau.
DOM pàDKB.
Il m'a enlevé une fille que j'avois affranchie.
LK SÉRtTEUI.
Ce «ont gens vêtus en Maures, qui dansent admira-
blement.
DOM PÈDll.
Vous voyez ai c'est une injure qui se doive souffrir.
IK SEITATZUR.
Les habits' merveilleux, et qui sont faits exprès.
DOH PkDBB.
Je vous demande * l'appui de la justice contre cette
action.
LE aixiTEua.
Je veux que vous vojiez cela*. On la va répéter, pour
en donner le divertissement au peuple.
I. SCfcHB XXI.
OK HbflTHJH, D. PiOBB. (l734.)
1. Dm UmU. {1718, Jo, 33, 3(.] — 3. h damauU. (tt»t, tjH
4- Dn* b phiMM dat wuiaaBn iditioiM : • na» rooi nva ada.
. l
976 LE SICILIEN.
G>mment? de qooi parlez«vou8 là?
tB SBllAimilR.
Je parie de ma mascarade.
DOM ptoas.
Je vous parie de mon affaire.
LS sénathjb.
Je ne veux point aujourd'hui d'autres affaires que
de plaisir ^ Allons, Messieurs, venez : voyons si cela
ira bien.
DOM PiDRE.
La peste soit du fou, avec sa mascarade !
LV SEHATBUa.
Diantre soit le (acbeuz, avec son affaire !
SCÈNE DERNIÈRE.
PluMeon Maures font one dame eatre eux, par où finit la comédie*.
I. Qoe de plaîiîra» (i773«)
a. SCÈNE DERRIÈRE.
Uff SBlTATBURy TROUPB DB DASSBUES.
■NTBÛ DX BALLIT.
(Ftnsiêttrt danseurs ^ pêtus en Maures^ damseml élevant U SémâUër^
et finissent ta eomêiie.) (1734*)
— Sur ce dernier difvrtîaaenent de la comédie et de font le Mallet ies Mesu,
«lÎTertiiaement où figorait le Roi, Toyci le Upret, ci -après, p. açS et p. 3oi>
— L*édition de 1 734, à la anite da Sieiiien, ne donne pas le cadre màs*
de la comédie, telqa*il parut (en 1667 aana doute, lors des demierilinf^}
dans le lirrct du Ballet des Mnses et qu*on le trooTera ci-après, sous Is titn
de Quatorzième entrée (p. 99 ( et suiTSUtes] ; rile a une simple liste intitalée :
iNoMS DKS PKBSOicna qmi ont rêeitè, dansé et chanté dan* le Sicilien, esmééu'
ballet ; c*est que, dans cette édition (on l*a ru par les notes que nsas es
avons reproduites), les indications les plus essentielles do lirret ont été rt-
partÎRf entre Ic5 diiiiiseï scènes de la pièce.
FIN DU SICILIEN,
APPENDICE
A MÉLICERTEy A LA PASTORALE COMIQUE
ET AU SICILIEN.
BALLET DES MUSES
DAStÉ PAK SA HAJSm Ul tOH CHA1ZAU DB ftAnT-OBBlf AIK BH LAYB
I.B %* 91C1MBBB l6<S6*.
ARGUMENT.
Les Muses, charmées de la glorieuse réputation de notre monarque,
et da soin que Sa Majesté prend de faire fleurir tous les arts dans
rétendue de son empire, quittent le Parnasse pour venir à sa cour.
Mnémosyne*, qui, dans les grandes images quVlIe conserre de
Tantiquité, ne trouve rien d^égal à cet auguste prince, prend Tocca-
sion du voyage de ses filles pour contenter le juste désir qu'elle a
de le voir, et, lorsqu'elles arrivent ici, îall avec elles Touverture du
théâtre par le dialogue qui suit.
I. ▼oy€i d dcwt la Woiicê de Mélicêrte^ p. i95-i37 : nous donnons de
«e iivnt on teste eontarme à ion denier étet. M. Yietor Foamd, au tome H
des CmiiÊmparmm* de M^iièret a pubUé, avee une notice et on coinmentaire«
toni le MalUt des Mutegg il a joint à chaque lécit et à chaque entrée les vert
qoe Bemaerade avait eompoaét sor la personne et le penonnage de ceux qui
y figuraient : est petites pièces, cas eap&ees d*ipigraniniet, réunies toutes à la
fin da lîrret, dans les eicmplaires renia aux apectatenn, en forment une partie
diatincte que noua avons cm inutile de reproduire •• — On trouvera ci-après,
p. 398, note a« quelques renseignements sur la musique eomposée par LuHy
pour ce ballet.
1. Cest la Mémoire. (iVbfe de Péditien engimmle,)
• Las vers qai étaient à Fadrease de Molière et de LoUy ont phis d'iMBiét ;
on a lu les premiers dana la Notice de MélicerU (p, .i34); las seconds sont
cités ci-après, è la vn* entrée, p. 291.
a7S APPENDICE A MÉLIGERTE, ETC.
DIALOGUE
DK mSHOSTHE BT DU ITOSIf.
mroKwnrB, Bille HUain *.<
Enfin, après tant de hasarda,
Nous décoaTTons les heorenses proTÎnoes
Où le pins sage et le plu grand des pHneea
Fait assembler* de toutes parts
La gloire, les Tertus, Tabondanee et les arts.
LIS Muass.
Rangeons-nons sons ses lois;
11 est beau de les saine :
Rien n'est si doux que de TÎTre
A la cour de Loou, le plus parCiit des rois.
MSiMOSTlU.
YÎTant sous sa eonduite.
Muses, dans tos eonoerts.
Chantez ce qu*tl a fait, chantes ce qu*il médite.
Et portez-en le bruit au bout de TuniTers.
Dans ce récit charmant faites sans eusse* entendre
A IVmpire fran^ois ce quMl doit espérer,
Au monde entier ce quUl doit admirer,
Aux rois ce qu'ils doiTcnt apprendre.
LXS MTOBS.
Rangeons-nous sous ses lois ;
11 est beau de les suivre :
Rien n'est si donx que de vinv
k la cour de Loins, le modèle des rois.
Tous les Arts établis déjà dans le Royaume, s^ëtant assembUs de
mille endroits pour recevoir plus dignement ces doctes filles de
Jupiter, auxquelles ils croient devoir leur origine, prennent réso-
lution de faire en fiiveur de chacune d'elles une entrée particulière.
Après quoi, pour les honorer toutes ensemble, ils représentent k
célèbre victoire quViles remportèrent autrefois sur les neuf filles de
Piérus.
I. Voyez sur cette cantatrice, tome IV, p. 7a, note 5, et p. i3i« note 3. -"
Son nom est à la marge dans le Liprei.
a. Rassembler. {Partition Philidor.)
3. Les mots charmant et sans etssê ont été so^^krimés dans le «diant. Kooi
avons d'aîDeurs trouvé sans intérêt, pour toutes ces paroles qui ne sent p««
de Motiire, de relever minotieusement l'emploi, les répétitions qa*a pu, snirsat
la coutume, en faire le masicien.
BALLET BBS MUSBS. 379
LES NBUF SOBURS.
Muns CMAWTAKTM» i MM. le Gros, Femon Tainë, Femon le jenne,
LtDfe, Gottereau; Saint-Jean et BufTeqoin*, pa^s de la musique
de la ehamiire ; Auf^er et Loden, pages de la chapelle.
L18 SBPT ARTS.
MM. Hëdooin, DestiTal, Gingan, Blondel, Rebel, Magnan et
Gaje.
PRBMIÀRE ENTRÉE.
Pour Uranie, à qui Ton attribue la connoissanoe des eienz, on
représente les sept Planètes, de qui Ton contre&it Téclat par les
brillants habits dont les danseurs sont revêtus.
JUPITBR, LB SOLBILi MBRCURB, VENUS, LA LUNE, MARS
VF 8ATURNB| les sept planètes.
Jupim : du Pron*. Lb Soudl : M. Cocquet. Mbacurb : Saint-
André. Vbmus : Des- Airs Tainë. La Luhb : Des-Airs Galand. Mams :
M. de Soaville. Satubhb : Noblet Tainë.
DEUXIÈME ENTRÉE.
Pour honorer Melpomène, qui prëside à la Tragédie, Ton fait
paroitre Pyrame et Thisbë, qui ont serri de sujet a Tune de nos
plus anciennes pièces de théâtre*.
PYRAME ET THISb£.
Ptbamb : Monsieur le Grand *,
TamÉ : Le marquis de Mirepoix.
1. Pins bas, Bm/figmU.
a. LÎTraU amériaon : « JinmA : M. le doe de Saint^Aignan » (le pie-
Bûr gnorilhomme de la eiMmfate du Roi, «pd avait paèridè an ftiaa de ViU
tMàamUë .• Toyes tome IT, p. ^7, aote 3).
3. A ealle tragédie de Thiophile qni evt an ai graad aoceèa en 1617, et
daat le aovTenir a été pcrpétaé par les deux Ton fMaeex qn*ea a eitéi Belleaa
(dans sa Pré/aee de 1701) : Toyei Isa frèras PaHaiet, tone lY, p. «69 et soi-
4. On sait qa'4Mi appelait afaiii le graad écayw de fnnee : c'était alora^
Loaîa de Locraine, eemte d'AfBagnac.
a8« APPENDICE A MÉLICEETB, ETC.
TROISIÈHB ENTEéB.
Thalle, k qui la Comédie est consacrée, a ponr son ptftige nue
pièce comique représentée par les comédiens du Roi', etoompoiée
par celui de tous nos poètes qui, dans ce genre d*écrire, pent le
plus justement se comparer aux anciens*.
QUATRIÈME ENTRÉE.
En rhonneur d^Euterpe, mnse pastorale, quatre bergers et quatre
bergères dansent, au chant de plusieurs autres, sur des chanioiis
en forme de dialogue.
I.
CBAirSOV SUE UH AU DK OATOTTB.
[f** covplet.]
vs sianaa ekanu U$ Jêux premiers vtrs^ gi U ohmar iés ripèu. M, Fcnos'*
Vont MTei TioMMir «stréne
Qtt« j*«i prit poor vos bMOE yen.
ui aiaoïa eoiaimme:
Hâles-vout d*aiBMr de même :
Les DMMiieatt loat préeiciB;
Tôt oa tard il Ikat qu'on aime.
Et le plot tAt c*Mt le mieinc.
{Le dkmmr répèiê.)
[a' eoaplet.]
mr AUTaa BBaosa ekanie^ M. U Gros*.
Sa dooeeun rAmoor abimde.
Tout M rand à lei appas.
(Le ekœur répète ces deux ven.)
I. MoUèrt et sa troape. (Noie de PêditUm ùrigûuUêJ)
%, ComoM eela a éti dit à la Ifotiee de Mélûerte (p. i3i-i37) et rsppdé
ci-dessus, p. 191, note i, la pièce représentée dans Pantiée de Itialîe fiit ^ >*
bord (à partir du 9 déeembre 1666) la pastorale bèrolque de MiUcerte^ paie
(k partir du 5 janvier 1667) la Paetotale eomiqme, et c*est gièee à llascrlioa
(aîte an Livrei^ immédiatement après ees lignes mêmes, de Tanalyse et deiio
de la Paetoraû comique, que 1m fragments qui, sous ee titre, ont pris pl^e
dans les QBuTres de Molière, nous ont été eonserrès.
3. M. Femon seul. (PtiHittùn Pkiiidar s d*une main peu élégante, qui >*•■'
trèt-prabablement pas eelle du copiste.) La partie de Femon est I le cfef ê0>
bautes-eontre.
4. La segond fois Mr legros et M. d*estiualle les segond paroDe en deecsen
lamoor abonde. (IHdem ,« même UMin, d*un seribe peu lettré, on leTCit.jD'E*'
tÎTal duntait la partie donnée, au premier eouplet, à la basse ii **
BALLET DBS MUSES. s8t
0» vHMSt Mt fon duM Yumét
Yoot* pas?
répitê.)
IL
cmuÊËOM Mm vm adi db moBT.
[i* conplet.]
vm nWB ekamtê Us dtu» fremitri Mrr, «< /e chmur
Us r^kê. M. Fotmb*.
VÎTOof heurrax, ■immu-nooi, bergère;
VÎTOM heurem, aimoat-Bouf.
u BUOKm eotummê * :
Daai na «adroit loUuire
Fajoai les yraz des jalons*.
Thoaa haarem, aimoaa-aoat, bargère;
TiviHM hannaz, aiaMnii-aoas.
iM. anon *.
Daaaoaa dattat la feagèra:
loaou aas jaaac laa plna doat.
HvoBi heaiaai, aioMRaa-aoaa,
[a' eooplat.]]
«X AUTBB BOMIB dbmi0 li# d!«ax prtmùri 9€rs^ et le chmur Us répète :
AJaMWia, aîaMMU-nons toajoart, SilHe,
AiaMiaa, aimoBt-aoot toajoan. o
Saaa oaa n doaea aaYie,
A qaoî paMor aot beaux jours?
UL CBOBUa.
Aîaioaa, aîaioaa-aoaa toijoiua, SîlTÎe,
Aimmii, aiaMMU-aoos toojonrs.
Ll BUU»B.
Les vrais plaisirs de la vie
Soat duM les teadres amonrs.
1
a.
S
i
5.
n'aiaMrkNW.Boas. [ParHtUm Philidor.)
k PmrtUim PkUidor^ saaa iadication da cbsatear : • Un berger. »
M. Panoa seaL {Pm-HtUm Pkiiider.)
DPaa jaloas. (IWam.)
K. le Groa. (/Mam.)
98a APPENDICE A MÉLICBRTE, ETC.
Aimons, umonf-aoïu toqowt, Silfit,
Aiinont, aimons-noiit Ux^oiar».
QUATRE BBRGBRS BT QUATRE BERGÈRES.
Bbagkrs : LE ROI;
le marquis de Villeroi ; les sieurs Raynal et la Pierre.
BBRoàRxs : MADAME;
Mme de Montespan, Mlle de la Vallière et Mlle de Toussî'.
Huit BRaous chaittahts : MM. Destival, Hëdouin, Gingan^
Blondel, Magnan, Gaye; Buffeguin et Auger, pages.
Huit BBaciaBS cHAVTAirrKs : MM. le Gros, Femon Tainë, Femoa
le jeune, Rebel, Cottereau, Lange ; et Saint-Jean et Luden, piges.
CINQUIÈME ENTRÉE.
En faveur de Clio, qui préside à PHistoire, voulant représenter
quelque grande action des siècles passés, on n*a pas cru pouToir
en choisir une plus illustre ni plus propre pour le ballet que la
bataille donnée par Alexandre contre Porus, et la générosité que
pratiqua ce grand monarque après sa victoire, rendant aux vaincus
tout ce que le droit des armes leur avoit ôté *.
Le combat s^exprime par des démarches et des coups mesurés au
son des instruments, et la paix qui le suit est figurée par la danse
que les vainqueurs et les vaincus font ensemble.
ALEXANDRE BT PORUS ', CINQ GRECS
^ BT CINQ INDIENS.
Alexandre : M. Beauchamp.
CnrQ Grecs: M. de Souville; MM. la Marre, du Pi*on, Des-Âirs
le cadet et Mayeu. Descousteaux, tambour^, Philebert et Jetn
Hottere, flûtes,
Poaus : M. Cocquet.
1. Voyez ci-detsus, p. 199, note i.
a. II n*est pas doateaz qae eette entrée ne £&t on tonvenir de la tnfédir
â^ Alexandre le Grande que Racine avait dédiée an Roi, et qol avait été joeée
pour la première fois le 4 décembre x665, aor le théâtre da Palais-Royal, a>
suite à THôtei de Bourgogne depuis le 18 du même mois. Yoyea la Nitàce
aur Alexandre^ au tome I des OEmvree de Raenu, p. 488 et 48^
3. Partout dans le lÂpret^ Porrus^ par deux r.
4. Ce Deseouateauz, chargé d*esécnter pour cette enbée da aimples batte-
ries de tambour, n*en était pas moins, solvant tonte probahiHta, le
BALLET DfiS MUSBS. a83
Cdq IrooDit : UM. PayaaB, do F«u, Ârnald, Jouan et Nd^let
le cadet. Vagnart, Umhour. Piesche et Nicolas Hottere*, fiàtM,
SIXIÈME ENTRÉE.
Pour Calliope, mère des beaux rers, les comédiens de la seule
troupe royale représentent une petite comédie où sont introduits^
des poètes de différents caractères*.
LES POETES,
Aion, iMmnie de qualité qui prend foin d*ane muearide
pow le bal M. la Flenr.
SiLT&iDii, ami d'Arist«, qui a ordre de faire une petite
comédie poor joindre an ballet. If. Floridor.
M. LuA, poète soÎTant la eonr, qui n*estime que les ion-
nets M. Haateroehe.
diitingoé dont il a été parlé, mais d*une fa^n incomplète, an tome IV, p. 86*
Me 3. Le DicUonmaire de Jal a quelques renseignements plus précis. Fran«
çoû MgBoa des Couteaux arait depuis iGOa, an plus tard, le breret d*un des-
jotMon de musette et de hautbois de la Chambre ; un acte de 1688 le reconnaît
• pooTTo d'une charge de joueur de hautbois et flftte douce de la chambre du
^ et d^ane charge de hautbois et musette de Poitou en la grande écurie de
S. H. » La date de sa mort est incertaine ; il timit peut-être encore en 1692
et Dénie en 1703. Jal ajoute qu'il fut Tami de Molière, de Racine, de Cha-
pelle, de h Fontaine et de Boileau ; c'est beaucoup dire et peut-être un peu
trop toaclore d'un récit de Fabbé d'Oiiret : des Costeanx serait l'interloeu-
trar à qui Molière dit son mot célèbre sur la Fontaine : « Nos beaux-esprits
oat beau se trémousser, ils n'eChoeront pas le bon- homme •• » — Jal con-
state d*sil]eurs que François eut deux fils, dont l'un, en 1668, fut reçu en
siniranee, peu après la mort de l'autre.
I. La manière dont le nom d'Hottere est écrit, en cet endroit et trois li-
gott plos haut, pourrait faire croire à une origine allemande (Hotter) \ mais
Bons ne doutons pas qu'il s'agisse des Opterre frères nommés à la tu* entrée du
Mariage foret (tome IT, p. 86 : Toyez aussi là les notes 4 et e ) ; Opterre se
^^eontiv, nous dit-on, comme figurant une des prononciations du nom d'^ii-
a. Im troupe de l'Hôtel de Bourgogne n'avait pas été tout d'abord appelée
• Bûtmre de PAemdémie/nnçoieêf 1739, iii-4*, p. 809. Le mot est rap-
porté, ions nn« forme qui peut sembler plus naturelle, par Lonia Racine dans
M Rifieximu sur U poéeie hren la fin dn chapitre zix, tome II, p. 5o8, des
Oiwfrtê de Louis Racine, édition le Ifmmant, 1808), et dans wm Mémoires
^ne 1, p. a6a« des OEmres de iUctae); aux deux endroits» da reste, des
Costeanx n'est point nommé.
aS/i APPBNDICE A MÉLICERTB, ETC.
La UàMiqiam «muubr, qvi ■'■tlribm Iw wi d'astral. . M.
Là, CoMMB, «Mlle et galtate, q« appnad à iûiv 4«
wt Hlk te Œilleu'.
La MèM «at daaa la fakiia da chàtaas aaof de Saist-GarautB.
La première toène est entre Aritte et Silvandre, qui se dcmandr ot
Vvok à Tautre des ans en attendant le bal.
La seeonde scène est de M. Lira, qoi otfn ses sonnets à SU-
▼andre pour la petite comédie qu*il doit &ire.
La troisième scène est d*une mascarade qu*Ariste a fait pr^rrr
pour le bal, composée d*une danse d'Espagnols et d*£spagnol»,
dont une partie danse au son des instruments et Fautre dame ao
chant de deux dialogues.
MASCARADB BSPAGNOLB.
Dbox coHDUCTBuas UB LA MASCAEADB : M. le duc de Saint-AîpiB
et M. Beauchamp.
ESPAGSOLS QUI DAVSKST : LE ROI ;
Monsieur le Grand, le marquis de Villeroi, le mtarqub de Mire-
poix, le marquis de Rassan.
pour catte aatraa; joiqu^à la fia d« jamfiar 1667 , aa lieu de la petite eaariiK
et dea dÎTertiasanienU espagnol et batqae qu'elle prépare, une nmpk daaie àe
cinq Poëtca avait été eiécatée en Itionaeer de CalKppe : Toyea ei-desns, à !<
290iic0t p. i3oet i36. ' ' t * , " . - ' '^ ' * , h ■ ^ ^ H »
I. Sur eat rÎTaux oétèbreS des'côinédieàs ^u' Maît-Royal, Teyei b 1>^
doBoée par M. Y. Fournel en tête de 1*' Tolame de tes ComUmfotmM» if
Molière, p. xxn et soÎTantes, les artîelea de Jal et lea aodfeas dea bèm ?Ma
Ceux-ci ont parlé de la Flenr (qui allait, arant la fin de cette aaaêe i6^<
•neeéder à Peaiploi de Bfontfleary, et mourut en octobre 1674) ^*^ ^
tooie XII, p. ao4 et suivaDtet; de Floridor (le tucceneur de Belleroee et ilar<
près d*acheTer m earnère*), dans leur tome VUI, p. 217 et seiTaBi«;<^
Raymond Poisson (qui mourut en i6go), dans leur tomeTII, p. 34 1 et saÎTaBle*^ ;
enfin de Mlle des OEUIets (qui mourut à quarante-neuf nna, en 1670)* ^'^^
leur tome XI, p. 5a et suivantes. Sur Hantcrocbe, antenr, eomme Pois«">
de plus d*une comédie, royes notre tome III, p. 3S9. ^ Deux antres sdcen
de ]*HAtol, Montflenry et Brécourt, parurent encore, avec Poiaion, étm l>
XX* entrée dn Ballet (toyei ci-aprés, p. aça).
* Il monnitea aoat 167t.
* M. Fournel a sur cet aetear-entoor une noties spéciale, mlms tane U
p. 4o3 et aniTantaa.
BALLBT DES MUSES. «85
EivuiHouE* ' QUI DAVtKVT : HADAHE \
Mai de Moateipan, Urne de Cniwl*, Hlle* de la VilUère M de
brioiou QDi cmumMT ■■ dukist : Joteph de Prado, Aguuin
yiiBoA, SimoD Agiudo, Marco* Garce*.
EwiGioLu QUI attwTBÊT WK DviuiT : Francifca Veion, Haria
de lUan, Maria de ValdM, Jeronima de Olmedo.
EvMiou QOi mvwwT ■» l* utara wr DU ooitâmu : Juan
Nivatro, loieph de Loeûa, Pedro Vat^ei*.
]. Uai Uk du dK da M"->— J— at i» JuU* il'Aa|maH faut iniH du
•«■«UCniMol, pliuurdducd'Uiui CitfwJ <«t uu doaM oae fora* pli»
nfimcliM d« I* proBOBciitioa ordiaùrc,
3. La ''fpf^-1^ll «t BipigBolM noauB^ dau cm trait dtmim p«r«-
giiplM puÙHut aTair eonpo»! I> tiwipa qui Tint dÉbaMr tau »BMii k
Him. pta iprà le mariage du Sol, es joillel iWo, ft qui iuic naifa an iv-
>n dt 11 Itàu (dia u a'ea ntoua* qn'ea 1S73] : TOfaB U chapltn n da
I11 ^ daH k IU4tn JrmMtau hhu LouU XI F par H. Daapoii) al TaMlck
Ir M. £d. fourDW anr fRtf^tgttt »> omiditm >■ rrawa «■ J:^/J> <Uc<>.
[Hiblii diet la Ame rfu froriacti du 1 5 KpUmbra 1 M( [partieaBh^aal
H' itH-Soi) . Il* doasaint leor* reprÉanitatioM 1 l'HAtal de Beargogaa ; sa Tolt
^ b LvKt, et (OM fTlatMtmairttJ4llailemeùtlU*,Bt par Larat>, qa^
iBdiiat le (^ot M la diuc. — D'jprà H. de Puibaaqaa •, lew chef ilnt
■ilMîu da Pnda, l'iu dei plu nBommii eomidieu de l'EqiB|aa 1 1* Lùnl
«w ia, M aTBUt lei aatrat, Jottpt de Pnda : a»<«e k néuM? il HBble
liiia, nalgié eatta difCéraaee da préaom. 8ébtMian de Prado, derean nat,
l<rii1lab(ir(li(Miupan*pi4iiODntoiu'deFraHe,etmoanitprAraeB iSSS'-
"nut e» EipafBa, alla la retira igalammt da thUtre, dit M. de Paihaaqae
I f. tSo] , ■ éponaa Vicaote de Obuedi, mine M daBMnr mumnit, It mmnt
'> 1:°!. Dla aralt éti »f ne, «n i6Sa. xaur da la eoalririt da KoU^Dame -
<1< U Rniiûei. ( — Simon Agnado atril le eiiwbr de U troupe. ^ ■ ' ,
• • Du>eee«ieaip>Maga,ianppartaatl l'aBoéa iMo{tMMlll, p. 4Sa)i
■ U I iniit dei taaiiinmi upacnoli 1 Sainl-Jau da i,ia. La Anna j alloil loea
u.: =,. .. . ■• la fia je m'en lamai. Ul du-
« eouMÎM; il* itubUkteat aa
, — g , iaiaoïant daa ealam
' Tor«ji la JKmi» de Dam Juan, tooio V, p. |3.
' Tbjb le TralmJo iiiiarita tUrt tl arigm T frogrtu» i* U «amaJUr
«' Hiirimitm» m Sipaia.... for D. Cmim Ptllwtr.,.. (Madrid. 1I04).
'" pirtie, ». ija-iSg.
■ Toj«i UUtm, p. U.
a86 APPENDICE A MELICB&TE, ETC.
PMIMBêO DSJLOeO.
yijr/ tpÊit paieito iê Jtmr toê rigoMê!
Y en tanto tormetUo de^mayot^ tmiê loyin/
Camia Fraoeûca Voob'.
Ab diUOtomJiMi^ qme de éssa»
Al matfeligroio lé emra en un dût,
(Canton îodoe loi mismat vertes^,)
SECUNDO DIÀLÛGO.
Cania Suaon Àgnado 4.
Sin amor^ la hermatura
No tiene balor.
Que se aumenian las graeiae
Teniendo aficÙM.
Cnnia Fnndiea Vczon'.
Aum^ fuiera en eue laiùt
Frenderme el Amor^
No eertu nmnea el dmeào ^
De nU eoraeùn,
{Canton tothe iot ndtmoe vertus,)
X. Prmàète iemaam, {PartitUm PkUider.)
A. DaozifliiM finame. [Ibidem,) ^
3. « Toui 1m Espagnols dunfeentlet mêmes ToneU, » tndnît Philito <i^
«a copie de Versailles : d'après les signes de reprise, il est prob^D" ^
reprenaient en masse chaenn des tots longs, et par saite de dsas m
eonrts d*abord diantés par le soliste ; eependant verseU semble enpMpotf
^ot^lets,
4. Le fol. (Partition Pkilidor,)
5. U fol. (Mdem.)
BALLBT DBS HUSB8. 287
UnTATION DU DBOX DIALOOOI* B*PAaaOL«.
piunu DUUMtts.
Maria <l> Anija.
s88 APPBNDICE A MÉLICERTK, ETC.
SIGUE ML PUMEM. DUIOGO.
Caitim Karia de Aaajra *•
Ifo ajr coraeon qme mù Umm el empemù
De haeer dmemo sujro à un diot nino jr eiêgo,
Cmmis Frandsea V«sob*.
De Jmor lot rigoret* dan siempre contente^
Que camsan placeres eue desabrimiemtoe.
(Cantan todat ioi mumoe werêoe,)
SiCVE EL SEGVttDO DULOOO,
Canta SÎBiQik Ag«ado^.
jiumqme temgae mas premdae
Qme em lot etrat «f ,
Si a ^tiererme no ilegae.
Las as de Borrar,
Canta Fmaeitea Ycion'.
O que Heu enojado
Te dexa el desdeni
Sin agradar^ ninguao
Intente fuerer.
ICamtan todos las mismas Pêrsôs,)
u Première fomme. (Partition PkUidar,)
a. Deniiàme femme. (Ibidem,)
3. L*ori(iwil a, par faute, las rigorés\ la première eopie Philidor et le
tome A ont« eomme on a la aa prmnier veri da premier dialogue, /et ri^
gores. Il n*7 aurait d'aîUean pat à tenir grand compte de Philidor, qui n*a
certainement que pea compris et a fort faroaillé et mal ajoitè an notes toot
ce teite espagnol; dans sa copie de Yersailifls, povr laqueUe il arait le Lîpret
sons la main, il a rétabli la fente : las.
4. Le fel. (Partition Philidor.)
5. U fol. (Ibidem.)
BALLET DES MUSES. 289
•Um DU PBBMm DIALOGUE.
Maria da Anaya.
Qae toof les eœan
Craigneiit l'Amour pour mattre.
Que Uhu les eostirs
ÉTÎtent ses rigueurs I
Francîsea Yezon.
11 plaît toa|oiirB, tout cruel qa*il poisse être;
Tout ea est dota josques à ses laagnenn.
•Um DU SBCOHD DIALOGUE.
Simon Aguado.
Ayei, s*il est possible,
Cent fois plus d'appas :
Cest un déCint horrible
Que de n'aimer pas.
Francîsea Yexon.
Une heureuse eoMre
Vient Tons animer :
Si TOUS manques i plaire,
Moqua-tons d'aimer ^.
:. GardeipTons bien d'aimer : toyez an Tcrs 579 du Tartuffe.
MoMjhau TI tg
«90 ' APPENDICE A MÉLICERTB, ETC.
La quatrième scène est du marquU et de la comteMe, qui te
moquent Tun de l'autre .
La cinquième scène ett de la comtetse^ qui, tandis que le marquis
Ta chercher ses gens, lit des Ters qu'elle a faits, qui sont sans me-
sure et qui n'ont point de rime, quoique les mots qui doirent rimer
ne soient'diffërents que par une seule lettre.
La sixième scène est des avis ridicules que le marquis et la com-
tesse donnent à Silvandre sur le sujet de la petite comédie qu'il a
ordre de faire.
La septième et dernière scène est d'une entrée des Basques du
marquis, et de la résolution qu*Ariste fait prendre à SilTandre de
ne point chercher d'autre sujet que celui qui lui est offert par le
hasard dans tout ce qu'il rient de Yoir.
Basqvbs : Monsieur le Grand, M. le marquis de Yilleroi, le
marquis de Hassan, M. de Sourille; MM. Beauchamp, Chicannean,
Farier et la Pierre.
SEPTIEME ENTRÉE ET RÉCIT.
On fait parottre Orphée (fils de cette Muse Calliope), qui, par
les dirers sons de sa lyre, exprimant tantôt une douleur languis-
sante et tantôt un dépit riolent, inspire les mêmes mourements à
ceux qui le suiyent; et, entre autres, une Nymphe*, que le hasard
a fait rencontrer sur l'un des rochers qu'il attire après lui, est tel-
lement transportée par l'effet de cette harmonie, qu'elle découTre,
sans j penser, les secrets de son cceur par cette chanson :
Amour trop indiieret*, deToirtrop rigoareoz.
Je ne Mit lequel de Toas deux
Me eaoM le plus de martjre' :
Mais qae e*est on mal dangerenx
D'aimer et ne le poayoir dira I *
X . Eurydice, d*aprèt la copie de Yersaillet.
a. « Trop indiscret amour », dans la partition Philidor, le musicien ayant
préféré appuyer sur une syllabe plus sonore.
3. Fin de la première reprise, qui est à redire, ainsi que la seconde : dans celle»
ci le dernier vers est à reprendre, et tPaimer y est, la première fois, répété
4. Dans la première partition Philidor, ainsi que dans la copie de Versailles
a été recueilli ce second couplet, que la Nymphe chantait avec des yariations
Le plus heureux amant ressent mille douleurs,
Amour se nourrit de nos pleurs,
Sous ses lois toujours on soupire ;
Mais c*est le plus grand des malheurs
D*aimer quand on ne le peut dire.
BALLET DES MUSES. «91
Oira^ : H. de Lnlli'.
' Nymtki : Mlle Hilaire*.
Hoir Tnucnn : HM. Dn-Ain V^ai, Dm-AÏt* Galand, NoU«t
l'ainé, FêJter, Saint-André, Deaoneti, Bonard et Foignac.
HUrnÈUE ENTRÉE.
Ponr Érato, qne fan înToqne paiticnlîiRmeiit en anonr, on a
tiri «U amantt de doi ronum la phu famnu. Gamme Tbéafinc
et CaricUe, Mandaue et Cjmi, Poleiandic cl Alcidiane*.
noa ÀMAim et tbois ahantis.
Amuti : Cjmi, LE ROI ;
PeUxaitJn, le manjoU de VîUeroi; rUn^ibie, U, Beanchamp.
A>*mi : Maniiaiu^ H. Rajnal; Alâdiaiu, le marquU de Hirc-
poix; C«rUUe, le ûenr la Pierre.
Pour H. de LdIIj, OrptA; :
Cet Orfht» m la godl Irèi-délieil M fiai
Cnt ronowntdu liicle, et* a'cM rim qall a'tttïn.
Soit honoMa, ■aimiaii, boi« et fochen eofia,
Da BB ■/InrfimiT de n dumuite Ijn.
ÙTcnt pu 1 pu.
Ob'!! Mt cTselleBeDl btigni pir Im bilf.
1* HOiire itaït ilH« i LuQj, étiat I> Unie nutenell* de u remme.
sgÊDg et Chirirlre s'éuiimt p» prccuimeat du tgarct pt'ua i'aa de
iDi. Hais Aeijot iTait popularisé VHUtoîrt mtkiopi^Mt de Meltwionu^
r iix livrât traitant Jet iojralu et pudiqnet amourt de Tivagènee,
Tieteaiien et Cliariclea ^liiopiiwu^ \ traduite d'abord par lui en i5j7, puii
fenw en l559, eUe fui pluaieara fait r£iaiprimëe. — Les p«raoaaaget de Maa-
dase M da Cjroa rappelaient le romiD de Mlle de Scudérj; eeui de Polcuodra
et d'AIôdiaoe, le roman aoD moLu célèbre de Gomberrllle'.
a Tel eat bien le teite du Linret. et il eat aian teali daai Ici OBurrei de
BlaeteraJi (1697, tone II, p. 366).
* Titra, d'aprèa Courier,(le l'édilion de iSSq, reproduite par lui ca iSll.
• Le Polemmlre (1610-1637} aaait caaunen» 1 charinsr aea nambreu lec-
teur* niM TliigtaiaairanneeaaTBntrîaipreniond'.^umJneou le Grand Cjrriii ;
il T en aTait une eoatiouation. Bon tenBlnia, la Jemte Alcidiane, poUiôa
■■ 16S1.
«9» APPENDICE A MELICERTE, ETC.
NEUVIÈME ENTRÉE.
Pour Polymnie, de qui le pouToir •Mtend sur TÉloquence et la
Dialecti^e, trois philosophes grecs et denx orateurs romains sont
représentés en ridicule par des comédiens françois et italiens, anx—
queb on a laissé la libôté de composer leurs rôles.
ORATBUR8 LATIK8 BT PHILOSOPHES GRBC8.
oEATinas LATnrs. philosophas oaxcs.
CUéron. Arlequin. Démoerite. Montfleury.
Hortencê^. Scaramouche. Heraclite, Poisson.
Sénateur, Valerio*. Le Cynique, Brécourt*.
DIXIÈME ENTRÉE.
Pour Terpsîchore, à qui Tinrention des chants et des danses
rustiques est attribuée, on fait danser quatre Faunes et quatre
femmes sauvages, qui, pliant en diverses façons des branches d^ar-
bre, en font mille tours différents ; et leur danse est agréablement
interrompue par la voix d^un jeune Satyre :
aicrr nu sattsx.
Le MMii de goAlar la vie
Ett^ id Botra emploi :
Ghacan y toit toii envie \
Cest notre uniqae loi.
L'Amour tonjoan noof inipire
Ce qtt*il a de pliu doux :
Ce n*e9t jamais qae pour rire
Qa*OQ aime parmi noiu,
I. On reconnaît le nom franeiai d^Hortenaiiu.
a. Les comédiens italiens désignés id par le nom de leur emploi étaient
les deux eélébres Dominique Biancolelli (qui joua en France de 1661 à 1688), et
Tiberio Fiorilli (connu depuis la fin du règne de Louis XIII et qui ne moumt
qu'à la fin de 1694*)* piûs Giadnto Bendinelli (venu arec Dominique, eomme
snceêsaeur de Tamoureux Horatio, mais peu connu, et qui doTsit mourir dès
mars 1668 ^). — La comédie italienne n'était pas, eomme Tespagnole, établie à
l'Hôtel de Bourgogne, mais au Palals-Rojal.
3. Sur Montfleury, vojex notre tome 111, p. 38o et 38 1 . — On a vu d-dessns,
p. a84. Poisson remplir un premier rôle dans le Ballet. — Bréeonrt était on
transfuge du Palais-Royal; il avait passé à l'Hôtd de Bourgogne en 16649 six
mois aprèa avoir figuré, conmieon s'en sonvient, daBsr/jnprompfs de F'ersaiiiee,
4. Fait. {Partition Pkilidor.)
• Yoyei tome Y, note i de la page 335.
* Voyei son aitide dans le Dictionnaire de Jal,
BALLET DES MUSES. %^
Satyrt ; H. le Groi.
Quatre FauMtt ; H. DoIÏTct, !«• tienn Sunt-AadH, Noblet V^ni
et I>e*-\ir« GaUnd.
Quatre ftmmet taufagtt t Le« ueuTf BonaH, Detoneu, PaTÏer M
Foîfjnac,
ONZIÈME ENTRÉE.
\jt% neuf Miue* et le« neuf fille* de Piëruf dantent i l'enri, tan-
tAC •^par^mcnt et tantAt eiuemble, chacune de ca deux tronpei
aspizant arec mbae ardeur à triompher de celte qui lui en oppoiée.
Pinniu : MADAME;
Sfjoe de Monleipan, Mme de Conol , Mlle de la Vallière,
Mlle de Tomù, Mlle de la Mothe, Mlle de Fienne*, Mme de
Lndre*, Mlle de Bnneai.
Hncu : Hmet de Villeqnier, de Hocbefort, de la Valliïre*, dn
PlcHÎt, d'Endiconrt ; Mlle* d'Arquîen, de LongueTal, de Coétlo-
gon, de la Marc,
DOUZIÈME ENTRÉE.
Troi* Nymphei, qu'elle* avoienl choiiie* pour juge* de leur
di^nte, Tiennent pour la terminer par leur jugement.
Tbou Ntkpbu mot* du comut ; LE ROI ;
Le marqnii de Villeroi, et M. Beanchamp.
TREIZIÈME ET DERNIÈRE < ENTR^.
Haï* le* PiMde* condamna ne Toulant pa* c&ler et recom*
UcoçaDt la conteitation avec plu* d'aigrenr qu'auparavant, forcent
Jnpitcr à punir leur iniolenoe en le* changeant en oiteaux.
Jopma : Mooiieur le Grand.
I. Madamm^ par iod titre de chinainM**,
a. La mirqDÛa de li ViUièn,
paliù de b ReiiM.
3. Cctu iadieatîaa i» Jtrtùir* an Ttttt U diai 1h iwpriwicM da Unat
origlul, même aprn qn'fat hÀ •joMJ l'intlloU d'one qnaMrnènw otii*.
194 APPENDICE A MÉLICERTE, ETC.
QUATORZIÈME ENTRÉES
Après tant de nations diffërentet que les Muses ont fait parottre
dans les assemblages divers dont elles aroient composé le diver-
tissement qu^elles donnent au Roi, il manquoit à faire voir des Turcs
et des Maures, et c^est ce qu*elles sVvisent de faire dans cette der-
nière entrée, où elles mêlent une petite comédie pour donner lieu
aux beautés de la musique et de la danse, par où elles veulent finir.
COMÉDIE.
PERSONNAGES.
DOM PÉDRE, gentilhomme ncilien. Mouàsi.
ADRÀSTE, gentilhomme françoia. La Granob.
ISIDORE , esdave grecque. M^^ de Ban.
ZAÏDE*, eaeb?e. M"« Mouàaa.
H ALY , Tore, esdave d*Aciraste. La TioanxiàsK.
BfAonraAT sic^jair. Du CaoïsT.
SCÈNE PREMIERE.
Haly amène trois musiciens turcs, par Tordre de son maître, pour
doimer une sérénade.
Les trois musiciens sont : MM. Blondel, Gaye et Noblet.
SCÈNE II.
Adraste demande les trois musiciens, et pour obliger Isidore à
mettre la tète à la fenêtre, leur fait chanter entre eux une scène
de comédie.
I. Pour cette dernière partie da Programme, qui contient Tanalyte du 5i-
eilUm et donne sur la distribution des rôles et la mise en scène de la comédie
d'intéressants renseignements, Toyez la Notice de Mélieerte^ p. i3a. L*impres-
sion de ces pages supplémentaires ne précéda sans doute que de peu la pre-
mière repr^ntation donnée le 14 féTrier 1667.
a. Le nom de ce personnage a été changé en celui de Climèney lors de l*im*
pression de la pièce : voyes ci- dessus, p. a3i, note 3.
BALLET DBS MUSBS. 99S
•Gà>B DB GOMiDn CHAHTIB* :
■LOXDIL, reprctentant le berger Filine.
Si da triste récit , etc.
OATB, le berger Tircit.
Les oiieaaz réjouis, etc.
•loudel.
Ah ! mon cher Tircis.
Que je sens de peine!
Qae j*ai de soncis !
Toujoori soarde à mes Toraz est Tingnite Climcne.
BLOHDIL.
* Qoris n'a point pour moi de r^ards adoucis.
OATB et BLomiKL chantent ensemble :
O loi trop inhumaine, etc.
HOBLiT, beiger, les interrompt t
PauTres amants, etc.
BLOWDIL et OATB répondent ensemble i
Henreuz, bélas! etc.
SCÈNE IIP.
Dom Pèdre sort en robe de chambre, dans robccuritë, pour tâ-
cher de connoitre qui donne la sérénade.
SCÈNE IV.
Haly promet à son maître de trourer quelque inrention pour
fiiire sâToir à Isidore Tamour qu*on a pour elle.
SCÈNE V.
Isidore se plaint à Dom Pèdre du soin qu'il prend de la mener
partout arec lui.
1. Cette scène chantée est derenoe, lors de l'impression de la pièce, la troi-
sième. — Nous ne reproduisons que le premier Ters des couplets donnée dans
le Livret^lei Tariantes ayant été rdevées au bas du teste de la comédie.
9. Les scènes dont l'analyse suit, sons les noméros m, iv et T, sont les
iv*9 y* et Ti* de la pièce imprimée.
%g6 APPENDIGB A MÉLIGERTE, ETC.
SCÈNE VI «.
Haly, t&chant de dëcouTrir à Isidore la pasiîon de son maître^
se sert adroitement de cinq esclaret turcs, dont un chante et les
quatre autres dansent, les proposant à Dom Pèdre comme etclaret
agréables, et capables de lui donner du dirertissement.
L*esclaTe turc qui chante, c'est le sieur Gaye.
Les quatre escUres turcs qui dansent sont : M. le Ptcttre, les
sieurs Chicaneau, Mayeu et Pesan.
L'esclave turc musicien chante d*abord ces paroles par les-
quelles il prétend exprimer la passion d'Adraste, et la faire con-
noître à Isidore, en présence même de Dom Pèdre :
D*im ccBor ardent, etc.
L*esclave turc, après aroir chanté, craignant que Dom Pèdre ne
Tienne à comprendre le sens de ce qu*il vient de dire, et à s'a-
percevoir de sa fourberie, se tourne entièrement vers Dom Pèdce,
et, pour Tamuser, lui chante, en langage franc, ces paroles :
Ckirihirida homeka la, etc.
Ensuite de quoi, les quatre autres esclaves turcs dansent, puis le
musicien esclave recommence :
Ckirihirida hou^a la^ etc.^
lequel, persuadé que Dom Pèdre ne soupçonne rien, chante en-
core ces paroles, qui s'adressent à Isidore :
C*eit on tiq»pUee, ete.
Aussitôt qu'il a chanté, craignant toujours que Dom Pèdre ne
s'aperçoive de quelque chose, il recommence :
Chiribiri^ hùueka la^ ete.
Puis les quatre esclaves redansant, enfin Dom Pèdre venant à s'A-
percevoir de la fourberie, chante à son tour ces paroles :
Sarei-Toas, met drôles, ete.
SCÈNE VII».
Haly rend compte à son maître de ce qu'il a fidt, et son maître
lui fait confidence de l'invention qu'il a trouvée.
SCÈNE VIII».
Àdrasfe va chez Dom Pèdre pour peindre Isidore.
t. Uanalyie qui soit se rapporte aox ieènet vn et Tm de la pièee.
a. Seène iz de la pièee. — 3. Scènes x et sa de la pièce.
BALLET DES HUSES.
VMy, àigmat en cavalier licilien *, 'rient demander contât k
Don Pèdre rar nne affiure d'honneur.
SCÈNE X.
lûdore loue à Dom Pèdre le* muiiire* cirilet d'Aditite.
SCÈNE XIII*.
Dom Pèdre remet lùdore entre le* nuûni d'&dnute ntu le
TMle de Zafde.
SCÈNE IIV*.
Zalde reproche à Dom Pèdre n jalcnuie, et lui dit qu'Iùdore
n'ect plm en ton poncoir.
SCÈNE XV ET DERNIÈRES
Dom Pèdre tb faire lei plainte* à on magiltrat ùcilten, qni M
l'entretient que d'une mucarade de Maure*, <|nî finît la comédie
et tant le ballet.
r* de II F
aiulU
MiBii iB ciTaho' «•{iiiae
3. La Cliiata* d* U pi
4. Td oft la teU* d* 1
5. SÙBU m *t XTB
6. Sa» zTia d* ta pi
ityS APPENDICE A MÉLICERTE, ETC.
Cette mascarade est composée de plusieurs sortes de Maures.
Maures et Mauresques de qualité:
Lb Roi, Monsieur le Grand, les marquis de Villeroy et de Hassan.
Madâmb, Mlle de la Vallière, Mme de Rochefort,
et Mlle de Brancas.
Maures nus:
M. Coquet, M. de Sourille, MM. Beauchamp, Noblet, Chicaneau,
la Piore, Parier, et Des-Airs Galand.
Maures à capot ^ :
MM. la Marre, du Peu, Amald, Vagnart, et Bonard. *
I. Portant de petitM capes, des manteaux à eapaehon. La Satyre Ménippie
(p. 114 de rédition Labitte) habille malicieosement êon député pour la no-
blesse de France « d*un petit capot à Tetpagnole et one hante fraiae. »
a. La mnsiqae dn Ballet des Muses remplit nn des yolomet de la eoUeetion
Pfailidor, le n* 94* Ce Tolnme, par les eorrectionf et notes qu'on 7 remarque
«t qoi ont dû 7 être ajoutées, sinon de la main de Lully, du moins sur ses
Indieations et probablement en Tue des premières représentations, en tout caa
du Tirant de Molière •, est assurément un des plus précieu. Une note constate,
au haut de la première page, qu'il a été «lacéré au commencement et à la fin; »
mais il est aisé de s'assurer qu'il n'a guère perdu que deux on trois £euil-
lets, demeurés blancs solvant toute apparence : la copie de la partition se
trouTC encore intacte et complète dans les 104 psg«s qui restent. Un feuillet
préliminaire porte ce titre : « Ballet des Muses^ dansé derant le Roi à Saint-Ger-
main-en-Laye en 1666, fait par M. de Lully, surintendant de la musique de la
Chambre. » Sur la page i a été appliquée l'étiquette ordinaire, datée de 170a,
des livres appartenant à Philidor. L'œuvre de Lully se compose des morceaux
•oivants * :
Avant le Dialogue d'introduction, une Ouverture instrumentale. — Pour le
DULOOUS DB MHSMOSTifB ET DIS Musas : I* uu premier récit ou air de Mni*
mosjrne (accompagné d'une basse chiffrée], auquel répond une première fois
le CAceacrdea Muses *; celui-ci est à quatre parties, accompagnées de cinq par-
ties de violons et d'une basse chiffrée ; les deux premiers vers des Muses sont
dits par quatre voix de solistes probablement (il y a un accompagnement de
basse chiffrée), puis repris à quatre parties, mais par tout le chosur sans doute
• On en a pu juger par l'addition citée ci-dessus, au Sicilien^ p. a54t
note I ; nous donnons les principales de ces annotations rapides : voyez ci-
après, à la IIl*^ à la iy% à la VU* entrée.
^ Ceux qu'exécutaient l'orc
qu'exécutaient l'orchestre, les airs de danse, sont généralement écrits
à cinq parties d'instruments à cordes (on disait de violons] ; pour l'accomiia-
gnement do chant, une basse simple d'ordinaire, quelquefois une basse chiffrée
est donnée : c'était à l'archet de la basse de viole de raccentuer, au téori>e et
au clavecin de compléter l'harmonie (voyex le Bourgeois gentilhomme ^ acte II,
scèae i).
" Et des Arts : ils étaient, d'après le Livret^ représentés, entre autres, par
d'Estival, Blondcl, Gaye ; ces virtuoses ne poirvaient être là en figurants.
BALL£T DES MUSES. 299
■vee un aeeonpagncnMBt àt toat rorehastre s les deaz rw talTanti lont dîu
une première fob par la Imsm leule, accon^agnée de deux parties hautes de
TÎoIon et d'une basse ehitfirée, et encore repris en dusar avee tons les instm-
ments ; a* on second air de Mnèmosjrne, après lequel rerient Tensemble qui a
succédé au premier air. — A la I'* ENTRÉE, un air de danse pour Us sept Pla^
nèus. — A la II'* ENTRÉE, un air de danse pour Pjramê et Tkishi,
A la m* ENTRÉE, celle de la Pastorale comique, Sdin u : i* un air de
danse, intitulé Première entrée^ pour les MagieisHs ; a* un premier trio (pour
haute-contre, uille et basse) de trois Sorcières: « Déesse des appas... >, arant . /
U répétition duquel Tient un solo de basse chanté par Tune d'elles : « O toi ! *^
qui peux rendre agréables... > ; 3** un second air de danse, intitulé Seconde ^
entrée (et la Chaeonne des Magiciens dans Tautre copie qui est à Versailles) ;
4* un second trio de trois Sorcières^ dont les doubles paroles sont écrites les
unes sons les autres dans les portées : « Ahl qu'il est beau,» et «Qu'il est joli.» — >
Sdknm ux : i* une Ritournelle ^ à deux reprises, de deux parties hautes (de
violon sans doute) et d'une basse (qui devait soutenir les accords d'un davo-
cin] ; elle précède un air de basse pour Filène : « Paisses, chères brri>is... » ;
2* le dialogue de Pilène et de Ljeas (Molière) : « Est-ce toi que j'entends ? »
encadrant deux airs de Filène : « Iris charme mon âme, » et « Je t'étranglerai,
mangerai » : une simple basse est écrite pour l'accompagnement du dialogue
et du second air ; le compositeur y a ajouté deux parties de violon pour le
couplet d*/m et la courte réponse qu'y fait Lycas. •— Scânx rn : deux courts
récitatifs de Filène. — • Scàirx yiii : un air de danse pour les Paysans com"
battras avec des bâtons •. — Scinx xu : un air i deux reprises, accompagné
d'une simple basse pour Filène : « N'attendex pas qu'ici.... » — Scànx zm :
un dialogue où Filène seul chante, ou Lycas parle, mais où la basse d'accom-
pagnement, très-expressive, donne en quelque sorte pour luila réplique musicale
(voyes ci-dessus, p. 198, note 3). — Scàarx xxy : uoe Ritournelle de deux
violons probablement et d'une basse (non chiffirée), et un air de ténor, accom-
pagné d'une simple basse, pour un Berger enjoué, <— Entre les sGàxKS xiv et xt,
un air de danse, à deux reprises ^, pour les Paysans réconciliés, •— ScAnx xt
xr DXRmàxi : 1* un premier air, noté à la clef des hautes-contre et accom-
pagné d'une simple basse, pour une Égyptienne : « D'un pauvre eaur... »;
a* ce même air repris en air de danse par l'orchestre : les cinq parties ordi-
naires sont seules écrites; mais il est certain, d'après le Livret (ci-dessus, p. ao3),
que douxe danseurs, conduits par Lully en personne, mêlaient à la symphonie
des violons les notes pincées des guitares et le bruit des castagnettes et des
nacaires : œs Instruments avaient pu donner aussi un caractère plus particulier
à l'accompagnement du chant ; 3* un second air de haute-contre : « Croyei*
moi, hâtons-nous, ma Sylvie », redit, comme le précédent, par l'orchestre en
deuxième air de danse pour les Bohémiens. Ainsi se terminait la Pastorale
comique d'après la première copie PhUidor \ l'autre de lui, qui est à Versailles,
' Les mots comhatans auee des battons (sic) ont été ajoutés par la seconde
main qui a corrigé et annoté divers passages de cette copie de la partition. —
h*nrdet Paysans réconciliés (scène ix) paraît avoir été déplacé : voyex ci-après,
«ntre les scènes xxt et xt, et ci-dessus, p. 197, note 7, et p. aoi, note 3.
* Placé probablement ici par erreur : voyez ci-dessus, p. aoi, note 3.
/.*-■/ I ' • c
^ \.
I
■
1 *
3oo APPENDICE A MÉLIGERTE, ETC.
Manille bim indiquer que les leeoiidee paroles : « Fie clierdioBt tous les
jonrt... a, se chantaient encore, et non immédiatement après les premières,
mais après que la mélodie de la chanson joaée par Tordiestre arait, nne pre-
mière fois, accompagné les danseurs ; ce second couplet derait nécessairement
- ramener j pour finir, la reprise de rorchestre et de la danse.
▲ la rv* ENTRÉE : x* on air de danse, h deux reprises Joaé par Forchestre
pour iês Bergers et Bergèreeg puis ce même air, sous le titre de Chaur^ chanté
deux fois sur les paroles de la première chanson en deux couplets, de telle sorte
qne chaque reprise était dite, au i** couplet d*abord par un chanteur seul
(une haute-contre), avec un accompagnement de basse chifCrée, puis par le
chœur (à quatre parties) accompagné des cinq parties instrumentales, et au
a' couplet par deux chanteurs (haute-contrs et basse) d*abord, par le cfaosnr
ensuite; a* un air à trois reprises, accompagné de même, pour la seconde
chanson en deux couplets, également diantée altematiTement par nne roix
seule et par le chœur, mais en rondeau, le diorar après chacune des reprises
ramenant toujours la premiàe ; entre les deux couplets le rondeau était encore
joué par les violons r au bas de ce moreeau d*orehestre rapidement écrit en
addition, on lit ces mots, auxquels nous conserrons, ainsi qu*à nne citation
suiTante, leur étrange orthographe : « A prais Tair de violons Ion reprana le
eœnr a Tecque les segond paroUe il fait senite sous la basses continfle » [ces
secondes paroles sont écrites au-dessous de cette basse), — À la V* ENTRÉE :
I* une Marche des Grecs à cinq parties et nne de tambour ; a* une Marche des
Indiens instrumentée de même; 3* nn moreeau d*orchestre pour le Grand
combat, — A la Vl* ENTRÉE. Disur : nn morceau d*orchestre intitulé Us
Poitesy accompagnant peut-être l'entrée primitire des Poètes conservée, on
une entrée nourelle des acteurs de l*II6td de Bourgogne. — Mascaiaok iita-
OKOLX (scène m) : i* un menuet pour orchestre, intitulé les Espagnols, accom-
pagnant sans doute rentrée du Roi et de sa suite ; a* la mélodie du premier
dialogue espagnol ; elle est la même pour les deux premiers vers et pour les
deux snirants; puis la mélodie du second dialogue, dite avec les quatre premiers
vers et redite avec les quatre suivants ; la basse de ces mélodies a été ajoutée
au bas de la page : on voit par le Livret que les harpes et guitares entraient
a nui en jeu ; 3* un Second air des Espagnols, air de danse pour orchestre;
4* les mélodies qui viennent d'être mentionnées à a*, récrites sons de se-
condes parole», sous les Suites de l*un et de Tautre Dialogue; pour la danse
finale de la mascarade, les instruments reprenaient le second air des Espagnols.
— vzx* ET Dxnioànx sciin : i* un air de danse intitulé les Basques s a* on autre
intitulé Canaries, — A la VII* ENTRÉE : i* sous le titre de RiHt d'Orphée^ on
intéressant dialogue de la tonte-puissante 1 jre dont parle le Livret, c'estF>à-dire
du riolon d*Orpbée-Lnllj, avec l'orchestre ; a* un duo du même violon avee
la Njrmphe-Hilaire ; une basse chififrée indique qu'un davecinîste les accom-
pagnait ; à la suite du premier couplet de la chanson, on lit cette note, oft
l'écriture du mot Ifjrmpke semble bien trahir nne prononciation italienne x
« Ion reioux pour la segonde fois le Concert d'Orphée et puis la Nlmphée
chante Le segond Couplait doubles {i^est^-diré varié) on le trouuera a la fin
du Unie au feuliet 104 » : le couplet en variations, en partie écrit par la main
pressée qui a par-ci pai^U laissé sa tnce, termine en eŒst le volume PUlidor;
BALLET DES MUSES. loi
3* on air de êamm poar Orpkiê 4i kmt Tkraeiêng:ljûijy bonda]iMar,d«stiiult
•es pu tout «n oontinnaat à joasr ana partie prineipile et à broder det JUmbUê
sur «on yiolon (eela parait Indiqué par la copie de Veraaillet). — À la
Vni* ENTRÉE : i* on air de danse pour Trois AmanU «t trois Amantes i
a* an autre, on Bflndsam pour le Roi, — A la IX* ENTRÉE (la X* du Livret») :
1* on air de danse pour les Faunes et femmes rustiques i a* un récit pour le
Satyre ; les Tiolons en répétaient les deux couplets pour les Faunes et Sau-
pages. — A la X* ENTRÉE (la XI* du Livret) : un air de danse pour /«« Muses
et Piérides i à la XI* ENTRÉE (la XII* du Livret) : i* une danse pour les
Nymphes,' a* une autre pour les mêmes, — A la DERNIÈRE ENlîlÉE (la
Xin* du Livret) : on air de danse pour Jupiter»
A la XIV* ENTRÉE, celle du Sieilieu, Peimiir ooucut (scène m) : i* nne
Ritournelle de deux TÎolons, avee aeeompagnement d*une simple basse ; puis
nn air de ténor, accompagné de même, pour FiUne : • Si du triste récit... » ;
9* une semblable Ritoomelle, mais nn peu plus longue, suivie d*un air pour
Tireis^\ 3* un Dialogue^ accompagné d'une simple basse, de Tirais et de
FiUnes 4* un abr de baute-eontre, accompagné de même, pour le pAtre in-
souciant; il 7 en a un double (Pair est yarié] an second couplet : « On Toit
cent belles... »; 5* la phrase dite en duo par Tircis et Filène et qui termine
la scène : « Heureux, hélas 1... » (Toyes sur ce i" concert, p. a38, au milieu de
la note i). -^ Siooiid gohcirt (scène Txn : Toyei les notes des pages aSa et
soÎTantes] : x* un air de danse, à deux reprises, pour les Esclaves g cette danse
des esclsTes (nne note citée à la page a54 Tindique) s'exécutait encore denx
fgÂM ! après le i*'et après le a' couplet de la chanson qui Ta être mentionnée ; ua
deuxième air des Esclaves , indiqué dans la partition, mais sans doute ajouté sur
nne feuille Tolante, actuellement perdue, prolongeait et variait ces trois danses ;
a* la chanson amoureuse, en deux couplets, terminée par le refrain Chiribiri'
dag deux dessus de violon ont été ajoutés pour ce refirain à la basse ordinaire
d'accompagnement ; une particularité curieuse du manuscrit est ici à noter :
les paroles des deux couplets ont été écrites sons une même portée ; le refrain
ne Ta naturdlement été qu'une fois ; mais sons ce Chiribirida on avait d'abord
vonln placer le quatrain de Molière : « Sevex*vons, mes drôles...»; puis,
comme il ne s'adaptait pas bien aux notes, on l'a effacé, et une main anssi s4re
que leste a jeté et serré, en fins petits caractères, sur des portées improvisées,
le long de la marge de la page suivante (lOi), déjà remplie, tout le quatrain
fran^is et la parodie franque, mélodie, paroles et basse ; ce n'est pas là nn
£nre de copiste, on y reconnaîtrait peut-être plutôt le compositeur lui-
même «.—DivxaTZiaiifiaT nvAi. (scène dernière) : i* un air de danse, h denx
reprises, pour les Maures ; a* on antre abr, à deux reprises, pour les mimes.
e La IX* dn Livret ne prêtait sans doute ni à la musique ni à la danse régu-
lière, mais seulement aux gambades italiennes.
* La partie de Gaye est notée ici à la clef des ténors ; elle l*eat et devait
Pêtre i la clef des basses, au second concert (scène Tin).
« An haut de la page est Pindication citée ci-dessus, p. a54« note i : « On
rqoue... •, et, précédant l'addition de la marge, Tindication citée, p. a55»
note I : « Le seignor Dom Pèdre les mena^ntf » {sie)„„
iwk APPENDICE A MÉLIGERTE, ETC.
Li BSUiothèqae de Venaillet ■ tuM leeonde et fort belle copie d SslUt Jes
Muêet « reetteiDi par Phflidor le père, ordinaire de la Muiqne da Roi
et garde de sa Bibliothèque de mosiqae, Tan 1719; • maie cette froide
mite an net, sans doute fort intéressante pour les mosielens, nous a paru Vittn
beaaeoap moûu ponr les éditeurs de Molière, le calligrapbe, an lieu de se eon-
Conner à la première copte directement prise des manuscrits originaux, s*étaiit
beaucoup aidé des indications du Livret*,
Il 7 a peu à tirer aussi du tome VI et du tome A des deux recueils de Ballets
de Lully qui sont à la Bibliothèque nationale ; la partition est là incomplète ;
dans le tome A, des morceaux étrangers y ont été intercalés, par exemple
(p. 409) 1* chanson de la Galanterie (personnage représenté par Mlle Hilairej
Tannée suirante 1668, dans la mascarade royale du Carnaval) ^.
• Les ScreUreê^ à la scène n de la PattoraU eomifue^ sont dcTenues les
Magieteiu du Livret (royet ci-dessus, note 9 de la page 191)$ Philidor a
reproduit jusqu'aux fiiutes de Tespagnol imprimé (Toyes a-dessus, à la YI* en-
trée, p. aSS et note 3).
* La chanson que M. Wekerlin a donnée dans son édition du Bourgeois
gentilhomme de Lully (p. 3a].
APPENDICE AU SICILIEN.
NOTB sua UNS BilMPUSSION DE LA PliCBy DE 1668.
Duu l*lmpretnoii mentionnée à la fin de U Noiicâ da SieUîen^ P'S^ ^^>
comme étant probablement one eontrefaçon^ faite en proTÎnce, tous le non»
d*on libraire de Paris, Nieolas PêfingU (ûc), < à la grand* Salle da Palais*, »
se troQ^ent, en tête, après le feoillet de titre, cinq pages liminaires, non cliif»
fréet, intitulées Sujit ob là Fiici, et contenant des obserrations sur la manière
dont quelques scènes de la pièce doivent être jouées. Cette sorte d'ayant{»ropos
paraît être une instruction pour les comédiens de proTÎnce et de Tétranger.
Sa date nous semble la rendre assez intéressante pour être donnée ici en
appendice an Sicilien,
Nous TsTons d*abord connue par un exemplaire de ce curieux Tolume qoi
aTait été communiqué à M. Eud. Soulié par M. Gariel, conserrateur de la
BibUotfaèque de Grenoble, è qui nous dcTons aussi le Progrtunme'Annonee du
Dom Juan^ publié dans notre tome Y, p. a56-a5g. Nous possédons mainte-
nant nou»-mémes un exemplaire qui nous a été donné par M. L. Potier, ancien
libraire, si émdit en tout ce qui touche à la bibliographie, et que plusieurs fois
déjè nous STons eu è remercier de son obligeance. Nous n*en ayons, jusqu'ici,
nulle part trouvé d*autre.
I. Dans le fleuron du titre se lisent les mots : « Sur l'imprimé» »
9. On ne peut pas douter, ce semble, que ce nom de Pêpinglé, arec le
prénom et l'adresse qui raccompagnent, soit la reproduction défigurée de
celui de N. ou Nicolas Pepinguè^à la gratuT Salle du Palais, que nous STons en
à mentionner au tome J^ p. 317, et qui se rencontre fréquemment dans les
registres des Privilèges conservés è la Bibliothèque nationale, notamment aux
folios 3o, 3a, 36, 46, 70 du Ms. Fr. ai 945, qui va de i63o è 1673. Toutefois
nous devons faire observer que l'altération d'u en / se retrouve aux feuillets
de titre de deux autres pièces : la Vemfve à la mode (n* 5i5 de la Bibliogra^
phie molièresquey et n» 1 7, p. i56 de la^^ année du Molièriste)^ et nue édition
des FoMAeu» (n* i3, p. 14, même année, du Moliétisté), On se demande si
le contrefacteur défigurait ainsi le mot à dessein, ou si c'était une manière de
prononciation, faatîve, mais usitée : le nom semblerait y innter.
3o4 APPENDICE
I* SOJgr DE Là PlàCE
{Inttruetioiu €u$x eaméJUiu),
U faut obterrer, dans la première loène, qu'Hali se poste deTant
la porte de D. Pèdre, qui est au côté droit du théâtre ; et qu'en la
•eâie deuxième, Adrastesort du côté gauche, précédé de deux flam>
beaux, que portent ses deux laquab, dont Tun se met à droit du
théâtre et Vautre k gauche ; que Ton ne chante point dans la trobième
•cène, et que Ton danse seulement une entrée de ballet; ce qui &it
qu*il faut la retrancher, et qu*Adraste, après [aroir] dit ces mots :
c J*y consens, Toyons ce que c'est, a laisse aller Hali, et puis' le
rappelle ainsi, quand il est à trois ou quatre pas de lui, et lui dit :
c Chut 1 je trouTe qu'il Tant mieux que l'on commence par nos
liolons, afin de faire plus de bruit; toi, mets-toi contre cette
porte, afin que, si tu entends remuer dans le logis, je fasse éteindre
les flambeaux, a Et quand les violons ont joué un air des plus nou-
Teaux et que l'on a dansé une entrée, Hali rient avertir son maître
par ces mots : « Monsieur, je riens d'ouïr quelque bruit au de-
dans, a Dans la quatrième scène, D. Pèdre sort de la porte, et s'en va
reposer* derrière le dos d'Adraste dans le moment qu'il appelle
Hali, lequel étant près de lui, D. Pèdre se met entre eux deux,
toutefois plus en arrière ; et quand Hali a dit qu'il Toudroit bien
tenir le Sicilien pour le battre et pour se venger de lui, il quitte
Âdiaste, et va à tâton (sic) jusqu'à la porte, et cependant Adraste
continue près du Sicilien, comme s'il parloit à lui (à Hali)^ et dans le
moment qu'il est averti que la porte est ouverte, D. Pèdre j retourne,
et se met au milieu d'icelle, si bien qu'Hali et lui s'étant longtemps
tâté le visage et la tète, D. Pèdre donne un soufflet à Hali, qui lui
rend', comme il est marqué*. En suite de la rodomontade du Sici-
lien, qui appelle ses gens, Adraste tire l'épée comme pour se défen-
dre, cependant qu'Hali se cache. Dans la septième scène, Hali ûdt
plusieurs révérences, tantôt rers D. Pèdre et tantôt près d'Isidore,
et se tourne vers icelle toutes les fois qu'il dit : « avec la permission
de la Signore; » ensuite il chante le premier couplet' du françoia
I. Noos avoni dit id mie légère eorreetion ; le texte noiu ■ ptm fautif, il
p<»te : « et qu*Adr«tte dit après ees mots : « J*j consens, voyons ce qne
« o*est; » il laisse aller Hali, et puis.... »
a. lises : « s*en ra se poser om se placer ».
3. Suivant on usage asseï ordinaire da temps pour : « qui le loi lead* >
4* Marqué, comme jen de scène, dans la pièce imprimée.
5» Dans le teite, complet \ mais complet est trois lignes plos loin.
AU SICILIEN. 3o5
«tce qui suit, MToir Tautre jargon ; et après que Ton a dansé il
dit : « Chiribirida » tout seul, puis l*on redanse encore, et pour-
suit, et finit à la fin Tautre couplet et le même a Chiribirida », jus-
qu'à ce qu^il est chassé arec ses danseurs. Dans Tonzième scène,
Adraste baise Isidore en la saluant, ce qui oblige D. Pèdre à lui
dire qu*on ne salue point leurs femmes ainsi ; et quand Adraste
dit: «Allons, apportez tout, » ses deux laquais apportent le châssis
à peindre et le soutien', arec la palette où sont les couleurs*,
et des pinceaux. Il faut observer que le châssis est de couleur
blanche, qu*ii y a un risage représentant Tactrice, lequel risage
est couvert de blanc, lequel sVfFace fait à fait que le pinceau touche
dessus et ôte ledit blanc, ce qui fait paroître que Tacteur peint ;
pour les couleurs de dessus sa palette, elles sont sèches, et ne
serrent que d*apparence, si bien que, tout le blanc qui est sur
le TÎsage étant ôté, il semble que Tacteur Tait peint lui-même.
Quant à la posture où est Isidore, elle est du côté droit, le Sicilien
à Topposite du côté gauche, et Adraste au milieu, qui se lève de
temps en temps pour la mettre i sa fantaisie, lui découvre lui-même
le sein, ce qui choque le jaloux, qui approche son siège toutes les
fois qu* Adraste se lève ; il est obligé de dire à Isidore que Ton a
bien de la peine à la mettre. Quant au moment où Hali le tire à
quartier, après qu'il a dit : a Noua voilà assez loin, 9 il détourne
la tête, et voyant Adraste près d*Isidore, il quitte Hali pour les
surprendre ; mais Adraste l'apercevant lui dit : « Je remarquois la
couleur de ses yeux, » au lieu de dire, comme il est en la pièce :
« Elle a les yeux bleus; » alors Adraste se rassit, etD. Pèdre rejoint
Hali, et dans le moment qu'Hali parle à D. Pèdre, et que D. Pèdre
demande quel est son ennemi, Adraste ayant achevé d*effacer le
blanc qui couvroit le portrait, vient se remettre près d'Isidore, où
D. Pèdre le surprend encore quand il dit à Hali : a Je vous laisse
aller sans vous reconduire. 9 Voilà les remarques les plus néces-
saires; du reste vous suivrez le sens des vers et les apostilles.
a* r AMANTES
Outre CM pAg«t d^tiutraetioiis aux comédiens, cette édition de nngalière ei-
pèee contient un assez grand nombre de Tenantes, qui nous montrent, comme
au reste l'addition même de cette sorte d*aTant-propos, que nous n^avons pas
ici une eontreEsçon ordinaire, nne contrefaçon déguisée, reproduisant Torlginal
I. Le soutien ne peut guère être ici que le chevalet.
a. Notre imprimé a ici deux &utes, faciles i corriger, un déplacement de t
et une virgule de trop : < et le soutient avec la palette, ou son, les couleurs. ■
MouXRB. VI 90
3o6 APPENDICE
mot pour mot eo n'y mêlant que des altérations inrolontaires, des faotes ducs
à la négligence. Le nombre et la natore des diffîrenees proarent, on ra le Toir*
que le contre&eteur a tooIu édaireir le jen et, qoi sait? en de rares endroits, i«-
touchert améliorer le style. Plus de dix indications de jeux de scène sont omises,
et les dates ne manquent pas ; mais il y a, de pins, des additions, particulière-
ment de jeux de scène, et des modifications de texte faites à dessein, dont quel-
qnesHines même, en très-petit nombre, il est Trai, ont passé dans one on pla-
sieors des éditions postérieures. Il y a tels changements qui peuTent faire qu*on
se demande si e*est vraiment l'édition originale qui a serri de point de départ i
la contrefaçon. Nous allons citer de ces Tariantes celles qu*è nos yeux il y a
quelque raison de relerer, en renvoyant aux pages de notre volume aux-
quelles elles se rapportent. Si nous ne les avons pas placées au bas de ces
pages mêmes, c*est d'abord que la source n*a nulle autorité, puis, qu*ainsi
réunies, elles servent à mieux caractériser cette impression.
Noos donnons en entier la liste des Acteurs très-librement remaniée :
Pages a3i et a3a. PERSONNAGES.
Adrastb, gentilhomme François, amant dMsidore.
D. Pbdxb, Sicilien, gardien d*Isidore.
Isxooax, esclave grecque adranchie par D. Pèdre.
CuidbrB, antre esclave.
Hau, valet ou esclave d*Adraste.
Deux laquais d'Adraste '.
Troupe de danseurs.
Troupe de musiciens.
Un sénateur.
Page a33, ligne 7 : « H^u, seul », au lieu de : « Hali, aux Musiciens. »
Page a35, ligues 6 et 7 : « Et qui pourroit-ce être que moi à ces heures de
nuit? Hors vous et moi, etc. » Voyez ibidem^ note a.
/^ûiem, ligne la : « rien que d'avoir ».
Page a36, ligne la : « si elle entend fort bien ».
Page a37, ligne 7 : « Ce nVst pas ».
Ibidem^ ligne ai : « Ah! je vois bien que vous êtes pour le bémol : il y a
moyen ».
Ibidem^ ligne a4 : « des bergers ».
Page a4if ligne la : « sont des chaînes ».
Page a4a, ligne a : « mon plus grand souci ». Voyex ibidem^ note x.
Ibidem, ligne 18 : « ce peut être ».
Page a43, ligne 16 : « nous a fait faire I »
Ibidem^ ligne a3 : « ce que c'est que cela veut dire ».
Ibidem^ ligne a5 : « pour pouvoir découvrir ».
J. Voyez ci-contre, p. 307, et note.
AU SIGILIBN. 3o7
Page 943, ligiM 3i : « D. Pédm, dSoiiMiif aw «oii^i à Bali, m Yoyes
p. a44, note t.
Page 944, ligne i3 : « Hau, <f im «im^^'I oè s7 e*ett eaeké^ et tTim ton de
voix à demi hauê, »
/^û/tfjw, Hgnet 17 et 18 : « Hau, toujomrt de même. Les gens ».
lUdem^ ligne 91 : « Hau, sortant dudit endroit^ et dit d'mn ton de poix
hardie, »
Pige 245, ligne 14 : « on peat trouver aifément des nM>jens.... >.
Page 946, ligne 1 : « que de se lerer ».
Ibidem, ligne 14 : « eontre les soins des langoiasants ». Des langnlssanti
d'amour, des amoureos ?
Ibidem^ ligne i5 : « sons mes Cenétres ».
Page347y ^^Z"*^ x^ • * 1* pli" grande ambition ».
Page 248, ligne 7 ; « tous m'obligerez k n'afSBCter point tant de paroltre à
d'autres yeux »•
Ibidem, ligne 14 : • toute k soi »•
Page a5i, lignes 1 5 et 16 : « Faites*les-notts vite venir ».
Ibidem, ligne dernière, après Ckala baia : « Dam la scène stûpante, Hati
chante, et les eselaees dansent dans les intervalles de son chant, »
Page 955, ligne la : « Mi ti bastonara ».
Ibidem, ligne i5, après la chanson : « loi ile fuient tous, »
Ibidem, ligne dernière : « rentres ici ».
Page 956, ligne 9 : « Hali pareil, » an lieu de : « j^ Hali, qui paroft
encore là, »
Ibidem, ligne 99 : « je l'attraperai ».
Page 957 « ligne 10 : « il alloit fitire ».
Page 958, lignes 5 et 6 : « si je pouTois obtenir d'elle qu'elle 7 pût consentir ».
Ibidem, ligne 10 : « que je ne sois de rien w.
Page 959, ligne 17 : « que je ne tous ponyois ». Yojes ibidem, note 3.
Ibidem, lignes 99 et 93 : « et la réputation. Seigneur François ». Yoyei
p. 960, note I.
Page 960, ligne 10 : « et ses'deux laquais*, »
Page 961, ligne 5 : « de toucher un tel onvrage ».
Ibidem^ ligne 6 : « grande habilité ».
Ibidem, ligne 95 : « de grâce, et songeons ».
Page 969, lignes i5-i7 : « du col puisse paroltre; ceci un peu plus dé-
couTert; bon le; un peu davantage ». Voyex ibidem, note 5.
Page 963, ligne 9 : « l'actitude », pour* l'attitude». Ce mot a été défiguré
de diverses façons : voyes ibidem, note 9.
Ibidem, Ugne 7 : « Un peu plus de côté ».
Page 964, ligne 7 : « une maîtresse d*Alesandre, d'une merveillcnse beauté,
et qu'il ». Voyez ibidem, note 4.
Ibidem, ligne 19 : « ce que fit Alexandre. D. Pèoas. Ma foi non ».
I. Ce sont bien en effet les laquais d*Adraste : Toyes ci-dessus, la scène u,
p. 935, le Sujet de la pièce ^ p. 3o3-3o5, et la liste des Personnages de cette
contrefaçon (p. 3o6}« où on lit : Deux laquais d^Adraste,
1o8 APPENDICE AU SICILIEN.
Fag« 9M9 ligM 9 : « i* ▼•■• émÊmàB^ à» griee, qoe ».
ibidem, UgBe 17 : « lonqa'il ttt âonai »,
Pag* «(17 1 lignm 7 «t t : « P^mdami fm^Adnstt parU à ItUoi^, i>. PUré
et Bali parUmi bût, êt/ômt Jê[t] g^nu de p^nomui agUéss. m
Page a68, ligne 17 : « Hau, «'en aiUmi, •
Ihidtm, Ugae ai : « AiAAen, 4 ItUhrt. • Yoyei ihidtm, not* 1.
Ibidem^ ligne a6 : « témoigiuget... . mpereepomi D, Pèdre t Je regardoîs 9.
Ibidem^ ligne dernière : « ona tache.... ^ Isidore, Mais c'est ».
Page 269, ligne a : « AD» Pàdre, >
Pi^ 270, ligne 14 : « imaginer, et va •.
Page «71, ligne n3 : « La grandeur de Toffenae ».
Page 272, ligne 17 : « D. Pioai, k Climènê, m fart, diuu wm allée dm
théâtre, m
Page «73, ligne i : « D. Pinai, rejcignmnt ddratte, »
ibidem, lignes 8 et 9 : « D. Pioai, premant Isidore par la maim et parlant
à Adraste : Putaqne Tooa aTCi bien TOula me donner •.
Ibidem, ligne 18 : « Vooa m'obligeres ».
Ibidem^ ligne 20 : « AnnACTB, **en allaot avec Isidore, •
Page 274, ligne 10 : « C*est que cela veut dire qu'un jalons >•
Ibidem, ligne i5 : « par douceor et par complaiMnce ».
Page 376, ligne 9 : « que de plaiain ». Voyes ibidem, note i.
Ibidem, ligne i5 : « Scàm xx et dernière. •
AMPHITRYON
COMÉDIE
axPBifmim povn sjl rwjoakMM fou a pakm
tUB LB THiÂTBX DU PALAlt-ROTAX. , Ut l3* JAVYIKB 1668
PAR LA TROUPE DU ROI
NOTICE.
Ehtkb le petit acte du Sicilien et Y Amphitryon^ représentes
pour la première fois, l'un en février 1667, Tautre en jan*
vier 1668, il y eut près d'un an d'intervalle. D'ordinaire, les
ouvrages de Molière se succédaient plus rapidement. On pense
que, pendant quelque temps, il s'était senti découragé, et que la
crainte d'avoir moins à compter sur la protection royale lui
avait, plus encore qu'une altération de sa santé, conseillé de
s'effiicer, de se taire.
L'année 1667 fait époque, on s'en souvient^, dans l'his-
toire du théâtre de Molière. Trois mois après les fîtes de
Saint-Germain, Louis XIV était parti de cette même ville pour
la campagne de Flandre, qui commença la guerre de la dé-
volution^ et ce fut pendant cette campagne que le Tartuffe j
achevé et connu dès 1664, parut sur la scène du Palais-Royal,
pour être aussitôt interdit. Cette sévérité, qui trompait tout à
coup les espérances données, ne devait pas engager Molière à
produire quelque œuvre nouvelle. Il ne s'y décida qu'au com-
mencement de l'année suivante, après qu'il eut été peut-être,
comme le pauvre Sosie, rengagé de plus belle par la « faveur
d'un coup d'oeil caressant*. »
11 Amphitryon fut comme une rentrée de l'auteur, qui avait
fait relâche, une brillante rentrée. Cette comédie ne semblait
pourtant promettre qu'une sorte de traduction; mais combien,
I. Voyez la Notict du Tartuffe^ au tome IV, p. 3ii et 3i9.
a. Voyez ibidem^ p. 33 1 et 339, oùnout avons cite la conjecture
ingénieuse et, à notre avis, Traisemblable, de M. Bazin sur Tallu-
sion à laquelle te prêtent si bien les vers 166-187 de V Amphitryon
dans le rôle de Sosie.
3ia AMPHITRYON.
dans le fait, elle montra d'originalité Jamais, chez noas, le
théâtre comique des anciens n'a eu une si heureuse résurrec-
tion, sous une forme toute nouvelle. Un critique a dit * que
Bayle avait manqué de goût lorsqu'il avait mis V Amphitryon
au nombre des meilleures pièces de Molière', et qu'il n'aurait
pas dû oublier combien lui sont supérieures des comédies
telles que ie Misanthrope ^ le Tartuffe^ V Avare ^ les Femmes
savantes^ r École des femmes et l'École des maris, La com«
paraison est difficile entre une comédie mythologique em-
pruntée au théâtre de Plaute et des œuvres toutes modernes,
immortelles peintures de nos mœurs ; mais pourquoi ne pas
faire une place toute voisine à une charmante fantaisie qui
nous fait si bien goûter, en y donnant le tour qui nous con-
vient, ce que l'esprit de la comédie latine a eu de plus vif? Si
Bayle a pensé que, par la verve abondante, par la richesse et
la gaieté du style, Y Amphitryon doit être compté parmi les
chefs-d'œuvre de notre poète, il ne s^est pas trompé.
Nous devons laisser à d'autres l'histoire des origines diéâ-
traies très-anciennes de V Amphitryon de Plaute : Molière, sans
doute, s'est fort peu inquiété de les connaître. Il ne lui im-
portait nullement, et il ne nous importe pas davantage ici, que
cette fable fût née dans l'Inde, comme Ta cru Voltaire*, qui
l'avait trouvée dans un livre du colonel Alexandre Dow, et
s'est amusé à la déclarer « encore plus comique et plus ingé-
nieuse a> sous cette forme indienne, quand il eût mieux fait de
dire qu'elle était seulement beaucoup plus indécente que la
légende latine. Il ne fait rien non plus à l'affaire qu'avant
Plaute, les Grecs eussent traité ce sujet, peut-être Euripide
dans une Alcmène^ et Sophocle dans un Amphitryon ^, tous
X . Geoffroy, dans le feuilleton du Journal de P Empire du x8 mars
x8o8.
9. Dans une note de son Dictionnaire citée plus loin, p. 338,
note 9.
3. Voyez ses Fragments historiques sur F Inde (1773), article xxnn,
au tome XLVII de Tëdition Beuchot, p. 4^3-455 ; et sa lettre à
M. du il/***, membre de plusieurs académies^ sur plusieurs anecdotes^
an tome XLVIII, p. 3o3 et 3o4 de la même édition.
4. Voyez le scoliaste de Sophocle sur le vers 3go de VOKtlipe à
Colone {Fragments de Sophocle dans la Bibliothèque Didot, p. 34o).
NOTICE. 3i3
deux tragiquement sans doate ; et, plus opportuns a citer« Ar«
chippe, poète très-bouffon de l'ancienne comédie', Eschyle
TAlexanÀnn, cité par Athënëe', et Rhinthon, poète de Ta*
rente, qui écrivit des hilaro-^ragédiei^ au temps de Ptolëmée
Soter : questions d'érudition auxquelles nous ne nous arrête-
rons pas. La priorité de ces pièces grecques, celle même d'un
Amphitryon de Gécilius, chez les Latins, ne sont pas sans in-
térêt pour les critiques de la pièce de Plante ; mais celui-ci
a été le seul modèle de Molière; et les modèles antérieurs,
n'ayant laissé qu'un nom et quelques fragments insignifiants,
n'ont pas plus compté pour lui que s'ils n'avaient jamais existé.
Contentons-nous donc de remarquer, à leur sujet, que Plante,
imitateur loi-même, en a visiblement pris à son aise avec eux
et qu'il a, dans bien des passages, habillé à la romaine ses per-
sonnages empruntés au théâtre grec, de même que souvent
ceux de Molière ont été, sans plus de gêne, habUlés par lui
à la française. À cette seule condition, une pièce est trans-
portée avec succès d'une scène étrangère sur une scène na-
tionale. Les poètes tragiques, comme les poètes comiques du
dix-septième siècle, eurent le sentiment très-juste de cette loi
de leur art. Ils ne travaillaient pas en archéologues, et ne
songeaient pas à un calque scrupuleux.
Pourquoi Molière s'est-il, à ce moment, tourné du côté de
triante ? Comment lui est venue l'idée d'écrire un Amphitryon?
S'il nous avait dit lui-même le secret de son choix, il nous
aurait tiré de quelque peine; car on a imaginé de cette ex-
cursion sur les terres latines une explication très-malveillante,
et, pour 7 en substituer une autre, nous ne pouvons chercher
que des vraisemblances.
Lorsqu'on fait attention que son Avare^ imitation aussi,
quoique beaucoup plus éloignée, d'une comédie de Haute,
suivit V Amphitryon à quelques mois de distance, on est porté
à conjecturer que tout simplement il s'était pris, en ce temps-
là, d'un goût très- vif pour le vieux comique de Rome et qu'il
I. Voyez quelques vert de ton Amphitryon^ dans les Fragments
des poètes comiques grecs de la Bibliothèque Didot, p. 969.
9. Les Deipnosophistes^ livre XIII, fin du $ 79 (édition Aug. M«*
neke, Teabner, iSSg).
3i4 AMPHITRYON.
s'ëtait promis de smTre cette veine latine dans quelques oo-
vrages.
Mais^ si facile à comprendre que soit cette pensée, qui eût
été mieux qu'une fantaisie, il y a autre chose encore à suppo*
ser. Les Sosies de Rotrou^, joués par la troupe du Marais, sur
un théâtre rival, avaient eu un grand et juste succès. Les co*
médiens du Palais-Royal n'auraient-ils pas, comme ils avaient
fait en 1 665 pour le Festin de Pierre^ sollicité de Molière une
pièce qui Ht concurrence? L'ouvrage de Rotrou était, dira-
t-on, bien ancien à cette date. La première représentation en
remontait à plus de trente ans, ayant été donnée en i636 '; mab
il est prouvé qu'il a eu la vie dure. Après quatorze ans, en
i65o, les Sosies étaient encore représentés, sous le titre de la
Naissance d* Hercule^ avec cette magnificence de spectacle, ce
luxe de machines, qui était le grand attrait du théâtre du
Marais. La description du merveilleux appareil scénique déployé
en cette occasion se trouve dans un livret in-4®9 publié par
René Baudry, sous cette date de i65o, et intitulé : Dessein du
poème de la grande pièce des machines de la Naissaugk d'Hex-
GDLx, dernier ouvrage de M. de Rotrou^ représentée sur le
théâtre du Marais par les comédiens du Roi, Là, on nomme
cette pièce « le plus excellent poème qui ait jamais paru', » et
a le chef-d'œuvre » de « l'incomparable M. de Rotrou^. » Une
pantomime qui, pendant le carnaval de i653, fut exécutée au
Petit-Bourbon dans le grand Ballet royal de la Nuit^y sous le
nom de Comédie muette d^ Ampldtryon^ ^ semble prouver que
le sujet, recommandé par le succès des S0sies^ n'avait pas alors
cessé d'être à la mode et devait tenter toutes les troupes de
comédiens.
Nous aurions voulu pouvoir constater que les représentations
I. Lu Sosies^ comédie de Rotrou, à Paris, chez Antoine de
Sommarille, MocxxxTin, in-4^.
a. Voyez le tome III du Cor/ieiV/e, p. ii.
3. Page 4.
4. Page 9.
5. Ballet royal de la Nidt^ divisé en quatre parties ou quatre veilles^
et dansé par Sa Majesté le aS février i653 ; à Paris, par {sic) Robert
Ballard, m oc un.
6. FP entrée de la deuxième partie^ p. 3i du Livret.
NOTICE. 3i5
des Soties^ comédie si goûlée, ne s'arrttèrent pas en i65o;
mais ce que noos venons de dire est tout ce que nous con-
naissons de leur histoire^ à moins que nous n'y ajoutions une
anecdote de Tallemant des Rëaux, qui se rapporte incontesta-
blement à cette pièce ^. Malheureusement, si elle peut être citée
comme plus ou moins piquante, ellen'ëclaircitpasla question de
la longévité des Sosies. Jodelet, nous apprend l'auteur desHis^
torieites*^ vint, au moment où le tonnerre du dénouement avait
éclaté, jeter au parterre, dans la langue très-crue du temps,
une plaisanterie d<mt le sens était que, si Ton faisait si grand
tapage chaque fois qu*à Paris un mari était trompé, tout le
long de Tannée on n'entendrait pas Dieu tonner. Tallemant
n'indique pas la date de cette facétieuse aUocution, et ce que
nous savcms de Jodelet ne nous vient pas en aide. 11 avait
quitté la troupe du Marab,pour passer à l'Hôtel de Bourgogne,
en i634, par conséquent avant les Sosies, Il revint ensuite à
son premier théâtre, mais on ignore à quel moment. On voit
seulement qu'en 164a il y jouait le Cliton du Menteur de Cor-
neille. Il y resta plusieurs années, puis émigra de nouveau
à l'Hôtel de Bourgogne; enfin, en iGSg, au Petit-Bourbon.
Quoique l'on ne suive qu'imparfaitement les vicissitudes de
cette inconstante carrière théâtrale, il s'y trouve plus d'une
place, avant i65o, pour l'anecdote de Tallemant; ce n'est
donc pas elle qui nous fera savoir quelles furent les dernières
années où l'on joua encore la comédie de Rotrou ; mais nous
ne serions pas surpris que c'ait été à une époque assez voi-
sine de celle de l'Amphitryon^ pour que celui-ci soit né d'une
pensée de rivalité entre le Palais-Royal et le Marais. La con-
jecture de cette émulation pourrait paraître confirmée par des
vers de Robinet qui seront cités plus loin. Les décorations,
les machines volantes y sont célébrées parmi les merveilles de
I. M. Taschereau, Histoire de la vie et des ouvrages de MoUère^
p. X73 et 174 de la 5* édition (i863), Fa placée à la première re-
prétentation de V Amphitryon de Molière. Malt Jodelet, en 1668,
étant mort depuis huit ans (mars 1660), il a été obligé de lui aub-
stituer a le Jodelet de la troupe d du Palais-Royal, se mettant ainai
en détacGord aTec Tallemant, qu^il cite comme son autorité.
9. Tome III, p. 391.
3i6 AMPHITRYON.
la nourelle comëdie de Molière. Ne semblerait^ pas qae l'on
eût pensé à latter avec le spectacle féerique de la Naissamce
d^ Hercule?
Il n'y a pas pour toutes les comédies de notre poète le
même intérêt à connaître pourquoi Tesprit, qui souffle où il
veut, avait tel jour soufflé d'un cdté plutôt que d'un autre. Si
nous avons pris quelque peine à chercher quelle occasion a
pu inspirer celle-ci, c'est que d'autres, qui s'en sont inquié-
tés aussi, ont voultf insinuer qu'un pur caprice était invrai-
semblable et se sont fondés sur cette invraisemblance pour
appuyer une conjecture très-fâcheuse, qui ne s'est que trop
accréditée. Rœderer l'a, nous le croyons, hasardée le pre-
mier; nous n'en trouvons pas trace chez les contemporains. Il
fiiut citer Tacte d'accusation, afin de n'en pas affaiblir les ar-
guments. On le trouve au chapitre xxn du Mémoire pour ser-
pîr à f histoire de la société polie en France * .
« Les Mémoires de Mademoiselle de Montpensier^ dit Ros-
derer, nous apprennent.... que, dans le conunencement de la
campagne de Flandre, au mois de mai 1667..., on s'arrêta....
dans une ville dont le nom est resté en blanc, et que là s'éta-
blit la liaison intime du Roi et de Mme de Montespan*....
ce Ce serait vers le milieu de l'année 1667 que Montespan
se serait.... laissé aller à la fougue de sa jalousie et aux plus
violents outrages envers la duchesse de Montausier, comme
complice de la séduction exercée par le Roi sur sa femme.
a II est fâcheux, ce me semble, que l'ordre chronologique
amène, à la suite du premier éclat que fit l'intrigue du Roi
avec Mme de Montespan et de la colère du mari, la première
représentation de la comédie à* Amphitryon.... Que l'auteur,
après avoir dit qu'il n'avait plus besoin d'étudier son art ail-
leurs que dans la société', et après avoir produit plusieurs
I. Un volume in-8«, Paris, typographie de Firmin Didot, i83S.
9. Page aaS.
3. Cette parole (quelque chose du moins d*approchant) que
Ton a prêtée à Molière aurait été dite par lui après les Précieuses
ridicules^ en ifiSg. Elle est loin d'être authentique : voyez' notre
tome II, page 16, note i. Molière n'avait-il pas trop de sagemo*
destie pour déclarer jamais qu'il n'avait a plus que faire d'étu-
NOTICE. 3i7
diefe-d'ceavre de cet art aiasi ëtadië, ait nëanmoins eu la fan-
taisie d'imiter une oomëdie fort immorale de Plaute, je le veux
croire. Mais qu'il n'y ait pas trouve quelque rapport avec ce
qui se passait à la cour; qu'il n'ait pas vu, pas soupçonne que
la situation du marquis de Blontespan eût quelque rapport avec
celle d'Amphitryon, celle de Louis XIV avec celle de Jupiter;
qu'il n'ait eu aucune intention en disant dans sa pièce ^ :
Un partage avec Jupiter
N*a rien du tout qui déshonore,
c'est ce qu'il est difficile de croire d'un homme qui ëtait au
courant de toutes les aventures galantes de la cour, et ne në-
gligeaity que dis-je? ne laissait passer, sans un éclatant tribut
de son zèle et de son talent, aucune occasion de divertir et de
flatter le Roi, et qui enfin avait cela de particulier que, amant
malheureux, mari trompe, il ëtait poète sans pitié pour les
victimes d'uo désordre qui faisait son tourment*. »
Ceux qui croient utile à certaines rancunes d'imprimer une
flétrissure au nom de Molière ont avidement saisi l'arme qui
leur était fournie par Rœderer, et n'ont eu garde de douter
qu'elle ne fût de bonne qualité. Si Rœderer n'avait pas les
mêmes raisons qu'eux d'en vouloir à notre poète, il avait
pourtant les siennes. La comédie des Précieuses ridicules^
quoiqu'il ait afiecté de croire qu'elle attaquait seulement les
fausses précieuses de province, et même la comédie des Femmes
savantes^ le blessait, comme il ne l'a guère caché', dans sa
partialité pour la société polie de l'hôtel de Rambouillet. Il ne
néglige aucune occasion de taxer Molière de complaisance pour
la corruption de son temps, parce qu'il veut laisser moins de
dier Plante et Tëreuce » ? Pourrait>on d*ailieur» Toir dans une telle
boutade un engagement auquel on voudrait quUI n*eût pu manquer
sans un puissant motif? Ce sont là des arguties de plaidoirie.
I. Vers 1899 et 1900.
a. Pages a3o et a3f .
3. Voyez, aux pages 3o5-3o7de son livre, comment il interprète
r intention des Femmes tapantes^ et le dessein qu'avec une subtilité
très-inattendue il prête à Molière de servir dans cette pièce les
amours du Roi et de Mme de Montespan.
3i8 AMPHITRYON.
crédit aux railleries da poète contre des femmes dont les mœurs
sévères « rinquiétaient^ dit-il, et offensaient la cour. » On doit
donc se défier de ce paladin des précieuses et examiner de
près les preuves de son réquisitoire.
Nous pensons que, pour les besoins de sa cause, il a anti-
daté la connaissance à la cour et dans le public du scandale
dont, à l'en croire, Molière se serait fait le héraut et comme
l'apologiste sur la scène.
Les Mémoires de Mademoiselle de Montpensier étaient as-
surément le document à citer comme le seul contemporain et
irrécusable sur les commencements de la liaison du Roi et de
Mme de Montespan. Us placent ces commencements au temps
de la campagne de 1667. Mais Rœderer a eu tort de parler du
mois de mai. La Gazette de 1667 permet de dater jour par jour
le récit de Mademoiselle. Quelle est la ville dont le nom, dans
ce récit, « est resté en blanc, » et où l'on remarqua le premier in-
dice de la liaison, c'est-à-dire la sentinelle déplacée pour laisser
la communication libre entre l'appartement du Roi et celui de
Mme de Montespan^? Elle est désignée par cette circonstance
que de là on fut coucher à Vervins et le lendemain à Notre-
Dame-de-Liesse. Évidemment il s'agit d'Âvesnes '. Ce fut donc
seulement entre le 9 et le 14 juin que pour la première fois
on put avoir soupçon de la nouvelle intrigue. La veille même
de l'arrivée à Avesnes, comme on était en carrosse, Mme de
Montespan, blâmant, avec les autres dames, la pauvre la Yal-
lière, disait : « Dieu me garde d'être maîtresse du Roi * ! »
I. Mémoires de Mademoiselle de Montpensier (Paris, 1728, in-ia),
tome y, p. 145.
a. Il est vrai que les Mémoires disent: a Nous fumes 3 jours
à ....», et que, d'après la Gazette (p. 58 3), on resta à Aresnes du
9 juin au soir jusqu'au 14. Mais le chiffre 3, au lieu de 5, a pu
être mal lu. On peut Toir dans la Gazette (p. 584) q^® ^^ ^^
cVAyesnes que la Reine partit pour Verrins, puis pour Liesse. —
Au reste, ceci écrit, nous voyons que, dans Tédition de M. Chë-
ruel (1859, tome IV, p. 5o), il n'y a plus de mot laissé en blanc,
et que c'est bien Avesnes qui est nommé : « On iiit deux ou trois
jours à Avesnes. »
3. Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, édition de M. Ché-
ruel, tome IV, p. 49.
NOTICE. 3i9
Pense-t-on qae c'ait été pour afficher le lendemain le dëmenti
donne à ces sages paroles ? Le scandale d'Avesnes ne put donc
être encore celui qui ëclata aux yeux de tous. Sera-ce ce-
lui de C!ompiègne^, pendant le séjour du Roi du 9 au 19 juil-
let 1667 * ? Celui-là sans doute put faire plus de bruit, mais
seulement encore parmi les plus inities. U est clair que si, dans
un cercle très-ëtroit, on s'entretenait de la grande nouvelle,
ce nVtait qu'à voix basse, même au moment où, par une lettre
charitable, la Reine en eut le premier avis, sans y croire '.
C'était après la prise de Lille, qui est du 27 août.
Il ne faudrait assurément point parler de beaucoup de mys-
tère dans ces temps de la campagne de Flandre, s'il était vrai
que la jalousie de M. de Montespan, comme le dit Rœderer,
eût dès lors fait esclandre. Mademoiselle de Montpensier a su
les extravagances du marquis, les injures dont il accabla sa
femme et qui forcèrent le Roi à le faire chercher pour l'envoyer
en prison*; mais elle en place certainement le temps fort peu
avant celui où M. de Montausier fut nommé gouverneur du
Dauphin* (18 septembre 1668'). Loin que M. de Montespan ait
affiché son infortune aussi tôt que le dit Rœderer, on raconte '
qu'il fut d'abord d'un aveuglement opiniâtre, refusant d'em-
mener loin de la cour sa femme qui l'en priait.
Tout bien examiné, nous ne pouvons reconnaître pour vrai-
semblable qu'en 1667, même à la cour, et fût-ce au mois
d*août, on parlât autrement qu'en très-grand secret d'un at-
tachement qui ne s'avouait pas encore. On voit la difficulté
qu'il y a à supposer Molière autorisé, à cette époque, à en ré-
jouir le public, et combien même on aurait peine à l'en croire
I. Mémoires de Mademoiselle de Montpensier ^ tome IV, p. 146.
9. Gazette de 1667, P- 7**i 737 et 761.
3. Mémoires de Mademoiselle de Montpensier^ tome IV, p. 58.
4. Ibidem^ p. i5a-iS4.
5. Ibidem^ p. i54.
6. Le 18 septembre est la date de la déclaration que fit le Roi
du choix de Montausier. Mme de Sévignë annonçait cette nomi-
nation à Bussy dès le 4*
7. Saint-Simon, Mémoires^ édition de 1878, tome V, p. aSg ; et
Duclos, Mémoires secrets sur le règne de Louis XIV (1864, a volumes
in-8<>), tome I, p. a35, note 9.
1
3ao AMPHITRYON.
si lAt infomië. S'imagineFÛt-on que ses camanides, ses am-
bassadeurs dans Taffaire du Tartuffe^ la Thorillière et la
Grange, lorsque, pendant le siëge de Lille, ils arrivèrent por-
teurs de son placetS eussent été mis au courant des secrets
tout nouveaux de la cour, et fussent venus en rëgaler notre
poète, à leur retour près de lui, vers la fin de septembre?
11 faut bien expliquer cependant comment des nouvelles encore
si peu ébruitées purent lui arriver de Flandre, et l'on est forcé
de ne pas trop reculer l'époque où il les aurait connues. Par
suite, on voit assez pourquoi Rœderer a fait remonter un peu
plus haut que les Mémoires de Mademoiselle ne l'y autorisaient
les premiers indices de la passion du Roi. Une pièce jouée le
1 3 janvier i668 avait nécessairement été achevée avant la fin de
l'année précédente, et il avait bien fallu quelque temps pour
l'écrire. Quel sera donc le moment de la campagne de 1667
où Molière aura pu être en mesure de préjMurer le singulier
à-propos ? A fixer ce moment d'aussi bonne heure que les J/é-
moires de Mademoiselle de Montpensier le permettent, on exa-
gère vraiment encore la facilité de travail de l'auteur d'jim^
phitijon; et quelle indiscrétion, quelle témérité n'eCLt-ce pas
été à lui, lorsque Ton fait réflexion qu'il n'avait pu pressentir
comment de telles allusions seraient prises par le Roi, alors
trop éloigné pour que personne puisse le soupçonner de les
avoir indiquées lui-même t
Malgré tout, l'imagination de Rœderer, sans qu'on prtt la
peine d'un examen sérieux, a fait fortune. Cest que, dans le
rapprochement qu'il nous montre, quelque chose de très-
spécieux frappe tout d'abord, et Ton s'étonne d'une si juste
coïncidence. Par un singulier hasard, la fiction comique de
Molière était arrivée comme à point nommé pour répondre
à la comédie réelle qui se jouait en même temps à la
cour.
Il faut bien accorder à Rœderer que le Jupiter de VAmphi-'
iryon avait beaucoup de la figure de Louis XIV en bonne
fortune; et que l'infortuné mari d'Alcmène remplissait fort
bien le rôle du marquis de Montespan, qui se trouvait rece-
voir, dans la pièce, les consolations les plus brillantes et les
I. Voyez notre tome IV, p. 3i6«
NOTICE. 3ai
plus prudents cooaeils d'une humble sonmissbn à de très-
augustes bontés pour sa femme :
.... C*est assez.... pour remettre ton coeur
Dans Pëtat au^el il doit être,
Et rétablir chez toi la paix et la douceur*.
Il est regrettable que la pièce n'ait pas été faite après 1670.
On n'aurait pu douter que la naissance du duc du Maine n'y
fût célébrée :
Et chez nous il doit naître un fils d*un très-grand cœur '.
Un tel vers, aurait-on dit, fait bien deviner qu'un jour le
glorieux fils, autre Hercule reçu dans l'Olympe, sera légitimé.
Par malheur, les plus ingénieux commentateurs ne sauraient
accuser Molière que d'avoir prévu l'événement, tout poète étant
prophète.
Pour que le poids d'une honteuse complaisance ne l'ac-
cable pas trop lourdement tout seul, félicitons-nous de savoir
que, bien avant lui, Plante avait, en latin, comme eût dit Boi-
leau*y proclamé le droit divin de Louis XIV sur Mme de Mon-
tespan, et qu'en i636 le respectable Rotrou avait déjà mis à
l'aise la consdence de la belle favorite :
Alcmène, par un sort à tout autre contraire,
Peut entre ses honneurs compter un adultère^.
Le même Rotrou a dit dans sa i** scène :
Le rang des vicieux ôte la honte aux vices.
Quelle apologie, ou, sous forme ironique, quelle sanglante
sature des faiblesses de Louis XIV n'aurait-on pas vue là, si
la chronologie n'avait pas été gênante! Grand avertissement
de se défier des applications. Mais, par quelques bonnes raisons
qu'on en démontre l'invraisemblance, ceux qui en sont d'autant
plus friands qu'elles sont plus scandaleuses, y renonceront diffi-
cilement.
I. Vers 1874-1876. — 1. Vers 1939.
3. Compares U s^ire ix, vers lag. *
4. Les Soêies^ acte V, soène dernière (vi)«
MouÉai. VI SI
3ai AMPHITRYON.
Nous avons dit que Rœderer n'avait pas eu de peine à
persuader les ennemis de Molière. Michelet n'a jamais été
de ce nombre; bien au contraire; mais tout ce qu'il rencon-
trait de plus noir dans les cours, il avait si grand besoin de
le noircir encore, et particulièrement les désordres du grand
Roi, que, sans hésiter, il a plutôt frappé un grand poète qu'il
aimait que d'épargner à Louis XIY la honte d'avoir fait livrer,
sur le théâtre, à la risée publique ceux qu'il déshonorait, et
d'avoir commandé qu'on y déifiât ses vices. L'historien a été
jusque*là; et nous ne parlions pas juste, quand nous ne vou-
lions pas, tout à l'heure, qu'il pût venir à la pensée de qui
que ce fût d'accuser Louis XIY d'avoir lui-même proposé,
imposé le sujet. Après avoir raconté ce qu'il appelle « le mys^
tère de Compiègne, » Michelet n'a pas craint de dire : « Il
manquait une chose à ces plaisirs, c'était d'être étalés, mis sur
la scène. On joua la nuit de Compiègne. Sans un ordre préds,
MoUère ne l'eût jamais osé. La chose était barbare, eUe na«
vrait la Reine et la VaUière, et Mme de Montausier, M. de
Montespan, tant d'autres. Molière n'eût pas fait de lui-même
cette cruelle exécution. Il y déplore sa servitude. Que peut
Molière-Sosie? Il sert et servirai » Un peu plus loin : a II y a
dans cette pièce une verve désespérée. Dans tel mot (du Pro-
logue même) une crudité cynique que les seuls bouffons ita-
liens hasardaient jusque-là, et qui, dans la langue française,
étonne et stupéfie.... Mercure-Lauzun est là à l'état de valet '. »
On serait surpris de tout ce que l'historien a découvert
dans le Prologue^ si l'on ne voyait bien son parti pris de don-
ner à toute la pièce les plus odieuses couleurs, afin qu'elle
parût plus digne de celui qu'il aime à faire passer pour l'avoir
inspirée. Ce prologue, chargé de tant de crimes, nous rappelle-
rons un peu plus loin combien il est ingénieux ; ici nous nous
bornerons à dire qu'on chercherait en vain comment il a mé-
rité de si terribles accusations, et quels mots cyniques, dignes
des seuls bouffons italiens, y peuvent scandaliser. Ne laissons
pas croire que personne les saura trouver où vaguement on
nous les dénonce. Us n'y sont pas plus que dans les autres
I. Histoire de Fnutee^ tome XIII (1860), p. m.
3. Ibidem^ p. lia etil3.
NOTICE. 3!i3
scènes de notre comédie. Non^ notre poète n'a nulle pari ag-
grave par la iiceace de l'expression ^ ce que le sujet de V 4m^
phitryon a de libre, de scabreux. Le seul tort que les rigo-
ristes auraient à lui reprocher, ce serait de n'en avoir pas été
plus effarouche que Plante et que Rotrou. Quant à le repré-
senter comme un homme qui, se dévouant à contre-cœur à une
vilaine tâche, se jette éperdument dans la plaisanterie gros-
sière, il faut pour cela bien de la fantaisie. Nous tenons, au
contraire, pour très-assuré que, l'occasion étant si bonne, il
s'est égayé fort naturellement, et sans le moindre désespoir.
Entendre les choses comme l'a fait l'histoire, changée, il faut
bien le dire, en pamphlet, ce n'est pas moins salir Molière que
celui qu'il aurait flatté si bassement ; et s'il s'est à ce point
dégradé pour faire jouer le Tartuffe^ voilà sur le Tartuffe une
vilaine tache. Rœderer ne s'était pas avisé de donner, dans
Vjémphitryon^ un rôle à Lauzun; seul, Michelet pense à tout.
En poussant à toute outrance la thèse du premier inventeur
de l'allusion, il aura, ce nous semble, prêté appui à ceux qui
la jugent entièrement imaginaire.
La comédie que Ton voudrait avoir été écrite pour plaire
au galant Jupiter que la cour adorait, ce n'est pas à lui (dis-
simulation nécessaire, dira-t-on) qu'elle fut dédiée, c'est à Mon-
sieur le Prince; et ce ne fut pas devant la cour qu'elle pa-
rut d'abord, mais, comme nous l'apprend le Registre de la
Grange^ siur le théâtre du Palais-Royal, le vendredi i3 et le
dimanche i5 janvier 1668, faisant une recette de i565^ 10*
le premier de ces deux jours, et de 1668^ 10' le second. La
troisième représentation seulement fut donnée devant le Roi,
aux Tuileries, parmi de brillants divertissements, auxquels la
Galette n'oublie pas de dire qu'avec Leurs Majestés et Leurs
Altesses Royales plusieurs des principales dames prenaient
part*. Là Molière et sa troupe avaient, le 6 janvier, représenté
le Médecin malgré lui*. Au nombre des <c principales dames »
I. Le mot que Ton pourrait condamner, comme grossier, aux
vert 1795 et 1798, Tétait alors bien moins qu'aujourd'hui. Voyez
ci-après la note qui s'y rapporte. Michelet se rappelait-il yague-
ment le mot et le faisait-il passer de Tacte III dans le Prologue?
s. Gaxêttê de 1668, p. 4?*
3. Robinet, Lettre tm nrs à Madgme^ du x4 janvier 1668.
3a4 AMPHITRYON.
la Gazeiie n'a pas eu besoin de nommer Mme de Montespan :
elle ëtait certainement comme la reine de ces fêtes ; et elle put
▼oir en souriant les aventures de la rivale (celle-là du moins
innocente] de la souveraine des dieux, le jour où « les diver-
tissements continuèrent par celui de la belle comëdie d'^ém-
phitrjron^. » Ce fut le lundi 1 6 janvier.
Au témoignage de la Gazette on peut joindre celui de Robi-
net, qui, à r occasion de cette représentation à la oour^ rend
ainsi compte de la pièce nouvelle' :
Lundi, chez le nompareil Sibf,
Digne d*étendre son empire
Dessus toutes les nations,
On vit les deux Amplùtryons^
Ou, si l*on veut, les deux Soiies
Qu*on trouve dans les poésies
Du feu sieur Plaute, franc latin,
Et que, dans un françois très-fin,
Son digne successeur, Molière^
A travestis d^une manière
A faire ébaudir les esprits,
Durant longtemps, de tout Paris.
Car, depuis un fort beau Prologue,
Qui s*/ fait par un dialogue
De Mercure avecque la Nuit,
Jusqu*à la fin de ce dëduit,
L*aimable enjouement du comique
Et les beautés de Théroïque,
Les intrigues, les passions,
Et bref, les décorations.
Avec des machines volantes.
Plus que des astres éclatantes.
Font un spectacle si charmant.
Que je ne doute nullement
Que Pon n^y coure en foule extrême,
Bien par delà la mi-caréme.
Il se peut que les oc machines volantes » du Prologue et de
la dernière scène, la beauté du spectacle, dont, à la ville
comme à la cour, on n'avait pas encore cessé d'être curieux»
I. Gazette de 1668, p. 71 et 7s.
a. Lettre en pers à Madame^ du si janvier.
NOTICE. 3a5
aient ëtë un des attraits de la pièce ; mats assurément c'est
aller bien loin que de les faire ici autant valoir que « Taima-
ble enjouement du comique. » Quoi qu'il en soit, le rimeur
avait raison de prévoir l'empressement du public. Nous en
trouvons la preuve dans le Registre de la Grange, Joue le
i6 à la cour, \ Amphitryon le fut encore au Palais-Royal, le
lendemain mardi 17, puis, sans interruption, tous les jours
suivants de spectacle, jusqu'au dimanche 18 mars, où la cl^
ture, dite de Pâques, eut lieu. II y avait eu de suite vingt-neuf
représentations à la ville', dont les quinze premières avaient
attire beaucoup de spectateurs, sans être soutenues par au-
cune autre pièce.
Quelques jours après la réouverture, le a5 avril 1668, « la
Troupe, dit le Registre de la Grange^ est partie, par ordre du
Roi, pour Versailles. On a joué Amphitryon et le Médecin
malgré lui^ Cléopatre ^ et le Mariage forcé ^ V École des
femmes. » Pour une pièce qui n'avait, prétend-on, d'autre
objet que de célébrer les plaisirs de Louis XIV, deux repré-
sentations à la cour, ce n'est pas trop, dans le temps où il y
en eut un si grand nombre à la ville. Il semblerait qu'une
œuvre dont le Roi aurait connu l'intention, ou complaisante
ou indiscrète, aurait dû le flatter ou le gêner. £lle ne le gêna
point, puisque, à deux reprises, il la fit jouer devant lui. EIl^ ne
le flatta pas excessivement, puisqu^il ne la vit ni le premier,
ni souvent. On n'en a noté aucune autre représentation à la
cour jusqu'en 1680. Il y en eut huit de 1680 à 1700, et
cinq de 1700 à 171 5', lorsqu'il n'était plus question de la fa-
veur de Mme de Montespan, avec qui le Roi avait décidément
rompu depuis 168 3. Cela doit être remarqué. Louis XIV,
revenu de ses erreurs, ne craignait pas de revoir V Amphitryon,
Il faut donc croire que ni lui, ni Mme de Matntenon, devenue
I. La Grange mentionne en outre une visite à la ville, sans dire
où, le 17 mars.
1. Tragédie de la Thorillière, du 1 décembre précédent.
3. Voyez le tableau des Rêprésentatiomi à la couTj à la page SSy
de notre tome I. — On n*y a noté qu'une représentation de 1668
à 1680, celle d*aml 1668, la seule mentionnée par la Grange (Toyea
le même tome I, p. 555, a' alinéa).
3a6 AMPHITRYON.
la directrice de sa conscience, n'y entendaient malice et n'y
trouvaient aucune intention d'allusion au vieux pëchë.
A la ville, X Amphitryon fut encore, après la réouverture
d'avril, représente six fois en 1668*, neuf fois en 1669; en
tout cinquante- trois fois jusqu'en 1673*.
Robinet, dans la lettre en vers (du ai janvier] que nous
avons tout à l'heure citée, mais non jusqu'au bout, a parlé de
la manière dont la pièce fut jouée par les comédiens qui en
créèrent les rôles. Ce qu'il nous en dit ne satisfait que trè»-
incomplétement notre curiosité, et n'est point cependant sans
quelque intérêt. Il exprime ainsi son approbation du jeu de
tous:
Je n*ai rien toachë des acteurs \
Mais je tous arertis, lecteurs,
Qu^ils sont en conche' très-superbe
(Je puis user de cet adTerbe),
Et que chacun de son rôlet,
Soît sérieux, ou soit follet,
S^acquitte de la bonne sorte ;
Surtout, ou qu*Àstarot m*emporte I
Vous j Terrez certaine Nuit,,,,
Et de même certaine Jlcmène,,,,
I. Parmi ces six dernières représentations de '1668 au Palais-
Royal, une fut assez remarquable pour être particulièrement men-
tionnée par Robinet dans sa Lettre en vers k Madame du 99 sep-
tembre. Ce fîit sans doute celle du 18 de ce même mois, la dernière
inscrite dans le Registre de la Grange, Les ambassadeurs de Moscorie
y avaient été inrités par la troupe de Molière, qui
Lear doooa ton Amphitrjcn
Avec ample collation,
Pat de baUet et tymplionle...;
Et ees gens ainant les gratis
Y farent des mieux divertis,
Ayant deux fort bons Interprètes.
9. Voyez au tome I, p. 548, les Représentations à la pille,
3. Transcription de Titalien eoneio ou eoneia: « rieux mot, dit
\e Dictionnaire de Trévous (1771), qui signifioit autrefois le bon ou
le mauvais état d*une personne, relativement à ses habits, à son
équipage. » Nous verrons ci-après que, pour les habits, Molière,
«ans son rôle, était en bonne conehe.
NOTICE. 3a7
Noos devons arrêter à temps la citation; et quoique trop
de sëvëritë ne smt pas de mise à propos de ï Amphitryon^ les
▼ers que nous omettons ne seraient pas très-bons à tran-
scrire. Il suffît de dire qu'ils sont plus flatteurs pour le charme
des deux comédiennes que délicats dans la louange : ils ne
paraissent pas vouloir exalter la chasteté de cette Nuit ni de
cette Alcmène^ de celle-ci surtout. Robinet ne les nomme pas.
Gxnme Bille Duparc avait quitté la troupe de Molière en 1667,
les noms qui se présenteraient avec le plus de vraisemblance
seraient ceux de Mlle de Brie et de Mlle Molière. Si l'on
croyait que celle-ci ait été TAlcmène dont Robinet parle avec
si peu de décence, il faudrait plaindre Molière, qui ne pouvait
mettre à l'abri des grossières plaisanteries [de pareils vers la
femme qui portait son nom; mais il y a, comme on va le voir,
quelque indice que la création du rôle doit plutôt être attri-
buée à Mlle de Brie. Nous ne saurions toutefois rien affirmer
absolument sur les personnages respectivement confiés aux
deux actrices. Nous ne sommes pas tout à fait assez éclairé par
la distribution des rôles ainsi réglée dix-sept ans plus tard^ :
DAMOZiUUS.
La Nuit Guiot.
KLcmksM De Brie.
CuuirrHis Guerin [MlU HaUère],
BfsRcuRK La Grange.
JupiTKR Guerin.
ÂMPHmiYo.N DauTilliers.
Sotn Rotimont.
Aboatipuostidas. . . De ViUiers.
NAUGEAiis. ..... Hubert.
PoLipAt BeauTal.
P0SIGLÈ8 L. Raisin.
S'il fallait admettre que ceux des acteurs de 1668 qui vi-
vaient encore en i685, eussent, à cette seconde époque,*^ cou
serve les rôles qu'ils avaient créés, on voit que Mlle de Brie
aurait été la première Alcmène, Mlle Molière la première Gléan«
I. Mép$rtoire des comédies franfoUes qui se peuvent joumr en i685.
3a8 ÀMPHITaYON.
this. Mais alors qui eût été la Nuit da Prologue? Madeldne
Bëjard? On s'ëtonnerait bien on peu de ce que Robinet dit
d'elle, vu l'âge qu'elle avait en 1668. Reconnaissons toutefois
que celui de Mlle de Rrie n'ëtait pas très -différent. Quant aux
autres rôles, toujours en nous conformant 1 la distributi<»i
de i685, nous donnerions celui de Mercure k la Grange, celui
de Naucrates à Hubert. Mais il n'est nullement certain, nous
Tavons déjà dit dans quelques-unes des notices précédentes,
que les acteurs de i685 n'eussent pas changé contre d'autres
rôles ceux qu'ils avaient créés. Ne regardons pas pour cela
comme tout à fait sans valeur ce renseignement de i685, le
seul positif que nous ayons sur une ancienne distribution des
rôles : nous 7 trouvons une raison de plus de nous défier de la
première distribution, incomplète d'ailleurs, donnée par Aimé-
Martin, et qui ne peut être qu'une conjecture. La voici :
JuPTTBB La Thorillière.
MBAdTBB Du Croitj.
AvpuxTRYOji La Grange.
ALGBfàaB Mlle Molière.
CLÉAiiTHit Mlle Beauval.
ÂROATiPHOHTiDAi . . Chateauneuf.
Sosn Molière.
Dans une de ses notes sur la pièce S Aimé-Martin dit
que la scène entre Sosie et Qéanthis « fut inspirée par l'ac-
trice à qui le rôle était confié. En effet , Ôéanthis, c'est
Mlle Beauval, la femme honnête et exigeante.... Ce caractère
était célèbre au théâtre. » Par malheur, entre toutes ces attri-
butions de rôles, c'est justement celle du rôle de Cléanthis à
Mlle Beauval, qui, en 1668, est impossible, cette actrice n'ayant
été engagée dans la troupe du Palais-Royal qu'à l'été de
1670. Aussi M. Moland, qui a, pour tous les autres noms,
adopté avec confiance la liste d'Aimé-Martin, a rejeté celui de
Mlle Beauval. « On ne sait, dit-il, par qui le rôle de Cléanthis
I. Dans la note au bat de la page 349 ^® ^^ tome IV (3* édi-
tion, de 1845), sur la scène in de Tacte II. — Dans sa seconde
édition (i838), Aimé-Martin donnait ce rôle de Cléanthis à Made-
leine Béjard.
NOTICE. 3^9
fnt€rëéàrorigiDe;3fefatpar IfaddeineBëjartpeiit-être, par
Hubert |J0S probableiiieiit. Il appartint ensuite à Mlle Beau-
Tal* » Gela oiênie, nous ignorons si l'on doit Taflimia*. Nous ne
Gonnaîssons pas de documents certains jusqu'à la distribution,
que nous avons cttée, de i685.
PUmi les acteurs nouveaux de V Amphitryon à cette der-
nière date, on a dû remarquer Rosimont, qui jouait Sosie.
Nous avons eu d'autres occasions de parler de ce comédien,
comme ayant étë chargé des rôles de Molière. H j a donc là
une indication, dont cm peut tenir compte, du personnage que
l'auteur de la {Hèce s'était réservé. M. Bazin ne met pas en
doute' qu'en effet ce personnage n'ait été celui de Sosie. L'al-
lusion qu'il a vue dans la tirade du pauvre serviteur sur le
dévouement qu'obtient si facilement l'égolsme des grands, a
peut-être été pour lui la preuve décisive. Elle nous parait au
moins très-forte ; mais n'en fût-on pas firappé, ce rôle, le plus
comique de tous ceux de Y Amphitryon^ convenait si bien à
Molière, que l'on ne saurait comprendre qu'il en eût pris un
antre. Au reste, la tradition n'a jamais hésité sur ce point, et
loin que le costume décrit par l'inventaire de Molière y donne
un démenti, il aurait, en ce temps-là, si peu convenu à Am-
phitryon (soit au véritable, soit au faux), qu'il ne peut nous
faire reconnaître que Soâe. Citons cette description : « Une....
botte où est Thabit de la représentation de \ Amphitryon^
contenant un tonnelet de taffetas vert, avec une petite dentelle
d'ai^ent fin, une chemisette de même taffetas, deux cuissards ,
de satin rouge, une paire de souliers avec les laçures garnies
d'un galon d'argent, avec un bas de soie* céladon, les festons,
la ceinture et un jimon, et un bonnet brodé or et argent fin, I
prisé soixante livres*. » Voilà, objectera-t-on, un habit bien
riche. Sur le théâtre latin, l'esclave Sosie en avait un tout autre ^
sans aucun doute. Mais le Sosie de Molière est un valet de
grande maison, qui a dû se parer pour son ambassade. Disons
surtout que, dans la fantaisie des costumes de théâtre en ce
temps-là, on s'inquiétait peu d'une exactitude savante. Si d'a-
I • Hôtes kUtorifttes sur la vie de Molière^ s'* édition, in- f a, p. 1 5 f •
s. Lises bai de saie : Toyez, au tome IV, la note 6 de la page 1 1 1 .
3. Meckerehes sur Molière^ par Eud. Soulié, p. 175.
A f •
33o AMPHITRYON.
bord le toDoelet ^ donne envie de penser plutôt au personnage
du général thébain, le bonnet ne peut indiquer que le servi-
teur * ; Amphitryon devait être coiffe d'un casque ou d'un cha-
peau à plumes, peut-être d'une couronne de laurier sur sa
majestueuse perruque.
Voici d'ailleurs qui semble prouver que le costume trouve
dans une des boîtes de Molière fut assez longtemps, et avec
très-peu de modifications, celui de Sosie. Un des petits dessins
des Souvenirs du vieil amateur dramatique (voyez à la 4* lettre)
nous montre, au siècle suivant, Prëville dans ce rôle. Dans son
habit, très-brillant aussi, tout, sauf les couleurs (s'il faut y
voir autre chose que la fantaisie de l'enlumineur), parait bien
répondre à la description de l'inventaire de 1673, en parti-
culier le bonnet richement brode que Prëville tient k la main,
et encore les souliers avec les lacures.
En nous laissant sur la distribution des rôles dans une in-
certitude, dont, sans son secours, nous n'avons pu sortir en-
tièrement, Robinet nous a du moins appris que tous les per-
sonnages plaisants ou sérieux étaient joués «e de la bonne
sorte. »
Après les preuves incontestables que nous avons déjà trou-
vées du grand succès de V AmpJdtryon^ il n'est pas besoin d'en
demander d'autres à Grimarest, dont les informations ne sont
pas de première source. S'il vaut cependant la peine de le
citer, c'est que, tout en constatant le bon accueil fait à cette
comédie, il rappelle aussi quels furent les discours des mal-
veillants. Laissons-le donc parler : « J] Amphitryon passa tout
d'une voix au mois de janvier 1668. Cependant un savantasse
n'en voulut point tenir compte à Molière. Comment? disoit-il,
I . Sur le double sens de ce terme de costume de théâtre, Tojei
le Dictîonnairû de M» Liitré,
9. Proprement, le bonnet {pileus) était chez les Romains la coif-
fure des nouveaux affranchis ; les esclayes avaient la tête nue et
portaient les cheveux longs. Mercure toutefois, dans le dialogue de
Plante, où il dit (rers 117) que son accoutrement est celui d*un
escIaTe, annonce (yers i43) qu'il mettra de petites plumes à son
pétase (chapeau à larges bords), afin que le spectateur puisse le
distinguer de Sosie. Celui-ci avait donc lui-même un pétase, peut-
être parce qu*il était en voyage.
NOTICE. S3i
// a tout pris sur Rotrou^ et Rotrou sur Plaute, Je ne vois pas
pourquoi on applaudit à des plagiaires.... De semblables cri-
tiques n'empêchèrent pas le cours de Y Amphitryon^ que tout
Paris vit avec beaucoup de plaisir, comme un spectacle bien
rendu en notre langue, et à notre goût^. »
Grimarest a raison de traiter avec dëdain les impertinences
du pëdant. Que valait son accusation de plagiat? Il est trop
évident qu'intentëe au nom du comique latin, elle n'avait pas
de sens, puisque l'œuvre de Molière ne pouvait que s'avouer
pour une imitation de l'antiquité. Notre poète avait autant de
droits sur Plaute que Racine, dans Fhèéûre^ sur Eoripide. De-
vait-il croire aussi légitime de s'enrichir des dépouilles de son
contemporain Rotrou? Le Zolle, \^ Monsieur Lysidas^ cité par
Grimarest, sentait sans doute que là seulement il av^t à mor-
dre. Aussi, laissant Rotrou se démêler des revendications du
théâtre de Rome, voulait-il faire passer Molière pour le copiste,
non de Plaute directementi mais du copiste de Plaute. De toute
manière, l'injustice était grande. Molière n'est pas plus le pla-
giaire de Rotrou que de Plaute; et si l'on voulait qu'il le fût
de celui-là, il le serait aussi bien de celui-ci; car il les a mis
tous les deux à contribution. Il n'était pas homme à ne pas
s'inspirer directement du vrai, de l'antique modèle. Mais, en
l'ajant sous les yeux, il a jeté quelques regards, à côté, sur
l'imitateur français, son devancier : cela est certain. Il n'y
avait là aucune fraude. Rotrou était dans toutes les mémoires,
et il n'était pas douteux que les emprunts qui lui étaient faits
seraient i^econnus. Qu'importait ? Sur le grand et public do-
maine ouvert à la comédie, Molière n'admettait pas qu'il y eût
un Dieu Terme, gardien jaloux de toutes les parcelles déjà
cultivées. Et puis il sentait bien que là tout lui appartenait,
parce qu'il savait tout féconder et améliorer.
Rotrou et Molière ayant tous deux travaillé d'après Plaute,
et ne pouvant ainsi manquer de se rencontrer souvent, il n'est
pas toujours facile de voir quand le dernier venu des deux
imitateurs a pris quelque chose au plus ancien. Il n'y a pas
d'hésitation cependant pour quelques passages où l'on trouve
à la fois chez l'un et chez l'autre des traits qui manquent dans
1. ta VU de M. de Molière^ p. 190-191.
1
33a AMPHITRYON.
le commun modèle, ou tout au moins n'y ont pas la mfeme
forme ou le même relief.
Par exemple, quand Mercure, interroge par Sosie sur des
choses que celui-ci a seul pu connaître, rëpond en homme
qui est merveilleusement au fait, Molière fait dire au valet
saisi d'ëtonnement (acte I, scène n, vers 486 et 487) :
Près de moi par la force il est déjà Sotie ;
Il pourroit bien encor Pétre par la raison.
Rien de pareil dans Plaute; mais Rotrou (acte I, scène m)
avait fait dire au même Sosie :
Il l'a déjà fur moi par la force emporté.
Et la raison encor semble de son côté.
Dans la scène u de l'acte IV (vers 874) de Plaute, Mercure,
quiy sous les traits de Sosie^ empêche Amphitryon d'entrer
chez lui, se moque ainsi de ses regards pleins d'ëtonnement
et de colère : a Pourquoi me regardes-tu, homme stupide? »
Voyons chez Molière la scène correspondante (scène n de
l'acte III, vers i5a3-i5a7) ; l'insolence du faux Sosie s'y ex-
prime d'une façon bien plus piquante :
Hé bien I qu'est-ce? m^as-tu tout parcouru par ordre?
M'as-tu de tes gros yeux assez considéré ?
Comme il les écarquille, et paroît effaré I
Si des regards on pouToit mordre.
Il m'auroit déjà déchiré.
Avant lui, Rotrou, renchérissant de mtme sur Plaute, avait
dit (acte IV, scène n) :
Eh bien, m'as-tu, stupide, assez considéré ?
Si Ton mangeoit des yeux, il m'auroit dévoré.
Il y a dans Molière (acte III, scène v) deux vers (i 704 et 1 70S)
qui ne sont pas les moins connus de tous ceux de la pièce,
et qui, ayant, chose assez bizarre, fait d'Amphitryon comme
le patron, non pas des maris supplantés, mais de quiconque re-
çoit à sa table, ont rendu son nom proverbial :
Le véritable Amphitryon
Est l'Amphitryon où l'on dine.
Plaute avait indique ce signe plaisant de reconnaissance^ ou-
NOTICE. 333
blië dans hi Poétique d'Arîstote. Sosie, entendant Jupiter lai
ciire : « Enfin te voici donc 1 Tai faim, » ne veut avoir pour
mattre que celui qui pense à dfner^ et s'écrie en montrant
Amphitryon, qu'il a dëjà traite de magicien : « Ne vous l'ai-je
pas bien dit, que celui-ci n'est qu'un enchanteur * ? » Avec une
intention semblable^ Rotrou (acte IV, scène rv) est, par l'ex-
pression, beaucoup plus près de Molière :
Point, point d*Amphitryon où Ton ne dîne point *•
Seulement, ce n'est pas Sosie qui parle, mais un des capi-
taines amenés par lui pour prendre place à table. Un autre de
ces capitaines venait déjà de dire :
Pour moi, puisqu^à ce point chacun reste confus,
Dans ces doutes enfin, Tayis où je m*arrète
Est de suirre celui chez qui la table est prête.
Molière a mieux fait de ne pas s'écarter ici de Plante. Ce
trait de gourmandise est particulièrement naturel chez Sosie.
Et puis les capitaines de Rotrou restent dans le doute; ils ne se
décident que par intérêt, préférant à tout hasard celui qui offre
un bon repas. Sosie est plus drôle, parce que le dîner promis
n'est pas seulement pour lui un motif d'action, mais un trait de
lumière. Si Molière a trouvé chez Plante cette plaisanterie
avec toute sa finesse, il en a pris la forme chez Rotrou.
Voici où l'auteur des Sosies a plus ouvertement encore laissé
ses traces dans notre comédie. Au dénouement (scène der-
nière, VI* du V* acte), il met dans la bouche de Sosie cette ré-
flexion pleine de sens sur la révélation glorieuse, mais embar-
rassante, que Jupiter vient de faire à Amphitryon :
Cet honneur, ce me semble, est un triste arantage.
On appelle cela loi sucrer le breuvage.
I. Amphitryon de Plante, acte IV, scène it, yen looi.
a. Les deux rers de Molière rassemblent trop à ce rers de Ro-
trou, pour qu'on ne les en croie pas sortis. Une différence gram-
maticale est cependant à remarquer. Boileau, si Ton en croyait le
Bolmama(i^, 39 et 33), n*aurait pas été content de a TAmphitryon où
l'on dîne » ; il y aurait trouTé une irrégularité. Que cette critique
ioit de lui, c'est peu TraisemblaUe : qui, de son temps, ne re-
gardait où pour €hâ» f «i comme corr^t ? En tout cas, la même
334 AMPHITRYON.
Cest bien dans l'esprit français; et ches nous il était ban
que, jusqu'à la fin, le spectateur ne vit que du o6té risible la
gloire du mari d'Alcmèney tandis que les Romains pouvaient,
comme Amphitryon lui-même, la prendre au sérieux et de-
meurer sous l'impression d'un religieux respect.
Qui n'a trouvé charmante la fin de la comédie de Molière
et ne s'est dit que, pour ne pas en démentir la gaieté, pour
rester comique jusqu'au bout, il ne fallait pas laisser le dernier
mot au tonnerre par lequel le mattre des Dieux fait si majes-
tueusement soutenir son escapade? Tout se terminerait froide*
ment, sans ce vers (191 4) de Sosie :
Le Seigneur Jupiter sait dorer la pilule,
et sans le charmant couplet par lequel il conclut (vers 1919 et
suivants) :
Messieurs, Youlest-vous bien suiyre mon sentiment ? etc.
L'idée a beaucoup gagné à être si parfaitement développée;
mais elle reste l'idée de Rotrou; et, cette fois, c'est beaucoup
plus qu'un vers heiu*eux que Molière lui doit : c'est le dernier
coup de pinceau, laissant jusqu'à la fin, pour notre goût mo-
derne, sa vraie couleur à l'ouvrage. Ceux qui ont cru aux
allusions imaginées par Roederer ont souvent pensé que Mo-
lière n'avait pas voulu que le rideau tombât sans que sa com-
plaisance eût été un peu rachetée par une ironie, discrète
sans doute, mais assez marquée. Ils oubliaient Rotrou, qui,
ne pouvant avoir une intention semblable, avait plaisanté lui-
même sur le douteux honneur que faisait à un simple mortel
la condescendance du grand Dieu.
Peu de lecteurs des Sosies seront de Tavb de la Monnoje,
qui aurait pu donner à Molière une préférence méritée, sans
déprécier ainsi Rotrou : a II n'est pas besoin de dire que
Y Amphitryon de Molière est une fort belle copie de Plante. Les
deux Sosies de Rotrou, en comparaison, font pitié ^. » Un tel
dédain est d'une extrême injustice. On est étonné de la verve
objection ne pouYait être faite au Ters de Rotrou, qui doit signi-
fier : « où Ton ne dîne point, je ne reconnais pa« d'Amphitryon ».
I. Addition au MettagUma (édition de I7i5), tome III, p. i55.
•t.»^.—
NOTICE. 335
et presque toa|oiirs même de la sûretë de goût arec lesquelles
Rotrou a transporté la pièce latine sur notre scène, à une
ëpoque où il n'y avait pas encore pour la vraie comëdie de
modèles français. Pour faire mieux, il ne fallait pas moins que
Molière. M. Naudet, juge délicat, pensait avec raison qu'on ne
peut lire l'heureuse imitation de Rotrou sans en admirer la
facile élégance et la vigueur de stylet Un des plus grands
reproches qu'on ait faits à l'auteur des Sosies^ c'est d'avoir
repris, pour remplir son dernier acte, quelques-unes des situa-
tions les plus plaisantes des actes précédents, sans avoir assez
renouvelé des moyens comiques déjà épuisés. La critique est
juste, bien que Molière, qui, grâce à la fertilité de ses res-
sources, y échappe, ait lui-même, vers la fin delà pièce', mis
de nouveau en présence Mercure, de plus en plus tyrannique
et railleur, et Sosie tremblant sous la menace des coups.
La faute de Rotrou, dont nous serions le plus frappé, c'est
qu'il n'a pas évité partout le style sérieux, quelquefois même
tragique. C'était une pente de son talent. JPlaute d'ailleurs lui
donnait l'exemple; mais le théâtre des anciens différait néces-
sairement du nôtre ; en particulier, le sujet de V Amphitryon
s'y présentait sous un autre aspect. Les Dieux y pouvaient pa-
raître plaisants, mais en même temps y devaient être honorés;
et nous sommes mauvais juges de la part, fort étrange pour
nous, qu'un peuple païen savait faire au franc rire et au respect
des vieilles croyances. L'auteur latin avertit dans son prologue
qu'il va donner une tragédie, attendu qu'une pièce où figurent
des rois et des dieux ne saurait être autre chose ; et si tout à
coup on la voit métamorphosée en comédie, c'est qu'un esclave
y joue son rôle. Il propose donc, pour son œuvre mélangée, le
nom de tragi-comédie^ que le premier peut-être il a imaginé, et
qui diffère un peu de celui ^hiUiro~tragédie^ dont les Grecs
s'étaient servis. Il y a chez lui beaucoup de gravité dans le
langage de Jupiter, d'Amphitryon et d'Alcmène ; celle-ci nous
représente vraiment une matrone romaine. L'esclave même,
chez qui se trouve, ainsi que chez Mercure, l'élément comique
I. Voyez, dans la Collection Lemaire, le tome I de Plaute,
.p. i56.
3. Acte III, scène yj.
336 AMPHITRYON.
de la pièce^ n'élève-t-il pas son style jusqu'à la dignité des
poètes tragiques dans le récit qu'il repasse au moment de le
faire à Alcmène? Voilà où Rotrou s'est trop asservi à Timitatbn
de la comëdie latine, faute de s'être assez rendu compte des
conditions tout autres où il se trouvait en face de spectateurs
français, pour qui l'antique légende ne pouvait rien garder de
son côté sérieux.
U était impossible que Molière s'y trompât. Sans faire de la
mythologie une de ces parodies, faciles et vulgaires, que con-
naissaient déjà les burlesques de son temps, et dont s^indignait,
dès lors, le bon goût, il a sans hésitation saisi ce qu'elle de*
vait être sur notre théâtre pour rester amusante.
Dès la première scène, s'annonce un chef-d'œuvre de gaieté.
Quel parti le poète a tiré de cette lanterne que Plante fait
porter à Sosie ^ I C'est devant elle, comme si elle était Alcmène,
que, chez Molière, le plaisant ambassadeur répète son récit de
bataille, la faisant même, par la plus divertissante prosopopée,
dialoguer avec lui. Tout ce récit est d'un parfait naturel et
digne du fils de Dave :
Intererît multum Davusne loquatur an héros *.
On n'a pas toujours regardé comme le plus heureux chan-
gement fait à lAmphitryon latin les subtiles galanteries de
Jupiter, dans les scènes entre ce dieu et Alcmène. Il est cer-
tain que Voltaire aurait pu dire du Jupiter de MoUère ce qu'il a
dit de plusieurs des héros de Racine , que
.... L'amour, qui marche à leur suite,
Les croit des courtisans français*.
Pour nous, nous n'oserions nous plaindre de ce Jupiter in-
génieusement tendre et un peu raffiné, qui a passé par Ver-
sailles, et, en venant chez nous, a pris nos mœurs. Des scènes
qui, restées toutes romaines, nous auraient paru bien froides,
sont devenues piquantes, devaient l'être surtout au dix-septième
siècle.
X. Acte I, scène i, vers i85.
s. c II y aura une grande différence entre le langage de Dave et
celui d'un héros. » (Horace, jiri poétique^ Ters ii4«)
3. U Temple du Gaùi^ tome XII, p. 354.
NOTICE. 337
Ce qui surtout appartient en propre à Molière dans le nou-
vel Amphitryon^ tout le monde l'a remarqué : c'est le mënage
de Sosie et de Glëanthis, trouble par le même quiproquo que
celui de leurs maîtres, et qui nous donne une seconde comé-
die conjugale, non pas répétition, ni même simple parodie,
mais contraste de la principale action. L'idée parait tellement
natureUe, une fois exécutée, qu'on a peine à ne pas se dire :
Comment ni Plante ni Rotrou ne s'en sont-ils avisés ?
Jamais imitateur d'une pièce de théâtre n'a complété son
modèle par des scènes plus plaisamment originales. Ici Molière
n'a pas repris l'idée de son Dépit amoureux^ où deux actions
parallèles se répondent, variées seulement, dans leur symétrie,
par la différence des mœurs dans des conditions différentes.
Dans V Amphitryon^ il ne s'agit plus, chez le noble et chez
l'humble couple, des mêmes passions du cœur humain s'expri-
mant par un autre langage, mais de caractères et de disposi-
tions d'esprit dissemblables, produisant, au milieu de compli-
cations pareilles, de tout autres effets comiques.
Nous avons déjà parlé du nouveau caractère que, s'empa-
rant d'une idée de Rotrou, Molière a donné à son dénouement.
Il a retranché de ce dénouement la suivante d'Alcmène, Bro-
mia, devenue Céphalie dans Rotrou, et son grand récit des
miracles du berceau d'Hercule. C'est, on ne peut en douter,
ce que les anciens n'auraient ni admis ni compris. La légende
des deux serpents omise, la pièce, pour eux, eût été décapitée.
Sur notre théâtre, le point de vue s'est déplacé, et rien de plus
sage que d'avoir senti à quelle dose très-faible le merveilleux
nous paraîtrait acceptable, et combien peu de place la véri-
table comédie avait à lui céder.
Dans ce que notre pièce a particulièrement tiré de son
propre fonds, il ne faut pas omettre le Prologue, Celui de
Plante est plein d'esprit ; mais, avec ses recommandations de
bonne police théâtrale, familières aux histrions romains, et
ses explications naïves du sujet, que la seconde scène com-
plétera bientôt après, de manière à ne rien laisser d'imprévu
pour les spectateurs, il n'était pas fait pour notre scène. Le
prologue très-piquant de Molière, dont les acteurs, sont lu
Nuit et Mercure, est moins une exposition (celle-ci doit se
faire dans la pièce même et non pas en dehors) qu'une
MOUBRB. TI 33
338 AMPHITRYON.
excellente ouverture, donnant déjà le ton le plus juste de tout
Touvrage. Nous ne croyons pas inutile d'y faire remarquer
les vers (ia6-i3i) dans lesquels Mercure raille les ^scrupules
de la Nuit (comment les sagaces interprètes ont-ils oublié d y
reconnaître Mme de Montausier?), toute honteuse de la com-
plaisance qu'on lui demande :
Lorsque dans un haut rang on a l*heur de paroître,
Tout ce qu^on fait est toujours bel et bon,
Et suivant ce qu^on peut être,
Les choses changent de nom.
Si l'on admet les allusions dont nous avons parlé, voilà, ce
nous semble, une évidente ironie qui ne ménageait pas trop
la morale olympienne du grand Roi, ni la facile conscience des
serviteurs de ses passions ; et même, s'il faut, comme nous pen-
sons l'avoir prouvé, rejeter toute application au nouveau scan-
dale de la cour, de si honnêtes coups de patte, comme ceux de
maint autre passage de notre comédie, devaient encore pa-
raître s'adresser assez haut. Qu^en disent ceux qui ont accusé
Molière d'avoir été, dans Amphitrjron^ le bas flatteur de
Louis XIV?
Il se peut que l'idée du spirituel prologue soit due à deux
vers de Plante, dans la première scène de son premier acte^,
lorsque Mercure exhorte la Nuit à continuer d'obéir à son
père, ou qu'elle ait été empruntée au monologue de la pre-
mière scène de Rotrou, dans lequel le même Mercure recom-
mande semblablement à la Lune de marcher à pas lents. Ce-
pendant, si Molière n'a pas imité plus particulièrement un petit
dialogue très-ingénieux de Lucien entre Mercure et le Soleil*, il y
a là une rencontre singulière avec le satirique grec. Comme la
Nuit de Molière, le Soleil de Lucien est ce bien du bon temps : »
il lui semble que, dans le siècle de Saturne, les divinités ne
I. Vers lai et laa.
a. OEuvres de Lucien (Bibliothèque Didot), VIII, p. $4 «t 55,
Dialogue X des Dieux, — Bayle, au mot Amphitryon de son Diction'^
noire f tome I de la 5* édition, p. agi, note b, est d^avis que Molière
•*est inspire de Lucien. Voltaire (voyez ci-après, p. 35i) Ta con-
tredit; maïs la ressemblance entre notre prologue et le petit dia-
logue grec est beaucoup moins éloignée qu*il ne prétend.
NOTICE. 339
se permettaient pas de pareilles frasques. N'est-on pas tente
de croire que Lucien n a été que l'imitateur d'un Jmphitryr^n
grec? Userait curieux que, par son intermédiaire, Molière fdt
remonte, dans son prologue, à la plus ancienne source antique.
Nous aurions envie, sans chercher le paradoxe, de pousser
plus loin cette vue. Plante a beaucoup de jeux de mots tout
latins, qui ne sont pas les plaisanteries les plus heureuses de
sa pièce, et qui ont quelquefois trop provoqué Témulation de
Rotrou. Molière s'est gardé de les imiter : de sorte que si Ton
pouvait retrouver le vieil Archippe ou Rhinthon^, il ne serait
pas invraisemblable qne Molière, sans avoir certainement
songé à ce qu'en termes d*art on appelle une restitution^
se trouvât avoir, dans plusieurs scènes, reproduit plus pu-
rement ces comiques grecs que ne la fait le poète latin qui
les avait sous les yeux. Cela s'expliquerait sans trop de peine
par une sympathie de goût qui unit les génies de tous les
temps, et sans doute désarmerait un peu, en faveur du mérite
qu'il y aurait à avoir été parfois plus grec que Plante, les
critiques qui se plaignent des passages où ils jugent Molière
trop françab.
Nous ne songeons pas à mettre l'ouvrage de Molière au-
dessus de celui de Plante. Toute comparaison serait en défaut,
d'abord parce que des auteurs pour qui la mythologie n'avait
pas la même valeur ont dû se faire du sujet une idée diffé-
rente, et que chacun des deux, pour emprunter à un savant
critique* son excellente remarque, a très-bien fait « pour le
goût de son temps et de son pays ; 1» ensuite, parce qu'il est
juste de laisser à Plante, tout au moins par rapport à ses imi-
tateurs français, et dans l'ignorance où nous sommes de ce
qui n'est chez lui qu'une traduction du grec, l'avantage d'a-
voir inventé tant de situations d'un si rare comique, et tant
de traits étincelants qu'il en a fait sortir. Molière a puisé à
pleines mains dans cette richesse toute préparée ; mais qu'on
ne dise pas qu'il en ait rien laissé se perdre ou s'altérer. Loin
de là, il l'a fait briller davantage. « Il y a, dit très-justement
I. Voyez ci-dcMas, p. 3x3.
9. Naudet, dans V Avant^propat de V Amphitryon^ 9Col tome I delà
traduction de Plante (Paris, Lefèvre, x845, 4 volumes iA-i6).
34o AMPHITRYON.
BayleS des finesses et des tours dans Y Amphitryon de Mo-
lière qui surpassent de beaucoup les railleries de V Amphitryon
latin. » Quelle que soit la verve de Plaute, celle de Molière
est encore plus animëe et plus continuelle.
Geoffroy, nous avons eu dëjà l'occasion de le dire *, a cher-
che querelle à Bayle, trop grand admirateur, selon lui, de
notre pièce. Il Ta accusé de lëgèretë pour avoir « conclu que
V Amphitryon de Molière ëtait supërienr à celui de Plaute,
parce qu'il était plus dans nos mœurs'. » Et cependant le
même Geoffroy avait, six ans auparavant (mais il l'avait sans
doute oublie], bien plus immolé Plaute à Molière que Bayle
ne l'a fait. « Dans un sujet, avait-il dit ^, par lui-même in-
décent et immoral, Molière a su garder une juste mesure; il
a répandu sur cette débauche du seigneur Jupiter toutes les
fleurs d'une imagination vive et riante. Le dialogue est une
source inépuisable d'excellentes plaisanteries. Plaute auprès
de lui n est qu'un rustre ; sa joie est l'ivresse d'un paysan. »
C'est fort juste pour Molière, fort injuste pour Plaute. Puis,
quand, par réflexion, si ce n'est par caprice, le critique est
devenu moins partial, il n'a pas non plus évité l'excès dans
l'impartialité.
Nous avons déjà dit que, malgré les emprunts faits par Mo-
lière à Rotrou, il serait ridicule de supposer qu'il n'ait voulu
regarder Plaute que dans ce reflet. Il avait une connaissance
familière du latin ; Plaute devait être, aussi bien que Térence,
une de ses lectures favorites : c'eût donc été de parti pris que,
pouvant si bien entendre le vieux poète lui-même, il n'en eût
écouté qu'un imparfait écho. Qui ferait une telle injure à son
bon sens ? Si la peine n'était superflue, il serait aisé de mon-
trer plus d'un passage de la comédie latine que Molière a imité
de plus près que ne l'avait fait Rotrou, celui-ci, par exemple,
dans le rôle de Sosie : « Je crois vraiment que le Soleil dort
et qu'il a bu un bon coup : c'est merveille s'il ne s'est pas ré*
I. Dans la note de son Dictionnaire qui Tient d*étre citée à la
page 338, note s.
a. Voyez ci-dessus, p. 3i9.
3. Journal de P Empire^ feuilleton du i8 mars 1808.
4. Journal des Déhats^ ao messidor an X (9 juillet i8oi).
NOTICE. 341
gale un peu trop à souper '• » Gela est beaucoup moiiis inar>
que dans les Sosies ;
Par quelle irrognerie ou quel plaisant caprice
A le Dieu de la nuit oublié son office ?
Et surtout, dans le même endroit, on ne trouve pas chez
Rotrou l'indignation de Mercure :
Comme avec irrëvërence
Parle des Dieux ce maraud * 1
C'est Plaute que Molière a suivi : « Qu'est-ce à dire, maraud?
t'imagines-tu que les Dieux te ressemblent * ? » •
Une remarque plus particulièrement intéressante, c'est que
notre poète paraît avoir trouve dans Plaute, dans Plaute seul,
le germe de l'idée du mënage de Sosie et de Cléanthis. Le
vers (5o5) qu'on peut ainsi traduire (c'est Sosie qui parle) :
« Et moi, crois-tu que mon retour n'aura pas été attendu par
mon amie? » ce vers n'a-t-il pas été le trait de lumière? Il
n'est pas dans Rotrou.
Voltaire*, et quelques autres après lui, ont dit que
Mme Dacier avait prépare une dissertation où elle se proposait
de prouver que VAmphittyon de Plaute valait beaucoup mieux
que celui de Molière ; mais qu'elle la supprima en apprenant
que le grand comique travaillait à ses Femmes savantes, La
docte et certainement peu probante dissertation n'aurait pas
fait grand mal à notre comédie. On nous parle d'ailleurs i'ort
inexactement de ce projet, auquel on donne une date impos-
sible. Lorsque Molière travaillait aux Femmes savantes^ dont
la première représentation est de 167a, Mlle le Fèvre, la
I. Vers 116 et 127. — Sosie avait déjà fait, ea d^autres termes,
les mêmes plaisanteries au vers 116 : a Je pense que, cette nuit,
Nocturnus s* est endormi en état d'ivresse. 9
a. Vers 276 et 177.
3. Vers xa8.
4. Vojez son Sommaire ci-après, p. 353. Cette assertion a été
répétée par Cailhava, de VArt de la Comédie^ tome II, p. aSi,
et dans la Nouvelle biographie générale (Firmin-Didot), article de
Mme Dagddl (Anne le Fèvre),
34a AMPHITRYON.
fature Mme Dacier, née en i654, n'avait pas dix-huit ans.
Voici, croyons-nous, d'où est venue cette histoire. En 1683,
Mme Dacier publia le premier volume de sa traduction de
quelques comédies de Plante^ sous ce titre : Comédie dePlaute^
traduite en français..., par Mlle le Fèvre, Il contenait V Amphi-
tryon, A la fin de V Examen de celte pièce, on lit ceci : oc Après
oet examen de V Amphitryon de Plaute, j*avois résolu de faire
celui de V Amphitryon de Molière ; mais je crois que ce que
j'ai dit sur la comédie du poète latin peut suffire à ceux qui
voudront bien juger de celle du poète François. » On voit clai-
rement dans son Examen qu'elle n'aurait point, comme Bayle,
penché du côté de notre pièce. Par le soin qu'elle prend de
nous dire que le récit de la victoire préparé par Sosie pour
Alcmène (scène i) est « d*un style fort noble et fort soutenu, »
qu'il n'a aucune invraisemblance, et que a cette adresse de
Plaute lui paroît incomi>arable, » elle montre assez qu'elle ne
préférait pas la première scène de Molière; mais la seule at-
taque directe qu elle essaye contre lui est dans ce passage :
« La scène iv* de l'acte IV* {de Plaute) a été préparée par ce
qui s'est passé dans la scène m de l'acte III.... C'est ici ou
commence le plus fort de l'intrigue. . . . Molière n'a point touché
cela dans sa pièce, et je ne devine pas ce qui peut l'avoir
obligé de laisser le plus bel incident. » Que la scène tant admirée
par Mme Dacier soit vraiment de Plaute, ou qu'on n'y voie, avec
plusieurs critiques, qu'une interpolation, peu importe. Il s'agit
de savoir si le a bel incident » que a Molière n'a point touché »
est regrettable. Les éclaircissements donnés par Jupiter, qui
mettent Blépharon dans un grand embarras, ne sont qu'une
répétition de ce qui s'est déjà passé entre Mercure et Sosie.
Il n'y a que cela d'omis dans V Amphitryon français, qui, du
reste, a conservé les meilleurs traits de cette scène dans celle
où il met Jupiter et Amphitryon en présence de Naucratès et
de Polidas'. Tout cet Examen donne raison à ceux qui ont
moins de confiance dans le goût de Mme Dacier que dans son
érudition. Elle attache une particulière importance à démon-
trer la régularité parfaite de la pièce de Plaute et l'unité de
temps qui y est observée. Relevant l'erreur commise, à sod
I. Acte in, scène r.
NOTICE. 341
avis, par qaelques savants qui y sopposaient une durée de
neuf moîsy la thèse qu'elle défend la jette dans une discussion
fort délicate de la question d'accouchement. Elle se croyait
ainsi au cœur du sujet et dit en prières ternies : « Le véri*
table sujet de cette pièce est l'accouchement d'Aicmène et la
naissance d'Hercule ^. » Molière n'aurait pas refusé d'avouer
qu'il Favait manqué ; et que, si la savante dame n'entendait pas
très-bien le comique, elle le rencontrait merveilleusement eUe-
mème, sans le vouloir.
Il y aurait à tenir un bien autre compte du jugement de
Boileau, sans être obligé cependant de l'accepter ici pour in-»
faillible. Mais le Bolmana nous Ta-t-il fidèlement conservé? il
le rapporte ainsi* : <c A l'égard de Y Amphitryon de Molière,
qui s'est si fort acquis la faveur du peuple et même celle de
beaucoup d'honnêtes gens, M. Despréaux ne le goûtoit que
médiocrement. Il prétendoit que le prologue de Plaute vaut
mieux que celui du comique françois. Il ne pou voit souffrir les
tendresses de Jupiter envers Alcmène, et surtout cette scène
où ce Dieu ne cesse de jouer sur le terme d'époux et d'à»
mant. Plaute lui paroissoit plus ingénieux que Molière dans
la scène et dans le jeu du moi^ Il citoit même un vers de Ro-*
trou, dans sa pièce des Sosies^ qu'il prétendoit plus naturel
que ces deux de Molière' :
Et j'ëtois venu, je tous jure,
Ayant que je fusse arrivé.
Or voici le vers de Rotrou :
JTëtois chez nous longtemps axant que d'arriver *. »
I. Examen de V Amphitryon^ folio s r**. — Cela fait songer au joli
passage du Gil Bios (livre XI, chapitre xiv, tome IV, 1735, p. a6i-
i63), dans lequel un bachelier, savant de premier ordre, soutient
que c'est le Vent qui fait le véritable intérêt de Viphigénie en Aidide,
». Bolmana^ Amsterdam, i74a« P* 33.
3. Acte II| scène i, vers 74^ et 743.
4* Le yen de Rotrou nVst pas ainsi. Il y a (acte II, scène 1) :
J^ai treuvé, quand bien las j*ai ma course achevée....
"— Quoi ? — Que j'étois ches nous avant mon arrivée.
En quoi Molière a-t-il moins bien dit ?
344 AMPHITRYON.
Asses Yokmtiers nous reoooiiattrioDS Boileaa dans sa sëvë-
rite pour les galanteries quintessendëes de Jupiter; nous la
croyons cependant excessive. Quant aux autres critiques, qui
nous feraient inutilement revenir sur plusieurs des choses que
nous avons déjà dites, elles nous paraissent indignes de son
sens justCy et nous doutons qu'elles soient de lui.
Dans une lutte avec le vieux chef-d'œuvre, auquel il n'y
avait pas à disputer la pins grande part de l'invention, un
des soins les plus nécessaires était de faire briller par le style
les richesses empruntées. Le grand écrivain n'y a pas man-
qué. Le style de son Amphitryon est étîncelant; et, dans sa
parfaite franchise, dans sa rare facilité, toute trace de sujétion
k un modèle est effacée. Cette facilité est rendue plus sensible
encore par l'habile emploi que Molière a fait des rimes mêlées
et des vers d'inégale mesure. Rien d'ailleurs ne convenait
mieux à un sujet où la libre fantaisie devait régner plus qu'en
tout autre. Il serait naïf de faire remarquer que cette même
forme donnée au Misanthrope ou au Tartuffe ne se compren-
drait pas. Si, comme il a été dit dans la Notice du Sicilien^ ^
Molière semble avoir été préoccupé, depuis quelque temps,
d'une innovation de ce genre, il venait de rencontrer ici la
meilleure occasion. Peut-être aussi pensa-t-il que, de cette fa-
çon, Rotrou, son devancier, ne le gênerait pas autant, et
qu'ayant eu à marcher l'un après l'autre sur les mêmes traces,
une autre allure mêlerait moins leurs pas. Avec beaucoup de
vraisemblance encore, d'autres conjectureront que, pi'ompt à
tout mettre à profit, il avait fait grande attention à l'Agésilas^
de Ck>meille où, moins de deux ans avant V Amphitryon^ une
tentative semblable avait été faite : non pas qu'il en ait dû ju-
ger le succès très-encourageant, mais il lui était permis de
penser que si, dans la tragédie, le vers libre paraît trop fami-
lier, la comédie en tirerait meilleur parti.
Grande différence en effet ici et là ; et, pour la faire sentir,
l'oreille a de très-délicats jugements. Lorsque le poète tragi-
que renonce aux rimes plates, et lorsqu'il mêle de petits vefS aux
grands, il faut, suivant les combinaisons du rhythme, ou que
i« Voyez ci-dessus, p. 9i3 et suivantes.
a. Joué à THôtel de Bourgognei en férrier i666.
NOTICE. 34s
sa langue oianque de gravite, ou qu'elle sonne c(Hnme celle du
poète lyrique. Rien non plus de moins heureux que les alexan-
drins à rimes croisas du Tancrède de Voltaire ; ils paraissent
à la fob négligés et d'un efifet trop marqué pour que Ton ne
croie pas entendre l'auteur parler mal i propos à la place de
ses personnages. L'erreur de VJgésilas et celle de Tancrède
étaient bonnes à rappeler pour faire comprendre combien, au
théâtre, il faut d'art ou d'heureux instinct dans l'emploi d'une
forme métrique inusitée. Celle que Molière adopta pour sa
comédie n'était capricieuse qu'en apparence : elle s'est trou-
vée de l'effet le plus juste ; aussi l'avait-il maniée de main de
maître, avec une merveilleuse finesse de tact et une aisance
qui ne s'est pas trop assujettie aux règles d'une poésie plus
sévère. Si habile qu'il fût, aurait-il, avec le même succès, em-
prunté à notre vieille comédie, comme, de son temps. Cheva-
lier et quelques autres, son vers de huit syllabes, ou tenté
celui de dix, qu'avait aussi connu notre plus ancien théâtre ?
Nous ne le croyons pas : l'un donnait plus de grâce au badi-
nage que de naturel au dialogue ; l'autre, chez Voltaire, a fait
prendre à la comédie un air d'épître ou de satire. Quoique les
vers de V Amphitryon aient échappé à tous ces inconvénients,
ils n'ont point fait école ; sans doute l'outil ne pouvait être aussi
bon que dans la main d'un tel ouvrier.
Au siècle dernier et dans celui-ci, \ Amphitryon^ dont la
gaieté ne saurait vieillir, a été souvent joué et bien joué. Il y
a eu presque de tout temps d'habiles interprètes des princi-
paux rôles de la pièce, en particulier de celui que Molière
a créé et dont nous avons vu Rosimont chargé en i685.
François- Arnould Poisson, le dernier en date des comédiens
qui ont rendu le nom de Poisson célèbre, y eut beaucoup de
succès dans ses débuts au mois de mai 1722^ On raconte
que, détourné par son père d'entrer dans la carrière théâtrale,
I. « Le 91, le sieur Poisson, frère cadet de celui qui vient de
quitter le théâtre, a paru pour la première fois dans la comédie
è^ Amphitryon de Molière, et y a joué le rôle de Sosie, avec un ap-
plaudissement universel ; il a du feu et de la vivacité. » {Le Mercure
de mai lyaa, p. 140.)
346 AMPHITRYON.
il ne Yainquit sa résistance qu'en lui récitant le rAle de Sosie ^
N'est-tl pas probable que ce père lui-même, Paul Poisson, avait,
dans ce rôle, servi de modèle à son fils? Nous remonterions
ainsi facilement jusqu'au temps de Rosimont. De François-
Arnould Poisson^ « petit et baroque de figure, dit Grimm*,...
bredouilleur, ne sachant jamais son rôle, » mais faisant « les
délices du parterre par un jeu infiniment plaisant et original, »
nous passons à Préville, qui parut sur le théâtre en 1753,
deux ans après la mort de cet amusant comédien, dont il prit
les rôles. Il « fit entièrement oublier son prédécesseur, » dit
l'éditeur des Mémoires de Préville, dans sa Notice sur cet ac-
teur*, où, portant sur Poisson le même jugement que Grimm,
il parle de « ses défauts de prononciation, » qu'il faisait cepen-
dant aimer du public, de son masque grotesque et de sa burlesque
diction, mais aussi de sa«c gaieté vive et franche » et du « naturel
de sa bouflbnnerie. » Tout différent et bien supérieur, Préville
excella par « la finesse et le mordant de son jeu ; > il alliait
ce une gaieté non moins vraie à une diction plus variée. » Cet
acteur, qui, parmi les comiques du siècle dernier, n'eut point
d'égal, et qu'on a surnommé <c l'inimitable, » prit sa retraite
en 1786; cependant il reparut un moment vers la fin de 1791,
et le rôle de Sosie fut un de ceux qu'il reprit alors sur le
théâtre de la Nation*. Dugazon, dont les débuts sont de 1771,
joua dans \ Amphitryon à côté de Préville; il avait alors le
rôle de Mercure. Ces représentations, où le mattre et l'élève
paraissaient ensemble, donnant aux personnages qu'ils repré-
sentaient leur vrai caractère, Cailhava a exprimé le regret que
les jeunes comédiens de son temps ne les eussent pas vues et
n'y eussent pas appris que l'esclave ne doit pas « courir après
l'esprit, la gentillesse, pour éclipser le dieu, » que celui-ci a
grand tort de tomber dans la grossièreté^. Il faut croire que
ï. Voyez les Spectacles de Paris ou le Calendrier historique,,^, des
théâtres^ Sj» partie (année 1788), p. 108-xio.
9. Correspondance littéraire ^ février 1771.
3. En tête des Mémoires ^ édition d^Ourry (iSiS), p. xs et i3.
4. Histoire du Théâtre français pendant la Révolution^ par Etienne
et Martainville, tome II, p. i65.
5. Études sur Molière^ p. a 06 et 307. Le volume est daté de
PanX, qui va dusS septenibre 1801 au sa septembre i8oa.
NOTICE. 347
le Mercure de ce temps-là était extrêmement trivial, paiscjne,
pour lai en faire honte, on rappelait le souvenir de Dugazon,
qui cependant avait lui-même, dans plus d'un rôle, passé pour
Tètre un peu trop, quoique ses défauts fussent en partie cou^
verts par sa verve comique. Ce (ut sans doute après la retraite-
de Préville, en 1 786, que DugazcMi prit à son tour le rôle de
Sosie, où il réussit fort bien. Il y eut un temps où lui et Dazin-*
court le jouèrent tour à tour. Entré au Théâtre-Français plus^
récemment que Dugazon (1776), Dazincourt, dont le jeu était
en généra] bien moins brillant, ne Tégala pas dans ce rôle.
Geoffroy cependant lui rendait, en i8o3, ce témoignage qu'il y
faisait beaucoup rire^. Après la mort de Dazincourt [mars 1 809)
et celle de Dugazon (octobre de la même année), on ne re-
prit Amphitryon que dans les derniers jours de 18 10 (22 dé-
cembre). Ce fut alors Thénard qui représenta Sosie*, et il fut
très-goûté. Après lui, les bons Sosies n'ont pas manqué. Nom-
mons-les dans l'ordre des temps : Cartigny, Monrose, Sam-
son, Régnier, ces deux derniers particulièrement remarqua-
bles. On peut noter que tous ces acteurs ont aussi fort bien
joué le rôle de Mercure ; car il semble qn au Théâtre-Français
on doive généralement passer par ce rôle avant d'être promu
à celui de Sosie. C'est ce qui était arrivé à Dugazon, quand il
jouait avec Préville. On eut de même : Thénard, Sosie^ Car-
tigny, Mercure; — Cartigny, Sosie ^ Monrose, Mercure; —
Monrose, Sosie ^ Samson, Mercure; — Samson, Sosie ^ Régnier,
Mercure; — Régnier, Sosie (depuis i865) : à côté de M. Ré-
gnier, jouant ce rôle de Sosie ^ M. Coquelin aîné a joué celui
de Mercure.
Le i5 janvier 1871, date mémorable, car on était en plein
siège de Paris, Amphitryon fut représenté pour l'anniversaire
de la naissance de Molière. M. Got s'était chargé du person-
nage de Sosie; il fait aujourd'hui celui de Mercure. Ce n'est
point là un rôle secondaire; bien rendu, il abonde en eflets
comiques. Larochelle y avait montré beaucoup de talent au
temps de Dugazon.
I. Journal des Débats^ feuilleton du 34 ventôse an XI (i5 mars.
i8o3).
a. VOviniondu parterre (huitième année, 181 1), p. 909 et )io.
35a AMPHITRYON.
SOMMAIRE
ï>' AMPHITRYON, PAR VOLTAIRE,
Euripide et Archippus aTaient traité ce mjet de tragi-comédie
chez les Grecs ; cVst une des pièces de Plaute qui a eu le plus de suc-
cès : on la jouait encore à Rome cinq cents ans après lui, et ce qui
peut paraître singulier, c*est qu^on la jouait toujours dans des fêtes
consacrées à Jupiter. Il n* j a que ceux qui ne savent point combien
les hommes agissent peu conséquemment qui puissent être surpris
qu'on se moquât publiquement au théâtre des mêmes Dieux qu'on
adorait dans les temples.
Molière a tout pris de Plaute, hors les scènes de Sosie et de
Cléanthis. Ceux qui ont dit qu'il a imité son prologue de Lucien
ne savent pas la difTërence qui est entre une imitation et la res-
semblance très-éloignée de Texcellent dialogue de la Nuit et de
Mercure, dans Molière, avec le petit dialogue de Mercure et d'A-
pollon, dans Lucien : il n'y a pas une plaisanterie, pas un seul mot
que Molière doive à cet auteur grec '.
Tous les lecteurs exempts de préjugés savent combien V Amphi-
tryon français est au-dessus de VAmplùtryon latin. On ne peut pas
dire des plaisanteries de Molière ce qu'Horace dit de celles de
Plaute* :
.... Nôstri proavi phmtinos et numéros et
Laudavere sales, nimium patienter uirumqae»
Dans Plaute, Mercure dit à Sosie : a Tu viens avec des fourberies
cousues. » Sosie répond : a Je viens avec des habits cousus. -^ Tu
as menti, réplique le Dieu : tu viens avec tes pieds et non avec tes
habits', s Ce n'est pas là le comique de notre théâtre. Autant Molière
paraît surpasser Plaute dans cette espèce de plaisanterie que les
Romains nommaient urbanité, autant parait-il aussi l'emporter dans
l'économie de sa pièce. Quand il fallait chez les anciens apprendre
au spectateur quelque événement, un acteur venait sans façon le
I . Sur le dialogue de Lucien, Tojes ci-dewns i la Notice, p, 338.
a. Dans VArt poétique^ yen 270 et 271. — 3. Plante, Terg ai i-3i3.
SOMMAIRE DE VOLTAIRE. 353
conter dant va flMHiolognc : ainû Amphitryon et Mercure viennent
seuls sur U scène dire tout ce <{u*ib ont fait pendant les entr*actes.
Il n'y avait pas plus d*art dans les tragédies. Cela seul fait peut-
être voir que le théâtre des ancienf (d'ailleurs à jamais respectable)
est, par rapport au n6tre, ce que Tenfance est à Tàge mûr.
Mme Dacier, qui a fait honneur à son sexe par son érudition, et
qui lui en eut fait davantage, si avec la science des commentateurs
elle n*en eût pas eu Pesprit, fit une dissertation pour prouver que
VAmphitrjon de Plante était fort au-dessus du moderne ; mais
ayant ouï dire que Molière voulait faire une comédie des Femmes
savantes^ elle supprima sa dissertation ^
1j Amphitryon de Molière réussit pleinement et sans contradiction :
aussi est-ce une pièce * pour plaire aux plus simples et aux plus
grossiers comme aux plus délicats'. C*est la première comédie que
Molière ait écrite en vers libres. On prétendit alors que ce genre de
versification était plus propre à la comédie que les rimes plates,
en ce qn*il y a plus de liberté et plus de variété. Cependant les
rimes plates en vers alexandrins ont prévalu. Les vers libres sont
d'autant plus malaisés à faire qu'ils semblent plus faciles. Il y a un
rhythme très^peu connu qu'il y faut observer, sans quoi cette poésie
rebute. Corneille ne connut pas ce rhythme dans son AgésUas,
1. Yoyes ei-deMiii(la Notice^ p. 341-343.
a. Le mo^finte^ tupplié iai pir BsiMbot, manqya suk r«it— -de-f^^^^t
éB 1764. /
3. Dans bb Utto de sa TieilleMe, à rartide Eiaa (qui est de 177a) de»
Questions sur VBncjelopedie •, Voltaire a dit le plaisir qu'encore enfant il
avait pria à la eomédie dont, en 17 39, il portait le jugement qn*on Tient de
iire : « J^aTab onze ans qaand je loa tout seul, poor la première fois, VAm^
phitrjon de Molière; je ris an point de tomber à la renrerse. »
* Réunies, dam Pédition Beuchot, aux articles du Dictionnaire philoeophi'
^ue i Tojez tome XXXII, p. 147.
MOUBBH. VI S 3
354 AMPHITRYON.
A SON ALTESSE SÉRÉNISSIME
MONSEIGNEUR LE PRINCE*.
MONSEIGNSUR,
N'en déplaise à nos beaux esprits, je ne vois rien de
plus eunuyeux que les épitres dédicatoires ; et Votbe
Altbssb Sbr£nissimb trouvera bon, s*il lui plaît, que je
ne suive point ici le style de ces Messieurs-là, et refuse
de me servir de deux ou trois misérables pensées qui ont
été tournées et retournées tant de fois, qu'elles sont
usées de tous les côtés. Le nom du Graito Condb est un
nom trop glorieux pour le traiter comme on fait tous
les autres noms : il ne faut l'appliquer, ce nom illustre,
qu'à des emplois qui soient dignes de lui ; et pour dire
de belles choses, je voudrois parler de le mettre à la
tête d'une armée plutôt qu'à la tête d'un livre ; et je
conçois bien mieux ce qu'il est capable de faire en
l'opposant aux forces des ennemis de cet État, qu'en
l'opposant à la critique des ennemis d'une comédie.
Ce n'est pas^ Monsbignbur, que la glorieuse appro-
bation de Votre Altesse Sérénissime ne fût une puis-*
sa^te protection pour toutes ces sortes d'ouvrages, et
qu'on ne soit persuadé des lumières de votre esprit
autant que de l'intrépidité de votre cœur et de la gran-
deur de votre âme. On sait, par toute la terre, que
l'éclat de votre mérite n'est point renfermé dans les
bornes de cette valeur indomptable qui se fait des ado-
I. Le grand Condé, comme Molière lui-même ya l'appeler ; à la
date de la publication de cette ëpître (5 mars 1668), il Tenait de
faire la rapide conquête de la Franchc-Comtë (3~i9 février).
ÉpItRE. 355
rateurs chez ceux même qu'elle surmonte; qu'il s'étend ,
ce mérite, jusques aux^ connoissances les plus fines «t
les plus relevées ; et que les décisions de votre juge-
ment sur tous les ouvrages d'esprit ne manquent point
d'être suivies par le sentiment des plus délicats. Mais-
on sait aussi, Monseigneur, que toutes ces glorieuses-
approbations dont nous nous vantons au public ne nous-
coûtent rien à faire imprimer; et que ce sont des
choses dont nous disposons comme nous voulons ; on
sait, dis-je, qu'une épître dédicatoire dit tout ce qu'il
lui plaît, et qu'un auteur est en pouvoir d'aller saisir
les personnes les plus augustes, et de parer de leurs-
grands noms les premiers feuillets de son livre ; qu'il a
la liberté de s'y donner, autant qu'il veut, l'honneur de
leur estime, et de se faire des protecteurs qui n'ont
jamais songé à l'être.
Je n'abuserai, Monseigneub, ni de votre nom, ni de
vos bontés, pour combattre les censeurs de YAmphi--
tryon^ et m'attribuer une gloire que je n'ai pas peut-
être* méritée; et je ne prends la liberté de vous offrir
ma comédie, que pour avoir lieu de vous dire que je
regarde incessamment, avec une profonde vénération,,
les grandes qualités que vous joignez au sang auguste
dont vous tenez le jour, et que je suis, Monseigneur,
avec (out le respect possible et tout le zèle imaginable',.
De Votre Altesse Sérénissime
Le très-humble, très-obéissant
et très-obligé serviteur,
Molière.
I. Jusqu'aux. (1780, 33, 34.)
9. Peat-étre pat. (17 18, 3o, 34.)
3. Et le zèle imaginable. (1697, 17 10, 18, 3o, 33, 34*)
ACTEURS,
MERCURE.
LA NUIT.
JUPITER, 80IU la fomie d'Amphitryon ' .
AMPHITRYON, général des Thëbains*.
ALCMÈNE, femme d'Amphitryon.
CLÉANTHISy suivante d'Alcmène et femme de Sosie'.
SOSIE, valet d'Amphitryon \
ARGATIPHONTIDAS •, J
NAUGRATÈS, f .^ . ^. „ .
POLIDAS, capiumes thëbams.
POSIGLteS ]
La scène est à Thèbe», devant la maison d* Amphitryon '.
I. ACTEURS.
ACTEUBS DU PROLOGUE.
Maacuaa. -— La Nurr.
iurrauES db la. GOMtaB.
JupiTBB, SOUS U figure d* Amphitryon. (1734.) — Ici Tëdition de
1773 ajoute : Mbrcuhb, tous la figure de Sosie ^ addition justifiée,
puisque Mercure est acteur dans le Prologue et dans la Comédie.
s. De la race héroïque de Persée, comme sa femme Alcmène,
Amphitryon, forcé par son oncle Sthénélos de quitter Argos et
Tirynthe, avait été mis k la tète de Tarmée du roi Créon : Toyez la
BihUothèqttê d'Apollodore (édition de Ciayier), livre II, chapitre it.
3. On a vu à la Notice^ p. 34i, que ce personnage n*existe pas
dans la comédie latine, mais qu*un Ters de Plante ayait pu en don-
ner la première idée à Molière.
4. Ce rôle était joué par Molière ; on a la description du costume
quHl portait; elle a été donnée, et a été l^ohjet de quelques re-
marques, ci-dessus à la Notice^ p. 339 et 33o. — Sur ce qu*on
peut conjecturer de la première distribution des autres rôles,
Toyez également la Notice^ p. SsS-Ssg. — • L'édition de 1734 re-
jette Sosie, valet tt Amphitryon^ h. la fin de la liste des Personnages.
5. Voyez ci-après, p. 4^5, note i. — 6. Pausiclés. (1734.)
7. Le théâtre, dit le vieux Mémoire de,,,, décorations y ce est une
place de ville. Il faut un balcon, dessous une porte ; pour le Pro-
logue, une machine pour Mercure, un char pour la Nuit. Au
III* acte, Mercure s'en retourne, et Jupiter sur son char. Il faut
une lanterne sourde, une batte. » — Za scène est à Thèbes^ devant
le palais {dans U palais^ 1773) tP Amphitryon, (1734*)
AMPHITRYON.
COUÉDIE.
PROLOGUE'.
MERCURE, •« ». >»E.i u NUIT, d», ,m d...
tnlni par deux eheranx*.
ItBKCUlE.
Tout beau ! charmante Nuit ; daignez vous arrêter :
Il est cerlain secoure que de vous on désire,
Et j'ai deux mots à vous dire
De la part de Jupiter*.
LA ItUIT.
Ah! ah! c'est vous, Seigneur Mercure! S
Qui vous eût devioé là, dans cette posture?
MERCURE.
Ma foi ! me trouvant las, pour ne pouvoir fournir*
Aox difiërenta emplois où Jupiter m'engage,
Je me suis doucement assb sur ce nuage,
Pour vous attendre venir. i u
LA «DIT.
Vous vous moquez, Mercure, et vous n'y songez pas* :
Sied-il bien à des Dieux de dire qu'ils sont las ?
I. Dam Tan da PUntc, dÉTolappc* par Ratron ■■ dfbat d» n comidia, M
coBtaniDt orna «impla racoaunaBditioii Faiu d* lola par Hamra k II Huit a,
ont, brt probablamant. availa aoBTenlr d'nn dLidogDt de LacMB, iBtpirl 1 Mo-
hin Mtta htmaaa iBtiudiwtioB : Tojai ei-daaaiu la JK>iù#, p. 3J^-33g.
1. La Ilut,dau >Dcfaar traloâ, daai l'air, par dan abaraiix. (17I4.)
3. Da rûan ualogan k oaUa i'urrtitr at JmpUir ml dijk ilit nlaiiat
Urn* I, p. aîî, MM 9. «t p. 439, DOU 1.
^, para* qu'anfia j« B* auia pu de ion» t {oonirloajiMn....
i. Holiera sa l'aat
l'aluraana d« riawa,
jasa aida pu de ton» a raonu wa)(Mn....
_. — •-Bjoan atOaiBt, duu en tm libre*, k la rtgic da
\
J
I
358 AMPHITRYON.
MBRCURX.
Les Dieux sontJls de fer?
LA NUIT.
Non; mais il faut sans cesse
•Garder le décorum de la divinité.
U est de certains mots dont Tusage rabaisse ■ s
Cette sublime qualité,
Et que, pour leur indignité.
Il est bon qu*aux hommes on laisse.
MERCURB.
A votre aise vous en parlez.
Et vous avez, la belle, une chaise roulante \ ao
Où par deux bons chevaux, en dame nonchalante.
Vous vous faites traîner partout où vous voulez.
Mais de moi ce n'est pas de même ;
Et je ne puis vouloir, dans mon destin fatal,
Aux poètes assez de mal 1 5
De leur impertinence extrême.
D'avoir, par une injuste loi,
Dont on veut maintenir Tusage,
A chaque Dieu, dans son emploi,
Donné quelque allure en partage, 3o
Et de me laisser à pied, moi.
Comme un messager de village,
Moi, qui suis, comme on sait, en terre ' et dans les cieux,
Le fameux messager du souverain des Dieux *,
1. Furedère (i6^} dit qu*on appelle chaise roulante « un petit carroMe
coapé, » et rAeadémie (1694} ■ ua^ voiture k deux rouet tninée par aa
'homme ou par on ehcyal. »
a. Sur terre, dans la région de la terre. Rotroa «Tait dit (Yen la fin de la
•aeèoe ▼ de l*acte III det ^mes) :
Je auia Sone en ton, an ciel j*éloia Mareore.
La loention rerient plus bat dans le jeu de scène qui termine le Prologue f
«nais là die exprime mouvement.
3. L'effet de cet deux grands vert majeataenx, apièt kt itn de huit tjllabet
PROLOGUE. 359
Et qui, sans rien exagérer^ 3,5
Par tous les emplois qu*il me donne,
Aurois besoin, plus que personne,
D'avoir de quoi me voiturer^
LA HUIT.
Que vouleib-voQS faire à cela ?
Les poëtes font i leur guise : 40
Ce n*est pas la seule sottise
Qu*on voit faire à ces Messieurs-là.
Mais contre eux toutefois votre àme à tort s'irrite,
Et vos ailes aux pieds sont un don de leurs soins.
MBaCURE.
Oui; mais, pour aller plus vite, 45
Est-ce qu'on s'en lasse moins?
LA NUIT.
Laissons cela. Seigneur Mercure,
Et sachons ce dont il s'agit.
MBRCURB.
C'est Jupiter, comme je vous l'ai dit,
Qui de votre manteau veut la faveur obscure, 5o
qui précèdent, ett le même que dans ce passage final de la fable dn Chêne et
le Roseau^ i
Et fiût si bien qu^il déracine
Celai de qui la t^te au ciel étoit ToisÎAe
£t dont ks pieds touchoieot à l*empûrc dos njorts.
I. Comment est-ee le fisit et la faute des poètes qa« Mercure aille à pied?
Ce qn*ils imaginent, comme il va étie dit, « à leur guise » devient donc usage
et loi pour les Dieux ? A ce compte-là, la manière de vivre et d*agir des
Dieux n^est donc que fiction ? Oui sans doute ; mais TaTooer ainsi est nne plai-
sante infraction h ce qn'Auger appelle la rérité poétique. Pour on moment, ce
n*est plus Mercure, cVst Tacteur qui parle, se plaignant et riant du rAIe,
de l'allure à laquelle le tondamne la tradition des poètes, que Tautenr de la
comédie est bien obligé de suivre. Plaute a rompu plus violemment encore
avec rillusion tfaéfttrale : en plus d*an endroit de son Prologue, mis tout en-
tier dans la bouche de Mercure, il va jasqu*à fisire rire aux dépens de la pro«
pre personne du pauvre bère d^histri0n, du miwrabloesdave, sujets comme tel,
aux coaps, qui représente le Dieu. !,.<.''/
' La xxn* du I*' livre, publié quelquea jours a^rès Amphitryon, le 3i mars
i(j6S.
36o AMPHITRYON.
Pour certaine doace aventure
Qu'un nouvel amour lui fournit.
Ses pratiqueSi je crois, ne vous sont pas nouvelles :
Bien souvent pour la terre il néglige les cieux;
Et vous n*ignorez pas que ce maître des Dieux 5!»
Aime à s'humaniser pour des beautés mortelles,
Et sait cent tours ingénieux,
Pour mettre à bout les plus cruelles.
Des yeux d'Alcmène il a senti les coups ;
Et tandis qu'au milieu des béotiques plaines, 60
Amphitryon, son époux,
Commande aux troupes thébaines.
Il en a pris la forme, et reçoit là-dessous
Un soulagement à ses peines
Dans la possession des plaisirs les plus doux. 6 5
L'état des mariés à ses feux est propice :
L'hymen ne les a joints que depuis quelques jours ^ ;
Et la jeune chaleur de leurs tendres amours
A fait que Jupiter a ce bel artifice
S'est avisé d'avoir recours. 70
Son stratagème ici se trouve salutaire ;
Mais, près de maint objet chéri.
Pareil déguisement seroit pour ne rien faire,
Et ce n'est pas partout un bon moyen de plaire
Que la figure d'un mari. 75
1. La campagne d*Ampbttryon n*a donc été qua de courte durée. Ici Mo-
lière ii*a pat tuivi Plaate, chez qui la naiaMnee de deux junoeaux, qu^Alemène
doit mettre an monde, fils. Ton d^Ampbitryon, Tautre de Jupiter, amène le
dénouement et, dès le début de la pièce, est annoncée pour le jour même
(acte 1, Mène u, Ters 3a4-3a7) :
MEICUUUS.
Boiie illa pariet filiot geminos dmos ;
Alter decmmo pott mense nasceiur pmer
Qumm teminatu»^ alier menât gêptmmo g
Èonun Amphitruonis alter ett^ aller Jovu.
Vojat ci-après la note an Tert 1735.
PROLOGUE. 36i
Là 5UIT.
J^admire Jupiter, et je ne comprends pas
Tous les déguisements qui lui viennent en tête.
MBaCURE.
Il veut goûter par là toutes sortes d^états.
Et c'est agir en Dieu qui n'est pas bête.
Dans quelque rang qu'il soit des mortels regardé, So
Je le tiendrois fort misérable,
S'il ne quittoit jamais sa mine redoutable.
Et qu'au faite des cieux il fût toujours guindé.
Il n'est point, à mon gré, de plus sotte méthode
Que d'être emprisonné toujours dans sa grandeur; 8 5
Et surtout aux transports de l'amoureuse ardeur
La haute qualité devient fort incommode.
Jupiter, qui sans doute en plaisirs se connaît,
Sait descendre du haut de sa gloire suprême;
Et pour entrer dans tout ce qu'il lui plait* 90
Il sort tout à fait de lui-même.
Et ce n'est plus alors Jupiter qui parait.
LA nurr.
Passe encor de le voir, de ce sublime étage,
Dans celui des hommes venir.
Prendre tous les transports que leur cœur peut fournir.
Et se faire à leur badinage.
Si, dans les changements où son humeur l'engage,
A la nature humaine il s'en vouloit tenir;
Mais de voir Jupiter taureau.
Serpent, cygne, ou quelque autre chose, 1 00
Je ne trouve point cela beau,
Et ne m'étonne pas si parfois on en cause.
MERCURE.
Laissons dire tous les censeurs :
I. OtM toat ce qn Id platt. (1734.) — Malgré la rlne jd^t (yUiti), Im
andcnct éditions ont ao ran 88 eottnoiat, et ao reri ^pmmst^ par «.
36t AMPHITRYON.
Tels changements ont leurs douceurs
Qui passent leur intelligence. i o 5
Ce Dieu sait ce qu*il fait* aussi bien là qu'ailleurs ;
Et dans les mouvements de leurs tendres ardeurs,
Les bêtes ne sont pas si bêtes que Ton pense.
LA IfUIT.
Revenons à Tobjet dont il a les faveurs.
Si par son stratagème il voit sa flamme heureusCi 1 1 o
'Que peut-il souhaiter ? et qu*est-ce que je puis ?
MERCURE.
<^ue vos chevaux, par vous au petit pas réduits,
Pour satisfaire aux vœux de son âme amoureuse,
D'une nuit si délicieuse
Fassent la plus longue des nuits ; 1 1 5
Qu'à ses transports vous donniez plus d'espace.
Et retai^iez la naissance du jour *
Qui doit avancer le retour
De celui dont il tient la place.
LA NUIT.
Voilà sans doute un bel emploi i a o
Que le grand Jupiter m'apprête,
Et Ton donne un nom fort honnête
Au service qu'il veut de moi.
MERCURE.
Pour une jeune déesse.
Vous êtes bien du bon temps ! i a 5
Un tel emploi n'est bassesse
Que chez les petites gens.
Lorsque dans un haut rang on a l'heur de paroître,
Tout ce qu'on fait est toujours bel et bon ;
I . L*édition originale a là une faute de meMire : « ee qa*il ■ fiût, » qui n*a
pas été reproduite dans les éditions postérieures,
a. Retarde en sa faTear la naissanee du jour,
-dit Mœore à la Lune dans la i^ seène des Soties de Rotroa.
PROLOGUE. , 363
Et suivant ce qu'on peut être^ 1 3 o
Les choses changent de nom^
LA NUIT.
Sur de pareilles matières
Vous en savez plus que moi ;
Et pour accepter Temploî,
J'en veux croire vos lumières. i 3 5
MBRCURB.
Hé! kl la*, Madame la, Nuit,
Un peu doucement, je vous prie.
Vous avez dans le monde un bruit*
De n*ètre pas si renchérie^.
On vous fait confidente, en cent climats divers, i 40
De beaucoup de bonnes affaires ;
Et je crois, à parler à sentiments ouverts.
Que nous ne nous en devons guères.
LA NUIT.
Laissons ces contrariétés',
I. Rotrou avait fait dire k Mercure, dans le monologue qui ouvre m
«omëdie :
Le rang des vieùax 6te la honte aux viees.
Et douue de beaux noms è de honteux services.
3. Dans les anciennes éditions, il y a ainsi /a, /«, sans accent. Furetière
(1690) n*aoeentue pas non plus en ce sens ce double monosyllabe; ni l'Aeadé-
mie, sauf dsns sa première édition (1694) et sa dernière (1878).
3. ^mt a été employé souvent au dix-septième nècle avec ce sens de repu-
tation^ et ce n*est sans doute pas ce seul emploi du mot, mais Texpression
entière de donner bruit de connaisseute^ qui dut paraître ridicule dans la
bouche de Magdelon* : voyez les nombreux exemples réunis par M. Littré, à
Fartide BaciT, 4*.
4. Nous avons vu le mot employé substantivement dans le même sens, au
commencement des Précieuses^ tome II, p. 56.
5. Laissons ce débat, cette querelle. Cest aussi an sens de débat que le mot
semble devoir être pris dans une phrase de Pascal (xvii* Provinciale ^), que
M. Littré a rapprochée de ce vers : « J*ai voulu.... vous aceoutnmer à ces
contrariétés qui arrivent entre les catholiques sur des questions de £iit, tou-
chant Pintelligence du sens d*un auteur. »
• A la scène a. des Précieuse* ^ tome II, p. 80.
* Voyez p. 3 18 de Tédition de M. Lcsieur.
364 AMPHITRYON.
Et demearons ce que nous sommes : 145
N'apprêtons point à rire aux hommes
En nous disant nos vérités.
MBRcuax.
Adieu : je vais là-bas, dans ma commission.
Dépouiller promptement la forme de MercurCf
Pour y vêtir ^ la figure 1 So
Du valet d'Amphitryon.
LA Nurr.
Moi, dans cet hémisphère*, avec ma suite obscure,
Je vais faire une station.
MBRCURS.
Bon jour, la Nuit.
LA IfCIT.
Adieu, Mercure.
(Mercare deteeiul de mw nvage en tem, «t la Nvtt paite dam aom char S.)
I. De pStir^ aa aena de « mettre tortoî, » M. Littré ne cite qmt eet eKem-
pie ; de rt¥êtir^ plus uûté aiijoiird*hai dant cette aeeeption, il B*eB cite ancvn
» d'vn autear.
a. Cette hémiipbère. (1668, 75 A, 84 A, ^% B.)
3. Mfrcmrê descend dû son nnage^ et la Nuii traperee te tkiâlre.
Fin DU Paoumui. (1734.)
FIN DU »1tOU>GUB.
ACTE I, SCÈNE I. 365
ACTE I.
SCÈNE PREMIÈRE*.
SOSIE».
Qui va là ? Heu * ? Ma peur, à chaque pas, 8*accroit ^. 1 5 5
Messieurs, ami de tout le monde.
Ah ! quelle audace sans seconde
De marcher à Theure qu^il est !
Que mon maître, couvert de gloire,
Me joue ici d*un vilain tour"! i6o
Quoi? si pour son prochain il avoit quelque amour,
M*attroit-il fait partir par une nuit si noire ?
Et pour me renvoyer annoncer son retour
I. Cfltte Miae et la •uivante cormpoBd«BC k la tcina i da l*aele I de Plante
{▼■n i-3o6}. «-* Les extraiu de PUate qa*on troaTara citét avee le chiffina des
vert tealcnent aont tiret de la aoène indiquée ehaqne feia, eonme ici, ea tète
dea teànet de Molière. If ont citont d*aprèt le texte donné par Naudet dent la
CoUeetion Lemaire, mais let ehiffiret tont cens de la a* édition dn TAéétrê de
Piamtê traduit par Naudet également (i845), on aont nnmérolét à part let
1 5a vert dn Prologue, pnit, d^une tuite, ceux de la comédie même.
a. Sotie arrive une lanterne tonrde è la main. Son entrée ett toute tembla-
ble liant la eomédîe latine, ou il ett annoncé ainti par M erenre è la fin du
Prologue (vert 148 et 149) : « Maît j*aperçoît retelave d'Amphitryon, Sotie ;
on renvoie du port ; le voici venir avec une lanterne. »
3. Hé? (1734.)
4. Aeeroùrê étH au nombie det mott ou Vaugelat autoritait la prononcia-
tion de la diphthongue oî en a< : vojei let Remarqués sur la l€utguejrau-
eaise, p. 79 de l'édition de 167a.
5. Jouer, dant cette locution, t'employait, au tempt de Molière, toit acti-
vement, avec un régime direct, toit, comme ici, neutralemeat, avec de, M. Lit-
tré, à rartide Jovu, ao*, cite det deux tourt plutieurt exemplet du diz-tep-
tiènw tiède. Nont avont vu dant Molière deux exemplet du teeond, aux vert
i56ode FÉiOÊtrdi,H 1095 de l* École des femmes^ et un autre un peu ambigu,
mait plutôt du premier, au vert 196 de Sganarelle,
366 AMPHITRYON.
Et le détail de sa victoire,
Ne pouvoit-il pas bien attendre qu'il fût jour^ ? i6S
Sosiet à quelle servitude
Tes jours sont-ils assujettis !
Notre sort est beaucoup plus rude
Chez les grands que chez les petits.
Ils veulent que pour eux^^tout soit, dans la nature, 1 70^
Obligé de s'immoler.
Jour et nuit, grêle, vent, péril, chaleur, froidure *,
Dès qu'ils parlent, il faut voler.
Vingt ans d'assidu service
N'en obtiennent rien pour nous ; 1 7 5
Le moindre petit caprice
Nous attire leur courroux.
Cependant notre âme insensée
S'acharne au vain honneur de demeurer près d'eux.
Et s'y veut contenter de la &usse pensée 18a
Qu'ont tous les autres gens que nous sommes heureux.
Ters la retraite en vain la raison nous appelle * ;
En vain notre dépit quelquefois y consent :
Leur vue a sur notre zèle
Un ascendant trop puissant, 1 8 S
Et la moindre faveur d'un coup d'œil caressant
Nous rengage de plus belle.
Mais enfin, dans l'obscurité,
I. Nonne idem hoc luci me mittere potuitP (PUute, ven il.)
a. Le tour est hardi, mais d'une clarté parfaite. LVmploi abaola, à fré-
quent dans FuMge, qui est fait d'abord de jour et nuit s'étend bien naturelle-
ment aux mots qui suiyent : « grêle, vent... », par grêU^ ete.
3. Une maxûne de soumission termine la plainte du Sosie de Planta (vers^
3f). Ici ce n'est certes pas un esclaye grec ou romain qui parle, maison
domestique du dix-septième nècle', un courtisan, peut-être Molière luinnénie:
Yoyex ci-dessus, p. 3ii et note a, et p. 3^9; et compares ce que Saint-Sî^
mon (tome III, p. 170) dit de la « folie • qu*a la dncbesse du Lude, dame-
d*honnettr de la duchesse de Bourgogne, « d'acheter chèrement la senritnde. »
• Voyex pins haut, p. 33, note 3.
ACTB I, SCÈNE I. 367
Je vois notre maison^ et ma frayeor s'évade ^
Il me faudroit, pour rambassade, 190
Quelque discours prémédité.
Je dois aux yeux d*Alcmène un portrait' militay*e
Du grand combat qui met^ nos ennemis* à bas;
Mais commen^t^d^tre le faire.
Si je ne m'y trouvai pas? 19$-
N'importe, parlons-en et d^estoc et de taille *,
G>mme oculaire témoin :
Combien de gens font-ils des récits de bataille
Dont ils se sont tenus loin ?
Pour jouer mon rôle sans peine, 900
Je le veux un peu repasser.
Voici la chambre où j*entre en courrier que Ton mène *, .
Et cette lanterne est Âlcmène,
A qui je me dois adresser''.
(11 poM sa ItnteriM à terre, et laî «ciret» loa eonpliaent*.)
I . Se dlMÎpe. M. Littré ne cite de ce ient figoré que notre exemple.
a. Une descriptioii, ui tablaaa.
3. Qui mit. (i674«] — 4. Lee Téléboenf : Yoyes ci-aprèt, an Ten i3i.
5. Jetona-nona hardiment dans ce récit et tirons-nous-en comme noua pour- •
rona; Tespression est adaaiiabteraènt choisie ponr un réeît mtlitmrê^ on devra-
entrer tout le détail de la mêlée.
6* En courrier important qne Ton amène, que Ton introdoit.
7. Sur la personnification originale qui Ta snirre, royes la Ifottcêt p. 336.
Bret et Aimé-Martin ont pa en rapprodier nne seène fort comiqoe de»
Facétieuses nuits de Straparole. Le vacher Travaillin, serviteur d^Émilian,
ayant h Ini faire un avtti difficile, imagine, pour s*enhardir & l*entreTue,
d*affubler, dans sa chamMÉl^ quelques hanfeb une branche d'arbre, et d'es-
sayer avec ce fantônu l^ffliti maître, qu'il fait parler, plusieurs manières
d'entrer en propos et de soutenir délibérément 1*cntretien. Mais, de quelque
fa^n quMl s*y prenne (et c*est là le plaisant, la difierence aussi avec Sosie,
qui sait se préparer de ai promptes et joK^I^ réponses), à une certaine
question embarrassante que sa mauvaise coiseience lui souffle obstinément,
qu'il ne peut éviter de s'adresser, chaque Idto le vacher se déeoncerte lui-
m^me et demeure court, tant qu' « ayant fait -diversea harangues et autant de
réponses aveeqne Thomme de bois..., et n'en voyant aucune se conformer à
son dcair, détermina, sans antre pensement, a*en aller trouver aon maître,
quoiqu'il en advint. » Voyex la ▼* fable de la III* nuit, tome I, p. 9a9-a3i,
de la traduction de Pierre de la Rivey, réimprimée dans la collection Jannet.
— Le Sosie de Plante se propose ansai de repasser son iMe (vert 46 et 47),.
mab il se home an récit et ne songe paa à ae donner un intcrioenteur. - *
S* Sosie pote sa tantertuà terre, (1734*}
36S AMPHITAYON.
« Madame, Amphitryon, mon maître, et votre époux....
(Bon ! beau début !) Teaprit toujours plein de vos charmes,
M*a voulu choisir entre tous,
Pour vous donner avis du succès de ses armes.
Et du désir qu^il a de se voir près de vous. i»
« Ha! praimeniy monpatwre Soêie^ % i o
A te reifoir /ai de la joie au cœar. »
« Madame, ce m'est trop d'honneur,
Et mon destin doit faire envie. »
(Bien répondu!) « Comment se porte Amphitryon? »
« Madame, en homme de courage, a i 5
Dans les occasions où la gloire Tengage. »
(Fort bien ! belle conception !)
« Quand viendra^t'il, par son retour charmant^
Rendre mon âme satisfaite? »
« Le plus tôt qu'il pourra, Madame, assurément, a 30
Mais bien plus tard que son cœur ne souhaite. »
(Ah !] « Meus quel est Vétat où la guerre /'a mis?
Que dit^il? que fait^il? Contente un peu mon dme. »
« Il dit moins qu'il ne fait. Madame,
Et fait trembler les ennemis. » aaft
(Peste ! oii prend mon esprit toutes ces gentillesses ?)
« Que font les récoltés? dis-moiy quel est leur sort? »
m Ils n'ont pu résister, Madame, à notre effort :
Nous les avons taillés en pièces,
Mis Ptérélas leur chef à mort, a 3o
Pris Télèbe d'assaut S et déjà dans le port
I. Molière a prif Jet ùâu d« cette histoire dans Plante*; U Ptérélaa est
roi des Ttiéboens (on Taphiens, peaple de pirates établi dans Plie de
Taphos et en Aeamanîe), eontrs lesquels Amphitryon a été chargé par Créon
de mener une année tbébaine. Plante n'a pas donné de nom précis à la villr
capitale des Téléboens; il tait dire seulement h Bfereure-Sosie (Ten aS?) :
Et mH Ptêrela nx regiumt oppdmm ëxpmfnavimatf
c'est RoCron qui Fa appelée Télèbe (acte IV, scène ir).
• Voyn partîcnlâèrenent dans le Prùloguê de son Ampkiiryom les vers
ACTE I, SCÈNB I. 369
Tout retentit de nos prouesses. »
« Ah! quel succès! 6 Dieux! Qui Veut pu jamais croire?
Raconte'moij Sosie, un tel éifinemefU, »
« Je le veux bien, Madame ; et, sans m'enfler de gloire,
Du détail de cette victoire
Je puis parler très-savamment.
Figurez-vous donc que Télèbe,
Madame, est de ce côté :
(U marque Im liens tar n nuiio, ou â terre*.)
Cest une ville, en vérité, 240
Aussi grande quasi que Thèbe.
La rivière est comme là.
Ici nos gens se campèrent ;
Et Tespace que voilà,
Nos ennemis Toccupèrent : a 4 r»
Sur un haut, vers cet endroit,
Ëtoit leur infanterie ;
Et plus bas, du côté droit,
Ëtoit la cavalerie.
Après avoir aux Dieux adressé les prières, a 5 o
Tous les ordres donnés, on donne le signal.
Les ennemis, pensant nous tailler des croupières.
Firent trois pelotons de leurs gens à cheval ;
Mais leur chaleur par nous fut bientôt réprimée.
Et vous allez voir comme quoi. a 5 5
Voilà notre avant-garde à bien faire animée ;
Là^ les archers de Créon, notre roi ;
Et voici le corps d*armée,
(On £iit on peo de brait.)
Qui d*abord.... Attendez : » le corps d*armée a peur.
J*entends quelque bruit, ce me semble. a 60
97-iOf , et dans la eomédîe les vert Si-Sq; Toyes aaseifdans le passa^ qu'on
tient pour interpolé, lea Tert 1034-1046.
I. SotU mar^m iêâ lUmx tmt sa main» (1734.)
MouBMB. Tx a4
3^0 AMPHITRYON.
SCÈNE ir.
MERCURE, SOSIE.
MERCVRSy Mnit la forme de Sotie*.
Sous ce minois qui lui ressemble,
Chassons de ces lieux ce causeur,
Dont Tabord importun troubleroit la douceur
Que nos amants goûtent ensemble.
S08IS '•
Mon cœur tant soit peu se rassure, a6 5
Et je pense que ce n*est rien.
Crainte pourtant de sinistre aventure.
Allons chez nous achever Tentreticn.
MERCCEB^.
Tu seras plus fort que Mercure,
Ou je t'en empêcherai bien. a 70
SOSIE*.
Cette nuit en longueur me semble sans pai*eille ^ .
Il faut, depuis le temps que je suis en chemin.
Ou que mon maître ait pris le soir pour le matin,
Ou que trop tard au lit le blond Phébus sommeille.
Pour avoir trop pris de son vin. 175
I. Cette seène, nous raToni déjk dît, repond ayee la précédente à la r* scène
rie l'iaute. Lh Mercure, qui poar le Prologue a déjà pris sa figure d'emprunt,
««t resté sur le théfttre à attendre Sosie, et, dès le début, a écouté et coopé
de quelques apartés le long monologue de I*eic]aTe.
a. Mbrcorb, soiu la forme {jtou9 la figure^ 1734) àe Sotie ^ tortani de ta
maison d'Amphitrjron, {i6S^j l'jiA*)
3. Sow^ sans foir Mercure, (1734.)
4. Mercdee, à part, {Ibidem,)
5. SosiB, sans voir Mercure, (IbiiUm,)
C. AV^ue ego kae nocte longiorem me mdisse eenseo.
(Pbnte, Ttn i93.)
ACTE I, SGÂNE II. I71:
MEBCUILS^
0>inme avec irrévéreuce
Parle des Dieax ce maraut !
Mon bras saura bien tantôt
Châtier cette insolence *y
Et je vais m*égayer avec lai comme il faut, %g^t
En lui volant son nom, avec sa ressemblance.
608U*.
Ah ! par ma foi, j'avois raison :
Cest fait de moi, chétive créature !
Je vois devant notre maison
Certain homme dont Tencolure 9 S S
Ne me présage rien de bon.
Pour faire semblant d'assurance.
Je veux chanter un peu d*ici. \ r . ; . ! ^ ) , . ; >
(Il chante; et lonqoe Hereure parie, la toîx t*afibiUit ^eu k peu*.)
MERCURE.
Qui donc est ce coquin qui prend tant de licence,
Que de chanter et m'étourdir ainsi?' A9a*
Veut-il qu*à Tétriller ma main un peu s'applique ?
«
t. Mtaouai, à/wr/. (1734.)
3. 8otu.
Crgdo êdepol equidem dormire Solem^ atqtu adfotmm probe {
Mira tmnt nitt invitant tese in ccgna piuscnlmm •.
MiACuaiut.
Ain* vtro^ verhero? Deos esse tui simiteis futas?
Ego pol te istis tais pro dictis et malefactis^farei/er^
Adeipiam; modo, êit^ veni kuc^ itwonUê infortmmimm,
(Plaate, Tert ia6-i3o.)
3. SoiXB, apercevant Merenre d^un peu loin, (1734.)
4. // chante, {Ibidem,)
5. A mesure que Mercure parie ^ la ¥oix de Sotie s^aj/oiblit peu à peu.
(Ibidem.)
* Avant de te moquer ainsi du Dieu du jour, le Sosie de Plante a déjà dît
à peu près la même cbote du Dieu de la nuit (vert 1 15 et 1 16) :
Certe edepol tcio, si aliud quidquam *st quod credam aut ccrto seiatUy
Credo ego hae noctu Ifoeturnum obdormiinste ebrium.
r
37A AMPHITRYON.
SOftlB^
Cet homme assurément n*aime pas la musique.
MBRCURB.
Depuis plus d'une semaine.
Je n'ai trouvé personne à qui rompre les os ;
La vertu de mon bras* se perd dans le repos, 995
Et je cherche quelque dos.
Pour me remettre en baleine.
SOSIB *.
QuQl^able d'homme est-ce ci ^ ?
De mortelles frayeurs je sens mon âme atteinte.
Mais pourquoi trembler tant aussi ? 3oo
Peut-être a-t-il dans Tame autant que moi de crainte.
Et que le drôle parle ainsi
Pour me cacher sa peur sous une audace feinte ?
Oui, oui, ne souffrons point qu'on nous croie un oison :
Si je ne suis hardi, tachons de le paraître *. 3o5
Faisons-nous du cœur par raison ;
Il est seul, comme moi ; je suis fort, j'ai bon maître *,
Et voilà notre maison.
MBRCURB.
Qui va là ?
SOSIE.
Moi.
I. Sota^kpart. (1734.)
a. La Tigaeur de mon bras. (i68a, 1734.)
3. Soan, à part, (1734.)
4* L'édition ori^ale écrit ê»i»et^i ,* noos supprimoni le aeeond tiivt :
compares ci-apres, an vert 5aa, et Toyez ci-deaint, p. 41, note 4.
5. F'erum certum *tt con/Uenter hominem eonira eonicqui^
Qui potsim videri huu/ortUy a me ut ahstineat manum.
(Plante, Yen i83 et 1S4.)
6. Avoir bon maitre était ane location proverbiale. « On dit que Qmelft^mm a
bon mahre^ ponr dire qa*il est an «enriee on dana la dépendance d*an homme
paissant qai le protégera. » (Dictionnaire de P Académie^ >^40 — Qaoiqoe
rimant avec maître^ paroître est écrit par o dans les anciennes éditions :
compares ci-dessus, tcfs 88 et 9a ; et d'après, vers 481 et 483, 817 et 819,
i53i-i535, 1680-1684» 1759 et 1760.
ACTE I, SCÈNE II. S;)
MBBC1JUI.
Qui, moi ?
808IB.
Moi.^ G>arage, Sosie !
MBRCURB*
Quel est ton sort, dis-moi ?
SOSIE.
D'être homme, et de parler.
MXRGURB.
Es«ta maître ou valet ?
S08IS.
Comme il me prend envie '•
MBRCURB.
Oh s'adressent tes pas ?
SOSIB.
Où j'ai dessein d'aller.
MEBCUBE.
Ah! ceci me déplaît.
SOSIB.
J'en ai Fàme ravie.
MBRGURB.
Résolument, par force ou par amonr,
Je veux savoir de toi, traître, 3 1 5
Ce que tu fais, d'où tu viens avant jour,
Où tu vas, à qui tu peux être.
SOSIB.
Je fais le bien et le mal tour à tour ;
Je viens de là, vais là ; j'appartiens à mon maftttt*.
1. Apmrt. (1734*)
9. MIBCUmiUt.
SêffOi em$^ am iiber?
Utemuqué animé eonlihitmm *st mêo,
(Plaate, Tan 1S7.)
3. Mncijuus.
Pognm étire fmo ftofieims^ qmjiu sis, amt fmd iwjMm?
Ewo «o, ktri mai smm Mmof / mwiyiW mme ês eâriûtf
(Vfln 190 et 191.)
$74 AMPHITRYON.
Tu montres de Tesprit, et je te vois en train 3a o
De trancher avec moi de l'homme d'importance.
Il me prend nn denr, pour faire connoissance,
De te donner un soufflet de ma main.
SOSIB.
A moi-même?
MBRCURH.
A toi-même : et t'en voilà certain.
(Il lui doiuM on tottflrt*.)
SOSIB.
Ah ! ah ! c'est tout de bon !
MBRCURE.
Non : ce n'est que pour rire,
Et répondre à tes quolibets.
SOSIB.
Tudieu ! l'ami, sans vous rien dire,
G)mme vous baillez des soufflets !
MBRCURB.
Ce sont là de mes moindres coups,
De petits soufflets ordinaires. 3 3 o
SOSIB.
Si j'étois aussi prompt que vous,
Nous ferions de belles affaires.
MBRCUBB.
Tout cela n'est encor rien,
/^Pour y jhire quelque pause :
*?Nous verrons bien autre chose * ; 335
Poursuivons notre entretien'.
1. Mercure donne m te^t k Sotie, (1734.)
9. tOOA.
. . . . PerUi
macamzot.
Parmm eiuun, prmtUjuSunum '#<, frmdieae.
(Pkate, T«n 918.)
3. Td cft l*ordr« «t telle ett la ponctuation de eea quatre denJcn Tcn
ACTE I, SCÈNB II. 37$
Je quitte la partie.
(U T«al (-tn alltr.)
HKRCIJRR*.
Où vas-tu 7
SOSIE.
Que t'importe ?
MERCURE.
Je veux savoir oii tu vas.
SOSIE.
Me faire ouvrir cette porte.
Pourquoi retîens-tu mes pas ? 3 4»
HBRCURB.
Si jusqu'à l'approcher tu pousses toa audace,
Je fais sur toi pleuvoir uq orage de coups*.
SOSIE.
Quoi ? tu veux, par ta menace,
M'empêcher d'entrer chez nous?
MERCURE.
Comment, chez nous 7
(Uni rorigiul et (In* la Mitiooi ulâriaurM i |;I(. Aioji lu, ik >aai don-
aent, *•« bd> darti tuSMate, « moi ; ■> Toat «li nt trop peu d* ekoK.
pour qu'il piÙM d^à étrt quotion i'j Un trén s Bout icttoiu, tU. • L'a'
Poor J dira quelque )unw.
ndflT n HDl-^lnr Ho lié
— L'gpriMJB» /min futifu ^onw i..., h rstroOT*
I . ^«M *«■> 4't» mlUr. Mbbodib, arriuml SatU. {
1. Plm loin (nn iS3d]. • Qiwti ong« de eou|Wi>
J» Seafim [tef DI, «ioa n), ■>• < oadéa de conpe di
le Uii^ultultnimmt..../BTmuimt*r^Yaffi»{jlm
376 AMPHITRYON.
Ouiy chez nous.
MBRCURB.
O le traître !
Tu te dis de cette maison ?
SOSIE.
Fort bien. Amphitryon n'en est-il pas le maître ?
MERCURB.
Hé bien ! que fait cette raison ?
SOSIE.
Je suis son valet.
MERCURE.
Toi?
SOSIE.
Moi.
MERCURE.
Son valet?
SOSIE.
Sans doute.
MBRCURB.
Valet d'Amphitryon ?
SOSIE.
D'Amphitryon, de lui. 3So
MERCURE.
Ton nom est...?
SOSIE.
Sosie.
MBRCURB.
Heu * ? comment ?
SOSIE.
Sosie.
MERCURE.
Écoute:
Sais-tu que de ma main je t*assomme aujourd'hui ?
f. Bi?(i734.)
▲CTB I, SCSNB IL 877
soeiB.
Pourquoi ? De quelle rage est ton âme saisie ?
MSmCCRS.
Qui te donne, dis-moi, cette témérité
De prendre le nom de Sosie ? 3 55
sosu.
Moi, je ne le prends point, je Tai toujours porté. .
MSRCURB.
O le mensonge horrible ! et Timpudence extrême !
Tu m'oses soutenir que Sosie est ton nom ?
SOSIB.
Fort bien : je le soutiens, par la grande raison
QuWnsi Ta fait des Dieux la puissance suprême, 36ol
Et qu'il n'est pas en moi de pouvoir dire non.
Et d'être un autre que moi-même.
(BI«reoralebat*.)
MBRCURB.
Mille coups de bâton doivent être le prix
D'une pareiUe effronterie.
SOSIB*.
Justice, citoyens! Au secours! je vous prie. 365
MBRCURB.
Comment, bourreau, tu fais des cris* ?
SOSIB.
De mille coups tu me meurtris,
Et tu ne veux pas que je crie ?
MBRCCRB.
C'est ainsi que mon bras....
I. Ce jeu de leine n'eetpat dm rédîtion de 1734*
a. Sotn, battu par Mercurt. (1734.)
3. tOtlA.
Prok fidi Tkêham ekmsf
smcmuin.
EtUun eUanat^ etaimfamP
(Pbale, ▼•» MO.)
378 AMPHITRYON.
L'action ne vaut rien :
Tu triomj^es de Tavantage 370
Qne te donne sur moi mon manque de courage ;
Et ce n*e8t pas en user bien.
Cest pure fanfaronnerie
De vouloir profiter de la poltronnerie
De ceux qu'attaque notre bras. 375
Battre un homme à jeu sûr n*est pas d'une belle âme ;
Et le cœur est digne de blâme
Gintre les gens qui n'en ont pas.
MKRCURS.
Hé bien ! es-tu Sosie à présent ? qu'en dis-tu ?
8081B.
Tes coups n'ont point en moi fiiit de métamorphose ; 3 8 o
Et tout le changement que je trouve à la chose,
C'est d'être Sosie ^ battu.
MBRCURB*.
Encor ? Cent autres coups pour cette autre impudence.
sosn.
De grâce, fais trêve â tes coups.
MBRCURE.
Fais donc trêve à ton insolence. 3 85
SOSIB.
Tout ce qu'il te plaira ; je garde le silence :
La dispute est par trop inégale entre nous.
MERCURE.
Es-tu Sosie encor? dis, traître !
I. Soiie eonpte pour trois tyllabet daiu ce wn; nm Mrait tnlè dt r^
marquor qae Taetev peat là pronoaeer 1« mot d'osé Toix uagloteale ; mais
aoot aTona déjà reneontré dans d*aaCres passages, où il 11*7 avait aocim effet
partieoUer à produire, de ces « dkacbés, ooi plus tard n'ont ploa clé so«^
ferts sans éliiion : Toyes au vers 9^4 de PÈtomrdi^ et ci-dessos, dans /e Siâ»
</i0», p. «41, note 5.
a. KnoDU, mttmemmt Sotie. (1734.)
ACTE I, SCÈNE II. 379
! je sais ce que tu veux ;
Dispose de mon sort tout au gré de tes Tœux ^ 390
Ton bras t'en a fait le maître ^
HSBCURB.
Ton nom ëtoit Sosie, à ce que tu disois?
Il est vrai, jusqu'ici j'ai cru la chose claire ;
Mais ton bâton, sur cette affaire,
M'a fiiit voir que je m abusois * . 395
MSaCURB.
C'est moi qui suis Sosie, et tout Thèbes l'avoue :
Amphitryon jamais n'en eut d'autre que moi*.
BOSIB.
Toi, Sosie?
MBRCURB.
Oui, Sosie ; et si quelqu'un s'y joue.
Il peut bien prendre garde à soi.
SOSIB^.
Gel ! me faut-il ainsi renoncer à moi-même, 400
Et par un imposteur me voir voler mon nom ?
Que son bonheur est extrême
De ce que je suis poltron !
Sans cela, par la mort...!
MBRCURE.
Entre tes dents, je pense.
Tu murmures je ne sais quoi ? 4 0 S
I. .... [Me] pugnU tuu/ècisti tuum»
(Plaute, Tcn 219.)
s. iincinuut.
jÊJH^kitrmomis têi etse oibaM Sotiam,
Pêceaveram,
(V«n M7.)
3. SciètÊm êfmidêm mmllmm este mobis miei me êerfom Sœimm,
(Vtn Sft9.)
4< S<MB, kptrt, (1734.)
38o AMPHITRYON.
Non. Mais, au nom des Dieux, donne*moi la liceoce
De parler nn moment à toi.
MBBGIJRB.
Parle.
Mais promets-moi, de grâce.
Que les coups n'en seront point *.
Signons nne trêve.
MBRCUEB.
Passe ; 410
Va, je t'accorde ce point*.
SOSIB.
Qui te jette, dis-moi, dans cette fantaisie ?
Que te reviendra-t-il de m'enlever mon nom ?
Et peux-tu faire enfin, quand tu serois démon.
Que je ne sois pas moi ? que je ne sois Sosie ? 4 1 S
mxbcurb'.
Comment, tu peux. . . .
I . DiBi Rotroa, Sosie dit à Mm maître (à la fin de la fem i de Taete O):
Allons, niais que les eovps, s*il se peat, n*en soient pins»
a.
Obsêero per pacêm iiceat u adloqui^ mt ne vapvUem,
Mucuaius.
Imo vtdmeim fmrumpgr fianî^ si fuid wi$ lefw.
aoaiA.
Non lofmar^ mUipaee faeta^ ^ando p»gMis plus pmUs.
Mxacuaipa.
DieitOf si fmid pis s mon mœsbo.
TussJSdti erêdof
Mus.
OW, H/milês?
(Phnte, ▼vsi3n-«35.)
3. MnouBE, /#MMt U hitom sur Sosie, (1734.)
AGTB I, SGÉini II. 38i
Ah! tontdoiu:
Noos avons fait trêve aux coups ^
Quoi? pendard, impostewr» coquin....
Pour des injures,
Dis*m*en tant que tu voudras :
Ce sont légères biessuresi 4a o
Et je ne m'en fâche pas.
MBRCliRB.
Tu te dis Sosie*?
sosis.
Oui, Quelque conte frivole....
MERCURE.
Sus, je romps notre trêve, et reprends ma parole.
SOSIE.
N'importe, je ne puis m^anëantir pour toi,
Et souffrir un discours si loin de l'apparence. 4s 5
Être ce que je suis est-il en ta puissance?
Et puis-je cesser d'être moi ?
S'avisa-t-on jamais d'une chose pareille j
Et peut-on démentir cent indices pressants ?
Rêvé-je'? est-ce que je sommeille? 4 3o
I. totu.
jâmimmm adveriê, Smtie lieei mihi lihmre quidns lôfmi :
jimpkUrmoiUê ego tum serpos Scëia»
mtcottnt.
Btutmdênuo?
KMU.
Paeêm/êei^fattUu/êei : i^ra dieo.
(PUote, Ten 937-^39.)
9. Ta dû SotM? (lôSa; eette Civte ii*ett d»n» auemie et no* aalrM édi-
3. Ici 6t «OK v«n 440 «t 44i| letplot ■actannas édidont oot l'ordiognphe
actaalla dV devant yV, tandis qoa la laçon da 1710, 18, 33, 34 att la dénnanaa
▼îaUlia, antrefeU n firéqoianla : oî-ye. La teste de 1773 att tei rêvai^jes plot
bai, tromféjë ^fttrU^je^
3è% AMPHITRYON.
Ai-je Tesprit troublé par des transports puissants ?
Ne sens->je pas bien que je veille ?
Ne suis-)e pas dains mon bon sens?
Mon maître Amphitryon ne m'a*t-il pas commis
A venir en ces lieux vers Alcméne sa femme ? 43s
Ne lui dois-je pas (aire, en l«â vantant sa flamme.
Un récit de ses faits contre nos ennemis ?
Ne suis-je pas du port arrivé tout à Theure ?
Ne tiens-je pas une lanterne en main ?
Ne te trouvé-je pas devant notre demeure ? 44 c»
Ne t*y parlé-je pas d*un esprit tout humain ?
Ne te tiens-tu pas fort de ma poltronnerie
Pour m'empècher d*entrer chez nous?
N*as-tu pas sur mon dos exercé ta furie ?
Ne m*as-tu pas roué de coups? 44^
Ah! tout cela n^est que trop véritable,
Et plût au Ciel le fût-il moins ' !
Cesse donc d'insulter au sort d*un misérable,
Et laisse à mon devoir s'acquitter de ses soins*.
I. Ce tour ett dans Rotroa (acte I, soène ni) :
Sodé? — Et pldt au Gel ne le fuasé^e paa !
Et un peu plot loin :
Es-tn Soaie encor ? Réponds : qni l*est de noos ?
— Plût aux Dieox le fût-il, et reçût41 les eoiq>s ?
9. Venutty utut et faeturuê, hoc quiiem herelt hamd reiiecho tamen,
C«rte edepol tu me alienabit numquam, quim notter giem,
Nec nobis prmter nied nlins quisquam *si servos Sotia^
Qmi eum Amphitruone kine una ieram in exereitmm.
Quid^ malumf non sum ego servos Amphitruonit Sosis?
Nonne hae noctu nostra navîs hue ex portu Persico
frémit, qum me admêxit? nonne me hue herus mitit meusP
Nonne ego nune heic tto ante mdeit nottras? non mihi^ei laterns in mumu f
Non loquor? non pîgilo? mm hie homo modo me pugnis eontudit?
Feeit kercle^ nntn eîiam misera nune malm doient»
Quid igitur ego dubito? ont eur non iniroeo in nostram dommm?
(Plante, fwt 94i*aS3.)
ACTE I, SGÀNE If. 383*
MSBCUBB.
Arrête, ou sur ton dos le nunndre pas attire 450.
Un assommant éclat de mon juste courroux.
Tout ce que tu viens de dire
Est à moi, hormis les coups/
Cest moi qu'Amphitryon députe vers Alcmène,
Et qui du port Persique* arrive de ce pas; 4S5-
Moi qui viens annoncer la valeur de son bras
Qui nous lait remporter une victoire pleine.
Et de nos ennemis a mis le chef à bas' ;
C*est moi qui suis Sosie enfin, de certitude \
Fils de Dave, honnête berger; 460
Frère d'Arpage, mort en pays étranger ;
I. Lm idîtioni éô 1689 et de 1734 ajoutent iei les quatre vert auTants; Us
pouTaient être aobstâtuM aux wtn 4a 8-453, omU à la reprétentatioa, et que
réditioB de i68a place entre gnillemets :
aoau.
Ce matin du TaLMeao, plein de frayeur en Tâme,
Cette lanterne sait comme je inîa parti.
Amphitryon, du camp, Tera Alemene aa femme
M'a-t-il pas envoyé ?
Mncuni.
Vous en ares menti :
C*est moi qu^Amphitryon, etc.
a. Ce nom de lien est traduit de Plante, ebes qui il rcTtent dans fins {&
portm Pertieo vers 248 et 956). « Il est rraisemblable, dit M. E. Benoist
{Morcêoux choisi* de Plaute, P* I7)« que Plaute imagine ce port comme beau-
coup d^antres contrées dont il nous parle. » On lit dans un fragment du gram-
mairien latin Festns que, par Tépitbète de Persicus^ le comique romain semble
aToir Toulu déaigner la mer d'Eubée, où, pendant les guerres médiqnes, 1»
Sotte des Perses arait pris position. Rotrou, qui paraît aroir entendu Xv.
root en ce sens, corrige ranachronisme et fait dire i Mercure : Mon Maître
M^a du port Euboïque envoyé vers sa femme.
3. Qum dixisti modo
Omnia ementitu's : equidem Soiia Amphitruonis tum.
Nom nœtu hac solulà'st navit nostra e portu Pertieo ;
Et uhi Plerela rex regnatnt oppidum expugmovimut.
Et legiome* Teieboanun vi pugaondo cepimut^
Et ipsu* Amphitruo obtrmneawt regem Ptereiam in prmlio,
(Plante, Tera 254*a59.)
4. De certitude, certainement, locution adverbiale dont M. lâttré ne donne
que ce aeul exemple.
384 AMPHITRYON.
Mari de Cléanthis la pnidei
Dont rhumeur me fait enrager;
Qui dans Thèbe ai reçu mille coups d^étrivière.
Sans en avoir jamais dit rien, 46$
Et jadis en public fus marqué par derrière ^
Pour être trop homme de bien.
SOSIB *•
Il a raison. A moins d*être Sosie,
On ne peut pas savoir tout ce qu'il dit;
Et dans Tétonnement dont mon ame est saisie, 470
Je commence, à mon tour, à le croire un petit '.
En effet, maintenant que je le considère.
Je vois qu'il a de moi taille, mine, action^.
Faisons-lui quelque question.
Afin d'éclaircir ce mystère. ' 4; 5
Parmi tout le butin fait sur nos ennemis.
Qu'est-ce qu'Amphitryon obtient* pour son partage ?
MBRCDRE.
Cinq fort gros diamants, en nœud proprement mis.
Dont leur chef se paroit comme d'un rare ouvrage.
SOSIB.
A qui destine-t-il un si riche présent? 480
MERCURB.
A sa femme; et sur elle il le veut voir paraître.
I. Ce « Bwrqiié en publie • tembl* dire allusion, ptr on comiqae maeliro-
niinM, à I9 peine de Pexpoittion et de la marque, au cautère rcjrtU que
redoute le Sganarelle du Médecin volant (tome I, p. 71). Toutefois la marque
au flisr diand, particulièrement sur le front, itait d*un fréquent usage k Rome,
surtout comme punition des esdares. Le Sosie de Plante, en pariant (Ters
A90) de son dos eouvcrt de cicatriees, entend, lui, sans doute les maïquet de<
eoups de fouet.
a. Soai, hatfkpart, (1734.)
3. On a déjà tu eette esprassion dans PÉcoU éufêmmu (an vers $49) ;
Sosie l'emploie encore plus loin, au vers 739.
4. jâctUn^ dêmarehe et gestes.
5. Haut, (1734.)
0. Obtînt. (1697, 1710, 18, 3o, 33, 73.)
▲GTB I, sciNs II. sas
Mais ob| pour Tappoiter, est-il mia à prësent?
MBICURB.
Dans un coffret, scellé des armes de mon maître V
SOSIB*.
Il ne ment pas d*an mot à dbaque repartie,
Et de moi je commence à douter tout de bon '. 4s s
Prés de moi, par la force, il est déjà Sosie;
n ponrroit bien encor l'être par la raison*.
Pourtant, quand je me tàte, et que je me rappelle,
n me semble que je suis moi.
Où puis^je rencontrer quelque clarté fidèle, 490
Pour démêler ce que je voi ?
Ce que j'ai fait tout seul, et que n'a vu personne*
A moins d'être moi-même, on ne le peut savoir.
Par cette question il faut que je Tétonne ' :
Cest de quoi le confondre, et nous allons le voir.* 495
Lorsqu'on étoit aux mains, que fis-tu dans nos tentes,.
Oii tu courus seul te fourrer?
MSRCniB.
D*un jambon....
I. Cid «MONMl modtrM. ToatefoU « le soleil lemat etee «m qsMirige •
—pfeuit rar le teeau d*Aiiip]iitrjoa (qai, diez Pbate, Ten 964^66, el6t le
eoÂet «à etc mlmiié, ea liea d*aB aorad de dbauiatt, aae coope) a*ett pet
MHS feHembleaee evee des ereief. Vojei cî«eprèt la note da fan 961.
a. Sean, à part. (l'jH»)
3. Egomêt mihi non credo^ atmm ilime amiumare Ulmm aauUû,
Bie fmuUm eertê qmm ilieiê tunt r€t gestm mem^mt mêmeritêr»
(Plaate, vert a6o el aSf .)
4« C'est de Kotroa qae Molière peratt s'être ici soB?eaa t voyea la iKMMS*
p. 33a. Plaate dit poartaat eassl (vers 267) :
Argmmêtuiê inmeii i mlimd aawea qmmrtmimm *êt miki^
5. , /am egù kime dêdmimm mbe g
Itmm fnod tgomei solêis/êei^ née fmsqmnm mluu ai/uit
I» cafttraaeale» id ^midêm kôtlsê nmmfmam pùiêrit dteere.
(Plault, ?ers 268-970.)'
S. Emu. (1734.)
MouÉuu n aS
3M AMPHITRYON.
8O8I1',
L'yvcrilà»!
MBRCURE.
Que j'allai déterrer,
Je coupai bravement deux tranches succulenteSi
Dont je sus fort bien me bourrer; 5oo
Et joignant à cela d*un vin que Ton ménagey
Et dont, avant le goût, les yeux se oontentoient,
Je pris un peu de courage,
Pour nos gens qui se battoient.
Cette preuve sans pareille 5o5
En sa faveur conclut bien ;
Et Ton n'y peut dire rien.
S'il n'étoit dans la bouteille*.
Je ^ ne saurois nier, aux preuves qu'on m'expose.
Que tu ne sois Sosie, et j'y donne ma voix. 5 1 0
Mais si tu l'es, dis-moi qui tu veux que je sois ?
Car encor faut-il bien que je sois quelque chose.
MsacuRB.
Quand je ne serai plus Sosie,
I. Sot», Am, 4k JMTf. (1734.)
a. • Ingrtêê^tt vimm»
(Pirate, vers 273.)
3. Mim smmif misi Uimit ùuké UUê im iiUe Uniam,
(ibidem^ i«n 1175.)
Il 7 a one aorte d« redite de ee ven daaa le paatage mterpolé de VAmfki''
trfom de Plante (Tert io33) :
• • . Imtms M erumena clatuum alttrmm «cm oportait,
Kiotrott a ajaii tradoît (aete I, ieèaein)t
Je mit aaaa rt^aitie apris eelte
S'U B^étoit par hawid eaeM dana la booteîUe.
-— Saiat-SiraoBa proTefUaleoieBt employé l'espietaion de Moliire(ton# XTl,
p. i3, de riditioB de 1873) : « Le due de Noailles..., enragé de B*#we d« rien
dana nne auasi grande préparation de joaméè, aTott appareoMnent
à fbraa de regarder et d*eiaaùner, qae j'étoia daaa la bouteille, a
4. L*édition de 1734 ajoute aTantee ▼art : Htmt,
acte; I, SCÈNE II. 187
Sois-le, j^en demeure d*accord;
Mais tant que je le suis, je te garantis mort, 5 1 S
Si tu prends cette fantaisie ^
SOSIB.
Tout cet embarras met mon esprit sur les dents.
Et la raison à ce qu'on voit s^oppose.
Mais il faut terminer enfin par quelque chose ;
Et le plus court pour moi, c*est d'entrer là dedans. 5ao
MKRCORB.
Ah ! tu prends donc, pendard, goût à la bastonnade ?
SOSIE*.
Ah ! qu'est-ce ci * ? grands Dieux ! il frappe un ton plus fort* ,
Et mon dos, pour un mois, en doit être malade.
Laissons ce diable d'homme, et retournons au port.
O juste Ciel! j'ai fait une belle ambassade! 5a5
mkbcurk'.
Enfin, je l'ai fait fuir; et sous ce traitement
De beaucoup d'actions il a reçu la peine.
Mais je vois Jupiter, que fort civilement
Reconduit l'amoureuse Alcméne.
Quiê ego tmm saltem, si no» sum Sotia? U imterrogo.
I.
Vhi êgo Sogia noiim eue^ tu esta smu Sotia,
Ifune qmando ego sum, vmpmlahis^ ni lune ahis igitohilis.
(Mante, v«naSa-A84.)
ft. S06IB, hattm par Mercure. ((734.)
3. L*éditioD originale a ci la même orthographe qn*an.Tert 398.
4. n frappe plus fort d*nn ton. Mesurant la forée au bruit, et par nne q»l-
ritnelle allusion aux locutions hausser 00 baisser d'un ton. Sosie vent dire : 11
fidft hausser d*nn ton sur mon dos le retentissement des eoaps. Tom semble
avoir ici le sens, non de degré en gWral, non, comme fouvent en mnalq^e,
d*intervaUe déterminé, mais de degré quelconque, soit dans TéléTalioB» soit
dans rintensité, la puissance du son. Le sens du mot est le méflM, mait n*a
rien de hardi dans ee passage de la Fontaine (&ble i du litre 11» iSSS) :
....n vous sied mal d*éarire en si haut style.
-* fihbkn! baissons d*nB ton.
5. Mucuni, seul, (1734.)
388 AMPHITRYON.
SCÈNE IIP.
JUPITER\ ALCMÊNE, CLÉANTHIS, MERCURE.
JUPITER.
Défendez, chère Alcmène, aux flambeaux d*approcher.
Ils m'offrent des plaisirs en m'offrant votre vue ;
Mais ils pourroient ici découvrir ma venue,
Qu'il est à propos de cacher.
Mon amour, que gènoient tous ces soins éclatants
Ob me tenoit lié la gloire de nos armes, 535
Au devoir de ma charge* a volé les instants
Qu'il vient de donner à vos charmes.
Ce vol qu'à vos beautés mon cœur a consacré
Pourroit être blâmé dans la bouche publique*.
Et j'en veux pour témoin unique 54*
Celle qui peut m'en savoir gré.
ÂLCIIÈIVI.
Je prends. Amphitryon, grande part à la gloire
Que répandent sur vous vos illustres exploits;
Et l'éclat de votre victoire
Sait toucher de mon cœur les sensibles endroits; 545
Mais quand je vois que cet honneur fatal
Éloigne de moi ce que j'aime,
Je ne puis m'empêcher, dans ma tendresse extrême.
1 . Cette wttmt eorrwpond I la teins m de l'acte I de Flaate [rtn 34a-'393)-
Mab wut cet eetretieat de lapîter et d'Alemène, qui natemUent aï pe« k eeas
daa aenea tootea loniaiMa de Plaate, rojm la If&iiee, p. 336 et 344.
«. lupma« MNw /« JSfmre tTjmpkiirjrtm, (1734.)
3. Aex detroira de bm charge. (1710, tS, 3o, 3S, 34.)
^. Mène toar, aub piaa iaaaitte, qae daaa cette pluraae de prêta : « X*
7«ri^a, daaa lev boodie, eat «m pîèee q« oOewe la pîM. » {PréJiÊeê é»
Tartu/Jfê^ tooM IV, p, 373.)
ACTE I, SCÈNE III. 389
De lui vouloir un peu de mal,
Et d*oppofler mes vobuy à cet ordre suprême 5 5o
Qui des Thébains vous fait le géuëral.
Cest une douce chose, après une victoire.
Que la gloire où Ton voit ce qu^on aime ëlevë;
Mais parmi les périls mêlés à cette gloire,
Un triste coup, hélas! est bientôt arrivé. 55 5
De combien de frayeurs a-t-on Tame blessée,
Au moindre choc dont on entend parler!
Voit-on, dans les horreurs d'une telle pensée,
Par où jamais se consoler
Du coup dont on est menacée? 5 60
Et de quelque laurier qu'on couronne un vainqueur.
Quelque part que Ton ait à cet honneur suprême,
Vaut*il ce qu'il en coûte aux tendresses d'un cœur
Qui peut, à tout moment, trembler pour ce qu'il aime ?
JUPITBB.
Je ne vois rien en vous dont mon feu ne s'augmente : 565
Tout y marque à mes yeux un cœur bien enflammé ;
Et c'est, je vous l'avoue, une chose charmante
De trouver tant d'amour dans un objet aimé.
Mais, si je l'ose dire, un scrupule me gêne
Aux tendres sentiments* que vous me faites voir; 570
Et pourjesjbi^goûterj^ mon amour, chère Alcmène,
Youdroit n'y voir entrer nen de votre devoir:
Qu'a votre seule ardeur, qu'à ma seule personne,
Je dusse les faveurs que je reçois de vous,
Et que la qualité que j'ai de votre époux 5^5
Ne fût point ce qui me les donne.
ÂLCMillB.
C'est de ce nom pourtant que l'ardeur qui me brûle
I. Pour eet emploi d'à qui allège n bien la lourde toomura : « relalIvenMit
aux tandret tentimeiiU, en e« qui tonche lai tendras Mndmentt, » eoaparas
les Ttn 944, 1709 et iSoi du Tûrtmff:
$90 AMPHITRYON.
Tient le droit de paroître an jour,
Et je ne comprends rien à ce nouveau scrupale
Dont s'embarrasse votre amour. 58o
juprniB.
Ah ! ce que j'ai pour vous d'ardeur et de tendresse
Passe aussi celle d'un époux,
Et vous ne savez pas, dans des moments si doux,
Quelle en est la délicatesse.
Vous ne concevez point qu'un cœur bien amoureux 58 S
Sur cent petits égards s'attache avec étude,
Et se fieiit une inquiétude
De la manière d'être heureux.
En moi, belle et charmante Alcmène,
I Vous voyez un mari, vous voyez un amant; S90
|Mais l'amant seul me touche, à parler franchement,
\Et je sens, près de vous, que le mari le gêne.
(Cet amant, de vos vœux jaloux au dernier point,
ISouhaite qu'à lui seul votre cœur s'abandonne,
Et sa passion ne veut point 595
De ce que le mari lui donne.
Il veut de pure source obtenir vos ardeurs,
Et ne veut rien tenir des nœuds de l^yménée.
Rien d'un fâcheux devoir qui fait agir les cceurs,
Et par qui, tous les jours, des plus chères faveurs 60 u
La douceur est empoisonnée.
Dans le scrupule enfin dont il est combattu.
Il veut, pour satisfaire à sa délicatesse.
Que vous le sépariez d'avec ce qui le blesse.
Que le mari ne soit que pour votre vertu, 60 S
Et que de votre cœur, de bonté revêtu,
L'amant ait tout l'amour et toute la tendresse.
ALCM&NB.
Amphitryon, en vérité,
Vous vous moquez de tenir ce langage,
ACTE I, SCiNB III. 391
Et j*auroÎ8 peur qu*on ne vous cr&t pas sage, 6 1 0
Si de quelqu'un tous étiez écouté.
lUPITKR,
Ce discours est plus raisonnable,
Alcmène, que vous ne pensez ;
Mais un plus long séjour me rendroit trop coupable,
Et du retour au port les moments sont pressés. S 1 5
Adieu ; de mon devoir Tétrange barbarie
Pour un temps m*arrache de vous;
Mais, belle Alcmène, au moins, quand vous verrez Té-
Songez à Famant, je vous prie. [poux
ALCMEXK.
Je ne sépare point ce qu'unissent les Dieux, Sao
Et répoux et Tamant me sont fort précieux.
CLÉANTHIS^
O Ciel ! que d'aimables caresses
D'un époux ardemment chéri!
Et que mon traître de mari
Est loin de toutes ces tendresses! Si 5
MBRCURB*.
La Nuit, qu'il me faut avertir.
N'a plus qu'à plier tous ses voiles;
Et, pour effacer les étoiles.
Le Soleil de son lit peut maintenant sortir*.
I. SCÈNE IV.
CaÀàwww», à ^t. (1734.)
s. MsacumB, à part. {IMêm.)
3. Ouu Plaato (Tan 389-393), e*eit Japiter qui, aprèt aToIr quitté Alefntee»
■▼«lit la Hait qtt*«U« p«at fair« plaee an Jour.
:i
39» AMPHITRYON.
SCENE IV.
CLÉAI«THIS. MERCURE.
(Mflreurf T«at •*» aO» ^.)
CLBANTHIt*.
Quoi? c*e8t ainsi que Ton me quitte? 6So
MKRCURB.
Et comment donc? Ne veux-tu pas
Que de mon devoir je m'acquitte?
Et que d*Amphitryon j'aille suivre les pas?
CLBAHTHIS.
Mais avec cette brusquerie,
Traître, de moi te séparer! 635
MUCURX.
Le beau sujet de fâcherie!
Nous avons tant de temps ensemble à demeurer.
CUiAHTHIS.
Mais quoi? partir ainsi d'une façon brutale,
Sans me dire un seul mot de douceur pour régale'!
MKRCURB.
Diantre! ob veux-tu que mon esprit 640
T'aille chercher des fariboles?
Quinze ans de mariage épuisent les paroles,
Et depuis un long temps nous nous sommes tout dit.
I. L*éditioB d« 1734 a remplacé eetto indicatioB par eella doat «Ut bit pfé»
cMar la pramiar vara da Clcaatlût : voyas la nata Mtvaata.
a. CkÎANTflZB, mirêimni Mêremv, (i734-)
s. MoUàre a aerltr»^*/, aana «, dans le Mitamtkrf* (vora 55) ( auia
mmvou dam fbU, aa prota, rigaU {pApmrê^ ada II, ■eâna ▼, at lar
magm/Sfmêê, aeta U, Màaa a, 6* couplet da Oitidat). Gatta aaaoadi
grapha ait la wola qa*adnMtt0Bt Rîchclat (1680) ai l*AcadiHiia daaa aa pra-
mèn UitioB (1694). FonCmm, dèê 1690, at l*Acad«Dia, dès aa aaaooda édilîoa
(1718), kriYCDt régmi. Voyaa ci^piàa ona daa rioMt daa van âtéa pafa 477.
ACTE 1, SCÈNE IV. ^gi
Regarde, tniitret Amphitryon,
Vois combien pour Aleméne il étale de flamme, 645
Et roogis là-dessus du peu de passion
Que tu témoignes pour ta femme.
MERCURE.
Hé! mon Dieu! Qéanthis, ils sont encore amants.
11 est certain âge où tout passe ;
Et ce qui leur sied bien dans ces commencements, S S o
En nous, vieux mariés, auroit mauvaise grâce.
Il nous feroit beau voir, attachés face i faoe
A pousser les beaux sentiments!
CLRÂNTHIS.
Quoi? suis-je hors d'état, perfide, d*espérer
Qu'un cœur auprès de moi soupire? 655
MERCURE.
Non, je n'ai garde de le dire;
Mais je suis trop barbon pour oser soupirer,
Et je ferois crever de rire.
cliSanthis.
Mérites-tu, pendard, cet insigne bonheur
De te voir pour épouse une femme d'honneur? 66«
MERCURE.
Mon Dieul tu n'es que trop honnête :
Ce grand honneur ne me vaut rien.
I Ne sois point si femme de bien.
Et me romps un peu moins la tête.
CLÉANTHIS.
G>mment? de trop bien vivre on te voit me blâmer? 665
MERCURE.
La douceur d'une femme est tout ce qui me charme ;
Et ta vertu fait un vacarme
Qui ne cesse de m'assommer.
CLÉANTHIS.
Il te faudroit des cœurs pleins de fausses tendresses.
394 AMPHITRYON.
De ces femmes aux beaux et louables talents, 67*
Qui savent accabler leurs maris de caresses,
Pour leur faire avaler Tusage des galants ^
MBRCURX«
Ma foi! veux-tu que je te dise?
Un mal d'opinion ne touche que les sots * ;
Et je prendrois pour ma devise : 675
« Moins d'honneur, et plus de repos..»
CL^AlfTHIS.
Comment? tu souffrîrois, sans nulle répugnance.
Que j'aimasse un galant avec toute licence?
MKRCURX.
Oui| si je n'étois plus de tes cris rebattu*,
Et qu'on te vit changer d'humeur et de méthode. 6S9
J'aime mieux un vice commode
Qu'une fatigante vertu.
Adieu, Cléanthis, ma chère àme:
Il me faut suivre Amphitiyon.
CLÉAlfTHIS*.
Pourquoi, pour punir cet infime, 68 S
Mon cœur n*a*t-il assez de résolution ?
Ah! que dans cette occasion,
J'enrage d'être honnête femme!
I, Daofl les tneîewMfl éditioiM, du GaUns (rimant vrtt taieiu), cm ^
laiMe indéciie la finale d oa t\ mais, aix Tert pins loin, elkt ont Gmiamt an
•îngnlier.
a. « U» mal d'opimon^ dit Angtr, ait une espreanon hardie et origiaalt ; »
et il rapproche de ee Tert les deux suivanu de la Fontaine (dn Proiagme de
la Compg enekantét, eonte ir de la 3* partie, 1669) :
.... Ce mal dont la peur Tons mine et tous eontume
M'est mal qu'en votre idée, et non point dans reflet.
3. Rabattu. (168a, gn, 97.)
4. Cette indication n*est pas dans Tédition de 1734.
5. CtiASTUS, ««■/«• (1734.)
FIV OU FBKMIKa AGTK.
ACTE II, SCENE I. i^
ACTE II
SCÈNE PREMIÈRES
AMPHITRYON, SOSIE.
AMPHITETOir.
Viens ça, bourreau, viens çà. Sais-tu, maître fripon,
Qu*à te faire assommer ton discours peut su£Bre? 6^^
Et que pour te traiter comme je le désire.
Mon courroux n'attend qu'un bâton?
SOSIE.
Si vous le prenez sur ce ton,
Monsieuri je n'ai plus rien à dire,
Et vous aurez toujours raison. 69 S-
▲MPHITRYON.
Quoi? tu veux me donner pour des vérités, traître,
Des contes que je vois d'extravagance outrés*?
SOftII.
Non : je suis le valet, et vous êtes le maître;
Il n'en sera, Monsieur, que ce que vous voudrez.
AMPHITRYON.
Ça, je veux étouffer le courroux qui m'enflamme, 7oo>
I. Cette Mène fépoail à la icèoe i de l'acte II de Plaate (rert 3^'i^S].
a. Emploi remarquable d^outré avec dt, te rapportant k an nom de choie.
1^ lena est clair : « des contes pleins, à Tezcès, d'eztraTagance. » On ne peut
goère entendre de la même façon cet exemple de Mn»e de Sérigné (tome II,
p. 5«i) : « an air ontré d'indifférence i» Jtj dépend plutôt d'air, et omtré
ett employé absolument. Rien de plus commun que le même tour stcc un nom
de personne : « outré de colère, de dépit. » C'est autre chose, mais ponrUnt
il y a qaelqne aflinilé de sens entra les deux locations.
3^6 AMPHITRYON.
Et toat da long t*ouîr sur ta commissioo.
Il faut, avant que voir* ma femme,
Que je débrouille ici cette confusion.
Rappelle tous tes sens, rentre bien dans ton âme,
Et réponds, mot pour mot, à chaque question. 70S
SOSIE.
Mais, de peur dUncongruité,
Dites-moi, de grâce, à Tavance ',
De quel air il vous plaît que ceci soit traité.
Parlerai-je, Monsieur, selon ma conscience.
Ou comme auprès des grands on le voit usité? 7 1 o
Faut-il dire la vérité,
Ou bien user de complaisance?
ÂMPHlTRYOïr.
Non : je ne te veux obliger
Qu*à me rendre de tout un compte fort sincère.
sosu.
Bon, c*est assez; laissez-moi faire : 7 1 5
Vous n*avez qu'à m*interroger.
ÂMPHITaYOH.
Sur Tordre que tantôt je t'avois su prescrire... *?
SOS».
Je suis parti, les cieux d'un noir crêpe voilés.
Pestant fort contre vous dans ce fâcheux martyre.
Et maudissant vingt fois Tordre dont vous parles. 7*0
I. M. littfé, à Partick ▲▼ait. S*, «le de wauhntat caumplat, to«« cb
•nf on de Saîst-Simon, en praee, d*«raji/ cm, aa lieu d*«pmi de o«
éÊPmmi f«# ^«.
a. On Tott dans ane lettre de Mme de Sérigné (tome V, p. S8) que la lo-
cation à Vavamee était fiimiVire ans ProTençaoi, et aana donte moins da bon
nsa^ I Paris : « Je tous éeris an pea à Capaace^ eomme on dit en ProYenee. •
3. Oi peut entendre à la ri^enr : « que je t*aTais prescrit nettement, en
iMBune qui sait faire les ehoset ; » mais le mot savoir^ employé soavent eomme
une sorte d*aaxiliaire, est plutôt lei, comme an vers 1 1 17, nn pen de remplis-
safe; il en est antrement ans vers iii3 et 1127, o& pourtant Auger semble
aossi le tronvcr à reprendre.
ACTE 11^ SCÉNB I. 397
▲MPHmYOll.
G>mmeiit, ooqain?
8OU1.
MonBieur, vous n avez rien qu*à dire\
Je mentirai, si vous voulez.
▲MPBlTRTOir.
Voila eonune un valet montre pour noua du zèle.
Passons. Sur les chemins que t'est-il arrivé ?
D*avoir une frayeur mortelle, 7 9 s
Au moindre objet que j'ai trouvé.
AlIFHITRTOlf.
Poltron !
sosu.
En nous formant Nature a ses caprices ;
Divers penchants en nous elle fait observer :
Les uns à sVxposer trouvent mille délices ;
Moi, j*en trouve à me conserver. 73»
AMPHITRYON.
Arrivant au logis...?
SOSIE»
J*a\ devant notre porte,
En moî-même voulu rép Uer un petit*
Sur quel ton et de quelle sorte
Je ferois du combat le glorieux récit.
AMPHITRYON.
Ensuite ?
SOS».
On m*est venu troubler et mettre en peine.
AMPHITRYON.
Et qui?
SOSIS.
Sosie, un moi, de vos ordres jaloux,
t. La loeotton t'expliqnant «nti : • toiii n'avei rin k faire qa*à o« que de
dire, • rien n'y eat pat de trop, qooiqm plus ordlBaîreaneat on Vj tapprîme.
S. VojvB «î-dcMoa, ra T«r8 47i«
398 AMPHITRYON.
<}ue vous avez du port envoyé yen Aleméne,
Et qui de nos secrets a connoissance pleine,
Comme le moi qui parle à vous,
▲apHiTRYoïr.
<Juels contes!
Non, Monsieur, c'est la yérité pore. 740
<!e moi plutôt que moi s^est au logis trouve;
Et j*étois venu, je vous jure,
Avant que je fusse arrivée
ÂMPBITRYOH.
D^où peut procéder, je te prie,
Ce galimatias maudit ? 945
Est-ce songe ? est-ce ivrognerie ?
Aliénation d^esprit?
Ou méchante plaisanterie ?
SOSIE.
Non : c^est la chose comme elle est,
Et point du tout conte frivole. 750
Je suis homme d*honneur, j'en donne ma parole,
Et vous m'en croirez, s'il vous plaît.
Je vous dis que, croyant n'être qu'un seul Sosie,
Je me suis trouvé deux chez nous;
Et que de ces deux moi, piqués (!e jalousie, 755
L'un est à la maison, et l'autre est avec vous ;
Que le moi que voici, chargé de lassitude,
A trouvé l'autre moi frais, gaillard et dispos,
Et n'ayant d'autre inquiétude
Que de battre, et casser des os. 76c
AMPHITRYON.
n faut être, je le confesse,
0*un esprit bien posé, bien tranquille, bien doux,
1 . • . • . Priêu muito amie mtUU slabam quam illo étdvmêramm
Smt IHniUtioB àe co ^err (449) ée Plaate par Rotroo, tojm la iMc», p. 343.
ACTE II, SCÈNE I. )99
Pour souffrir qii*uii valet de chansons me repaisse.
Si vous TOUS mettez en eourroux.
Plus de conférence entre nous : 7 s $
Vous savez que d'abord tout cesse,
AMPBITRYON.
Non: sans emportement je te veux écouter;
Je Tai promis. Mais dis, en bonne conscience.
Au mystère nouveau que tu me viens conter
Est-il quelque ombre d'apparence ? 770
SOSIE.
Non : vous avez raison, et la chose à chacun
Hors de créance doit paroître.
Cest un fait à n'y rien connoître,
Un conte extravagant, ridicule, importun :
Cela choque le sens commun ; 775
Mais cela ne laisse pas d'être.
AMPHITRYON.
Le moyen d'en rien croire, à moins qu'être insensé ?
SOSIB.
Je ne l'ai pas cru, moi, sans une peine extrême :
Je me suis d'être deux* senti l'esprit blessé^,
I. D*JCn d*caz. (iS6S, 74; faat* eTidente.)
a. Cette diSlealté de eroire, eette impoMibÛité d*e«pliqi(tr, qne £itt si plai*
eanoMBt reMortîr la vive «etÎQO da diâlogae de llolièra, le Sotie de Rotron
•*eit pla ft reKaminer avec laMnéme, à la fin de la aoèoe m de Pacte I (eor-
ratpoBdaat ft la aoène i de Plaate et à la zi' de MoKêre). Toiei eef aparté, que
Mofiàn B^a paa voala relaira, et où te trooTant on peu noyéa deux oa trois
traito de eeloi qoi ae lit, à la même place, dans VAmfhiiryn latia :
O prodige, A nature !
^ Où me eoi^je perdu? qneHe cet eette aventnre?
Qui cfoiro ce miraele ans mortels ineonnn ?
0& me saîs-je laissé? que sois-je devenu • ?
Comment peut un seul Homme occuper double place ?
Moi-même je me fuis, moi-même je me chasse ;
* D( inmortalê», ohttero votîramfidêm!
Uhi êgopwiip ubi inmmtatuê tum P mH egûfirmam ptrdidi?
An egùmet me ilUU rê'iqmiy si/brit oblittui/ki?
(Plante, ttn 999-301.)
4M AMPHITRYON.
Et longiempB d*imposteur j*ai traité oe moi-mêiiie. 78a
Mais à me reoonnoître enfin il m*a forcé ' :
J*ai vu que c*étoit moi, sans aucun stratagème;
Des pieds jusqU*à la tête, il est comme moi fait.
Beau, Tair noble, bien pris, les manières diarmantea ;
Enfin deux gouttes de lait 78S
Ne sont pas plus ressemblantes*;
Et n^étoit que ses mains sont un peu trop pesantes»
J'en serois fort satisfait.
▲MPBlTRTOir.
A quelle patience il faut que je m*exhorte!
Mais enfin n'es-tu pas entré dans la. maison ? 79*
SOSIE.
Bon, entré ! Hé ! de quelle sorte ?
Ai-je voulu jamais entendre de raison ?
Et ne me suis-je pas interdit notre porte ?
▲MPHlTaVOll*
Comment donc ?
SOSIB.
Avec un bâton :
Dont mon dos sent encore une douleur très-forte. 79S
ÂMPBITRTOIV.
On ta battu ?
Je porte toat f teinbla et je w^pm les coupe ;
Je me ▼■!• éloigner et je lerû chei aoot.
Qocl est cet ■ceident?...
Il y a plat dVn monologoe aeces icmbleble, et une eorta de paradic d« d^
bat mr le moî de Sone, dans quclqnca ecèaca de im TriMmzim de FirasHola
(ti et Ta de l'acte IV, i de Taete V), o& ae dioiiiie, pour aortir d« tùm ladc-
ciaioii groteaqnc, no Doctear inAbccile, k qai Ton Tcot peraaader qa*il «at de-
Tcaa an autre, et qa*an second lui a été Ta et entenda dana aa maiaon •.
I . «... IfihUo^ inquam^ mirmm magis tihi ùtue, qtimm miki,
Ntfme^ iia me Du ament, eredeham primo mikimet Sosim^
Doiue Sosia^ Ule egomeî^ fieit tihi uti eredermm,
(PUute. Tara 4^-444*)
a. Ifêqmê iaeië laeti magie êti simiUy fiuum ilU iyo timiii^tt mn.
(V«. u?.)
. • £« lUmmtia fitt d'abord Inprini. i Wowbui m 1549.
ACTE II, SCÈNE I. 401
8O8IE.
Vraiment.
▲MPUITRYOEf.
Ëtqui?
30SIS.
Moi.
AMPHITRYON.
Toi, te battre ?
SOSIE.
Oui, moi : non pas le moi d^Ici,
Mais le moi du logis ^, qui frappe comme quatre.
AMPHITRYON.
Te confonde le Ciel de me parler ainsi !
SOSIE.
Ce ne sont point des badinages. 800
Le moi que j*ai trouvé tantôt *
Sur le moi qui vous parle a de grands avantages :
Il a le bras fort, le cœur haut ;
J'en ai reçu des témoignages,
Et ce diable de moi m*a rossé comme il faut ; go 5
C*est un drôle qui fait des rages*.
AMPHITRYON.
Achevons. As- tu vu ma femme?
SOSIE.
Non.
AMPHITRYON.
Pourquoi?
I • AMPsrrKuo,
Quiâ U verberavit ?
•08IA.
Egomêt memgt^ qui mute sum domi,
(PUate, Ten 453.)
a. An même tens que le tour ordÎAaire : « faire rage. » M. Utti^ ■»■ KrooTe
à citer de cet allongement que notre exemple, maii il cite rexprettion ana-
logue de dite des rages, qui a été employée par Bime de Sfrigné et par Saint-
Simon, an lien de dire rage (de q^lqn*an],
MoliAbh, ti ,(
4M AMPHITRYON.
8081B*
Par une raison assez forte.
AMPHITRYON.
Quitta fait y manquer, maraud? explique-toi.
SOSIB.
Faut-il le répéter vingt fois de même sorte? Sie
Moi, vous dis- je \ ce moi plus robuste que moi,
Ce moi qui s*est de force emparé de la porte.
Ce moi qui m*a fait filer doux,
Ce moi qui le seul moi veut être,
Ce moi de moi-même jaloux, 8 rS
Ce moi vaillant, dont le courroux
Au moi poltron s*est fait connaître,
Enfin ce moi qui suis chez nous*,
Ce moi qui s*est montré mon maître.
Ce moi qui m'a roué de coups'. Sio
I. àMWUTVKVO,
Sed tndUtin* aurorem meam ?
•09IA.
Quin introire in mdns nmmquam lieitmm *st,
AMPHmCO.
Quù te prokHuii?-
lOSU.
Soiim ilU^ quem jamdudum dieo^ it qui me etmtudii,
AMPSimuo.
Quis ittic Sotia 'st.*
aosiA.
Sgo, iaquam : quoties dieundum **t tihi?"
(Plaate, Ter» 462-465.)
1. C^Mt ici seolement qoe le moi qui est faivi de la premièra peraonne, pour
cette seule raison sans doute que la troisième : qui est, aurait fiait hiatoa; mai^
quoique ainsi motir^, eette eonfusion est d'un efibt Traiment comique. Ro-
tron en arait donné re&emple, mais en sens inrerse : il emploie eonatnmmeat
la première personne, sauf une fois où, lui aussi, en est empêché par la aw'
aura : voyes la note suivante.
3. Rotrou (acte II, scène i) avait essayé le même mouTement et la mtmt
répétition, dana un des couplets que Plaute ne loi a paa foumia :
Et quit*en a chassé? — Moi, ne tous dls-je pas?
Moi que j*ai rencontré, moi qui suis sur la porte^
Moi qui me suis moi-même ajusté de la sorte,
Moi qui me suis chargé d*nne grêle de coups,
Ge moi qui m*a parlé^ es- moi qui suia cbaa roua»
ACTE II, SCÂNE I. ^o^
AMPHITRYON.
Il faut que ce matins à force de trop boire.
Il se soit trouble le cerveau.
808IK.
Je veux être pendu si j*ai bu que^ de Teau*:
A mon serment on m'en peut croire.
AMPHITRTOH.
Il faut donc qu*au sommeil tes sens se soient portés ? 8 s 5
Et qu'un songe fâcheux, dans ses confus mystères,
T*ait fait voir toutes les chimères
Dont tu me fais des vérités?
SOSIK.
Tout aussi peu. Je n'ai point sommeillé,
Et n'en ai même aucune envie. 8 3 »
Je vous parle bien éveillé ;
J'étois bien éveillé ce matin, sur ma vie!
Et bien éveillé même étoit l'autre Sosie,
Quand il m'a si bien étrillé*.
I . Antre choM que. On e déjà Ta plmieiin esemplet de cet emploi ellip*
tique de fué (au Yen 919 de VÈtùurdi^ aax Prêeieutet, tome H, p. 56, an
Sêoond Plmeetân Tartuffe^tome IV,p. 391) ; M. Uttiien a reeaeilKnn grand
nombre dans let anteora da dix-septième siècle (an mot QuMi 10*).
1. Homo hic ebtiut oti^ ut opiner,, .,
\ \ \ \ \ \ \ \ \ \ hbihiïitk?
Nuêfmam eqmidem ètèt.
(Plante, Ters 417-419.)
). Sed fmidais? num ohdorminsH dmdmmf
Ifmtfmam gontimm.
Ibi forte ittmm si mdiâSês quoaulam m tomms Sosiam,
FigHamt pidi, vigiîant lume té vidoo^ ngilans fahutor.
F'tgUamtêm ilio mejamdmdmm ingiiwu mtçiùs <omtmdtt^
(Vers 446-470.>
4o4 AMPHITRYON.
AMPHITRYON.
Suis-moi. Je t'impose silence : 13s
Cest trop me fatiguer Tesprit;
Et je suis un vrai fou d*avoir la patience
D^ëoouter d'un valet les sottises qu'il dit.
SOSIE ^
Tous les discours sont des sottises.
Partant d'un homme sans éclat ; S40
Ce seroit paroles exquises*
Si c'ëtoit un grand qui parlât'.
AMPHlTRTOlf.
Entrons, sans davantage attendre.
Mais Alcmène paroit avec tous ses appas.
En ce moment sans doute elle ne m*attend pas, 84$
Et mon abord la va surprendre.
I. Soan^ à part. (i7340
a. Ceseroient piroles exquiies. (1682, 1734.)
3. Cett, arec on toar plot rif et plut familier, la maziine qa*Eiiripide, tu
▼en agB-agS de ta tragédie à^Héeube^ a mite dans la boitehe de la ndlle
reine et qui lermine lea sappUcations qa*eUe adraase à Ulywe : « Mail, qaoî
que ta ▼eaillet dire (a Us Grees)^ l'autorité en toi pcrauadera; ear Tfaiat
dliommaa obacun ou d*hoinmes iUastrea les mémei parolet A*ont pas la wènt
puijMBce*. » Quatre vert de la lable du Fermier, le Chien et le Raieri
(la ni* du livre XI, publiée par la Fontaine une disaine d*annéea aprit VJm-
phitryan) ont été plua naturrilement rapprochéa de la nflaôim do Soifa :
Son raisonnement poUToit être
Fort bon dans la bouche d*nn mahre ;
Mail n'étant one d*nn timple chietty
On trouTa qn*il ne valoit nen.
• Attln-Gelle (livre XI, chapitre xr) noua a contervé une tradnetioB btiat
de cet teois vert par Ennius.
ACTE II, SCÈNE II. «oS
SCÈNE ir.
ALCMÈNE, CLÉANTHIS, AMPHITRYON, SOSIE.
ALCMÂNE*.
Allons pour mon époux, Cléanthis, vers les Dieux'
Nous acquitter de nos hommages.
Et les remercier des succès glorieux
Dont Thèbes, par son bras, goûte les avantages/ tSo
O Dieux!
AMPHrrRYOlf.
Fasse le Gel qu* Amphitryon vainqueur
Avec plaisir soit revu de sa femme.
Et que ce jour favorable à ma flamme
Vous redonne à mes yeux avec le même cœur,
Que j y retrouve autant d*ardeur s 5 5
Que vous en rapporte mon ame !
àlcmInk.
Quoi? de retour si tôt?
AMPHITRYON.
Certes, c*est en ce jour
Me donner de vos feux un mauvais témoignage,
I. Cette teètto eorreapoiul h la toeoe ii de l'acte H de Plante (v«n 479*
706) ; mais elle t'en éloigne beaueoap par le foad même oa Peapreerioa des
aemtimflBti.
s. ALCMdknt, AMPHiraTov, cLBAimuf, tosn.
AuQiiiiB, tans 9oir jimpkitryoH, (17S4.)
3. Le rapport de ¥ert est ici anibigu : la prépoaition dépend-elle d*allM#
(ee aérait: • Tara letimaget des Dieux, aa Temple ») oa à^mùfuiitêr} Le rap-
prochement d*nn antre acquitter ver^^ que nom trooTerona an rera 909, reâd
ee second tonr tria-probaUe, malgré la viigale qai, dana let aneiennee édi-
tùma, soit ici le mot Diêmx : on sait comluett, dana eea Tiens tCKtea, il 7 • pM
de compte k tenir de la ponctuation, qni, en général, est bien plat6t de Fim*
primenr qne de l'antetur.
4. Jfgrtêpmmt J/mfkUrfûn, (i734«)
4o6 AMPHITRYON.
Et ce « Quoi? si tôt de retour? »
En ces occasions n'est guère le langage S6o
D*un cœur bien enflammé d*amour.
J'osois me flatter en moi-même
Que loin de yous j'aurois trop demeuré.
L*attente d*un retour ardemment désiré
Donne à tous les instants une longueur extrême, 86 S
Et Fabsence de ce qu^on aime,
Quelque peu qu'elle dure, a toujours trop duré.
ALCMÂNB.
Je ne vois....
AMPHITRYON.
Non, Alcmène, à son impatience
On mesure le temps en de pareils états ;
Et vous comptez les moments de l'absence 87*
En personne qui n'aime pas.
Lorsque Ton aime comme il faut,
Le moindre éloignement nous tue,
Et ce dont on chérit la vue
Ne revient jamais assez tôt. 875
De votre accueil, je le confesse.
Se plaint ici mon amoureuse ardeur.
Et j'attendois de votre cœur
D'autres transports de joie et de tendresses
ALCMÂNB.
J'ai peine à comprendre sur quoi 880
Vous fondez les discours que je vous entends faire;
Et si vous vous plaignez de moi.
Je ne sais pas, de bonne foi.
Ce qu'il faut pour vous satisfaire.
Hier au soir, ce me semble, à votre heureux retour,
On me vit témoigner une joie assez tendre.
Et rendre aux soins de votre amour
Tout ce que de mon cœur vous aviez lieu d'attendre.
ACTE II, SCÈNE II. 407
AHPBITBTON.
Comment?
ALCMinE.
Ne fis-je pas éclater à vos yeux
Les soudains mouvements d'une entière allégresse? I^a
Et le transport d'un cceur peut-il s'expliquer mieux,
Au retour d'un époux qu'on aime avec tendresse?
Que me dites-vous là?
&LCHÈNE.
Que même votre amour
Montra de mon accueil une joie incroyable;
Et que, m'ayaut quittée ' à la pointe du jour,
Je ne vois pas qu'à ce soudain retour
Ma surprise soit si coupable.
AHPBlTRyoN.
Est-ce que du retour que j'ai précipité
Un songe, cette nuit, Âlcmèae, dans votre âme
A prévenu la vérité?
Et que m'ayant peut-être en donnant bien traité,
Votre cœur se croît ver» ma flamme
Assez amplement acquitté ?
ALCHÉnK.
Est-ce qu'une vapeur, par sa malignité,
Amphitryon, a dans votre âme
Du retour d'hier au soir brouillé la vérité?
Et que du doux accueil duquel je m'acquittai
Votre cœur prétend à ma flamme
Ravir toute l'honnêteté*?
amphituvor.
Cette vapeur dont vous me régalez
. Et qn*, cocHU todi m «m quitlM....
1. TontB U bonna grki». Ce Hnit nu tMapI* t •joater, ebv H. UUri,
. 4* et 5* da l'nliclc BosKÉTiri.
4od AMPHITRYON.
Est un peu, ce me semble, étrange.
ALCMÂNB.
C'est ce qu*on peut donner pour change
Au songe ^ dont vous me parlez.
AMPHITRYON.
A moins d*un songe, on ne peut pas sans doute
Excuser ce qu'ici votre bouche me dit. 9 1 5
ALCMilIB.
A moins d'une vapeur qui vous trouble Tesprit,
On ne peut pas sauver ce que de vous j'écoute.
AMPÛITRTON.
Laissons un peu cette vapeur, Alcmène.
ALCMÂNE.
Laissons un peu ce songe. Amphitryon.
AMPHITRYON.
Sur le sujet dont il est question, 9*0
Il n'est guère de jeu que trop loin on ne mène.
ALCMÂNB.
Sans doute ; et pour marque certaine,
Je commence à sentir un peu d'émotion.
AMPHITRYON.
Est-ce donc que par là vous voulez essayer
A réparer l'accueil dont je vous ai fait plainte? 925
ALCMÈNB.
Est-ce donc que par cette feinte
Vous desirez vous égayer?
AMPHITRYON.
Ah ! de grâce, cessons, Alcmène, je vous prie,
Et parlons sérieusement.
ALCMÈNE.
Amphitryon, c'est trop pousser l'amusement : 93*
Finissons cette raillerie.
1. Cequ'ompeutdoBnaraiieloiir daioBgc, eedoBt papeaftpajorle
ACTE II, SCÈNE II. 409
AMPHITRYOll.
Quoi ? VOUS osez me soutenir en face
Que plus tôt qu*à cette heure on m'ait ici pu yoir?
ALCMÈIIK.
Quoi? vous voulez nier avec audace
Que dès hier en ces lieux vous vîntes sur le soir^? 93s
AMPHlTRYOll.
Moi ! je vins hier ?
ALGMÂIIB.
Sans doute; et dès devant Taurore*,
Vous vous en êtes retourné.
amphitryon'.
Ciel! un pareil débat s'est-il pu voir encore?
Et qui de tout ceci ne seroit étonné ?
Sosie?
SOSIE.
Elle a besoin de six grains d'ellébore^, 940
Monsieur, son esprit est tourné *.
AMPHITRYON.
Alcmène, au nom de tous les Dieux !
Ce discours a d'étranges suites :
I. Im dialogue n'a pas moins de rivadté dans ce vers (604) dn eoniqve
latin :
AMFHrrnuo.
TwCmê kêrî advemssé dieu ?
ALCDllUrA.
7aM*l« ûhUse hoJie kime negai ?
9. L*Ane d*an jardinier se plaignoit au Destin
De ce qa*on le faisoit lever derant Taurore.
(La Fontaine, débnt de PAiiê et sê» Mmùrw§^ ÎMm xi du
litie VI, 1S6S.)
3. Ahvutatoii, à pmri, (1734.)
4. ÉUhem^ dans les éditions antérienies k 1734.
5. SMIA.
• « Qmmto, ^mtM tm ûtMHC Jmèes
Pro têrUa eiremmfeniP
(Hante, vert Sni tl Sts.)
4io AMPHITRYON.
Reprenez vos sens ud peu mieux,
Et pensez à ce que vous dites. 945
ALCMÈNS.
J'y pense mûrement aussi ;
Et tous ceux du logis ont vu votr^ arrivée.
J*ignore quel motif vous fait agir ainsi;
Mais si la chose avoit besoin d'être prouvée,
S'il étoit vrai qu'on pût ne s'en souvenir pas» gSo
De qui puis-je tenir, que de vous, la nouvelle
Du dernier de tous vos combats ?
£t les cinq diamants que portoit Ptérélas,
Qu'a fait dans la nuit étemelle
Tomber l'effort de votre bras' ? 95s
En pourroit-on vouloir un plus sûr témoignage ?
AMPHITRYON.
Quoi? je vous ai déjà donné
he nœud de diamants que j'eus pour mon partage»
Et que je vous ai destiné ?
ALCMÈIfB.
Assurément. Il n'est pas difficile 960
De vous en bien convaincre.
AMPHITRYON.
Et comment?
ALCMÂNB*.
Le voici*.
J. ALCUMUTA.
Quis igiiur, nUi ¥os, narrayii mihi iili mi/uerii priUmm ?
AMmiTEUO.
An •tiam id tu sets ?
ALCUMUTA.
Qmppe qim ex te amdin s ut urhem maxumam
Bsepugnapisses, regemque Pterelam tute oceideris,
(Plautop ren 590-599.)
a. Auafàirm, montrant, à sa ceinture, le nasud de diamants, (1734.) •— Jf«ii-
tram le nesud de diamants à sa ceinture, (1773.)
3* Dans Plaate, noiu TaTOiu dit, ao lieu d*iui bommI de dianasta, e*ett uam
«oope d*or, oà bavait le roi Plirélat, qu'Amphitryon a deatin^ k Alcmèae;
ACTB II, SCÉNB II.
AMPHITRYON.
"Soue!
Elle se moque, et je le liens icij
Monsieur, la feinte est inutile.
AHraiTRTON.
1a: cachet est entier *.
ALCMàlfB*.
Est-ce une vision ?
Tenez. TVouverez-vous cette preuve assez forte? 96S
AHPHITBTOH.
Ah Ciel! ô juste Ciel *!
ALCMàna.
Allez, Amphitryon,
Vous TOUS moquez d'en user de la sorte,
Et vous en devriez avoir confusion.
db BB peut, camnH ici, à l'ioiunL aaiot, naatrer is gtgt dénAé pir U
-Dieu et qn'clle tint di u miia.
I. Sotu, lirtlU Jt n> focht an nffnt. (1734.]
AmM i*a Vf, «t fitigaari.
(Pi.Bt.,nn 619-611.)
Amfbitbtok, ngarian U eeffni.
la^m, primUml à Ampkilrjim U maaJ Ji dimmaau. {l^i^■)
.... Agi, aitfia kac, fit, nmiu jam.
Ktnm AsD faltm, f<M daiialiu illi ?
5mmm,h>fril4T,
[Pl*ut(,nn 6*4417.)
4i2 AMPHITRYON.
▲MPHiniTOlT.
Romps vite ce cachet.
SOSIK, ayant ORTait le ooffiwt.
Ma foi, la place est vide.
Il faut que par magie on ait bu le tirer, 970
Ou bien que de lui-même il soit venu, sans guide,
Vers celle qu^il a su qu*on en vouloit parer.
AMPHITRYON^.
O Dieux, dont le pouvoir sur les choses préside,
Quelle est cette aventure ? et qu'en puis-je augurer
Dont mon amour ne s*intimide ? 975
SOSIB*.
Si sa bouche dit vrai, nous avons même sort,
Et de même que moi, Monsieur, vous êtes double'.
AMPHITRYON.
Tais-toi.
ALCMBNE.
Sur quoi vous étonner si fort ?
Et d'où peut naître ce grand trouble ?
AMPHITRYON^.
o Gel! quel étrange embarras! 9I0
Je vois des incidents qui passent la nature;
Et mon honneur redoute une aventure
Que mon esprit ne comprend pas.
ALCMÂNB.
Songez-vous, en tenant cette preuve sensible,
A me nier encor votre retour pressé? 9IS
I. AxVBxniTOir, à part, (1734.)
a. Soan, à Amphitrfom, (Ibidem,)
Z, Dans la pièce latine, avec un /ow (oimiar), «imb plaisant, da pins t
• • • •
Omnes eongeminaruiuu.
(Planta, wm 63a.)
4. AioamTOir, à pari, (1734.)
ACTB II, SCÈNE II.
AHPBITRTOn.
Non ; mais k ce retour dai^ez, s'il eit possible.
Me coDter ce qui s'est passé,
LLCIttKE.
Puisque tous demandez un récit' de la chose.
Voua voulez dire dooc que ce n'étoit pas tous*?
Pardonnez-moi; mais j'ai certaine cause
Qui me fait demander ce rëcit entre nous.
ILCMàRS.
Les soucis importants qui vous peuTeot saisir,
Vous ont-ils fait si vite en perdre la mémoire ?
tKPHITKYOM.
Peut-être ; mais enfin vous me ferez plaisir
De m'en dire toute t'histoire.
kLCKiNK.
L'histoire n'est pas longjue. A vous je m'avançai.
Pleine d'une aimable surprise;
Tendrement je vous embrassai,
Et témoignai ma joie i plus d'une reprise.
AMFHITBTOIf, m Kri-mteia ' .
Ah! d'un si doux accueil je me serois passé *.
ALCMiKK.
Vous me fîtes d'abord ce présent d'importance,
I. Ca Ttat. {ijlo, 33, )4i iDÛ noo ij;!-]
s. n j ■ OB liapla poiat, an ll«a d'un ftïM dlaUtragitioB, d«u Im lalci
Je 1O74, d* tSSaMde 1734.
J. Aanmicnr, ifcri. (1534.)
1
4i4 AMPHITRYON.
Que du butin conquis vous m'ariez destiné.
Votre cœur, avec véhémence,
M*étala de ses feux toute la violence,
Et les soins importuns qui Tavoient enchaîné, looS-
L*aise de me revoir, les tourments de Tabsence,
Tout le souci que son impatience
Pour le retour s*étoit donné ;
Et jamais votre amour, en pareille occurrence,
Ne me parut si tendre et si passionné. loio
AMPHITRTOIT, en •oi-mème*.
Peut*on plus vivement se voir assassiné ?
ALCIIBNE.
Tous ces transports, toute cette tendresse,
G>mme vous croyez bien, ne me déplaisoient pas;
Et s*il faut que je le confesse,
Mon cœur. Amphitryon, y trouvoit mille appas. loiS^
AMPHITRYOlf.
Ensuite, 8*il vous plaît.
ALCMBNK.
Nous nous entrecoupâmes
De mille questions * qui pouvoient nous toucher.
On servit. Tête à tête ensemble nous soupames ;
Et le souper fini, nous nous fûmes coucher.
AMPHITRYON.
Ensemble ?
ALCMÂNB.
Assurément. Quelle est cette demande ?
amphitryon'.
Ah ! c^est ici le coup le plus cruel de tous,
Et dont à s'assurer trembloit mon feu jaloux.
t. ÂMPunToir, «l^arr. (1734.)
1. SI*eHireeouifer de, t'interrompre par, location fort cUlre, mais doat en*
core M. littrê paraît n'aroir trouré qoe notre exemple.
3. Amphitstoh, à part, (1734.)
ACTE II. SCKNB II.
ilcmAnb.
D'oh vong vient à ce mot noe rougeur si grande ?
Ai-je fait quelque mal de coucher avec vous?
AMPBtTBTOIf.
Non, ce u'ctoit pas moi, pour ma douleur sensible '
Et qui dit qu'hier ici mes pas ae sont portes.
Dit de toutes les faussetés
La fausseté la plus horrible*.
Amphitiyon 1
AMPHITRYON.
Perfide!
âlcmàke.
Ah ! quel emportement! .
ANPBITBTON.
Non, non : plus de douceur et plus de déférence,
Ce revers * vient à bout de toute ma constance;
Et mon cœur ne respire, en ce fatal moment.
Et que fureur et que vengeance.
I. HteBM^bldsfDVqHdui la toonun : • ponr moa milbr
Caaa aJ/mila 'ili cananili mtcmm, igo adcubui tiimU.
.... JToHa sUdts», «■»['(
UK 1» odmitH?
f » eoitm Uctn tta
m KH » tutitml:
PirJiJÙtU .... Bmc nu moda ad >ii
arum MJii.
Qmid tgofiei, qma Ulmt pnfUr du
laJicanlurmUti?
Çmid.t,im dtli^, n fi «mp,.
«.«««/«^
(PlM....«r.M0-66*.)
eanU i» Nararrt.
4i6 AMPHITRYON.
ALCMÂRK.
De qui donc voua venger? et quel manque de fo!
Vous fait ici me traiter de coupable? io3 5
AMPHITRYON.
Je ne sais pas, mais ce n*étoit pas moi ;
Et c*e8t un désespoir qui de tout rend capable.
ALCMBRB.
Allez, indigne époux, le fait parle de soi,
Et rimposture est effroyable.
Cest trop me pousser là-dessus, 1040
Et d*infidélité me voir trop condamnée.
Si vous cherchez, dans ces transports confus,
Un prétexte à briser les nœuds d*un hyménée
Qui me tient à vous enchaînée.
Tous ces détours sont superflus ; 1 04 >
Et me voilà déterminée
A souffrir qu^en ce jour nos liens soient rompus.
AMPHITRYON.
Après rindigne affront que Ton me fait connoître,
Cest bien à quoi sans doute il faut vous préparer * :
C'est le moins qu'on doit voir, et les choses peut-être
Pourront n'en pas là demeurer.
Le déshonneur est sûr, mon malheur m'est visible,
Et mon amour en vain voudroit me l'obscurcir;
Mais le détail encor ne m'en est pas sensible,
Et mon juste courroux prétend s'en éclaircir. 10 55
Votre frère ' déjà peut hautement répondre
I . SaÎTMit les mceon romaiiMt, «Uns la comédie latine la propocitiea de
divorea att bian plna tiaipleaMBt et formeUanMOt laite : rojtst lea m* 693-
699; et, en outre, let vera 733-736, et 774 de la aeène n de Tacte III. —
Ce ii*eat paa dans aon aena airiet que Molière a fait enployer le not de éi'
warcf k rAmphitryon-inpiter de la seène ti de eet aete (an Tera 1270).
3. Ce frère ne paraîtra pat, n'ayant pu être rencontré (voyei au Tara 1439)-
Dana Plaatia, il B*eit question qoe d'nn parent (eagnaims) d*AJca»ène, d'an N»a-
cntèt, difOrant de eelni qui parait an III* acte de Molière.
ACTB II, SCÈNE II.
Que jasqn'à ce matiD je oe l'ai point qoitU :
Je m'en vais le chercher, afin de vous confondre
Sur ce retour qui m'est faussement imputé.
Après, nous percerons jusqu'au fond d'un mystère
Jusques à présent inouï;
Et dans les mouvements d'une juste colère ',
Malheur à qui m'aura trahi !
SOSIE.
Monsieur. . . .
AXPHITRVOH.
Ne m'accompagne pas,
Et demeure ici pour m'attendre.
CLÉINTHIS*.
Faut-il...?
«LCMÈHB.
Je ne puis neu catcndre :
Laisse-moi seule, et ne suis point mes pas.
SCENE III.
CLÉANTIIIS, SOSIE.
CLâANTHIS*.
Il faut que quelque chose ait brouillé sa cervelle;
Mais le frère* sur-le-champ
Finira cette querelle. lo
sosie'.
C'est ici, pour mon maître, un coup assez touchant,
Et son aventure est cruelle.
9. Ciijuiraii, à AIcmilu, (il3(.)
3. Ctitmau, à pari, {rhidtm.)
4. VoT«ci-<l«Miii. iBTin id56.
5. Soin, àpari. (17S4.]
HOUÈHB. Tl
^', '
418 AMPHITRYON.
Je crains fort pour mon fait quelque chose approchant,
Et je m*en veux tout doux éclaircir avec elle.
CLÉANTHIS*.
Voyez s^il me viendra seulement aborder! 1075
Mais je veux m'empècher de rien faire paroître.
SOSIB*.
La chose quelquefois est fâcheuse à connoître,
Et je tremble à la demander.
Ne vaudroit-il point mieux, pour ne rien hasarder,
Ignorer ce qu'il en peut être ? loto
Allons, tout coup vaille', il faut voir,
Et je ne m'en saurois défendre.
La foiblesse humaine est d'avoir
Des curiosités d'apprendre
Ce qu'on ne voudroit pas savoir ^. loSS
Dieu te gard'*, Cléanthis!
CLÉlIfTHIS.
Âh! ah! tu t'en avises.
Traître, de t^approcher de nous !
SOSIE.
Mon Dieu ! qu'as-tu ? toujours on te voit en courroox,
Et sur rien tu te formalises.
I, CLâANTBxs, à part, (1734.)
a. SosxB, à part, (Ibidem,)
3. A tont baurd, à tout risque. Loeation otitfe dans ontatiu jeoz : ?ojo
la DUtiennnire de M. Littré, à Coup, i0*, où notre exemple eat ooiif.
4. Compares les vers 369 et 370 de P École de» femmes (tome llf, p. 187) :
Je tremble du malbeur qui m'en peut arriTer,
Et Ton eberehe souTent pins qu'on ne veut troater.
5. Gard^ sans a]>ostropbe, dans les éditions de 1689 et de 1734; et fsn//,
en dépit de la mesorr, dans celles de i674t de 1684 À et de 16^ B. Os lit
de même dans lei Femmes eavoMtet (acte II, seine zi) :
Ab ! Dieu irons gsrd*, mon frère.
Gard est la forme habituelle dans cet « ancien sonbait on saint » : ▼oyei s*^
note de Paal-lx>uis Courier à sa traduction des Paetorale* de Longue (livre lU).
p. 189, fin de la colonne i,dans Péditiondes OEuvree eompUtêt (Dîdot, i839)>
ACTE II, SCÈNE III.
4i9
CLEANTHIS.
Qu*appelle8-ta sur rien, dis ?
80SIB.
rappelle sur rien 1090
Ce qui sur rien s'appelle en vers ainsi qu^en prose ;
Et rien, comme tu le sais bien,
Veut dire rien, ou peu de chose.
CLÉANTHIft.
Je ne sais qui me tient, infâme,
Que je ne t'arrache les yeux, 109 S
Et ne t'apprenne où va le courroux d'une femme '.
SOSIB.
Holà ! d'où te vient donc ce transport furieux ?
CLÉANTHIS.
Tu n'appelles donc rien le procédé, peut-être \
Qu'avec moi ton cœur a tenu ?
SOSIB.
Et quel ?
CLÉANTHIS.
Quoi ? tu fais l'ingénu ?
Est-ce qu'à l'exemple du maître
Tu veux dire qu'ici tu n'es pas revenu ?
SOSIE.
Non : je sais fort bien le contraire ;
Mais je ne t'en fais pas le fin ' :
Nous avions bu de je ne sais quel vin,
Qui m'a fait oublier tout ce que j'ai pu faire.
1 100
I I o5
I. Anger rappelle Ici le Noium,,,./ureiu qmdfœnùna potsit de Virgile (au
litie V de V Enéide, yert 6).
a. lioas n*ayoiu pat besoin de faire remarquer combien eette coope, par
peut^itre^ à la fin du Ten, a de force dlronie.
3. Je te Tatoue bonnement. On disait, en parlant d'un bomme, en faire U
fin^ d*nne fismme, en faire la fine^ pour distimaler^ cacher quelque choee
(Tojes le Lexique de la langue de Corneille^ tome I, p. 418) ; et on disait le
«ontraire, n'en pas faire le fia^n^en pat faire la fine ^ pour avouer franchement^
^
I
4ao A&IPHITRYON.
CLÉANTBIS.
Tu croîs peut-être excuser par ce trait....
SOSl£.
Nou, tout de bon, tu m*en peux croire.
J'étois dans un état où je puis avoir fait
Des choses dont j*aurois regret, 1 1 lo
Et dont je n'ai nulle mémoire.
CLÉAMTUIS.
Tu ne te souviens point du tout de la manière
Dont tu m'as su traiter S étant venu du port ?
SOSIE.
Non plus que rien*. Tu peux m'en faire le rapport :
Je suis équitable et sincère, 1 1 15
Et me condamnerai moi-même, si j'ai tort.
CLÉANTH1S.
Comment? Amphitryon m'ayant su disposer'.
Jusqu'à ce que tu vins ^ j'avois poussé ma veille;
Mais je ne vis jamais une froideur pareille :
De ta femme il fallut moi-même t'aviser '; i i«o
Et lorsque je fus te baiser,
Tu détournas le nez, et me donnas l'oreille.
dirt sans détour une chose. Voici de cette locution les deux boni exeapltf
ehoisi», avec celui de Molière, par M. Littré :
N*eo Tais donc point la fine et Talnement ne cache
Ce qu'il faut, malgré toi, que tout le inonde aacbe.
(Régnier, Dialogue de Cloris et Philia, 3* couplet de Cloris.)
Je TOUS embarrassai : n*en faites point la fine.
(Comeilie, le Menteur^ acte V, scène ▼!, vers 1745, Dorante i Clarice.)
1. Dont tu as trouvé moyen de me traiter, dont tu as pu me traiter. Poota*
quelque peu explétif ici et au rers 1117, voyez ci-dessus, la note da Tcrs 717-
a. If on plus que rien, au sens de « pas du tout. »
3. M*ayant par sou retour préparé au tien ; ou, simplement, m*ayattt vrttû
de ton retour.
4. Nous sommes, arec jusqu'à ce que, plus habitués au subjonctif; naii,
en œ sens, rindlcatif paraît préfér.ible : « jusqu^au moment oà tu ▼»>, oà
tu es Tenu. »
5. T'aTiser que tn arais une femme, qu*eUe était H.
ACTE II, SCÈNE III. iii
■oaiB.
Bon!
CL^AHTBIS.
Comment, bon?
B08IB.
Mon Dieu ! lu ne sais pas pourquoi,
Cléanthîs, Je tiens ce langage :
J'avols mangé de l'ail, et fis en homme sage i laS
De détoumei' un peu mon baleine de toi.
CLÉÂirrais.
Je te sas exprimer ' des tendresses de cœur;
Mais à tous mes discours tu fus comme une soucbe ;
Et jamais un mot de douceur
Ne te put sortir de la boucbe, 1 1 3 o
SOSIE*.
Courage!
CLÉANTEIS.
Enfin ma flamme eut beau s'émanciper,
Sa chaste ardeur en toi ne trouva rien que glace;
Et dans un tel retour', je te vis la tromper,
Jusqu'à faire refus de prendre au lit la place
Que les lois de l'hj'men t'obligent d'occuper. 1 1 3 S
SOSIK.
Quoi? je ne couchai point....*
cl6&nthib.
Non, lâche,
sosn.
Est-il possible?
I. Le nu pintt id bd pca plu ûgnlflcitif qn'iiii nn oà nodi arom déjl
rdnt ta mot, miû lanil'An buucanp eneon.
>. Soui, àpari. (1734.)
3. A l'heure d'un rctonr dont aoii* (aiiau i& 4tra ntonttnl*, q<û t'ittit
uni Eût ittsndra.
4. An liflu du pointt npcCpi^ niirquAt r^LJecnee, qpe noot domui d'*-
prit lu iBcieiu teitH, J j ■ id, « qni n'ot pu nfauuini, mai* bIcox pnt-
hn, aipaiot d'ûtOTogitioa diu l'édicieii ds 1734.
4» AMPHITRYON.
CLIÎANTHIS.
Traitrei il n'est que trop assuré *.
C'est de tous les affronts Taffront le plus sensible;
Et loin que ce matin ton cœur Tait réparé.
Tu t*es d*avec moi séparé 114*
Par des discours chargés d'un mépris tout visible*
SOSIB*.
nuat^ Sosie!
CLÉANTHIS.
Hé quoi? ma plainte a cet effet?
Tu ris après ce bel ouvrage ?
SOSIE.
Que je suis de moi satisfait!
CLÉANTHIS.
Exprime-t-on ainsi le regret d'un outrage? x i45
SOSIE.
Je n'auroîs jamais cm que j'eusse été si sage.
CLEANTHIS.
Loin de te condamner d'un si perfide trait,
Tu m'en fais éclater la joie en ton visage !
SOSIE.
Mon Dieu, tout doucement ! Si je parois joyeux,
Crois que j'en ai dans l'âme une raison très-forte, i i5o
Et que, sans y penser, je ne fis jamais mieux
Que d'en user tantôt avec toi de la sorte.
GLÉAITTHIS.
Traître, te moques-tu de moi ?
SOSIB.
Non, je te parle avec franchise.
En l'état où j'étois, j'avois certain effroi, 1 1 5S
t. Cela n'ait qna trop aaturé.
9. Soua, A part, (1734.)
3. C*ett, avee an toat autre mm, le cti de IfaicarUIe au vert 794 àt
rÉtomnli.
ACTE II, SCÈNE III. 4»)
Dont avec ton discours mon âme sVst remise.
Je m'appréhendois fort, et craignois qu'avec toi
Je n*eus8e fait quelque sottise.
CL^lHTHIS.
Quelle est cette frayeur? et sachons donc pourquoi
80SI£.
Les médecins disent, quand on est ivre, t x6o
Que de sa femme on se doit abstenir,
Et que dans cet état il ne peut provenir
Que des enfants pesants et qui ne sauroient vivre *.
Vois, si mon cœur n'eût su de froideur se munir,
Quels inconvénients auroient pu s'en ensuivre! i t6S
CLÉANTHIS.
Je me moque des médecins.
Avec leurs raisonnements fades :
Qu^ils règlent ceux qui sont malades,
Sans vouloir gouverner les gens qui sont bien sains.
Us se mêlent de trop d*afiaires, 1 170
De prétendre tenir nos chastes feux gênés ;
Et sur les jours caniculaires
Ils nous donnent encore, avec leurs lois sévères,
De cent sots contes par le nez*.
SOSI£.
Tout doux !
CLÉANTHIS.
Non : je soutiens que cela conclut mal : 1 1 7 S
Ces raisons sont raisons d'extravagantes têtes.
Il n'est ni vin ni temps qui puisse être fatal
A remplir le devoir de Tamour conjugal;
I. Aag«r rentoU ici an cbapître m de rÉducaiion det enfanuAt Plutarqo»
(qa'Amyot a intitulé Comment il faut nourrir le* ea/ant*).
a. lia ont sur ce «ujet cent lots contes dont ils nous donnent snr le net.
M. Littrè, à Partide Nu, 4*, traduit « donner d*une chose sur le nés » par
« dire quelque chose à tort et à trarers. »
4a4 AMPHITRYON.
Et les médecins sont des bêtes.
SOSIB.
G>ntre eux, je t'en supplie, apaise ton courroux : iiSo
Ce sont d^honnêtes gens, quoi que le monde en dise.
CUiAJfTHIS.
Tu n'es pas où tu crois ; en vain tu files doux :
Ton excuse n'es^ point une excuse de mise ;
Et je me veux venger tôt ou tard, entre nous,
De Tair dont chaque jour je vois qu'on me méprise.
Des discours de tantôt je garde tous les coups.
Et tacherai d'user, lâche et perfide époux,
De cette liberté que ton cœur m'a permise.
SOSIB.
Quoi?
CLÉANTHIS.
Tu m'as dit tantôt que tu consentois fort,
Lâche, que j'en aimasse un autre. 1 19<^
SOSIE.
Ah! pour cet article, j'ai tort.
Je m'en dédis, il y va trop du nôtre :
Garde-toi bien de suivre ce transport.
CLBÂNTHIS.
Si je puis une fois pourtant
Sur mon esprit gagner la chose. ... 119^
SOSIB.
Fais à ce discours quelque pause ' :
Amphitryon revient, qui me paroit content.
I. EflitOM'gn là pour le moment; on a déjà va Texprenloii mu ▼«* 33(*
ACTE IL, SCÈNE IV.
SCENE IV.
JUPITER, CLÉANTHIS, SOSIE.
JUPITER * .
Je * viens prendre le temps de rapaîser Alcméne,
De bannir les chagrina que son cœur veut garder,
Et donner à mes feux, dans ce soin qui m'amène,
Le doux plaisir de se raccommoder.*
AIcmène estlà>haut, n'est-ce pas?
CLÉAIITHIS.
Oui, pleine d'une inquiétude
Qui cherche de la solitude,
Et qui m'a défendu* d'accompagner ses pas.
JUFITER.
Quelque défense qu'elle aît faite,
Elle ne sera pas pour moi.
CLiinTHIS.
Son chagrin*, à ce que je vol*,
A fait une prompte retraite.
I. iTirmx, i forl, (1734.)
a. Gn quatre pr«m!en nr» eomti>aDdaal m long couplet, fort ili(
daUrotrée de Jupiter dioa Pliutc (aetelll, trime 1, nn 707-737).
3. ^ CUamtkU. I,j3i.)
j. ■ Et qui ■ p*at h npport«r à Alenèiw; miii i! pj
BMOt plut ùmplfl, quoique d^un tour ptui hirdi^ Je le nppartsr
tnde ..
5. .SCÈNE T.
Oiunm, Son ehigriu. (1734.) — Tr>jm, tar U tmt du pu», cldMnu,
p. 149, aote 1.
C As R^ct da roi, uu (, Toja VtiUniaclitn grummalitaU dm LnàfU d*
CânuilU, p. Lxn et um.
h%0 AMPHITRYON.
SCÈNE V.
CLÉANTHIS, SOSIE
80SIB.
Que dl»-tu, Ciéanthis, de ce joyeux maintien , xa i a
Après son fracas effroyable?
CL£AirrHI8.
Que si toutes nous faisions bien,
Nous donnerions tous les hommes au diable.
Et que le meilleur n*en vaut rien.
SOSIB.
Cela se dit dans le courroux ; x a 1 5
Mais aux hommes par trop vous êtes accrochées ;
Et vous seriez, ma foi I toutes bien empêchées,
Si le diable les prenoit tous ^
CLBAIITHIS.
Vraiment. . . .
SOSIE.
Les voici. Taisons-nous.
SCÈNE VI«.
JUPITER, ALCMÈNE, CLÉANTHIS, SOSIE.
JUPITER.
Voulez- VOUS me désespérer ? i%%a
Hélas! arrêtez, belle Alcmène.
I. Aatrs anachronitme plaiMmment amené par le tonr proteibial da
12 13; nous trouToat au ren 1889 un emploi plus eonlqae «core de ee mot
diable^ ai commun et de sens ti yarié dant notre langue.
a. Cette acène correspond à la scène u et, pour les derniers ren senlcDMBt
(1433-1427), à la scène m de l'acte UI de Plante (Ters 728-^1, et 803-819).
ACTE II, SCÈNE Yl. 4n
▲LCMÈNB.
Non, avec Fauteur de ma peine
Je ne puis du tout demeurer.
JUPITER.
De grâce....
▲LCMÈNB.
Laissez-moi.
JUPITER.
Quoi...?
▲LCMSIIE.
Laissez-moi, vousdis-je..
JUPITER.
Ses pleurs touchent mon âme, et sa douleur m'afflige.
Souffrez^ que mon cœur....
▲LCMÈNB.
Non, ne suivez point mes pas..
JUPITER.
Où voulez- vous aller?
▲LCMÈNB.
Où vous ne serez pas *.
JUPITER.
Ce vous est une attente vaine.
Je tiens à vos beautés par un nœud trop serré.
Pour pouvoir un moment en être séparé : ia3o
Je vous suivrai partout, AIcmène.
▲LCMÈNB.
Et moi, partout je vous fuirai.
I. JuRna, bas^ à part. Ses pleort, etc. {ifaut,) Souffres. (X7S4.)
9. DoB0 Elfire fait même réponae à Dom Garcie, dam U acène tc d*
l'aete II de Dom Garde de Ifavarre (tome U, p. aâg, Ten 635) :
OOM OAïai.
. . . . Madame, hélas! où fujes-Toos?
OÙ Toua ne aerea point, trop odieux jaloux.
Moaa anrona à rappeler nn peu plua loin (au Tera |358) on long passage d*
eetto aeène de Dom Gareie.
4a8 AMPHITRYON.
JUPITER.
Je suis donc bien épouvantable ?
▲LCMÂNE.
Plus cpon ne peut dire, à mes yeux.
Oui, je vous vois comme un monstre efiEroyable,
Un monstre cruel, furieux,
Et dont rapproche est redoutable,
Comme un monstre à fuir en tous lieux.
Mon cœur souffre, à vous voir, une peine incroyable;
Cest un supplice qui m*accable; 1240
Et je ne vois rien sous les cieux
D'affireux, d'horrible, d'odieux.
Qui ne me fût plus que vous supportable.
JUPITER.
En voilà bien, hélas! que votre bouche dit.
ALCMÈNE.
J'en ai dans le cœur davantage; 1945
Et pour s'exprimer tout*, ce cœur a du dépit
De ne point trouver de langage.
JUPITER.
Hé ! que vous a donc fait ma flamme.
Pour me pouvoir, Alcmène, en monstre regarder?
▲LCMÈNE.
Ah! juste Ciel! cela peut-il se demander? isSo
Et n'est-ce pas pour mettre à bout une âme*?
JUPITER.
Ah! d'un esprit plus adouci....
ALCMÈlfB.
Non, je ne veux du tout vous voir, ni vous entendre.
I. lit plupart des ancieniiM éditîoiu, y oompris cdle de 1734, diangant en
« réanimer » le réfléchi « t^esprimer, • ici fort diir, que donnent le texte
original et celui de i6Sn.
n. Voyei, pour ce tour, ci-deMut, p. a35, note 3.
ACTE II, SCÈNE VI. 429
JUPITER.
Avez-voas bien le cœur de me traiter ainsi ?
Est-ce là cet amour si tendre, 1 2 5 5
Qui devoit tant durer quand je vins hier ici ?
▲LCMÈNE.
Non, non, ce ne Test pas; et vos lâches injures
En ont autrement ordonné.
Il nVst plus, cet amour tendre et passionné ;
Vous Tavez dans mon cœur, par cent vives blessures,
Cruellement assassiné.
C'est en sa place un courroux inflexible,
Un vif ressentiment, un dépit invincible,
Un désespoir d'un cœur justement animé.
Qui prétend vous haïr, pour cet affront sensible, 1 965
Autant qu'il est d'accord de vous avoir aimé* :
Et c'est haïr autant qu'il est possible.
JUPITER.
Hélas ! que votre amour n'a voit guère de force.
Si de si peu de chose on le peut voir mourir !
Ce qui n'étoit que jeu doit-il faire un divorce*? 1*70
Et d'une raillerie a-t-on lieu de s'aigrir?
ALCMiNB.
Ah ! c'est cela dont je suis offensée ',
Et que ne peut pardonner mon courroux.
Des véritables traits d'un mouvement jaloux
I. Autant qu*il aTOue tous avoir aimé.
9. Doit-il amener une séparation de nba cœurs, une rupture entre nous :
▼oyei ei-dessus, p. 416, note i.
3. Dans le dialogue beaucoup plus court de la scène latine correspondante,
k Texcose tout aussi légère hasardée par le Dieu Alcmène répond en un slmpl*
Ters, mail d*un sentiment profond :
jurma.
• ... Si quid dietum'tt /ter jcmum^
Ifom mquonCtt ta te serio pnevortier,
ALCUMBNA.
£g9 Uiud soi» quam doimêrit cordi meo,
(Plante^ rert 766-768.)
43o AMPHITRYON.
Je me trouverois moins blessée. 1275
La jalousie a des impressions
Dont bien souvent la force nous entraine ;
'£t rame la plus sage, en ces occasions.
Sans doute avec assez de peine .
Répond de ses émotions ; 1 9S0
L*emportement d'un cœur qui peut s*être abusé
A de quoi ramener une âme qu'il offense ;
Et dans Tamour qui lui donne naissance
Il trouve au moins, malgré toute sa violence.
Des raisons pour être excusé ; i a 8 5
De semblables transports contre un ressentiment
Pour défense toujours ont ce qui les fait naître,
Et Ton donne grâce aisément
A ce dont on n'est pas le maître.
Mais que, de gayeté^ de cœur, 1990
On passe aux mouvements d^une fureur extrême.
Que sans cause Ton vienne, avec tant de rigueur.
Blesser la tendresse et l'honneur
D'un cœur qui chèrement nous aime,
Ah! c'est un coup trop cruel en lui-même, 1995
Et que jamais n'oubliera ma douleur.
JUPITBR.
Oui, vous avez raison, Alcmène, il se faut rendre:
Cette action, sans doute, est un crime odieux ;
Je ne prétends plus le défendre ;
Mais souffrez que mon cœur s'en défende à vos yeux,
Et donne au vôtre à qui se prendre
De ce transport injurieux.
I. Ifoos «Tons déjà va, à la 6n du rers 1810 de Dom GareU de NoMtrre^
tome n, p. 3a6t ce root de gayetè mesarê en trois syllabe», oontrairemeot i
Tusage, devenu de plus en plus commun depuis le commencement du dix-sep-
tième siècle, de n*en faire qu*une à^aye^ aie au coeur dVn mot, particulière-
ment dans les vers. Voyex M. Ch. Thurot, de la Prononciation /raneaise de-
puis le eommeneement du seizième siècle^ lime II, chapitre i, tome I, p. 996-
ACTE II, SCÈNE VI. 43i
A vous en Taire un aveu vériuble.
L'époux, Alcmène, a commis tout le mal ;
C'est l'époux qu'il tous faut regarder eu coupable. 1 3 a S
L'amant n'a point de part à ce transport brutal.
Et de vous offenser son cœur n'est point capable :
Il a pour vous, ce cœur, pour jamais y penser',
Trop de respect et de tendresse;
Et si de faire rien à vous pouvoir blesser 1 1 1 a
Il avoit eu la coupable foiblesse.
De cent coups à vos yeux il voudroit le percer*.
Mais l'époux est sorti de ce respect soumis
Où pour vous on doit toujours être;
\ son dur procédé l'époux s'est fait connoître, i ) i !>
Et par te droit d'hymen il s'est cru tout permis;
Oui, c'est lui qui sans doute est criminel vers vous *,
Lui seul a maltraité votre aimable personne :
Haïssez, déteslejjlépojix.
J'y consens, et vous l'abandonne. ■ lao
Mais, Alcmène, sauvez l'aimanLde ce courroux
Qu'une telle ofTense vous donne;
N'en jetez pas sur lui l'effet.
Démêlez-le' un peu du coupable ;
Et pour être enfin équitable, ■ i^S
Ne le punissez point de ce qu'il n'a pas fait,
ALCHiNE.
Ah! toutes ces subtilités
N'ont que des excuses frivoles,
I. PoajjjiBuuiHDMr. (171B, 3o,33, 3(.)
%. L'aDUM toudraii la pnon-, — Aprii la doolib iDJai : Pâmant «t I» aamr^
at Vil pricàdant, qui remplaça /■ eœmr, le rapport du Kconil il aM pimini-
ticalamaol ambigu ; il i »(S à l'aBtaor qu'il aa trontlt /KgligaiiuiMBt dàlsr-
inini par raaarnibla dn acai.
3. VajB ei-dcMui, wa ren %^^.
^. On a dàji xa d«a naaiplai de c«tt« tiiaip» ><■ '' •■•• >«• • ■ ■< J- i-'-
i^fi, 433 at 74g da J-
43a AMPHITRYON.
Et pour les esprits irrités
Ce sont des contre-temps que de telles paroles^. i33o
Ce détour ridicule est en vain pris par vous :
Je ne distingue rien en celui qui m'offense.
Tout y devient Tobjet de mon courroux.
Et dans sa juste violence
Sont confondus et Tamant et Tépoux. i335
Tous deux de même sorte occupent ma pensée,
Et des mêmes couleurs, par mon âme blessée,
Tous deux ils sont peints à mes yeux :
Tousdeux sont criminels, tousdeux m'ont^ffensée,
Et tousdeux me sont odieux. 1 340
JUPITER.
Hé bien ! puisque vous le voulez.
Il faut donc me charger du crime.
Oui, vous avez raison lorsque vous m'immolez
A vos ressentiments en coupable victime ;
Un trop juste dépit contre moi vous anime, i345
Et tout ce grand courroux qu'ici vous étalez
Ne me fait endurer qu'un tourment légitime;
C*est avec droit que mon abord vous chasse.
Et que de me fuir en tous lieux
Votre colère me menace : i35o
Je dois vous être un objet odieux.
Vous devez me vouloir un mal prodigieux ;
Il n'est aucune horreur que mon forfait ne passe.
D'avoir offensé vos beaux yeux.
C'est un crime à blesser les hommes et les Dieux*, 1 3 5 5
I. De ttllet paroles Tiennent & contre-temps, importunent et reToItcst.
Corneille avait dit dans Ikm Sanehe (i65o, aete I, scène nr, vers 3i3) :
Quittes cet contre- temps de froide raillerie*
oas froides railleries tout à fait hors de saUon.
9. IVons ponctuons ce passage comme le font Tédilion originale et tontes
las éditions nnciennes jusqu'à celle de 1733 indusiTement. L'éditeur de 1734
ÂGTB II, SCÈNE ?I. 413
Et je mérite enfin, pour punir cette audace.
Que contre moi votre haine ramasse
Tous ses traits les plus iîirieux. ^
Mais mon cœur vous demande ^ce ;
Pour vous* la demander je me jette i genoux, 1 36o
Et la demande au nom de la plus vive flamme,
Du plus tendre amour dont une âme
Puisse jamais brûler pour vous.
Si votre cœur, charmanDe Âlcmène,
Me refuse la grace où j'ose recourir, i3a5
[1 faut qu'une atteinte soudaine *
M'arracne, en me faisant mourir.
Aux dures rigueurs d'une peine
Que je ne saurois plus souffirir.
Oui, cet état me désespère : 1370
Alcmène, ne présumez pas'
(non oehi de 1773)9 choqué de cette constraction où ne passe »êfMn Jôr/ait
de fon complêinent : I^apoir offensif eoape aiiui les ter» 1
. • . . que mon ferfait ne pane;
• . D'avoir olbiité vos beaux yeux,
C*eat an crime & blesier las hommes et les Dieux.
La phnae perd, crojons-noas, pins qu'elle ne gagne, à ce sempnlo mal fondé :
an temps de Moliire, ces rejets du régime sont loin d*étre chose insolite,
dies les meilleurs aatenrs.
I. Molière, poar terminer eette scène, a transporté ici, sans beanconp de
changements, toute la fin d'one scène de Dom Gareie de Navarre, la yi* de
l'acte II. Nous renvofons le lecteur aux pages 371-374 de notre tome U : il y
peut lire, rapprochée des 5o alexandrins primitif (^79-739), les 63 rers qui
anlvent (i36o-i433).
3. Atteinte eoadaimêy eonp soudain. Atteinte remplace iei le mot temp da
Ters 686 de Dom Gareie»
3. Encore nne coupe différente dans Tédition de 1734 (mais non dans celle
de 1773, qui ponctue comme nous) :
Oui, cet état me désespère,
Alcmène; ne piêsames pas, etc.
Dans le texte de 1683 et.oeox qui en procèdent, Alemène est entra deax vir-
gnles, et le Toeatif, comme assex soprent dans nos Tieilles iaupfeasîooa, peut se
rattacher, an gré de racténr, soit h ce qoi préeède, soit i ce qni sait,
MoLtiBE. T1 s8
436 AMPHITRYON.
Dire qu^on ne sauroit haïr^
N'est-ce pas dire qn^on pardonne ?
lUFITBR.
Ah! belle Alcmène, il faut que, comblé d'allégresse....
ÂLCMimB.
Laissez : je me veux mal de mon trop de foiblesse.
lUPrrBR.
Va, Sosie, et dépeclie-toi,
Voir, dans les doux transports dont mon ame est charmée.
Ce que tu trouveras d*officiers de Tarmée,
Et les invite à dîner avec moi.* uiî
Tandis que d*ici je le chasse,
Mercure y remplira sa place*.
SCÈNE VIL
CLÉANTHIS, SOSIE.
SOSIB.
Hé bien! tu vois, Cléanthis, ce ménage':
Veux-tu qu'à leur exemple ici
Nous fassions entre nous un peu de paix aussi, u^o
Quelque petit rapatriage ?
CLÉANTHIS.
C^est pour ton nez, vraiment! Cela se fait ainsi.
SOSIB.
Quoi ? tu ne veux pas ?
CUfAIfTBIS.
Non.
I. Bas, à part, {l'j^i.)
9. Mercure remplira sa place. (i6;4, 8a, une partie da tirage de i^Si)
mais non 1773.)
3. Tu Toif le ménage qn*ib font; ta Toia qu*ib refont bon ménage, et aoi
an leni, ancB ordinaire anjoord'hnt dans la langoa familière : « ces deo
époos. «
ACTE II, SCÈNE VU. 4)7
M>8IB.
Il De in*importe gaère :
Tant pis pour toi.
CUSâHTB».
La, k*, revien.
8O6IB.
Non, morbleu ! je n*en ferai rien, 1 43 S
Et je veux être, à mon tour, en colère.
CLBÂlfTHIS.
Va, va, tnutre, laisse-moi faire :
On se lasse parfois d'être femme de bien.
t. Voyra ei-d«wiM, la note dn Tert f 36. — Dans rêPÙH, qnl tnit, romiinon
da Vê n*6tt point ono liocneo : Vannât dit daaa tôt Rêmar^mê* sur la lamgMS
yrattfoisâ (1697)9 p. 3aa, que, des deux formes visn et viâiu, la première est
In plassidvie; Thomas Corneille, dans sa note {ibidem) ^ préfère la seconde.
Biebelet, dans son Dietiùimairê^ ne donne que men.
Plir DU SICOND ACTB.
438 AMPHITRYON.
ACTE IIL
SCÈNE PREMIÈRE*.
AMPHITRYON.
Oui| sans doute le sort tout exprès me le cache*,
Et des tours que je fais à la fin je suis las. 1 440
Il n*est point de destin plus cmel^ que je sache :
Je ne saurois trouver, portant partout mes pas.
Celui qu'à chercher je m'attache.
Et je trouve tous ceux que je ne cherche pas \
Mille fâcheux cruels, qui ne pensent pas Tètre, 144$
De nos faits * avec moi, sans beaucoup me connoître,
Viennent se réjouir, pour me faire enrager.
Dans rembarras cruel du souci qui me blesse.
De leurs embrassements et de leur aUégresse
Sur moQ inquiétude ils viennent tous charger*. xiS*
En vain à passer je m'apprête,
Pour fuir leurs persécutions,
I. Gttte fcène eoiratpond & h seène i de racto IV éa Plaate (▼»■ S55464)*
9. Mb eadieeeliii qaejecbaKhe (ren i443), Im bèrt d'AIcmcoe (ven io56).
3. Énst0, dam Us Fâckems*^ dit de même des important qui l'i
Je let fuit, et les troare ; et pour second martyre,
Je ne taoroia troarer eelle que je deaire.
{Neiê d*Amg€r,)
4. De noa futa de gaerrc, de not hauts faita.
5. Càarger rar.,.. aemble ayoir ici le sens de peter smr.,,, : ila
fidie peaar aur mon ftme inquiète l'ennui de leurs embraaaementa.... Onpeer-
rait cependant admettre auaai le aens à*attaUliri dans un passage tout fr*
• Acte n, aeène i, Tcra 995 et 296 (tome UI, p. 57).
ACTE III, SGÂNE I. 489
Leur taante amitié de tous cotés m'afrète ;
Et tandis qu'à l*ardeur de leurs expressions
Je réponds d*un geste de tète, 1 4SS
Je leur donne tout bas cent malédictions.
Ah ! qu*on est peu flatté de louange, d'honneur,
Et de tout ce que donne une grande victoire,
Lorsque dans Tàme on soufire une vive douleur!
Et que Ton donneroit volontiers cette gloire^ 1460
Pour avoir le repos du cœur!
Ma jalousie, i tout propos.
Me promène sur ma disgrâce^ ;
Et plus mon esprit y repasse,
Moins j'en puis débrouiller le foneste chaos*. 1 4^S^
Le vol des diamants n'est pas ce qui m'étonne :
On lève les cachets, qu'on ne l'aperçoit pas';
Mais le don qu'on veut qu'hier j'en vins faire en personne
Est ce qui fait ici oion cruel embarras.
La nature parfois produit des ressemblances 1470
Dont quelques imposteurs ont pris droit d'abuser;
Mais il est hors de sens^ que sous ces apparences
Un homme pour époux se puisse supposer,
Et dans tous ces rapports sont mille différences
Dont se peut une femme aisément aviser. 1495
mUier, aa Ten i685 de PÉUmnli^ Molièr» a employa charger tur,.,. tomm»
la bagne militaire emploie, & Taetif, dkarger^ an sent de ê€ précipiter^ fimitê^
D*abord il a diarigé n bien mu* let ineort, . . •
Qa'à rheore qoe je parle iU tont encore en 6iite.
I . Fait parcooiir & ma penaée toutes les cireoaatancct de ma diagrftee.
a. Nof andennet éditiona, même eelle de i734,éeriYent, lauf une (169a B}«.
«cAeir. qnl est aniti Torthographe de Ricbelet (1680).
3. De telle manière qu'on ne l'aper^t paa. Nona aTona déjà m ce qme
iquÎTalent de Ul que on de tellement que, « Je anis dans une colère, qoe je
ne me sens pas, » dit Pancrace dans la scène zr dn Mariage forcé (tome IV,.
p. M).
4. Il est incompréhensible, inadmissible.
/l4o AMPHITRYON.
Des charmes de la Tbessalie
On vante de tout temps les menreilleuz effets' ;
Mais les contes fameux qoi partont en sont (aits^
Dans mon esprit toujours ont passe pour folie;
Et ce seroit du sort une étrange rigueur^ uSo
Qu*au sortir d'une ample victoire
Je fusse contraint de les croire,
Aux dépens de mon propre honneur*.
Je veux la retater' sur ce ftcheux mystère.
Et voir si ce n'est point une vaine chimère titi
Qui sur ses sens troublés ait su prendre crédit.
Ah! fasse le Gel équitable
Que ce penser soit véritable.
Et que pour mon bonheur elle ait perdu Te^rit !
I. hnckarmemrt de la Thetnlie éuimt e^lèbret dani raadqaité ; FAiBpki-
trjon et Piaule te croit le jooet de Tan d*eiis :
Ego pol iiimm tUeiscar hoiiê Thtttalum wtHêfiemm^
Qui yervorte periurbanljkmilim metUem mem.
(Acte IV, Mèae t, ^en io63 et 1064.)
Voîô ecMBBMBt en paxie Mine dana tott livre XXX, diapitre u : « Piieaae
B*a dit.... CB quel lempt (/a magie) aTait pané ches let fcmmea tJMiniH* aafi,
qui longtemps ont tenri de ranioni dant noa eontréea.... Ceitea je ni*ctaaae
qne le renom de magie ae soit attaché aux llieMaUena d'Âdiille, ai bien qae
Ifènandre, mm rival dans lea connaiiaancea littérairea, a intitulé ThêtâtMend
oAe comédie repréflentant lea cérémonies mjstérieosca par Icaqudles des (mî-
mes faisaient descendre la lune sur la terre. > {Traiftiction de M, Littré,)
9 Vtimmm ne pf henefretig kodie fmaiom^
^deis, uxorem^/mmiliem emm/orma mmmpvdmemi
(Plante, aete IV, sc^m n, vers, inleipoléa, 914 et çiS.)
3. Notre exemple est le seul que If. Littré donne de retêter dans ee sa*
figuré.
ACTE III, SCÈNE II. 441
SCÈNE Ih.
MERCURE, AMPHITRYON.
MERCURE *.
Comme Tamour ici ne m'offre aucun plaisir, 1490
Je m'en veux faire au moins qui soient d'autre nature,
Et je vais égayer mon sérieux loisir
A mettre Amphitryon hors de toute mesure.
Cela n'est pas d^un Dieu bien plein de charité';
Mais aussi n'est-ce pas ce dont je m'inquiète, 1495
Et je me sens par ma planète
A la malice un peu porté ^«
I. Dans cette scène, le premier couplet de Mercure répond & la leine nr de
Tacte m de Plante (vert 83o-854) ; le premier vers d'Amphitryon, au derw
nien vert (864-866) de la tcène i «le l'acte lY dn poëte latin; la tnite, ponr la
plu grande partie, répond & la icène n de ce même acte lY, aux Tert 867-
917, mais dont les premiers seuls (867-880) sont authentiques : cette dernière
acèneî h principale, celle que Molière a surtout imitée, très-librement, comme
l*aTait déjà £sit Rotron, appartient presque tout entière, ponr tout son dérelop-
pement, an long passage (rers 88i-xo54) que, ponr remplir une lacune éri-
dente, l*nn des premiers éditeurs, celui de 1 5o6, a ajouté an texte de Plante.
9. MnCDBi, </an# U haleon de la maison d^ Amphitryon, (i68a.) — Mn-
cumi, sur U Meon de la mtûswt d^ Amphitryon^ sans être wn ni entendu par
jâmphitrjron, { 1 734.)
3. Cette plaisanterie d*un dieu plein de charité a ponr pendant le diem
diable du Ters 1889.
4. Anger se demande aTCc quelque hésitation si le dieu entend parler de la
planète qui porte son nom, ou de quelque autre dont, comme nn simple
aortel, il aurait subi l'ascendant. U est, sans aucune difficulté, ce semble,
question de la première. Dans le Prologue^ Mercnre et la Nuit phisantent sur
laa attribttU invariables que leur ont asdgnés les poètes de la Terre; id le
Merenre de Molière se moque aTee la même gaieté ironique et ioeptîqoe de
la prétandoe influence emcée par Taetre qne les Dienn on les hommes Ini
ont donné i régir; Aoger dit que cette influence passait pour être Cnt ma-
ligne. An temps de Molière, l'astrologie n'était pae tout il fait morte encore,
et i eonsnllsr le plus réeent Tnlgariasteur de la science, celui qui Tenait d'en
dire le dernier mot dans son Âetrologia gallica^ le prolÎMeear royal Jean-
Baptiste Moria, on toit que considérant en son action sur nous le Merenre
44a AMPHITRYON.
▲MPBITRYOM^.
D*où vient donc qu*4 cette heure on fenne cette porte?
MKECVRB.
Holi! tout doucement! Qui frappe?
AMPHITRTOIf.
Moi.
MESCUAB.
Qui, moi?'
AMPHITRYON*.
Ah ! ouvre *.
IIBRCVRB.
Comment, ouvre ? Et qui donc es-tu, toi.
Qui fais tant de vacarme et parles de la sorte ?
AMPHITRYON.
Quoi? tu ne me connois pas?
MBRCURB.
Non,
Et n*en ai pas la moindre envie *•
eélcftt, il le caracteriMit par r^itbàto, entre aotret, de wafrifieus^^ • qai
rend malin, ruaé » ; e*est donc bien la planète dont on pourait le pins nat»-
rellement imaginer qa*émanait dm le divin Soaie (comme Plante TappeDe) b
fine scélérateise qu*il met dans tes actes et aet paroles.
1. AwrnmToir, ^ajw voir Mtreure. (1734.) — Cette indication mat portée
nn pen plus bas, devant le premier Mai dn vers suivant, dans Tédition de 1 77}.
2. Amputatoh, apercevant Mercure, quHl prend pour Soeie» (1734*)
3. MBRCCBIUS.
QmU ad/creie êst?
AMVHmUO.
f Ego eum.
vucuiiua.
Qnû/ ego tum?
AMPHITIIJO.
Ita ioquor.
(Plante, vers 867.)
4« âMMOTBIOir.
Connoia-Cn qoi te parie? et aais-tn qui je anis?
Mincuni.
Ni je ne te eonnois, ni ne te Teox eonnoitre.
(Rotron, neu IV, scène n.)
* Page 398 dn m>s In-folio intitulé Astiolooia oalliga.... opéra ei etmdêa
Joannie BapHttm Vermt.... Doetons medici et Parisii* regii matkn — ' —
ACTE III, SCENE II. 44^
▲MPHITRTOll^
Tout le monde perd-il aujourd'hui la raison ?
Est-ce un mal répandu? Sosie, holà! Sosie! i$o$
MBRCURE.
Hé bien! Sosie : oui, c*est mon nom;
As-tu peur que je ne Toublie*?
ÀMPHlTRYOïr.
Me vois-tu bien ?
MBRCUBB.
Fort bien. Qui peut pousser ton bras-
A faire une rumeur si prande ?
Et que demandes-tu là-bas ? 1 5 1 a.
AMPHITRYON.
Moi, pendard ! ce que je demande' ?
MBRCURB.
Que ne demandes-tu dotac pas ?
Parle, si tu veux qu'on t'entende*.
1. AmwmmYomt à yart. (1734.)
s« AMPHrrauo.
Scsia/
Ita tum Sosîa, nisi m* eut oblitum êxUtumag.
(Plaute, Ten S70.)
3. MBicvmt.
Quid nmne ni?
AMmiTftlJO.
Sceisste, at «tiam quid vêlim, id tu mê rogat?
(VflrtS7i.}
4. AXPBITKTOV.
Sone?
MUCIURB.
Eh bien? e'att moi : enim-ta qa« je roublle ?
Adirre, que Teas-ta ?
AMTBmTOir.
Traltr», ce qae je Tmix?
MBRCUIB.
Qae ne Tcox-ta donc point? Réponde-moi si ta veux.
^otroa, aete IV, loène n.)
ProfuMniê (la Haye, 1661]; rédition était posthume, Morin éunt mort e«'
1696 : e*est ee médecin, maûiématicien et astrologue, qui avait été chargé de-
tirer l'horoscope da fiitur roi Louis XIY.
444 AMPHITRYON.
AMPHITRYON.
Attends, traître : avec un bâton
Je vais li«haut me faire entendre, 1 5i5
Et de bonne façon t apprendre
A m'oser parler sur ce ton.
MBICURB.
Tout beau! si pour heurter tu fais la moindre instance,
Je t^envoirai d'ici des messagers fâcheux.
AMPHITRYON.
O Gel! vit-on jamais une telle insolence ? 1 5so
La peut-on concevoir d'un serviteur, d'un gueux ?
MSRCURB.
Hé bien! qu'est-ce? M'as-tu tout parcouru par ordre?
M'as-tu de tes gros yeux assez considéré?
Comme il les écarquille, et paroît effaré!
Si des regards on pouvoit mordre, 1 5i5
Il m'auroit déjà déchiré.
AMPHrrRYON.
Moi-même je frémis de ce que tu t'apprêtes,
Avec ces impudents propos.
Que tu grossis pour toi d'effi*oyables tempêtes !
Quels orages de coups vont fondre sur ton dos^! 1 53o
MERCURE.
L'ami, si de ces lieux tu ne veux disparaître,
Tu pourras y gagner quelque contusion.
AMPHITRYON.
Ah! tu sauras, maraud, à ta confusion,
Ce que c'est qu'un valet qui s'attaque à son maître.
lUIlCOAB.
Eh bSenl m'at-tu, ttapide, Maec comidéré?
Si ron mugeoit det yeux, il m'auroit détoié.
AMrBnUTOIl.
Qnel onig« de coups tb plenroir sur ta tête!
Moi-même j*ai pitié des maux que je t*apprlte.
(RotroB, acte IV, sciDe n.)
ACTE III, SCÈNE II. 44$
MBRCURE.
Toi, mon maître * ?
âmphitryoii.
Oai, coquin. M'oses-tu méconnaître?
IIVRCIIRB.
Je n*en reconnois point d'autre qn* Amphitryon*.
▲MPHITRTON.
Et cet Amphitryon, qui, hors moi, le peut être?
MBRCURB.
Amphitryon?
AMPHITRYON,
Sans doute.
MBRCURB.
Ah ! quelle vision !
Dis-nous nn pen : quel est le cabaret honnête
Où tu t*es coiffé le cerveau'? i 540
AMPHITRYON.
Comment? encore?
I. AMnoraToir.
Hiierable «it le terf qoi s'attiqiM h ton mattre.
MBACCmi.
Toi mon maître?
(Rotroo, «ete IV, aoàneu.)
9 PrmUr AmfhUrtMnêm^ kêrmm gnopî neminem.
(Plaute, Tertf interpolé, 894.)
3. « On dit.... Ggurément qu'wn homme et coiffe^ qu*t7 €Mt aui à coi/jfer,
pour dira qn*il boit trop, qu*on l*a trop bit boire. » [Dittionnaire de VÂcq"
démit, 16940 L'expression de eoifftr ton htaumt, qui a été notée dans le
Glottairt de VAncitn théâtre francait de la collection Jannet (tome IX,
p. 14S), se rapproche darantage encore de IVx pression de Molière, Voici le
passage où elle se lit; il est emprunté k C Eugène de Jodelle (i55a, acte III,
seéne x, tome IV dn même Aneitn thédtrt, p. 45); un des personnages dit
d^noe femme qu'il Ta troarée k table et
Dis rbeara asses bien abreavée;
Car j'ai bien cooiiu au répondre
Q«'0Ue aVoit eoilK son faeanme*.
* Sa prononçait Aa-owne t TOjas M, Uttré, article Hiadmb, i*.
446 AMPHITRYON.
MXRCOllB.
Étoit-ce un vin à faire fôte^ 7
▲MrHITRYOM.
Gel!
Étoit-il vieux, ou iMMivemi?
AMFHimYOll.
Que de coupe!
Le nouveau donne fort dans la tête,
Quand on le veut boire sans eau.
AMPHITRYON.
Ah I je t'arracherai cette langue sans doute*. 1 54S
MBRCUIIX.
Passe, mon cher ami', crois-moi :
Que quelqu'un ici ne t'écoute.
Je respecte le vin : va-t'en, retire-toi,
Et laisse Amphitryon dans les plaisirs qu'il goûte.
AMPHITRYON.
'Gomment Amphitryon est là dedans ?
MBRCURB.
Fort bien : i55o
*Qui, couvert des lauriers d'une victoire pleine.
Est auprès de la belle Alcmène,
A jouir des douceurs d'un aimable entretien.
Après le démêlé d'un amoureux caprice,
I. A faite im régal, un tIb comme on en boit ans grands joars, qoaad oi
•cttâm nne £§te, an m de fik«. « Je toU ici on banqnet à faire noeet« " ^
Mme Jourdain, k la icène u de Taete IV du Bourgmis gentilkonuiu,
a. Mereore dit k Soeie dana Rotrou (acte I, scèise m) :
J*aiTaclienii, pendard, eette langne effrontée,
.«• qui répond an Ten iga de Plante (acte I, eeène i) s
Ego tihi ittam kodU êeeUttam eam/mmam iingmmm,
3. Mon panTre ami. (i68a, 1734.]
ACTE m, BCÈJiE II. 447
Us goûtent le plaisir de s'être rajustés* 1 55&
Garde-toi de troubler leurs douces privautés,
Si tu ne veux qu'il ne* punisse
L^excès de tes témérités.
SCÈNE IIP.
AMPHITRYON».
Ah! quel étrange coup mVt-il porté dans râmel
En quel trouble cruel jette-t-il mon esprit ! 1 5«»
Et si les choses sont comme le traître dit^
Oix vois-je ici réduits mon honneur et ma flamme ?
A quel parti me doit résoudre ma raison ?
Ai-je réclat ou le secret à prendre*?
Et dois-je, en mon courroux, renfermer ou répandre
Le déshonneur de ma maison ?
Ah ! faut-il consulter * dans un afiront si rude ?
1 . Ce Hê, au moiiu iaatile «près aa que dépendant [de im reiur, a de qaoî
«tonner, tortoot daat un tempt oà ploa d'an inelinait plotAt à omettre cette
particole n^ative même après des mots eomme de peur, craindre, empêcher^
et presque tooi, ee qnî est encore notre assez commun usage, après ne pas
€ra{ndre, né pas empêcher i Toyec la note de Th. ComeiUe snr les Remarques
de FamgefaSf p. 739. — Au fond, l*idée est, ee qui rend quelque raison do
■e : « Si ta ne toux craindre, aroir è craindre qu*il ne punisse. »
3 . Cette scène et la soirante réunies répondent k la scène m qni a été
interpolée dans Kacte IV de Plaute (rera 9x8-990). Dans la pièce latine, Sosie
n*a été ehar^ d'inritor et n^amène que le pilote Blépharon. Aotrou, roulant,
eomuM ici Molière, un peu plus d'appareil, dit eonroquer par Jupiter tont
ee qal reste au port de cbefii de Tarmée, et ee sont trois d'entre eux, dans
la première imitation française, qu'Amphitryon voit inopinément paraître
nvee Soaie, an lieu de deux seulement eomme dans notre scène !▼•
3. AMPUTRTOif, seul. (1734.)
4. Ài-je à prendre le parti de l'éclat ou du secret, dioisira»je de fiiire un
^clat on de garder le secret, de ren/ermer, eomme il Ta dire an vers suivant,
OMMS déshonneor ?La ooneision est grande et eet emploi de prendre parait très-
bardi, tout clair qu'il est.
5. Faut-il délibérer?
448 AMPHITRYON.
Je n'ai rien à prétendre^ et rien à ménager;
Et toute mon inquiétude
Ne doit aller qu*à me venger. 1 570
SCÈNE IV.
SOSIE, NAUCRATÈS, POLIDAS, AMPHITRYON.
80SIB*.
Monsieur, avec mes soins tout ce que j*ai pu iSure,
C'est de vous amener ces Messieurs que voici.
AMPHITRYON.
Ah! vous voilà'?
SOS».
Monsieur.
AMPHITRYON.
Insolent ! téméraire !
SOSIB.
Quoi?
AMPHITRYON.
Je VOUS apprendrai de me traiter ainsi ^«
I. Je nV Hea, ou, peut-être plutôt, je ti*iiî mo jen de Ciire Taloîr •nprè*
d*autrai aucone prétention, de demander auenne réparation.
1. AMPHITaYOH, tOSTB, HAUCRATES et P01.IDAS dwu U /cnd du
théâtre,
SouE, à jimyhitrjro». (X734.)
3. Cet m Ah Toot ToUi 1 • a'adreaae, trtc le vomt ironique, eomflae le vtrs
i574f kSorieseol. Amphitryon n'attend nallement et n'aper^t pat eneerr
les deux olBeiwi (voyet, dans la note préeédente, Ten-téte mis h cette scèv
par réditenr de 1734).
4. « Un poète que l'hiatus géoe, demande Anger, peut-il tabatitaer vwe
préposition i une autre ? n II n'y avait pas lieu k la question : on Toit (Ud*
le Dictionnaire de M, lÀttré (à Vkietorifme d'AmniDM et à la remêrfu >
sur ce mot) qu'à l'exemple de plusieurs prosateurs du seizième sièele, Toitvrr
et Bossuet ont ainsi employé après ce Terbe de an lieu de d.
ACTE Illt SCÈNE IV. 449
80SIB.
Qa*est-ce donc ? qu*avez-yous ?
AMPHITRYON.
Ce que j'ai, misérable?
SOSIE.
Holà! Messieurs, venez donc tôt.
NAUCRATÈS^
Ah! de grâce, arrêtez.
SOSIE.
De quoi suis-je coupable ?
AMPHITRYON.
Tu me le demandes, maraud ? *
Laissez*moi satisfaire un courroux légitime.
SOSIE.
Lorsque Ton pend quelqu'un, on lui dit pourquoi c'est.
NAUCRATÈS*.
Daignez nous dire au moids quel peut être son crime.
SOSIE.
Messieurs, tenez bon, s'il vous plaît.
AMPHITRYON.
Comment? il vient d'avoir l'audace
De me fe;:mer ma porte au nez ^,
Et de joindre encor la menace i 5 8 5
A mille propos effrénés ! '
Ah, coquin!
SOSIE.
Je suis mort.
I. AiiPBiTETOir, mettant Vipie à la main.
Ce \a!t j^ai, mûénble?
Soau, à Naueratè* et à Polidas,
Holà ! Metsieurs, Tenos donc t6t.
Naucbatcs, à Amphitryon, (1734.)
a. J Naueratè*, {Ibidem.) — 3. NAuCRATii, à Amphitryon, (Ibidem.)
4. De me fermer la porte au nés. (1683, 97, 17 10, 18, 3o, 33, 34.)
5. Mettant Vépée à la main% (1734.) ^ Roulant lejrapper, (1773.)
MOLlisR. TT 39
45o AMPHITRYON.
Calmez cette colère.
80SIB.
Messieurs.
POLIDAS'.
Qu'est-ce ?
SOSIB.
M'a-t-il frappé?
▲MPHITRTOlf.
Non, il faut qu^il ait le salaire
Des mots où ' tout à Theure il s'est émancipe. i 59a
SOSIB.
Comment cela se peut-il faire.
Si j'étois par votre ordre autre part occupé ?
Ces Messieurs sont ici pour rendre témoignage
Qu'à dîner avec vous je les viens d'inviter.
nauceàtbs.
Il est vrai qu'il nous vient de faire ce message, 1 59S
Et n'a point voulu nous quitter.
ÂMPHrniYoïf.
Qui t'a donné cet ordre ?
SOSIB.
Vous.
AMPBITRTON.
Et quand?
SOSIE.
Après votre paix faite,
Au milieu des transports d'une âme satisfaite
D'avoir d'Alcmène apaisé le courroux.* t6oo
I. Sons, tamboHi à genams.
I« rais mort.
NAocKAiis, à Ampkiiryùm. (1734.)
a. PouDAfl, à Satie, [Ibutem,]
3. Auxquels, jiuqu*aiixqaels
4. SotU M rtUvt (1734.)
ACTE III, SCÈNE IV. /»5i
AMPHITRYON.
O Ciel ! chaque instant, chaque pas
Ajoute quelque chose à mon cruel martyre ;
Et dans ce fatal embarras,
Je ne sais plus que croire, ni que dire.
HAUCRATBS.
Tout ce que de chez vous il vient de nous conter 1 6o5
Surpasse si fort la nature,
Qa*avant que de rien faire et de vous emporter,
Vous devez éclaircir toute cette aventure.
AMPHITRYON.
Allons : vous y pourrez seconder mon effort.
Et le Gel à propos ici vous a fait rendre ^ 1610
Voyons quelle fortune en ce jour peut m*attendre :
Débrouillons ce mystère, et sachons notre sort.
Hélas! je brûle de l'apprendre.
Et je le crains plus que la mort.*
SCÈNE V».
JUPITER, AMPHITRYON, NAUCRATÈS
POLIDAS, SOSIE.
JUPITER.
Quel bruit à descendre m*oblige ? 1 6 1 5
Et qiii frappe en maître oii je suis ?
I. Vont a fait toos rendre, ellipse ordinaîra du pronom aTec le terbe réflé»
ehi aecompagni an /aire,
a. Amfhitryftn frappe à la porte de ta maUon. (1734.)
3. Cette seène encore correspond à une aoène interpolée de la comédie latine,
eelle dont on a fait la ir* de l'acte !V de Plante (vera 991-1054); mais, comme
on l*a TU plus haut, à la Notice, p. 341, la leène de Molière diffère beaucoup
de la leine latine. Dans celle-ci, « au lien des deux capitaines Naneratès et
45a AMPHITRYON.
▲MPHITRYOlf.
Que vois-je ? justes Dieux !
NAUCRÂTàS.
Ciel! quel est ce prodige?
Quoi ? deux Amphitryons ici nous sont produits !
AMPHlTRYOll*.
Mon âme demeure transie;
Hëlas! je n*en puis plus : Taventure est à bout, 1620
Ma destinée est éclaircie,
Et ce que je vois me dit tout.
NAUCRATÀS.
Plus mes regards sur eux s'attachent fortement,
Plus je trouve quVn tout Tun à Tautre est semblable.
sosie'.
Messieurs, voici le véritable; i6s$
L'autre est un imposteur digne de châtiment '.
Polidas, dit Auger, il 11*7 a toujoun que le pilote Blépharon, derant qui AmpU-
tryon et Jupiter s^injurientj se prennent à la gorge, et finitient par faire Tilolr
leur* rations.... Blépharon, pria pour arbitre..., interroge d*abord Aaiplii-
tryon tnr certaine! cireonataneet tecrètea qui ont précédé le combat. Anpbi-
tryon.... et.... Jupiter paraissent également bien informés Tun et Tsatre do
choses qu^un seul dcTrait saToir. Cette scène a TinconTénient de répéter eeUe
où Mercure se montre si bien instruit de ce qne Sosie a fait seul et ssas té'
moin ; et elle la répète si exactement, que la plaisanterie {reprodtûte par UM*
aux vers 507 et 5o8) : « On n*7 peut dire rien, s'il n*était dans la boateiUe,* >7
trouTC emplbyée de nouveau avec un simple changement dans les termes. « L*
scène ainsi critiquée n*est pas de Plaute, nous Tavons rappelé d^abord ; die o'est
en eflet qu'une sorte de faux pendant à la première scène du comique Istis,
rendu précisément suspect, malgré quelques traits heureux, par une imiti-
tion trop symétrique, et qui ne remplit qu'à la première vue le lidt kC
dans les manuscrits. — Rotrou n'a pas demandé an spectateur de rire dest
fois du même mot; chex lui, Jupiter ne prend pas Amphitryon au collet; c'est
répée à la main qu'il feint de le défier; mais chex lui, comme chexTintapo*
lateur, il 7 a retour d'une situation dont il était bien difficile de rariver Viir
térét (voyex ci-dessus la Notice^ p. 335).
I. AMPHiTRTOir, à part. (1734.)
a. So9iKf passant du cSté de J^nier, [Ibidem.)
3. lilie qui
Ex mdibuSj heru*st,' hic vero ¥ene ficus,
(Plaute, vers, interpolés, 9^ et 997.)
ACTE III, SCÈNE Y. 453
POLIDA8.
Certes, ce rapport admirable
Suspend ici moa jugement.
AMPHITRYOn.
C'est trop être éludés * par un fourbe exécrable :
Il faut, avec ce fer, rompre Tenchantement. i63o
NAVCRÂTÂS*.
Arrêtez.
▲MPHITRTOlf.
Laissez-moi.
IfÀUCRATÂS.
Dieux ! que voulez-vous faire ?
AMPHITRYON.
Punir d'un imposteur les lâches trahisons.
JUPITER.
Tout beau! Temportement est fort peu nécessaire;
Et lorsque de la sorte on se met en colère,
On fait croire qu'on a de mauvaises raisons. i635
SOSIB.
Oui, c'est un enchanteur qui porte un caractère'
Pour ressembler aux maîtres des maisons.
AMPHITRYON*.
Je te ferai, pour ton partage.
Sentir par mille coups ces propos outrageants'.
t. tin jooéf ! eompares, pour 1« tens de ee mot, qui rvrieiit ô-aprèt
è la aoène tk de l'aete III de George DamUn^ leTera 683 de P Étourdi,
%» IfAUcaiATàs, à Amphiirjron qui a mis Vépée à la main, (1734.)
3. Talisman. M. de Voitare, dir Piaehéne*, « sVst trooTi poarm par la na-
ture de lettres de CiTear, et de je ne sais quel caractère qui l'a lait chérir et ho-
norer des plus grands, au delà de sa condition. » Molière a employé le mot, an
mime sens, k la fin de la scène ri de Pacte 111 de Monsieur dé Potu-eeaugnae^ '
4. AimnTiiToir, à Sosie. ( 1 734 . )
5. Ici rinterpolatear de Plaute a troaTe un trait plaisant. A Tinsnlte de Sa«
aie, qui le traite également d*enchatttear ou empoisonneur, Amphitryon i4*
• Dans nn aTertissement au Lecteur pour la seconde édition (i65o) daa
flsoTres de Voiture son oncle, f* i ij r*.
454 AMPHITRYON.
SOBIB.
Mon maître est homme de courage, 1640
Et ne souffrira point que Ton batte ses gens.
AMPHITRYOlf.
Laissez- moi m'assouvir dans mon courroux extrême,
Et laver mon affront au sang d*un scélérat ^.
IIAUCRATES'.
Nous ne souffrirons point cet étrange combat
D'Amphitryon contre lui-même. 1645
AMPHITRYON.
Quoi? mon honneur de vous reçoit ce traitement?
Et mes amis d'un fourbe embrassent la défense ?
Loin d^être les premiers à prendre ma vengeance',
Eux-mêmes font obstacle à mon ressentiment?
HAUCRATÂS.
Que voulez- vous qu'à cette vue i65o
Fassent nos résolutions,
Lorsque par deux Amphitryons
Toute notre chaleur demeure suspendue ?
A vous faire éclater notre zèle aujourd'hui,
Nous craignons de faillir et de vous méconnoître. i655
pond par des coups ; Joplter Interrieitt et ainii engage directement la qoerelk
avee Amphitryon ; mais d*abord il ordonne à Sosie de rentrer dans la maiioB
et d*7 faire hAter le dtner ; TeselaTe se retire, nii de Toir son mettre et k
double de son mettre aux prises : « Je rentre, dit-Il (vers 1008 et lOOçj.Voitt
on Amphitryon qui m*a bien la mine de préparer à Tantre Amphitryon le luhd
doux accueil que m*a fait, ce matin, à moi Sosie, Vautre Sosie, Feutre bmh. »
T. Pour cet emploi, alors si fréquent, de à au Uen de lUnt, eomparss ei-
apris le Tcrs 1894* et ee Ters de VÈcoU <Uê maris (acte 1, scène n, ws i5i«
tome II, p. 368)1
Et quand nous nous mettons quelque chose à la tête....
a. IlAUCEATis, arrêtant Amphitrjûn, (1734.)
3. Prendre en main, épouser, partager mon désir de.... Pour ce toortfee
prendre^ eomptrez ces Ters de Phibminte à Chrysale (acte II, scène Tl, ^
Femmes savantes) :
« . . . Et TOUS devez en raisonnable époux
Être pour moi contre elle et prendre mon courroux.
ACTE III, SCÈNE Y. 455
Nous voyons bien en vous Amphitryon paroître,
Du salut des Thëbains le glorieux appui;
Mais nous le voyons tous aussi paroître en lui,
Et ne saurions juger dans leque] il peut être.
Notre parti n*est point douteux, 1 660
Et rimposteur par nous doit mordre la poussière ;
Mais ce parfait rapport le cache entre vous deux ;
Et c*est un coup trop hasardeux
Pour Tentreprendre sans lumière.
Avec douceur laissez-nous voir 166 5
De quel côté peut être Timposture ;
Et dès que nous aurons démêlé Taventure,
Il ne nous faudra point dire notre devoir.
JUPITER.
Oui, vous avez raison; et cette ressemblance
A douter de tous deux vous peut autoriser. 1670
Je ne m*ofiense point de vous voir en balance :
Je suis plus raisonnable, et sais vous excuser.
L'œil ne peut entre nous faire de différence.
Et je vois qu'aisément on s'y peut abuser.
Vous ne me voyez point témoigner de colère, 1675
Point mettre Tépée à la main :
C'est un mauvais moyen d'éclaircir ce mystère,
Et j'en puis trouver un plus doux et plus certain.
L'un de nous est Amphitryon ;
Et tous deux à vos yeux nous le pouvons paraître. 1680
C'est à moi de finir cette confusion ;
Et je prétends me faire à tous si bien connaître.
Qu'aux pressantes clartés de ce que je puis être.
Lui-même soit d'accord du sang qui m'a fait naître.
Il n'ait plus^ de rien dire aucune occasion. 168 5
C'est aux yeux des Thébains que je veux avec vous
I. Et n*ait plot. (tSSa, 1734.)
456 AMPHITRYON.
De la vérité pure ouvrir la connoissaiice* ;
Et la chose sans doute est assez d*importance.
Pour affecter la circonstance*
De réclaircir aux yeux de tous. 1 690
Alcmène attend de moi ce public témoignage :
Sa vertUf que Téclat de ce désordre outrage.
Veut qu'on la justifie, et j'en vais prendre soin.
C'est à quoi mon amour envers elle m'engage;
Et des plus nobles chefs je fais un assemblage* 1 69 s
Pour l'éclaircissement dont sa gloire a besoin.
Attendant avec vous ces témoins souhaités,
Ayez, je vous prie, agréable
De venir honorer la table
Où vous a Sosie invités. 1 700
SOSIB.
Je ne me trompois pas. Messieurs, ce mot termine
Toute l'irrésolution :
Le véritable Amphitryon
Est l'Amphitryon où l'on dine *,
AMPHITRYON.
O Ciel! puis- je plus bas me voir humilié? 1705
I . Expression- oeaTe et plus TiTe que celles d*êearter Ut 9ciUs de»»^ à^
couvrir f manifester^ produire au jour,
a. Poar rechercher Toccasion. Fontenelle, dans one phrase de ioin Élegf
de Dodart que cite M. Littré, a bien nettement donné à aj/eetarït sens qn?
a ici : « Il aimoit à emprunter et à faire Taloir leurs idées {les idées des
autres)^ et il auroit plut6t affecté que manqué Toccasion de leor en tendre
une espèce d*hommage. » {Œuvres de Fontenelle, 1758, tome V, p. a 10.)
3. Le sens du mot assemblage^ qui, le pins souvent, se dit en pariant de
choses, est bien déterminé id par son complément. Ci-dessns, p. a94jdaasnn-
troduction au livret du Sicilien (xxr* entrée du Ballet des Mmses)^ ee
nom désigne k lui seul, et sans régime, des réunions on groupes de
nages. Dans la dernière scène du Bourgeois gentilhomme^ an 3* eoapbl,
Mme Jourdain emploie le mot par mépris, au sens soit d'étrange assemblée, soit
d*étrange alliance : voyes la scène indiquée. Au 1 1* couplet de la aeène ▼ de
Tacte m de George Dandin^ Clitandre lui donne, avec un régime comme ià|
la signification dUndigne on étrange unioo.
4. Sor ces deux derniers vers, voyea ci-dessas la Notice^ p. 3391 et 333.
ACTE III, SCÈNE Y. 45?
Quoi? faut-il que j'entende ici, pour mon martyre,
Tout ce que l'imposteur à mes yeux vient de dire,
Et que, dans la fureur que ce discours m'inspire,
On me tienne le bras lié ?
Vous VOUS plaignez à tort. Permettez-nous d'attendre
L'éclaircissement qui doit rendre
Les ressentiments de saison.
Je ne sais pas s'il impose;
Mais il parle sur la chose
Comme s'il avoit raison. 1 7 1 5
AMPHITRYON.
Allez, foibles amis, et flattez l'imposture :
Thèbes en a pour moi de tout autres que vous ;
Et je vais en trouver qui, partageant l'injure.
Sauront prêter la main à mon juste courroux.
JUPITER.
Hé bien ! je les attends, et saurai décider 1720
Le différend en leur présence.
AMPHITRYON.
Fourbe, tu crois par là peut-être t'évader;
Mais rien ne te sauroit sauver de ma vengeance.
JUPITER.
A ces injurieux propos
Je ne daigne à présent répondre ; 1795
Et tantôt je saurai confondre
Cette fureur, avec deux mots.
AMPHITRYON.
Le Ciel même, le Ciel ne t'y sauroit soustraire,
Et jusques aux Enfers j'irai suivre tes pas.
JUPITER.
Il ne sera pas nécessaire, 1730
I. IfAUCftAiis, à Ampkkryom. (1734.)
458 AMPHITRYON.
Et l*on verra tantôt que je ne (îiirai pas*.
AMPHITRTOll*.
Allons, couronsi avant que d'avec eux il sorte,
Assembler des amis qui suivent mon courroux,
Et chez moi venons à main forte,
Pour le percer de mille coups.' 1735
JUPITBE.
Point de façons*, je vous conjure :
Entrons vite dans la maison.
NÂUCRATÀS.
Certes, toute cette aventure
I. Que je ne toÎTrai pas* (1674 et i68s, Mais.)
a. AnniTAToir, à part. (1734.)
3. « Itttqa*à rapparidon de Jupiter soos ta réritable fonne, dit Ao^,
a pièce de Molière cesse tout à fait de ressembler à celle de Plaate. Diaf
•oelle-ci, Blèpbaron, au lieu dVntrer pour prendre sa part du dîner anqu^ il
a été conTiè, dit qu*il a des affaires, et laisse là les deux Amphitryons s*ae-
•corder entre eux, sUls le peurent. Jupiter rentre dans la maiion, parée qa^es
ee moment AIcmène accoucbe; et Amphitryon, de son c6té, vent y rentrer
aussi pour tuer tout le monde. » Mais la foudre éclate et le renTcrse inssiiac
près dn seuil ; la comédie tourne an tragique; c^est le Dieu tonnant, tout ea-
tooré d*édairs, qui, cette fois, s*est montré à AIcmène, De la maison, qa*oa a
vue s'ébranler et sUlIuminer, sort une esclave effarée ; elle aperçoit son malbe
•et réussit à le réTcUler de sa stupeur. Le Tieillard (car tout Taillant, jalooi et
emporté que Plante nous a d*abord montré Amphitryon, il a fait de lai on Tieai
mari), le Tieillard se releTC à grand*peine; le conp de foudre aemble Tafoir
quelque pen hébété, Ta du moins dépouillé de tout caractère héroïque; c'at
lui, et non Sosie, qui égayé la fin de la pièce; il écoute stupéfait TesclsTe de
sa femme lui faisant le récit des prodiges qui Tiennent de signaler la déiinaaa
d^Alcmène et la naissance des deux jumeaux, doot Tun, Hercule, a été reconaa
fils de Jupiter par la grande Toix du Dieu lui-même. Le souTerain maître de
r Olympe s^est manifesté dans sa toute-puissance. Amphitryon est loin de le
révolter contre elle, et d'accord, on peut le croire, aTcc les sentiments dei
spectateurs, il déclare, d'un ton de très-bonne humeur, qu'il n'a garde de k
plaindre du partage de bien qu'a touIu Jupiter ; il se dispose même à lui offrir
un sacrifice, quand, annoncé par son tonnerre, le Dieu Tient l'en dispenier,
justifier encore AIcmène, la recommander à son mari, et leur promettre à
tous sa faTCur.
4. SCÈNE VI.
JUPITBB, KAUCBATÈ8, POLIDA8, S08IB.
Point de façons. (1734.) ^ Point de façon. (1773.)
ACTE III, SCÈNE Y. 459
0>nfoiid le sens et la raison.
SOSIE.
Faîtes trêve, Messieurs, à toutes vos surprises, 1740
Et pleins de joie, allez tabler* jusqu'à demain.*
Que je vais m'en donner, et me mettre en beau train
De raconter nos vaillantises !
Je brûle d'en venir aux prises ',
Et jamais je n'eus tant de faim. 1745
SCÈNE vr.
MERCURE, SOSIE.
MERCURE.
Arrête. Quoi? tu viens ici mettre ton nez.
Impudent fleureur' de cuisine?
SOSIE.
Ah! de grâce, tout doux!
I. Le Dietiomnairê de M, Liîtri ne donne de tabler ^ dant le leni de « tenir
Ubie, » qae ce seal exemple. Il ne te trooTe pas ayec cette aceeption dans
cens dn dlz-Mptième siècle. L*Académie ne l'admet dans aacane de ses éditions.
a. Seul. (17340
3. D*atUquer les plaU, les mets. Voyez, chex M. Littré, Tarticle Pain, 6*.
4. SCÈNE VU. (1734.)
— ni cette scène ni la suiTsnte n'existent dans Y Amphitryon de Plante;
mais elles sont dans les Sosie» de Rotroa (acte F, scène* I et IF), où Molière
en a pris l'idée. {Note d*Auger.) — 11 7 a là nne preuTe à ajouter à celles qui
sont données dans la Notice (p. 33a-334) d'emprunts faits h Rotroa, et non
par les deux poètes au comique latin.
5. Flairenr. (1733, 34.) — Sur les deux tovmtïï flairer tl fleurer, Toyez,
tome II, p. 365, la note au vers 114 de V École des maris, i laquelle on
peut ajouter que TAcadémie, dans sa i'* édition (1694),. écrit elle-même
fleure dans un des exemples de son article Flairxr ; et que, dans les suirantes,
7 compris la dernière (1878], elle a un double article, Flaxhib, Fliueer, et
n'attribue à la seconde forme que le sens de « répandre une odeur, » ce qnl
ne s*aecorde pas arec la valeur que Molière donne ici an substantif dérivé
fieureur.
46o AMPHITRYON.
MBRCURB.
Ah ! vous y retournez !
Je vous ajusterai Téchine.
SOSIE.
Hélas! brave et généreux moi, 1950
Modère-toi, je t'en supplie.
Sosie, épargne un peu Sosie,
Et ne te plais point tant à frapper dessus toi^
MERCURE.
Qui de t'appeler de ce nom
A pu te donner la licence? 17$$
Ne t'en ai-je pas fait une expresse défense.
Sous peine d'essuyer mille coups de bâton ?
SOSIE.
C'est un nom que tous deux nous pouvons à la fois
Posséder sous un même maître.
Pour Sosie en tous lieux on sait me reconnaître ; 1760
Je souffre bien que tu le sois :
Souffre aussi que je le puisse être.
Laissons aux deux Amphitryons
Faire éclater des jalousies ;
Et parmi leurs contentions, 1 7^^
Faisons en bonne paix vivre les deux Sosies.
MERCURE.
Non : c'est assez d'un seul, et je suis obstiné
A ne point souffrir de partage.
SOSIE.
Du pas devant sur moi tu prendras l'avantage * ;
I. Comparas ee panage de Rotroa, acte V, aeène i :
.... Epai^ne*moi, de grâce.
Sosie, hélai I ta main sur toi-même se lasse.
Ta frappes sur Sosie. Arrête, épargne-toi.
a. Ta prendras sor moi PaTantage du pas devant. Avoir, prtmdrë ntr fi^
qu^un, céder à fuelqu'tui le paê devant étaient des locntions très eaploy^
ACTE III, SCÈNE Vf. 461
Je serai le cadet, et tu seras l^aînë. 1970
MBRCURB.
Non : un frère incommode, et n*est pas de mon goût,
Et je veux être fils unique.
SOSIB.
O cœur barbare et tyrannique !
Souffire qu'au moins je sois ton ombre.
MEBCURB.
Point du tout.
SOSIE.
Que d'un peu de pitié ton âme s^humanise ; 1775
En cette qualité souffre-moi près de toi :
Je te serai partout une ombre si soumise,
Que tu seras content de moi.
MERCURE.
Point de quartier : immuable est la loi.
Si d'entrer là dedans tu prends encor Taudace, 1780
Mille coups en seront le fruit.
SOSIB.
Las ! à quelle étrange disgrâce.
Pauvre Sosie, es-tu réduit !
MERCURE.
Quoi ? ta bouche se licencie
A te donner encore un nom que je défends ? 1 7 8 1»
SOSIE.
Non, ce n'est pas moi que j'entends.
Et je parle d'un vieux Sosie
Qui fut jadis de mes parents,
Qu'avec très-grande barbarie,
A l'heure du dîner. Ton chassa de céans. 1790
(royale Lexique de la langue de Corneille^ tome II, p. 16a); la Meonde
l*eit aa figuré dana le* Femmes eavaniee; Bèliae 7 dit à Chryaaie (aete II,
Tn):
L*esprit doit aar le eorpt prendre le paa devant.
46a AMPHITRYON.
MBECURI.
Prends garde de tomber dans cette frénésie,
Si tu veux demeurer au nombre des vivants.
SOSIE*.
Que je te rosserois, si j'avois du courage,
Double fils de putaiu*, de trop d'orgueil enflé !
MSRCURB.
Que dis-tu?
SOS».
Rien.
MBICURB.
Tu tiens, je crois, quelque langage.
50SIB.
Demandez' : je n*ai pas souflSé.
MERCURE.
Certain mot de fils de putain
A pourtant frappé mon oreille.
Il n*est rien de plus certain.
SOSIE.
C Vst donc un perroquet que le beau temps réveille . i s o »
f. Soêo^àpmri, (1734.)
a. Ce mot, répété aa peu plus loin et qai est «mû dans Momsiemr d^
Pimrceaufnae (acte II, leèae vm), B^offentait éTidemment pae trop les
oreillet des eontemporaiiia de Molière. Il a été employé par Perrot d*AbUa-
eowt dans sa tradaetioo de Lueien, dédiée à Conrait, et eatreprîae beaaeo»p
plos poar Famonr des leetaors et leetriees da monde qne poar l'naoar dm
grec ; il se tronve, sans que le teste Tappelât par ton énergie, piédsément «en
la fin da dialogue de Mereore et dn Soleil qai a été (d-dcsaos, p. 338 et 339)
mentionné à la IfotUe (rojes tome I, 1673, p. 66, de l'édition corrigée et
rcTue par Paateor aTant sa mort, eomme il est dit à la suite do Priiilége).
L*Âcadémie, dans sa première édition (1694)1 l*enregistre sans obserratioB;
dans sa seeonde (17 18), die ajoute : « terme malhonnête. » — 11 est à re-
marquer que nos anciennes éditions antérienrcs à 1734 réunissent le moC aux
deux précédents, ici et au vers 1797, et en font une sorte de composé, au
moyen de traits d*nnion [JUs-Je-ptUai»].
3. Cet appd iuToloutaiie de Sosie menacé à des témoins absents, cetir
e^èce de geste instinctif de défense est bien naturel et plaisant ; Auger a sans
doute tort de supposer qu'il puisse être adressé aux spectateurs ; mais ee jen
a probablement tenté plos d'un comédien.
ACTE III, SCÈNE VI. 463
BfBECUftB.
A.dieu. Lorsque le dos pourra te démanger,
Voilà Tendroit où je demeure ^
sosie'.
O Cîel! que Theure de manger
Pour être mis dehors est une maudite heure !
Allons, cédons au sort dans notre affliction, i Sol
Suivons-en aujourd'hui Taveugle fantaisie ;
Et par une juste union.
Joignons le malheureux Sosie
Au malheureux Amphitryon.
Je Taperçois venir en bonne compagnie. i S i o
SCÈNE VIL
AMPHITRYON, ARGATIPHONTIDAS,
POSICLÈS, SOSIE.
▲MPurrRTOii'.
Arrêtez la. Messieurs ; suivez-nous d'un peu loin,
Et n'avancez tous, je vous prie,
Que quand il en sera besoin.
POSICLÀS.
Je comprends que ce coup doit fort toucher votre âme.
I. Muccmi.
Adî«tt. Quand ta Toudraa. ce bras h ton serTÎee
Te foornira toajonn une neure dVzercice.
(Rotrou, acte V, acène i.)
a. Sot», mm/. (X734.)
3. SCÈNE VIII.
AMPHITBTOH, AROATIPHOVTIDAS, POSIGL^, ftOSIB dans un Côin
du théâtre ^sant être vu (tant itre aperçu, 1773).
AMPBmTow, à plutieurt autres officiers qui V accompagnaient, (17)4.)
464 AMPHITRYON.
▲MPHlTRYOlf.
Ah ! de tous les côtés mortelle est ma douleur, i s 1 5
Et je souffre pour ma flamme
Autant que pour mon honneur.
POBICLiS.
Si cette ressemblance est telle que Ton dit,
Alcmène, sans être coupable....
AMPHITRYON.
Ah ! sur le fait dont il s'agit, i Sso
I/erreur simple devient un crime véritable,
Et, sans consentement, Tinnocence y périt '•
De semblables erreurs, quelque jour qu'on leur donne*.
Touchent des endroits délicats',
Et la raison bien souvent les pardonne, 1 82 5
Que * Thonneur et Famour ne les pardonnent pas.
▲RGATIPHONTIDAS.
Je n'embarrasse point là dedans ma pensée ;
Mais je hais vos Messieurs de leurs honteux délais ;
Et c'est un procédé dont j'ai l'âme blessée,
Et que les gens de cœur n'approuveront jamais, i s 3 o
Quand quelqu'un nous emploie, on doit, tête baissée,
Se jeter dans ses intérêts.
I . Elle a failli pourtant, d'une oa d*aatre façon • :
S'agissant de Thonnear, rerreur même est un crime.
(Rotron, acte V, aeène rr.)
a. Qodque couleur qu'on donne h cet errean, souj quelque jour qii*on
▼euille les roir.
3. Les endroits délicats. (i68a; mais non les éditions qui d'ordinaire se
eonfbrment à celle de i68a.)
4. Quéf pour alors que. Nous rencontrerons le même tour en prose, dans
P Avare (acte III, scène i), où le que marquant le temps est piéeédé dNm
autre que et, par suite, est peut-être moins clair qu'ici. « Comment (dit ifnltre
Jacques) Toudriez-Tous qu'ils traînassent un carrosse, qu'ils ne peuvent pas se
traîner eux-mêmes ? »
* Le texte de i6'i8 n'a pas de signe de ponctnation aprèsyàçoit; c'est bien
probablement une fiiute.
ACTE III, SCENE VIL 4<5
Argatiphontidas ^ ne va point aux accords '•
Écouter d*un ami raisonner Tadversaire '
Pour des hommes d'honneur n*est point un coup à faire*:
n ne faut écouter que la vengeance alora.
Le procès * ne me sauroit pbire ;
Et Ton doit commencer toujours, dans ses transports.
Par bailler*, sans autre mystère,
De répée au travers du corps. 1S40
Oui, vous verrez, quoi qu'il avienne,
Qu'Argatiphontidas marche droit sur ce point ;
Et de vous il faut que j'obtienne
Que le pendard ne meure point
D'une autre main que de la mienne. tS45
▲MPurriYoïf.
Allons.
I. ArgttiplioBtidu est aiie figure bien autraneiit mirqn^e que celles des
eepîtaÎMa de Rotroa et da Blepheroa de Plaate. Molière loi a donné le Un-
gag0 très Moderne d*aa gentilhoanie soldat, intraitable aor le point d*hoBnear,
d*m de ees iiuroadies seconds *, qui ne laissaient pas leurs amis mollir dans
leora querriles. Son nom mfme, sonore et long de six syllabes, tout un hémi-
stidie, n*est pas sans fanfaronnade, et rappelle oeloi de PyrgopoUnieès, le sol-
dat fanfaron {miUt gioriotus) de Maute ; Ù aemble renfermer les éléments, plus
ou moins régulièrement assemblés, de mots grecs dont la signification mena-
çante serait, soit, conome le croit Aoger, celle de tuêur de gêrpent*^ on plut6t
de dtteêiufmnt deê kdrçg déttrmetêmrs dét terpenUg soit ^éclair et ^homicide^
de tmeur foudrofoni,
a. Ans aecommodements.
3. Dans les trois premières éditions firançaises, aiwêaire, comme, au vers 1 84 1 ,
mnemme^ qui, au reste, est aussi Torthographe de 1* Académie dans sa première
édition (1694). Les trois éditions étrangères ( 1675 ^, 84 A, 94 B) ont adversaire^
et, plus bas, aviemne»
4. Emploi rensarquable de cea^p ; simplement an sens d* «une cbose è faire.»
5. La Toie des procès; car nous croyoni qu'on ne peut guère, rattacbant
le mot aux Ters i834 ot i835, lui donner Pacoeption de « procédé^ manière
d'agir, b qu'il a dans un des exemples de Rabelais cités par M. Littré è 'èw-
torîqme de Partide Pnocès \ il paraît bien que ce sens arait passé d*usage an
temps de Molière.
5. Par donner. (168a.)
• Voyex tome III, p. 55, la in de la note de la page 54*
MoLiiBS. Ti 3o
466 AMPHITRYON.
Je viens, Monsieur, sabir, à vos genoux^
Le juste châtiment d*ane audace maudite.
Frappez, battez, chargez, accablez-moi de coups,
Tuez-moi dans votre courroux :
Vous ferez bien, je le mérite, iSSo
Et je n'en dirai pas un seul mot contre vous.
▲MPHITRTOIf.
Lève-toi. Que fait-on ?
SOSIB.
L'on m'a chassé tout net;
Et croyant à manger m'aller comme eux ébattre.
Je ne songeois pas qu'en effet
Je m'attendois Û pour me battre. xiss
Oui, l'autre moi, valet de l'autre vous, a fait
Tout de nouveau le diable à quatre.
La rigueur d'un pareil destin,
Monsieur, aujourd'hui nous talonne ;
Et l'on me des-Sosie enfin 1860
Comme on vous dés-Amphitryonne '.
I. Sont, à Ampkiirjron, (1734.)
a. « Je Tiens, Monnenr, rabir i genoux. » (iS8a.) — Les MidoM vif
▼antet, proeédant deeelle de i68a (à iavoir 1097, 17 10, iS, 3o, 33, 34},oat
eorrig^ la iaate, non paa en revenant an texte original, maii en ajoatiit
éeitx, an lieu de 9ot : « fabir h deux genoux. »
3. Cet deux plaisants privatifs* ont été rapprochés d*an reriM tfip'»'*^*
toat naturellement trouvé par Mascaiille an vers 1 8a4 de l*Étoundi (toase I,
p. aa6, note 5). Dana le Trimunus de Pbute, le Syeophante foq^desnob
analogues, quand il raille le vieux Gharmide (aete IV, scène n, vers 933), i
qui il enjoint, après qu'il s*est eharmidi {eharmiJatiu), de m déekirmidtr
(reckarmida, avec re donnant au composé un sens eontraire h eelol dn fln^t
comme dans reeludere^ de elamdere).
• l-es anciennes éditions antérieures è 1734* étendant rinfloenee du aoa
propre à tout le composé, écrivent, avec double majuscule, ZW-5ofM et Ikf
^ , - r-- » q« ■ I« eoadition de ne p»
couperet d*éciire deuwu^ dêsamphiuyonite^ comme an rera de VÈtt^
auquel renvoie la suite de la note : dntmùta.
f
ACTB Illt SCÈNE VU. 467
AMPHITRYON.
Sois-moi.
808IS.
N*e8t-il pas mieux de voir s'il vient personne ^ ?
SCÈNE VIII.
CLÉANTHIS, NAUCRATÈS, POLIDAS, SOSIE, AM-
PHITRYON, ARGATIPHONTIDAS, POSICLÈS*.
CLEANTRIS.
OGel!
AMPBrrRYOH.
Qui t'épouvante ainsi ?
Quelle est la peur que je t'inspire ?
CLiàNTHIS.
Las! vous êtes là-haut, et je vous vois ici! iS65
NAUCRAT&S'.
Ne vous pressez point : le voici.
Pour donner devant tous les clartés qu'on désire,
Et qui, si l'on peut croire à ce qu'il vient de dire.
Sauront^ vous affranchir de trouble et de souci.
1. PertoHne, qaelqa^an, yrai mm da mot dans la location négatlTt /m....
penmnet eomms rien a prinitiTOOient mIoI de ekotê dana ««.... rien,
3. SCÈNE IX.
CLÉAirniIf, AMPHTTRTOH, AKOATIPHOITTIDAS, POLIDAt, HAUGRAli»,
POSICLift, 809IB. (1734.)
3. NAfnsATàs, à Amphitryon, (Ibidem,)
4* Sanront, avee an nom de choie poar aajet, pria, comme aoutent, aa
aeaa de pemrront, et préféra i cet aatre cÛatyllabe, qae pourtant la meaure ad-
mettait tout ansai bien.
46S AMPHITRYON.
SCÈNE IX.
MERCURE, CLÉANTHIS, NAUCRATÈS, POLIDAS,
SOSIE, AMPHITRYON, ARGATIPHONTIDAS,
POSICLÈS*.
MBRCUAS.
Oui, VOUS Taliez voir tous; et sachez par avance xS?»
Que c*e8t le grand maître des Dieux
Que, sous leS' traits chéris de cette ressemblance,
Alcmène a fait du ciel descendre dans ces lieux;
Et quant à moi, je suis Mercure,
Qui, ne sachant que faire, ai rossé tant soit peu 187$
Celui dont j^ai pris la figure :
Mais de s'en consoler il a maintenant lieu ;
Et les coups de bâton d*un Dieu
Font honneur à qui les endure.
SOSIE.
Ma foi ! Monsieur le Dieu, je suis votre valet : ilSo
Je me serois passé de votre courtoisie.
MXRCtJRX.
Je lui donne à présent congé' d'être Sosie :
Je suis las de porter un visage si laid \
Et je m'en vais au ciel, avec de Tambrosie,
M'en débarbouiller tout à fait. tSSS
(U Tole dAU le ciel\)
X. SCÈNE X.
MEaCUaB, ITAUCAATàft, POLIDAS, AMPHITETOS, ▲RGATlPHOmOAS,
POUGLÉt, GLBAJmiIt, tOtUB. (1734.)
a. PermUtion : <l*aatret aemples de MoUere oà le mot a ee teu <wt été
iadiqoés aa Ters 7 de la Princesse tPÊHJe^ toaie IV, p. i^S, note 3.
3. Laitf dans l'édition originale et plosienn des saÎTantes.
4. Mereure s'envole dans le Ciel. (1734.}
ACTE III, SCÈNE IX. 469
908IS.
Le Gel. de m*approcher t'6te à jamais l'envie !
Ta fureur sVst par trop aohamëe après moi ;
Et je ne yis de ma vie
Un Dieu plus diable que toi^
SCÈNE X.
JUPITER, CLÉANTHIS, NAUCRATÈS, POLIDAS,
SOSIE, AMPHITRYON, ARGATIPHONTIDAS,
POSICLÈS.
ItJPITBft dans une nue*.
Regarde, Amphitiyon, quel est ton imposteur ', 1890
Et sous tes propres traits vois Jupiter paroître :
A ces marques tu peux aisément le connoitre ;
Et c*est assez, je crois, pour remettre ion cœur
Dans Fétat auquel^ il doit être,
Et rétablir chez toi la paix et la douceur. 1895
Mon nom, qu*incessamment toute la terre adore,
Étoufie ici les bruits qui pouvoient éclater.
Un partage avec Jupiter
I. Voyei ei-doHtts, p. 426, la nota doTert iai8.
a. Juicna daiu mm mm, twr to» aigU, armé de wnfwtirê^ om bruii dm
ioHmgrre et de* éclaire. (i68a.)
SCÈHB DERNIÈRB.
JVPTTBB, KAUGBAtIs, AVHIUITOV, ABOATIPHOUTIDAt, POLIDAS,
POSICLÉt, CLKAHTHI8, SOIIB.
Jvimm, amnomeépar le bruit dm tonnerre ^ armé de eon foudre y dan» un nmage^
emr eom aigle» (1734*)
— Ln deu eoaplett faÎTanti, de Japiter, eorretpondent ao damier couplât
do Dîao dans Haale (acia V, teàna n, ^en i i5a-i 164).
3. Caki qid Va trompé, qui t*a Tolé ta unaiiihlanaa. L'eapretrionatthardia
daMM ffimntum,
4* Dana kqndy oà : eomparei ei-daMoa, la vert 1643.
470 AMPHITRYON.
N^a rien du tout qui déshonore ;
Et sans doute il ne peut être que glorieux 1900
De se Toir le rival du souverain des Dieux.
Je n'y vois pour ta flamme aucun lieu de murmure ;
Et c'est moi, dans cette aventure.
Qui, tout dieu que je suis, dois être le jaloux.
Alcmène est toute i toi, quelque soin qu'on emplme;
Et ce doit à tes feux être un objet bien doux
De voir que pour lui plaire il n'est point d'autre voie
Que de paroître son époux,
Que Jupiter, orné de sa gloire immortelle.
Par lui-même n'a pu triompher de sa foi, 1910
Et que ce qu'il a reçu d'elle
N'a par son cœur ardent été donné qu'à toi *.
SOSIB.
Le Seigneur Jupiter sait dorer la pilule*.
juprrBft.
Sors donc des noirs chagrins que ton cœur a soufferts,
Et rends le calme entier à l'ardeur qui te brûle : 191 S
Chez toi doit naître un fils qui, sous le nom d'Hercule,
Remplira de ses faits tout le vaste univers.
L'éclat d'une fortune en mille biens féconde
Fera connoître à tous que je suis ton support,
Et je mettrai tout le monde t^to
Au point d'envier ton sort.
Tu peux hardiment te flatter
De ces espérances données ;
I. Je sait le snboraeiir de tes chastes attraits,
Qui, sans Tempront de ton image.
Quelque beau que tàt mon serrage,
Pour atteindre son esur anrois manqué de traits.
(Rotron, acte V, soène n et dernière, troidème des stropha
de Jupiter.)
a. Sur ee trait que Rotrou a^ comme le dernier couplet éê Soalei iatfiri ^
MoUèie, royn la iVbfwe, p. 333 et 334.
ACTE III, SCÈNE X. 471
CeBt un crime que d*en douter :
Les paroles de Jupiter igaS
Sont des arrêts des destinées.
(11 se perd dans lot nom.)
NAUCaATBS.
Certes, je suis ravi de ces marques brillantes....
SOSIE.
Messieurs, voulez-vous bien suivre mon sentiment?
Ne vous embarquez nullement
Dans ces douceurs congratulantes : 19)0
C'est un mauvais embarquement,
Et d'une et d'autre part, pour un tel compliment.
Les phrases sont embarrassantes.
Le grand Dieu Jupiter nous fait beaucoup d'honneur,
Et sa bonté sans doute est pour nous sans seconde ;
n nous promet l'infaillible bonheur
D'une fortune en mille biens féconde.
Et chez nous il doit naître un fils d'un très-grand cœur :
Tout cela va le mieux du monde ;
Mais enfin coupons aux discours S 1940
Et que chacun chez soi doucement se retire.
Sur telles affaires, toujours
Le meilleur est de ne rien dire *.
T. Coapont chemin aux diiooiin, coupons court,
a. La Fontaine avait dit anni «n i665 dans sa Joeondê (conte I de la
1** partie) :
Le moins de bruit que l*on peut faire
En telle af&ire
Est le plus sâr de la moitié.
run D'ÀMPHITEYOïr.
GEORGE DANDIN
OU
LE MARI CONFONDU
COMÉDIE
BVBianrrn la pmnniBB vou, poum im boi, ▲ ivatAiLUS,
LB l8* DB JUILLBT* 1668,
BT DBPnit
DOBSBB AU PTOUO ▲ PABIt, tUB LB THBÂTBB DU PALAU-BOTAL,
LB 9« BOTBMBBB DB LA mAmB ABViB 1668,
fab la
TEOUPE DU ROI
1. Lm édittoBt de 167a et de 168a diient • le i5* de joillet; a Eobioet,
dent le Gazette en Ten, le 16 ( la Gafetts^ le 19; dana notre titre, emprunté
à ridition de i68a, noua anbatitoont h la date dn i5 celle dn 18, donnée par
Félibien dant sa Relation : ?oyei ô-aprèa VAppemdicê^ et pina hant la Notice^
p. 478 et 479.
NOTICE.
George Dandin est encore une de ces petites comédies de
Molière qui furent, à bon droit, moins éphémères que les fîtes
de la cour pour lesquelles il les composait. Le commencement
de Tannée 1668 avait vu la première conquête de la Franche-
G>mté| conquête suivie de la paix d'Àix-la-Ghapelle, signée
le a mai, qui assurait à la France la possession de la Flan-
dre* La gloire étant satisfaite, c'était le moment de s'occu-
per de nouveau des plaisirs; ils devaient d'ailleurs servir à
la célébrer. Louis XIY choisit les jardins de Versailles pour
théâtre des magnifiques divertissements qui, après une longue
préparation, plus nécessaire peut-être au travail des décora-
teurs qu'à cdui de Molière, purent être donnés au mois de
juillet. La Gatetie en rendit compte en ces termes* :
« De SalnuGermaiB en Laye^ le ao juillet i66S«
« Le 19 de ce mois. Leurs Majestés, avec lesqueUes étoient
Monseigneur le Dauphin, Monsieur et Madame et tous les sâ-
gneurs et dames de la cour, s'étant rendues à Versailles, y
Âirent diverties par l'agréable et pompeuse fête qui s'y prépa-
roit depuis si longtemps, et avec la magnificence digne du plus
grand monarque du monde. Elle commença, sur les sept heures
du soir, ensuite de la collation qui étoit délicieusement pré-
parée en l'une des allées du parc de ce château, par une
comédie des mieux concertées, que représenta la troupe du
Roi, sur un superbe théâtrCi dressé dans une vaste salle de
Terdure. Cette comédie, qui étoit mêlée dans les entr'actes
I. Dans le numéro du 11 juillet 1668, p. 69$.
476 GEORGE DANDIN.
d'one espèce d'autre comëdie en musique et de ballets, ne
laissa rien à souhaiter en ce premier divertissement, auquel
une seconde collation de fruits et de confitures en pyramides
lut servie aux deux côt^s de ce thëâtre et présentée i Léon
Majestés par les seigneurs qui ëtoient placés dessus : oe qui
étant aoccMnpagné de quantité de jets d'eau, fut trouvé toot
à fait galant par l'assistance de près de trois mille persounes,
âitre lesquelles étoient le nonce du Pape^, les ambassadeurs
qui sont ici et les cardinaux de Vendôme et de Retz. »
Le Nonce et les deux cardinaux ne virent-ils que les jets
d'eau ? S'ils se trouvèrent (et l'on ne peut guère entendre au-
trement le rédt de la Gazette) parmi les spectateurs de b
première représentation de George Dtmdin^ en fut-on aussi
étonné, ches nous du moins, qu'on le serait aujourd'hui?
Ces lètes de Versailles ont été décrites avec plus de dâaiis
dans le livre publié par Robert Rallard et surtout dans la grande
Relation de Félibien. Quoique la part de Molière dans les
divertissemâits ne soit pas le seul objet de ces descriptions,
on est habitué à les trouver dans les éditions les plus con-
plètes de ses œuvres ; ce n'est pas sans raison : non-seulemest
elles donnent en quelques traits l'esquisse du sujet de Geo^<
Dandin^ et nous ont conservé les vers des scènes pastorales
dans lesquelles Molière avait comme encadré sa comédk;
mais, en outre, toutes ces pompes des jardins de Versailles,
dont elles nous rendent présent le spectacle, furent dles-
mèmes comme un autre et plus grand cadre, hors duquel no-
tre pièce perdrait, dans sa première représentation, son vrai
caractère historique. Nous donnons donc l'une et l'autre rela-
tion en appendice, à la suite de George Dandin.
N'est-ce pas assez de ces deux témoignages et de celui de
la Gazette? Citer longuement aussi et en entier Robinet se-
rait de trop; mais si, dans sa Lettre à Madame du ai joiH^
1668, nous laissons de côté ce qui est suffisamment èkx^
ailleurs, nous devons transcrire un passage particulièremest
intéressant pour l'histoire de la représentation de Gfffp
Dandin. Là seulement est expressément attesté, ce dont as
I. Bargellini, archevêque de Thèbes, nonce du pape Ûé-
ment IX, depuis le mois d'avril de cette année i668.
NOTICE. 477
reste on ne pouvait gaère doater, que les paroles chantées
entre les actes de la comédie sont de Molière. Si Robinet les
a louées un peu trop, il y en a pourtant qui, le genre admis,
sont très-agnéables et font reconnaître cette plume toujours b-
cile et ingénieuse jusque dans les bagatelles. Le gazetier ri-
meur parle ainsi :
Dans le parc de oe beau Venaille,
On TÎt lundi oe que les yeux
Ne peurent Toir que chez les Dieux,
Ou chez Louu, qui les égale
Dedans la pompe d*nn rëgale^.
Sus, Mufe, promptement paites
En cette autre brillante salle
Qui fut la salle théâtrale.
O le charmant lieu que c*étoit!
L'or partout la certe éclatoit*
Trois rang! de riches hautes-lices
Décoroient ce lieu de délices,
Aussi haut, sans comparaison,
Que la raste et grande cloison
De Tëglise de Notre-Dame.
Maintes cascades y jouoient.
Qui, de tous côtés, Tégaycient;
Et, pour en gros ne rien omettre....
En ce beau rendez-Tous des jeux
Un théâtre auguste et pompeux,
D*une manière singulière,
S*y Toyoit dresfé pour Molière^
Le Atome * cher et glorieux
Du bas Olympe de nos Dieux.
Lui-même donc, arec sa troupe,
Laquelle aroit les Ris en croupe.
Fit là le début des ébaU
De noire Cour, pleine d*appas.
f . Voyez ci-dessus, p. 391, note 3.
9. Le JfoMitf, un de ces mots dont nous ne firancisons plus la
47^ GEORGB DANDIN.
Par un sujet archicoaûque
Auquel riroit le plus stoîqne
Vraiment, mal gré bon gré ses dents,
Tant sont plaisants les incidents.
Cette petite comédie
Du cru de son rare génie,
Et je dis tout disant cela,
Étoit aussi par-oi par-là
De beaux pas de ballet mêlée,
Qui plurent fort à rassemblée,
Ainsi que de dirins concerts
Et des plus mélodieux airs,
Le tout du sieur LuUt^BmpHste»
D*ailleurs de ces airs bien cbantés,
Dont les sens étoient enchantés,
Molière aroit fidt les paroles.
Qui Taloient beaucoup de pistoles;
Car, en un mot, jusqu'en ce jour.
Soit pour Bacchus, soit pour TAmour,
On n*en avoit point hki de telles,
C'est comme dire d'aussi belles;
Et, pour plaisir, plus tôt que tard
Allez Toir chez le sieur Ballard^
Qui de tout cela Tend le livre,
Que presque pour rien il déliTre,
Si je TOUS mens ni peu ni prou ;
Et si TOUS ne sariez pas où,
C'est à l'enseigne du Parnasse.
On a pu remarquer que, dana ces vers, la fête est datée du
lundi, qui fut le i6 juillet, et que, dans la Gazette^ elle l'est
du 19 (jeudi). Les éditions de George Dandin de 167a et de
i68a indiquent le dimanche i5. Quel est de ces trois tânm-
gnages discordants celui que confirme Félibien? Aucun. H
donne une nouvelle variante : le 18 juillet (mercredi). On s'est
ainsi partagé presque tous les jours de la semaine. Il semble
que Félibien, dont la Relation surtout a comme un caractère
officiel, doive décider*. Quand il resterait quelque incertitude
I. Voici l'indication donnée par le Regutre de U Grmngt (an-
NOTICE. 479
dam l'acte de naissance de George Daitdin^ il importerait peo.
Qnelqnes jours ajouta ou retranches ne changent pas bean-
codp BDJonrd'hui son âge, qnî a dépasse deux cent douze ans,
et snr la scène frant^aîse ira beaucoup plus loin.
Hais toate ceuvre signée du nom de Molière a celle long^
vite, et nous ne voulons pas faire entendra qu'il faille égaler
i ses chefs-d'œuvra la pedte pièce jouëe dans les f^tes de
1668 : l'admiration doit rester proportiomiée. Sans crmre
oublier cette proportion, Ricct^ni cependant a donné une
asses grande valeur à notra comédie et l'a mise au-dessus
de celles qui loi ont paru pouvoir filra nommées des farces,
a Si on lit avec réflexioD, dit-il', l'École de» maris, George
Dfaidiit et le Coeu imaginalrej on y trouvera une forme plus
exacte, une diction plus soutenue et no comique plus fort que
duu les Préeieuseï ridicules^ Ptaireeaugnac, let Fourberie* de
Seapln et le Médecin malgré lui : en sorte qu'on ne peut sans
injostice les comparer ensemble ni leur donner la même qua-
lification. Holièra, en composant les pramières que je nomme
id, n'eut jamais intention de composer des farces; Û ne les a
point données pour telles. Il les a données pour ce qu'elles
sont en effet, pour des comédies. » Il y aurait bien quelque
chose i dire au classement que Riccobonî nous propose de
plusieurs ouvrages de Molièra ; par exemple, sans souscrire
an jugement beaucoup trop sévère de GeofiW)j sur le Coeu
imaginaire^ qne de toutes les pièces de notre auteur il regar-
dait comme la moins digne de lui*, nous refuserions d'y trou-
ver plus de force comique que dans le* Précieutes. Est-il facile
d'ailleurs de reconnaîtra quels de ses ouvrages HoUère a don-
nés pour des farces, quels pour de vraies comédies? Ceux que
Hic(»boni nomme en second ont tous plus ou moins le double
née 1668): t Gaorg» Dan£», i" fois. — Lemardï lo* [juillet], — La
Troupe est partie pour Versûlle*. On a jonë U Mari eeu/ondu. A iti
de retour le jeudi jg*. s La première repréfcnlatioD de Ir "■*"-
n'eu pal datée tant quelque ambiguïté. Mai* la date du ig
née par k GattlU, en écartée par ce témoignage.
I. Obtervatien* lur la ccmdtUê *t tur U gimt de Molière^
M UGcxxxTT, I Tolume in-i* : vojrei aux pages 9S et 99.
s. Vofes aux pages 14* et 144 de notre tome II.
48o GBORGB DANDIN.
caractère, et semblablemeat deux des premiers, SganareQe et
George Dandin. S'il y a des pièces de Molière a qui le nom
de farces cocvieimey il ne faut pas hésiter ^ dire que George
Dandin en soit une; mais, en même temps, il est autre chose,
et Riccoboni ne s'est pas trompé en le rangeant parmi les
oeuvres d'un comique très-fort et d'une diction soutenue.
Nou^ ajouterions même que nulle part ailleurs peut-être la
prose de Molière n'est plus ferme et solide, d'une plus robuste
franchise. Dans cette pièce, qui, mieux encore que plusieurs
autres de notre grand comique, se prête» pour qui veut clas-
sifier en genres, à un dédoublement, il y a une farce : la YÎeîUe
histoire du « mari confondu » par la ruse diabolique de sa
femme; et il y a une excellente comédie : les infortunes trop
méritées du riche Tilain fourvoyé <lans la gentilhommerie.
Telles sont les deux parts distinctes que dans Toeuvre il con-
vient de faire.
Entre deux comédies auxquelles il put travailler plus à
loisir. Amphitryon^ achevé depuis quelques mois, et tAvare^
sans nul doute alors commencé, Molière, qui, laissant là Plante
un moment, fut obligé de trouver du temps pour produire un
de ses impromptus de fêtes, se souvint d'un des canevas qu'il
avait esquissés dans les années de ses débuts. Sans cher-
cher plus loin, il lui sembla commode de le remettre à h
scène, mais en donnant à l'ébauche des coups de pinoean
qui devaient presque entièrement la transformer. On avait
bien pu oublier alors la Jalousie du Barbouillé^ quoique
peut-être Molière, dans les années 1660, i66a, i663 et jus-
qu'en 1664, eût fait reparaître, plus ou moins remaniée, aoas
le titre de la Jalouiie de Gros^René ou de Gros^René jaioux^
cette boufTonnerie faite pour la province ^ ; à ceux qui en au-
raient gardé le souvenir, il était facile de reccmnattre dans
George Dandin les scènes* où Angélique (le nom est le même
dans les deux pièces) trouve la porte du logis fermée et ima-
gine une ruse qui lui permet de rentrer furtivement et de
crier à son mari, resté dehors à son tour : « Et d'où venez-
vous, Monsieur l'ivrogne ? Ah! vraiment, va, mes parents, qui
I. Voyez à la page 18 de notre tome I.
3. Les scènes x k xii. Voyez aux pages 87-43 du même tome L
NOTICE. 481
vont venir dans an moment, sauront tes v^rît^s. » En eSet,
le beau-père Gorgibus, accompagne de l'ami Villebrequîn,
arrive et gourmande son gendre. Villebrequin engage le Bar-
bouillé à demander pardon à sa femme ; celui-ci n'entend pas
de cette oreille. La farce en reste là, sans vrai dénouement.
Dans cette première idée de George Dandin, crayonnée à
gros traits, l'action principale se trouvant insuffisante, des
scènes épisodiques la font attendre, remplies par la consul-
tation que demande au docteur le mari, las des déportements
de sa femme. Molière, qui avait déjà fait passer ce commen-
cement de la facétie dans le Dépit amoureux et surtout dans le
Mariage forcé ^ ne pouvait plus en faire usage ; mais il trouva
mieux. Ces parents que, dans l'ébauche primitive elle-même,
Angélique se réjouit d'attendre comme témoins, il va suffire
de leur donner un rôle moins insignifiant que celui de Gor-
gibns. Et que ce rôle est heureusement imaginé I Molière crée
les Sotenville : voilà, sans action double cette fois, le vieux
sujet développé ; voilà changée en une comédie de mœurs une
bouffonnerie que nen ne distinguait de toutes celles que son
auteur empruntait aux Italiens.
C'était d'eux, on le sait, et M. Despois l'a dit au tome I de
cette édition (p. 17), c'était de leurs canevas que vraisembla-
blement Molière tirait ses premières farces, et il n'y a peut-
'ètre pas d'exception à faire pour la Jalousie du Barbouillé, Il
n'est pas sûr cependant que les dernières scènes, celles qu'il a
reprises dans George Dandin^ ne soient pas venues directe*
ment du Décamémn, En tout cas, Boccace n'était pas bien
loin : si ce n'est Molière qui a puisé chez lui, ce sont les far-
ceurs italiens imités par Molière, pour lesquels rien n'était plus
naturel que de s'adresser à leur célèbre conteur. Dans la Nou-
velle IV de la Vil* journée, le tour joué à Tofano est le même *
que celui dont le Barbouillé et George Dandin sont victimes.
Doit-on chercher plus loin, remonter plus, haut que Boccace ?
On pourrait s'en dispenser. Ici, comme dans la farce du Fago-
tier^ il est douteux que Molière ait connu les très-vieilles
origines du conte qu'il a mis au théâtre, et à peu près certain
que, s'il les connaissait, il n'a pas pris la peine d'en tenir
I. // Decamerone (édition de Venise, i588), p. 34o et suivantes.
MoLiànB. vz 3z
48i GEORGE DANDIN.
compte, en écrivant sa pièce. Noas croyons cependant devoir
en dire quelques mots, parce qu'il est toujours curieux de
trouver une si ancienne gënëalogie à une fable qui, aujourd'hui
encore, n'a pas cesse de nous faire rire dans la cornue oà
elle ne risque plus d'être oubliëe.
Cette gëni^alogie, faut-il la faire commencer aux contes
de rinde ? On l'a dit avec quelque vraisemblance, mais sans
preuve certaine. Dans les Ûvres du moyen âge où la vieille
anecdote se Ht, presque tous les rëdts ont été tirés de fables
orientales, et, en très-grand nombre, des fables pour lesqueDes
on remonte, sinon jusqu'au Livre de Sindihad^ (cet original
indien est perdu), du moins jusqu'aux versions les plus an-
ciennes et qui le représentent de plus près. Il y a cependant
quelques-uns de ces contes, et celui-ci est peut-être à com-
prendre parmi eux, qui paraissent n'avoir pas été puisés à
cette source. Les livres, écrits en Europe du douzième siède
au quinzième, dans lesquels on trouve une histoire semblable
à celle de la femme de George Dandin, sont la Discipline de
clergie^ le Castoiement d'un père à son fils^ le Roman de Dolth
pathos^ V Histoire des sept sages de Rome. Ces deux derniers
recueils de contes procèdent indirectement des plus vieilles
versions orientales du Livre de Sindibad^ mais n'en sont pas
de vraies traductions ; les deux premiers recueils peuvent être
mis en dehors de cette lignée particulière, mais non en de-
hors de la tradition orientale : dans les uns comme dans les
autres, il semblerait qu'aux récits empruntés à l'Orient, il s'oi
I. Sindbad^ dans les Prairies ttor de récrivain arabe Mataoadi,
qui a le premier, au dixième siècle de notre ère, mentionné le
a philosophe indien » (tome I, p. i6a, de la traduction de M. Bar-
bier de Meynard). — Voyez Daunou, dans V Histoire littéraire de Im
France^ tome XVI (1824)9 P* '^9 ^^ '7^9 ^^ P- ''9î VEssai smr les
fables indiennes par A. Loiseleur Deslongchamps (i838), p. 80-84 ;
VHistoire de la langue et de la littérature françaises au moyen dge
par M. Charles Aubertin (1878), tome II, p. 4, à la note, et p. 77
et tniTantes ; particulièrement encore Tlntroduction du savant in-
dianiste M. Th. Benfey à la traduction du Pantsehaiantra (Leipsig,
1859), et surtout les belles Recherches sur U livre de Sindihad pa-
bliëes en 1869 à Milan, par Tillustre membre de Tlnstitut lom-
bard, M. Comparetti.
NOTICE. 4B3
«st mUé plus d'un, moins anden, et qui ne serait pas venu
de pays aussi lointains.
Âitre les écrits, tous d'origine évidemment commune, où la
trame des contes enchaînés les uns aux autres est la même,
il en est six que M. Comparetti considère comme formant le
groupe oriental des rédactions dérivées du Livre de Sindibad^,
Or aucime des six n'a, croyons-nous, Thistoriette que Molière
a mise sur la scène*. On n'est donc pas, de ce côté, assez
autorisé à la faire venir de l'Inde ; et si nous la rencontrons
dans les livres du moyen âge, ce qui lui donne une ancienneté
déjà respectable, il n'est pas sâr qu'elle soit plus vieille en-
core et que ce ne soient pas les conteurs de notre Occident
qui l'aient ajoutée aux autres exemples de ruses féminines.
Nous n'avons fait tout à l'heure que nommer ces livres.
Montrons-y brièvement des récits, plus vieux que le Déca-
méron^ des infortunes de George Dandin.
On a d'abord, au douzième siècle, la Disciplina clericalis de
l'Aragonais Pierre Alphonse ou d'Alphonse, juif d'origine, qui
naquit en io6a, devint théologien catholique et mourut vers
le commencement ou le milieu du douzième siècle. Ce livre a
été traduit, au quinzième siècle, en prose française, sous ce
I. Nous nous contenterons de citer ici trois de ces rédactions,
celles qui, d'après M. Comparetti, peuvent le mieux donner ]*idée
de rorigînal indien : i» le livre grec intitulé Sjrntipas^ que Tauteur
dit avoir traduit d'un texte syriaque, traduit lui-même d'une ver-
sion, probablement arabe, faite par un Persan; M. Comparetti
(p. 3 et 3i) pense que cette version grecque date des dernières
années du onzième siècle : voyez l'édition qu'en a donnée Bois-
sonade, en 1838, sous ce titre : de Syntipa et Cjrri filio Ândreopidi
narratio; 9«et 3<» deux versions faites d'après l'arabe, dans la première
moitié du treizième siècle : l*une espagnole, ayant pour titre Ubro
de los engfuinoj ed assayamentos de las mugereSy et que publie pour
la première fois M. Comparetti ; l'autre hébraïque, imprimée plu-
sieurs fois et qui porte le titre bien connu de Paraboles de Sandahar :
▼oyez, pour cette dernière, l'excellente traduction française quVn
a donnée, avec une Notice hittorique et des remarques, M. £. Car-
moly(i849).
a. Voyez dans les Recherches de M. Comparetti (p. i3) le tableau
comparatif qu'il a dressé des historiettes contenues dans les diverses
rédactions orientales.
484 GBORGB DANDIN.
titre : la Discipline de elergie*. D a un tout autre cadre, et,
à un petit nombre près, d'autres histmres que les livres qui
peuvent se rattacher au Sindibad; mais, disons-le d'ailleurs,
c'est surtout de souvenirs orientaux, recueillis dans les ceuvres
ou dans la tradition des Arabes, qu'il est rempli, et commeat
affirmerions-nous que notre conte, tel qu'il est là, ne soit
pas aussi un de ces souvenirs ? L'histoire (la douâème de la
Discipline de clergie) est intitulée dans la traduction en vers,
dont nous parlons plus loin : de Celui qui enferma sa famé
en une tor*, La citation de quelques passages suffira; et il
serait superflu de faire ressortir les rapprochements évidents
qu'ils offrent avec le dernier acte de notre comédie.
Trouvant la porte fermée par son mari, « la femme loi pria
merci et lui promist que jamais tel cas ne lui avendroit. Prières
ne lui valurent riens, car le mari estoit iriez et oourrouchies ;
si dist qu'elle n*y entreroit point, ains monstreroit à ses pa-
rens de quelle vie elle estoit.... La dame qui estoit plaine de
art et d'engin, prist une pierre et la jetta ou puis.... » Le mari
croit que de désespoir elle s'est jetée dans le puits; et, lorsque
effrayé il est sorti, elle rentre dans la maison, qu'à son tour il
trouve fermée. Alors elle lui crie : « Haa, desloyal homme,
a je monstreray à mes parens et amis et aux tiens aussi com-
<c menl tu es faulx et desloyal, et comment chascune nuit tu te
<c dépars de moi et vas à tes folles femmes et ribaudes ; » et ains
le fist-elle. Quant les parens oyrent ce, ils cuiderent que ce
fust vérité ; si l'en blasmerent et moult lui dirent de villonie.
Ainsi se délivra la femme par son art, et encoulpa son mari de
ce qu'elle mesmes avoit desservi. Ainsi ne prouffita gaires i
rhomme ce qu'il regarda où sa femme aloit, ains lui niiisj
moult; car sa mesaise estoit plus grande pour ce que les gens
ciiidoient qu'il l'eust desservi [bien mérité)^ que de ce quîl
souffroit par le meffait d'adultère que sa femme avoit prouvé
par son maléfice. » Molière a remplacé par la feinte d'un coup
I. Cette version a été imprimée en regard du texte latin dans
Tédition de la Société des bibliophiles français (i8a4).
9. Voyez aux pages 107 et impaires suivantes (où le français
est en regard du latin), et aux pages 336 et suivantes (contenant la
traduction en vers) de T édition des bibliophiles.
NOTICE. 485
de couteau la pierre jetée dans le puits, que Ton retrouve dans
toutes les anciennes versions du conte, sans excepter celle de
Boccaoe, et que Ton n'avait pas oubliée non plus dans une
pièce du théâtre italien. Pantalon avare (nous en ignorons la
date), qu'avait vu jouer Cailhava. La difierence est peu impor-
tante : Molière a préféré ce qui simplifiait la mise en scène.
Il existe du livre de Pierre Alf^onse plusieurs anciennes
traductions en vers français de huit syllabes, sous ce titre : le
Castoiement et un père à son fils, Barbazan avait fait connaître,
en 1760, un de ces Castoiements ou Chastoiements\ dans les-
quels naturellement n'a pas été omis le conte « de celui qui
enferma sa femme en une tor. 9 C'est de là que Legrand
d'Aussy a tiré le fabliau (il n'est pas tout à fait exact que c'en
soit un) auquel il a donné place dans ses Fabliaux ou contes ^,
Il y est attribué à Pierre d'Anfol. Ce nom est tout simplement
une corruption de celui de Pierre Alphonse, que l'auteur d'un
des Chastoiements SLp^We Pierre Anfors*.
Si le Castoiement n'est que la Discipline de clergie traduite
en vers, un ouvrage différent est le Dolopathos ou l'histoire
dun Boi et de sept Sages y écrite en latin : Dolopathos sive de
Bege et septem Sapientibus» Cette histoire, avec sa traduction
en vers, // Romans de Dolopathos^ forme, dans la grande fa-
mille de romans et de poèmes sortb du livre de Sindibad,
un des rameaux de la branche occidentale, branche fort touf-
fue, entée sur la branche orientale. L'auteur est un moine de
l'abbaye de Haute-Sel ve ou Haute-Seille {Alta Sylva) ^ Dam
Jehans ou Dom Jean. On dit que la date de son livre doit
être entre 11 84 et laia^; il est donc moins ancien que celui
I. Méon Ta donné plus complet au tome II de Tédition quUl
rerit en 1808 des Fabliaux et contes des poètes français des xi, xii,
xin, xiT et XV* siècle* recueillis par Barbazan : le conte se trouve
là, p. 99-107. Il y a aussi un C/uutoiement à la suite de la Disciplina
eUriealis^ dans Fëdition de la Société des bibliophiles, déjà citée :
le conte, nous Tavons déjà indiqué, est aux pages 336 et suiTantes.
9. Voyez tome III, p. 146-16 1 de la 3« édition (1829) des Fa-
bliaux ou contes^,,, traduits ou extraits par Legrand d'Aussy.
3. Page 348 de Tédition de i8a4 du Cluutoiement,
4. Voyez la Préfaça du Ronum de Dolopathos^ p. xii, dans Tëdi-
tion que nous citons ci-après, p. 486, note 3.
486 GEORGE DANDIN.
de Pierre Alphonse. Le maniucrit, longtemps cherche^ vient
d'en être retrouve, il y a moins de dix ans^, et une édition en
a paru à Strasbourg en 1873, sous le titre cite plus haut; l'é-
diteur très-versé dans cette littérature, M. Œsteriey, le atfk
sorti de traditions orales et populaires ; il n'est une imitation
directe ni du Syntipas^ ni des Paraboles^ où d'ailleurs, nom
l'avons dit*, Dom Jean n'eût pas trouvé l'anecdote, que chez
lui raconte Virgile, mis en scène dans le rôle de précepteur
d'un prince.
Un clerc, du nom d'Herbers, auteur d'un Doiopaihos fraih
çais', roman en vers de huit syllabes, dit lui-même (vers
19-aa) qu'il l'a extrait du livre de Dom Jean. Il Ta écrit en
l'honneur du roi de France Louis, fils de Philippe*, qui doit
être Louis VIII, fils de Philippe-Auguste. L'imitation a seu-
lement enjolivé et quelquefois compliqué l'œuvre originale.
Dans les deux ouvrages', le mari n'est pas un vieillard, mail
un jeune Romain, philosophe, d'abord ennemi du mariage,
mais qui se fiant à son infaillible prudence, malgré les con-
seils de Virgile, finit par prendre femme. La malheoreuse
qu'il a choisie (chez Herbêrs, conquise par un enlèvement,
dont le long récit est fondu avec celui de notre histoire) est
enfermée dans une tour. Elle n'y reste que quelques jours,
jette une lettre à un damoisel, et lui donne un rendes*voni)
comme Angélique à Clitandre. Elle enivre son jaloux, et, pen-
dant qu'il dort, lui dérobe sa clef et s'évade. Ce qui suit est
tel que nous l'avons vu partout : la rentrée, devenue impossible
à la femme jusqu'à ce que la pierre jetée dans le puits ait fait
sortir le jeune Romain, etc. La conclusion seule de rhistoÎR
n'est pas la même que dans la Discipline de ciergie ou dans
l'Histoire des sept sages (dont nous allons parler) : il n'y a p>s
de mari honni par les siens ou arrêté par la garde et fustigé.
Tout se passe plus doucement : « Il jeta bas la tour, dit Dom
z . Dans la bibliothèque de VjithefuHun de Luxembourg.
». Voyez p. 483.
3. Lt Romans Je Dolopatkos^ publié pour la première fois en ee-
tier par MM. Charles Bninet et Anatole de Monuiglon (i856).
4. C^est l'interprétation qn*on a donnée aux vert aS-37.
5. Voyez le huitième conte : p. 8o-8a du Doiopatkos latin;
p. 353 et suivantes, particulièrement p. 375-379, du poème francs^-
NOTICE. 487
Jeaiiy donnant à sa femme licence d'aller où elle voudrait. »
ce Lui, rëpète en un langage nn peu plus vieux le rimeur fran-
çaiSy lui qui eut bien éprouve sa femme, fit le lendemain abat-
tre la tour; oncques ne tint plus sa femme prisonnière et lui
laissa le champ libre; il connut bien que nul ne peut garder
une mauvaise femme, car elle a sa volonté. » Tofano et
George Dandin renoncent de même à faire obstacle à ce qui ne
saurait être empêche; George Dandin toutefois, en se rési-
gnant, n'y met pas tant de bonne grâce.
A un autre groupe de recueils occidentaux se rattachant à
l'œuvre si merveilleusement féconde de Sindibad, appartient
le vieux poème intitulé li Romans des sept sftges ^, dont sont
dérivées plusieurs rédactions en prose française, et la rédac-
tion en prose latine, aussi née en France*, de VHtsioria septem
Sapientum [Romœ) ; cette dernière, une des plus tard venues
(M. Gaston Paris, p. xxxix, en place la composition vers i33o)y
fut une des plus répandues, et, depuis sa première impression
en 1472, une des plus souvent reproduites en diverses langues*.
Dans cette Histoire des sept sages ^^ le mari « confondu » est
un vieux chevalier qui a épousé une très -jeune fille. Il refuse
de la laisser rentrer après une de ses escapades nocturnes,
et lui crie : a Ô très-mauvaise coquine, tu resteras là jusqu'à
ce que la cloche sonne et que la garde te prenne. » Ceux qui,
la cloche sonnée, étaient trouvés dans la rue, on les arrêtait,
I • Publié par M. H.-A. Keller à Tubingue, en 1 836, diaprés le ma-
nuscrit unique de notre Bibliothèque nationale. Citons- en, d*aprèt
M. Gaston Paris (p. tii, Toyez aussi p. 18), ces deux Ters(aia3et
3ia4)i qui viennent précisément au début de notre histoire :
MaU hom esl fols de bas paraige
Ki femme prent de grant Unuge.
9. C*est ce qu*a établi M. Gaston Paris dans la Préfacé dont il
a fait précéder les deux Rédaetiont du Roman des sept sagts^ pu*
bliées par lui en 1876.
3. M. Gaston Paris a intégralement réimprimé la traduction
française, très-fidèle, qui parut à Génère en 149a.
4« Stcumdi màgisiri exemplum^ aux folios ii-ia de XHUtoria septem
Sapientum ilonur (édition gothique de Deift, i495, in-folio); aux
p. 8a-87 de la traduction de Génère (149s) réimprimée par M. Gas-
ton Paris.
488 GEORGE DANDIN.
et, le jour venu, on les exposait au pilori. « Ce sera» dit
la femme, un grand opprobre pour toi, pour moi et pour
tous nos parents.... Pour Tamour de Dieu, tu m'ouvriras. » Le
trouvant inflexible, elle a recours à la ruse, que nous connaît-
sons, de la grosse pierre jetëe dans le puits ; et quand, par
l'effet de cette ruse, ils ont changé de place, lui à la porte,
elle à la fenêtre : « Maudit vieux, lui dit-elle, comment, à
une telle heure, es-tu là? Ta femme ne te su£Bt-elle pas? Pom>>
quoi, toutes les nuits, vas-tu voir tes coquines et abandonnes-
tu notre lit? » La cloche ayant sonne, le pauvre homme est pris
par la garde, exposé le lendemain au poteau de justice et fustigé.
Chaque narrateur a ses petites variantes; le fond reste le même.
Nous avons cité ces vieux recueils de fables plutdt comme
des objets amusants de comparaison avec la comédie de Mo-
lière, que comme des modèles dont il aurait prc^té. Il est
vrai qu'ils n'étaient pas tous impossibles à connaître an dix-
septième siècle : Y Histoire des sept sages avait été souvent
imprimée, et si les Castoiements ne l'étaient pas, ils n'étaient
pas assez anciens pour qu'il n'y en eût pas encore bien des co-
pies répandues. Le plus probable cependant, comme nous l'a-
vons déjà dit, c'est que Molière ne remonta pas plus haut qœ
ie Décaméron. Que là seulement il faille chercher la source de
sa comédie, on est d'autant plus porté à le croire qu'une nou-
velle de Boccace toute voisine de la nouvelle de Tofano, et qui
est la huitième de la même journée, doit avoir suggéré à notre
auteur Tidée si heureuse, si digne d'un grand comique, demcm-
trer dans George Dandin une victime de Talliance imprudente
de la roture avec la noblesse. Ne serait-ce pas une preuve qu'il
faisait le plan de sa pièce, le Décaméron sous les yeux ? Sans
qu'il eût besoin, dira-t-on, de rencontrer rien de semblable
dans Boccace, il avait dû souvent, observateur si clairvoyant
des mœurs de son temps, noter, parmi les caractères qui at-
tendaient son pinceau, l'homme qui, pour son argent, a voulu,
dans son mariage, tâter de la noblesse. Nous le croyons aussi:
ce qui n'empêche pas la nouvelle italienne d'avoir de trop
grandes ressemblances de détail avec notre comédie, pour que
celle-ci ne lui doive pas quelque chose. En constatant que Mo-
lière a trouvé dans la lecture d'un conte l'occasion de traiter
un tel sujet, dont se serait bien avisé tout seul son génie
NOTICE. 489
mique, on n'ôte rien au mérite de sa peinture satirique si par»
faite. Les Sotenville n'en restent pas moins une de ses excel-
lentes créations, et, par bien des côtés, il en a fait, s'écartant
de Boccace et le surpassant, des personnages de son temps et
de son pays.
Dans la nouvelle du Décaméron qui a fourni à Molière un
second emprunt, ce n'est plusTofano qui est le George Dandin,
c'est un très-riche marchand, nommé Arriguccio Berlinghieri.
« U songea sottement, dit Boccace, à se mettre dans la gen-
tilhommerie par sa femme, ayant épousé une jeune demoiselle
noble, qui n'était point son fait^ » Il est trompé par la dame.
Des ruses de l'infidèle Monna Sismonda nous n'avons rien
à dire ici; on les trouve, avec quelques changements, dans un
des contes delà Fontaine^ ; elles sont toutes différentes de celles
dont Molière a pris l'idée à la quatrième nouvelle de la même
septième journée. Laissons-les donc, pour montrer seulement
ce qui dans l'histoire de Berlinghieri se rapporte à notre co-
rnue. Le marchand mal marié va, quand il s'est assuré de son
malheur, frapper, pendant la nuit, à la porte des parents de
sa femme. La mère et les trois frères de Monna Sismonda se
lèvent. Il ne peut entrer dans l'esprit de la mère qu'élevée
par elle sa fille soit capable de la faute dont son mari l'accuse.
Celle-ci s'est artificieusement préparé des preuves d'innocence.
Toute l'indignation des parents, que, sans peine, elle trompe,
tombe sur Berlinghieri. L'impudente, changeant la défense
en attaque, reproche au malheureux mari de ne pas sortir
des tavernes (p. 359] : « Ne vient-il pas encore de s'enivrer? U
n'a pas achevé de cuver son vin. » Voilà un exemple de la ma-
nière dont Molière imitait; on sait le trait si plaisant des Soten-
ville, criant à leur gendre de ne pas les approcher, parce qu'ils
sentent son haleine empestée de buveur '. Tout comme eux, la
noble famille de Monna Sismonda fait à Berlinghieri le reproche
d'un manque de respect à une épouse de si grande naissance.
Berlinghieri demeure atterré. «Ne sachant plus si ce qui s'était
passé était vrai ou s'il l'avait rêvé, et sans désormais souffler
I. // Deeamerone^ p. 355.
s. Le Yii* de la >• partie.
3. Acte III, scène tu.
490 GEORGE DÀNDIN.
mot, il laissa sa femme en paix ^. » Il y a là, sans contredit,
une esquisse des plus heareux traits de notre comëdie, esquisse
lëgère, qu'achèvent, dans celle-ci, les scènes fortement tracées,
où chaque parole donne tant de relief aux caractères.
Plus mal à propos pour cette nouvelle de Berlinghieri qœ
pour celle de Tofano, on s'est demandé si Molière, au lieu de
s'en inspirer, n'aurait pas fait un emprunt à certain conte du
moyen âge; et l'on a pensé au fabliau de Bértngier*. Il y est
dit, au début, qu'en Lombardie un chevalier avait une époose,
qui était la plus belle dame, la plus courtoise, la plus sage
(par là combien différente de la femme de George Dandin!)
qu'il fût possible de trouver dans le pays. Elle était de haut
parage, son mari était d'une famille de vilains : c'est tout ce
qu'il y a de commun entre le conte, très-grossier d'ailleurs,
et la comédie de Molière. Rien, dans le fabliau, ne ressemble
à une leçon pour la roture vaniteuse qui veut se mêler à l'or-
gueilleuse noblesse. Le mari n'est trompé que lorsqu'il a montré
sa lâcheté ; cette lâcheté seule est punie et non la sottise qu'il
a ûiite de sortir de sa sphère. On n'a voulu inspirer là de sym-
pathie que pour la grande dame, à qui sa vengeance, il est
vrai, ne fait pas beaucoup d'honneur; mais le vieux conteur
n'en paraît pas scandalisé. Quand même on ne tiendrait pas
compte des ordures du fabliau, la pièce de Molière, â peu
comparable de tout point, resterait encore plus morale.
L'est-elle tout à fait? et, pour la rendre édifiante, la sagesse
de la leçon su£Bt-elIe ? Trop de plaintes se sont élevées contre
ses hardiesses pour que nous évitions de dire ce qu'il en ùluI
penser. On doit sans doute, dans le jugement des œuvres de
théâtre, renoncer à un rigorisme qui finirait, comme clies
Rousseau, par les condamner à peu près toutes. Nous sommes
d'ailleurs ici chez Molière, et nous n'avons pas dû y entrer
une férule à la main. L'indulgence néanmoins, pour ce qui sur
la scène inquiète la morale, a ses limites, ne voulût-on mènoie
se [^acer qu'au point de vue de l'art.
Dès le dix-septième siècle, dans une des chaires les plus
éloquentes et qui eut alors le plus d'autorité, des paroles d'une
I. // Deeamerone^ p. 36o.
9. Utakêlt^Fahiiauxet contes^ de Mëon (i 808), tome IV , p. 187-29$.
NOTICE. 491
grande sëvërité ont M prononcées contre notre comëdie; car
c'est bien elle qne désigne une incontestable allusion. Le i^
mars 1682, en présence du Roi qne George Dandin avait sou->
▼ent fait bien rire, Bonrdaloue, dans le sermon sur VImpi&-
reté^ disait^ : a Le comble du désordre, c'est que les devoirs,
je dis les devoirs les plus généraux et les plus inviolables chez
les païens mêmes, soient maintenant des sujets de risée. Un
mari sensible au déshonneur de sa maison est le personnage
qne Ton joue sur le théâtre, une femme adroite à le tromper
est Thérolne que Ton y produit; des spectacles où l'impudence
lève le masque et qui corrompent plus de coeurs que jamais
les prédicateurs de l'Évangile n'en convertiront, sont ceux
auxquels on applaudit. » Ce sont des foudres de cette violence
qui faisaient dire à Mme de Sévigné, avec l'intention d'en ad-
mirer le courage : « Bourdaloue.... frappe toujours comme un
sourd'; » mais les plus respectueux de la grave parole du
prédicateur reconnaîtront que la mesure est dépassée dans
l'accusation d'avoir produit comme l'héroïne de la pièce la
femme dont l'auteur a pris soin de charger le portrait de si
noires couleurs.
Lorsque Riccoboni écrivit son livre de la Réformation du
théâtre^, il divisa, comme on sait, les comédies de Molière en
comédies à conserver^ comédies à corriger^ comédies à rejeter.
Ce George Dandin dont il avait, dans un ouvrage précédent,
admiré les couleurs vives et fortes^, il ne l'admit même
pas à correction, il le rejeta, a La simple lecture de cette
pièce, dit-iM, fait sentir qu'elle ne peut être admise sur un
théâtre où les mœurs sont respectées.... Ce n'est pas.... que
Molière n'y ait mis d'excellentes choses pour corriger la vanité
d'un bourgeois qui veut s'élever au-dessus de sa condition par
une alliance disproportionnée; mais les bounes mœurs ont,
sans comparaison, beaucoup plus à perdre qu'à gagner dans
I. Œuvres de Bourdaloue (édition de Vertaillet, i8is), tome III,
p. 86.
1. Lettres de Mme de Sévigné^ sg mars 1680, tome VI, p. 333.
3. I Tolume in-i«, kdcgxliii (s. 1.).
4. Observations sur la coméMe et sur le génie de Molière (i736),
p. 131.
5. De la Réformation du théâtre^ p. 3i7 et 3i8.
49» GEORGE DANDIN.
la comëdie de George Dandin^ dont Molière a pnisë le snjel
dans une nouvelle de Boccace..*. Si Boccaceten ce cas, mérite
d'être blâmëy Molière n'en est pas plus excusable d'avoir tiré
de cet auteur italien le sujet d'une comédie si scandaleuse. »
À ces réclamations des vengeurs de la morale, l'éloquent
auteur de là. Lettre à d^Alemhert ne pouvait guère manquer de
joindre la sienne, qui vint quinze ans après celle de Rîcco-
boni^ « Quel est le plus criminel, dit Rousseau, d'un paysan
assez fou pour épouser une demoiselle, ou d'une femme qui
cherche à déshonorer son époux? Que penser d'une pièce oô
le parterre applaudit à l'infidélité, au mensonge, à l'impudence
de celle-ci et rit de la bêtise du manant puni ?» La réponse
de d'Alembert au citoyen de Genève appuie très-peu sur
l'apologie de notre pièce, dont elle se contente de dire* :
a Qu'apprenons-nous dans George Dandin? Que le dérègle-
ment des femmes est la suite ordinaire des mariages mal assor-
tis où la vanité a présidé. » Marmontel est moins laconique :
« Que penser de cette pièce? dit-il*. Que c'est le plus terrible
coup de fouet qu'on ait jamais donné à la vanité des mésal-
liances.... De quoi s'agit-il... ? De faire sentir les conséquences
de la sottise de ce villageois. Molière a donc peint ses person-
nages d'après nature. Mais en exposant à nos yeux le vice,
l'a-t-il rendu intéressant? a-t-il donné un coup de pinceau
pour radoucir et le colorer, lui qui savoit si bien nuancer les
caractères? a-t-il seulement pris soin de rendre cette coquette
séduisante et son complice intéressant ? Rien n'étoit plus fa-
cile sans doute; mais s'il eût afibibli le mépris qu'il devoît ré-
pandre sur le vice, il se fût contredit lui-même : il eût oublié
son dessein. C'est donc pour rendre sa pièce morale qu'il a
peint de mauvaises mœurs; et ceux qui lui en ont fait un
reproche ont confondu la décence avec le fond des mœurs
théâtrales. La bienséance est violée dans la comédie de George
Dandin^ comme dans la tragédie de Théodore^; mais ni l'une
ni l'autre pièce n'est une leçon de mauvaises mœurs. »
I. La lettre de /. /. Rousseau^ citoyen de Genèft, à M, J^Al
hert^ est de 1758 : Toyez p. 5a de rëdition originale (Amsterdam).
a. Tome II des Mélanges (1759), p. 43^0.
3. Voyez le Mercure de France de décembre 1758, p. 106 et 107.
4. Théodore^ tragédie chrédeime de P. Corneille (1645).
NOTICE. i^i
De ces plaidoyers pour oa contre, où, dans les deux sens,
tout a ét^ dit, au ramna indiqué, la vérité peut 6tre dégagée.
Il est certain que la pièce donne une leçon utile, certain aussi
que Molière n'y a pas rendu le vice séduisant, mail odieux.
Faire autrement ne lui aurait pas été aussi facile que Mar-
montel le dit, dès que, pour montrer la sotte vanité punie, il
avait choisi l'anecdote du vieux conte. Elle ne tenait pas essen-
tiellement au vrai sujet delà comédie; le choix en a donc été
librement fait, et il j a à en savoir gré à Molière, puisqu'elle
fait de la femme coupable la plus méchante femme qui se puisse
voir; mais il y a aussi à le lui reprocher, puisqu'elle met sous
les yeux un spectacle qui répugne. Marmontel ne défend que
l'intention morale de George Dandin, et passe, avec raison,
condamnation sur la décence; mais il a oublié qu'il n'est pas
sans danger de peindre trop hardiment de mauvaises moeurs
pour tirer de cette peinture une bonne moralité. Si l'on excepta
..tfm/iA/fr/on, dont le sujet, très-scabreux aussi, n'a pas été autant
reproché à son auteur, parce que l'invraisemblance et le loin-
tain du monde mythologique dissimulent et couvrent beaucoup
ce qu'il a de choquant, et parce que le mal n'y est volontaire
que du cfité des privilégiés de l'Olympe, George DanHin est la
seule comédie oii Molière ait mis l'adultère sur la scène, avec
l'unique précaution de nous laisser libres de ne l'y croire qu'en
projet. Le théâtre de nos jours a fait, de ce cdté, quelques
progrès ; et ce n'est point on avantage pour lui de ne pou-
voir invoquer l'excuse que Molière, àl'exemple de la Fontaine,
aurait pu trouver dans la gaieté de contes bleus. Toute demi-
excuse acceptée, et si peu disposé que l'on soit à la pruderie,
il faut convenir qu'il y a quelque chose de blessant dans l'ef-
fronterie d'Angélique, et qu'une leqon de morale, assurément
bonne, est loin cependant, comme les apologistes eux-mêmes ne
le cachent pns, d'y Sire donnée décemment.
Si nous avons touché à une question que bien des personnes
voudraient réserver aux moralistes de profession et souffrent
impatiemment de voir mËlée à la critique littéri
tions que nous avons faites montrent que, dans l'I
pièce, elle était inévitable. Voltaire ne s'est pas
.d'en dire quelques mots. Tout en opposant aux i
spectateurs la remarque, déjà faite avant lui, du vi
494 6B0RGB DANDIN.
de Molière, qui n'a représenta le désordre qneoonune une poni-
tion de la sottise, il nous apprend qu' « on se souleva un pen
contre le sujet même de la pièce, » et que « quelques per-
sonnes se révoltèrent'. » Il faut bien qu'il ait été témoin de œ
mouvement de réprobation. Nos propres souvenirs (ik sont
assez anciens) se trouvent d'accord ; et si Rousseau, dont l'aa*
sertion peut bien n'être qu'un artifice de sa rhétorique, a vu
de son temps le parterre applaudir à l'impudence de la femme
infidèle, nous avons un jour vu certainement le contraire. On
nous dit que le momeat où, malgré son respect pour Molière,
le public montre quelque mécontentement, est celui où Geoi^
Dandin, à genoux et chandelle en main, est forcé par les So-
tenville de faire amende honorable, et que cette humiliation du
pauvre roturier nous contriste dans nos sentiments d'égalité.
Il y a de cela peut-être, bien que c'eût été plutôt, ce sem-
ble, à la gentilhommerie de se plaindre de l'intention de la
scène. Quoi qu'il en soit, nous croyons bien avoir remarqué
aussi que la fausseté sans vergogne de la femme de George
Dandin paraît quelque chose de trop fort. Comme la Jaloiuie
du Barbouillé^ où, sans parler d'une crudité de langage que
Molière s'est bien gardé de reproduire dans George Dandim^
la même histoire est mise en scène, avait probablement passé
sans difficulté, Molière a pu croire qu'en reprenant cette farce
il ne scandaliserait non plus personne; mais, sur le thëitre
français, relevé par tant de ses nobles chefs-d'œuvre, on n'en
était plus aux scénarios licencieux des Italiens.
Rien ne nous apprend toutefois que, dans les premiers temps
de la pièce, les délicatesses du public aient été déjà aossi
grandes qu'un peu plus tard, et qu'il ait protesté contre h
hardiesse d'une peinture si peu adoucie.
a Le George Dandin^ dit Grimarest, fut.... bien reça à la
cour, au mois de juillet 1668, et à Paris, au mois de novembre
suivant*. » En cette même année 1668, on le joua de nou-
veau à la cour dans les fêtes de saint Hubert, données â
Saint-Germain. Il y fut représenté le 3 novembre et deux
fois encore les jours suivants (du 4 ^u 6), avec des en-
I . Voyez ci-après le Sommaire de Voltaire, p. $04.
9. La yie de M, de Molière (170$), p. 195.
NOTICE. 495
irée» de ballet et la nranqae de Lnlli^ Robiiiet en a parle * :
Le ballet, bal et comédie,
Avecque grande mélodie,
Ont été de la fête aussi....
.... LVn dit que Molière^
Paroissant dans cette carrière
A^ecque ses charmants acteurs,
Ravit ses royaux spectateurs,
Et sans épargne les fit rire,
Jusques à notre grave Sire,
Dans son Paysan mal marié,
Qu^à Versaille il avoit joué.
Ce fut seulement quelques jours après ces nouvelles repré-
sentations devant le Roi que la pièce parut au Palais-Royal, le
vendredi 9 novembre 1668, pour la première fois. On donna
le même jour la Critique d* Andromaqae^ . Il y avait déjà deux
mois que V Avare avait été représenté sur le même théâtre : ce
qui explique pourquoi quelques éditeurs ont placé, mais à tort,
cette dernière comédie avant George Dandin.
Le nombre des représentations de George Dandin^ dans les
premiers temps et jusqu'en 1673, tel que le constate le Registre
de la Grange^, confirme-t-il ce que dit Grimarest de l'accueil
I. Gazette du 10 novembre 1668, p. ii8a.
a. Lettre en vers à Maéjtame^ du 10 novembre 1668. — Le Registre
de la Grange est d'accord avec Robinet et avec la Gazette .- « Le
vendredi a novembre, la Troupe est allée à Saint-Germain, où la
Troupe a joué le Mari confondu^ autrement le George Dandin^ trois
fois, et une fois P Avare, Le retour a été le y* dudit mois. Reçu du
Roi, 3ooo 1. D
3. La Folle querelle ou la Critique tTAndromaqtte (par Sublignj),
que Ton jouait au Palais-Royal depuis le a 5 mai 1668. — A ce
moment- là, Molière et Racine étaient quelque peu en guerre, et ce
ne fut sans doute que par un singulier hasard qu'ils se trouvèrent
,d^accord pour donner le nom de Dandin à leur principal person-
nage, dans les deux pièces du Mari confondu et des Plaideurs, re-
présentées pour la première fois, à la ville du moins, presque simul-
tanément. Voyez les Œuvres de Racine ^ tome II, p. 117.
4. Ce Registre désigne le plus ordinairement la pièce par son
sous-titre : le Mari confondu.
4^ GEORGB DANDIN.
qui (ut fait à la pièce? Un tel chiffre paraîtrait faible aijoiir-
d'hui; alors, pour une petite comédie, il ne laissait pas de
doute sur le succès. On joua George Dcuidin dix fois au Palus-
Royal, dans les deux derniers mois de 1668, treize fois en 1669,
dix en 1670, trois en 1671, trois en 1671. Ce fut tout du yî-
vaut de Molière, qui donna donc à la cour quatre représeo-
tations de cette comédie, à la ville trente-neuf. Depuis, le succès
étant loin de diminuer, il y en eut, au temps de Louis XIV,
quinze à la cour, trois cent quinze à la ville ; et sous Louis XY,
six à la cour, deux cent soixante-dix-sept à la ville*.
Dans la citation que nous avons faite ' de la Lettre en vers
à Madame du ai juillet 1668, nous avons réservé, pour les
donner ici, les vers suivants où Robinet parle de la manière
dont George Dandin fut joué pour la première fois ; après on
éloge général des acteurs, baladins et chanteurs, il ajoute :
Mais entre tous ces grands zélés
Qui se sont si bien signalés,
Remarquable est la Toritière^
Qui, près de tomber dans la bière.
Ayant été, durant le cours
Tout au plus d*environ huit jours,
Saigné dix fois pour une fièvre,...
Quitta son grabat prestement.
Et voulut héroïquement
Du gros Lubin faire le rôle,
Qui sans doute étoit le plus drôle.
La Thorillière, dans le personnage de Lubin, est donc k
seul qu'ici Robinet nomme parmi les acteurs, louant tous les
autres indistinctement. S'il a fait allusion aussi au rôle joué
par Molière, c'est dans l'autre lettre que nous avons également
citée*, dans celle du 10 novembre 1668, écrite après les re-
présentations de Saint-Germain. Lorsqu'il y dit que Molière
fit beaucoup rire le Roi
I. Voyez, au tome I, le Tableau des représentations de M^urr^
p. 548 et 557.
a. Voyez ci-dessus, p. 477 ®* 478 • *
3. Voyez à la page précédente.
NOTICE. 497
Dant ton Paysan mal marie,
Qu*à Versailîe il aTait joué,
le sens qui s'offre assez naturellement est que le Paysan mal
marié était représenté par Tauteur de la comédie. M. Bazin
a dit^ : « Il avait écrit la pièce et il y jouait le premier rôle. »
Nous ignorons s'il parle seulement d'après le témoignage de Ro-
binet, interprété comme il paraît devoir Tètre ; les témoignages
d'ailleurs sont à peine nécessaires, tant il semble que la cbose
aille de soi. Nous verrons tout à Theure que Rosimont, héri-
tier des rôles de notre auteur, joua celui de George Dandin.
Le costume de Molière dans la pièce est ainsi décrit par l'in-
ventaire de 1673* : «c Une boîte dans laquelle sont les habits
de la représentation de George Dandin^ consistant en haut-de-
chausses et manteau de taffetas musc, le col de même ; le tout
garni de dentelle et boutons d'argent, la ceinture pareille;
le petit pourpoint de satin cramoisi ; autre pourpoint de des-
sus, de brocart de différentes couleurs et dentelles d'argent ;
la fraise et souliers. » Voilà un paysan bien galamment équipe I
Mais nous avons déjà eu occasion de dire que ces habits de
théâtre étaient souvent, et surtout dans les fêtes de la cour,
plus brillants qu'il ne nous semble naturel. Et puis, ne nous y
trompons pas, ce nom de paysan désigne ici une manière de
bourgeois campagnard dont Marmontel a eu tort de faire on
villageois*. George Dandin n'en a pas le langage. Il était,
comme il nous l'apprend lui-même, un paysan très-riche.
Depuis son mariage surtout, M. de la Dandinière^ devait
se croire obligé à une assez grande braverie d'ajustement.
Peut-être, si nous connaissions mieux les modes du temps,
trouverions-nous que le costume de Molière était, avec in-
tention, d'une richesse de mauvais aloi, qui sentait le traves-
tissement prétentieux du vilain, et qu'il n'aurait pu être porté
par Qitandre.
I. Notes historiques sur la vie de Molière^ p. i53 de la a'* édition
(in^ia).
s. Âecfterches sur Molière^ par Eud. Soulié, p. 976.
3. Voyez ci-dessus, p. 49^.
4* Voyez acte I, scène i^, ci-après, p. $19.
HOLIBM. ▼! 3 s
1
496 GEORGE DANDIN.
Aimë-Martin n'a pas cru savoir seulement par qui ëudent
joues, à la création, les personnages de George Dandin et de
Lnbin : il donne une distribution complète des rôles , celui
de Colin excepté. D'après cette distribution, Mlle Molière re-
présentait Angélique^ du Croisj, M, de Sotenville^ Hubert,
Mme de Sotenville^ la Grange, Clitandre^ Mlle de Brie, Ciau-
dine. L'attribution du rôle d'Angélique à Mlle Molière sera,
entre toutes ces suppositions, la moins contestée ; nous ne vou-
drions pas cependant que l'on s'appuyât sur les raisons qui
l'ont fait tenir pour certaine. « George Dandin^ dit M. Jules
Loiseleur',... dut être écrit dans une de ces périodes de
brouille où les deux époux passaient de la paix armée aux hos-
tilités. Armande remplissait dans cette comédie le rôle d'An-
gélique, c'est-à-dire celui d'une femme mariée qui manque à
ses devoirs, et c'est le seul de cette nature qu'il y ait dans
tout le théâtre de Molière. »
Nous nous défions de ces découvertes trop ingénieuses
d'allusions que, dans ses comédies, Molière aurait faites à sa
vie conjugale. On a vu, dans la Notice du Sicilitn*^ que ce fut
Mlle de Brie et non Mlle Molière qui joua le rôle d'Isidore ; et
cependant ne dirait-on pas, dans la scène vi', que dom Pèdre
parle quelquefois comme aurait pu le faire Molière lui-même,
Isidore comme sa femme? 11 faut ou renoncer à découvrir là
(dès lors pourquoi n'y pas renoncer ailleurs?) une de ces
applications préméditées que l'on suppose, ou remarquer que
Molière n'a pas toujours cherché à rendre les allusions plus
claires en donnant à Armande les rôles où il faisait son por-
trait et peignait les tourments jaloux qu'elle lui causait. Disons
aussi que lorsqu'on a cru, dans le Misanthrope^ reconnaître
son intention d'être lui-même Alceste, désespéré par la co-
quetterie de Célimène, qui serait Mlle Molière, cela du moîns
ne choque pas; mais quelle satisfaction aurait-il trouvée, dans
George Dandin^ à se représenter sous les traits ridicules de
I. Les Points obscurs de la vie de Molière^ p. 3i5. — « Voyez aussi
ce qui e»t dit dans le même sens, ibidem^ p. 397.
s. Ci-dessus, p. aiS.
3. Pages i45-a5o : royez la fin de la scène.
NOTICE. 4j5
ce mari trompe et à montrer Iflle Molière si digne des vilains
noms qu'il n' épargne pas à Angélique ?
Ce serait plutôt dans la liste suivante des acteurs qui jouè-
rent George Drmdin en i685* que Ton trouverait la confir-
mation de plusieurs des conjectures d'Aimë-Martin sur la
première distribution des rôles, notamment sur le personnage
que fit Mlle Molière :
CLrrASDHB La Grange.
GaoaoB Dahdiv Rosimont.
M. DE SOTKNYILLB Hubeit.
M"* DE SoTmvuxB Beau val ou Mlle la Grange.
LuBiH • Du Croisj.
CoLiv Brécourt.
OAMOUIUJU.
AiroKLiQUB Guerin.
Claudinb De Brie.
Laissons donc à Mlle Molière la création du rôle d'Angé-
lique, mais sans croire que Molière le lui ait donné pour pren-
dre le public à témoin des chagrins qu'elle lui causait : au-
tant eût valu s'attacher lui-même, pour courir les rues, le bât
légendaire que connaissent les lecteurs de la Fontaine.
Nous ne savons si Michelet, quand il a dit* d'une comédie
si plaisante : a George Dandin est douloureux, » a pensé, avec
beaucoup d'autres, que Molière y a exhalé le gémissement
de ses douleurs domestiques, ou si plutôt il s'est imaginé y
entendre la plainte de l'homme de modeste condition se sou-
venant d'insolents marquis qui auraient cherché à l'humilier.
De toute fiiçon, ce George Dandin presque tragique n'entre pas
dans notre esprit. Aujourd'hui c'est une mode, pourquoi ne
dirions-nous pas une manie? de chercher dans la plupart des
comédies de Molière nous ne savons quelle tragédie cachée,
qui pleure sous le masque de la gaieté et gémit parmi les éclats
de rire. Le génie de Molière cependant n'étatt-il pas franche-
ment plaisant? La nouvelle manière de le comprendre pourrait
I. Répertoire des comédies françaises qui se peuvent jouer en i685.
3. Histoire de France^ tome XIII (1860), p. i36.
Soo GEORGE DANDIN.
pauer pour une preuve que c'est nouft-mêmes qui ne savons
plus être gais.
L'interpre'tation des comëdiens cesserait, nous le croyons,
d'être vraie, s'ils se laissaient gagner à cette bizarre idée d'un
Molière mélancolique jusque dans ses farces. George Dandin,
par exemple, si fâcheuse que soit sa mésaventure, doit rester
comiquement ridicule, même quand il gémit sur sa maison
qui lui est devenue efiProyable, et s'apostrophe si durement
comme un sot qui l'a « bien voulu; » même encore lorsque
son dernier mot est que le mari d'une si méchante femme n'a
plus rien de mieux à faire que de s'aller jeter à l'eau, la tête
la première.
Nous ne pouvons bien savoir comment Lesage de Monl-
ménil le représentait, et s'il se tenait dans la tradition que
nous ne pouvons guère douter avoir été celle de Molière. Ce
qui ferait croire à quelque erreur de sa part, c'est ce passage
de Cailhava : « Monmeni rendoit, dit-on, ce personnage in-
téressant ; tant pis : il ne pouvoit y réussir qu'en blessant la
vérité du rôle^ » Applicable ou non à Montménil, l'avertis-
sement sur le sens du rôle est juste. Il ne faut pas que George
Dandin se fasse assez prendre au sérieux pour exciter la com-
passion, au lieu du rire.
Le même Cailhava, peut-être avec une intention de reproche
pour quelque comédienne de son temps, recommande à Angé-
lique une grande décence^, afin qu'elle prouve au spectateur
la sincérité de ce qu'elle dit à son mari : « Rendez grâces au
Ciel de ce que je ne suis pas capable de quelque chose de
pis*. » Nous trouvons cette fois la remarque plus contestable.
Mplière, pour sauver la morale, a-t-il pu vouloir que le spec-
tateur fût dupe d'une hypocrisie trop claire? Ce qui est vrai
seulement, c'est que dans l'efiPronterie de ce rôle très^lifficile
il y a une mesure à garder, et que dépasser la hardiesse déjà
grande de Molière serait de mauvais goût. Une interprète
intelligente de la pièce, bien étudiée, trouvera toujours la limite
que Molière n'a pas eu l'intention de laisser franchir.
I. Étiêdes sur Molière^ p. a3i,
9. Ibidem,
3. Acte II, scène n, ci-après, p. 55o.
NOTICE. Soi
George Demain n'est pas une de ces comëdies où nous ayons
eu à recueillir des souvenirs très-particuliers du jeu des acteurs
dans les diffi^rents rôles. De notre temps, la pièce a toujours
été bien jou^e dans son ensemble sur le Thëâtre-Français,
comme il est probable qu'elle l'avait élé à toutes les époques.
Dans les deux représentations de 1877 (6 et 8 mars), qui,
au moment où nous écrivons, sont les plus récentes, voici
quelle a été la distribution des rôles :
Gborgb Daud» MM. Got.
LvBiv Coquelin aîné.
M. DE SOTENYILLE VllUîn.
Clitavd&b Prud'bon.
CoLiir Coquelin cadet.
M"** DE SOTBK VILLE M>n«B JouaSSaîll.
Ahgélique Lloyd.
Claudutb Dinab Félix.
En 1866, M. Talbot avait représenté George Dandin, M. ilf/-
recour^ Sotenville, M. Garraud^ Clitandre, M. Séveste^ Colin,
Mlle Ponsin^ Angélique. Les trois autres rôles avaient été
remplis par les mêmes acteurs qui les ont joués en 1877.
Une imitation de George Dandin a été représentée sur la
scène anglaise au commencement du siècle dernier, et, sou*
tenue sans doute par ce qu'elle avait très-imparfaitement dé-
robé au génie de Molière, était encore jouée à la fin du même
siècle, comme nous l'apprend Charles Dibdin^ L'auteur de
cette imitation est le comédien Thomas Betterton, mort en
17 10. Une petite note* d'un prologue de la pièce, écrit par
Charles Wilson, dit que « cette comédie est une traduction
améliorée {an improved translation) de George Dandin, » La
contre-vérité est im peu forte. La pièce de Betterton est inti-
tulée : la Veuve amoureuse ou V Épouse libertine^ \ il eût été
plus juste de dire : et V Épouse libertine. Le sujet de la pièce
I. Histoire du théâtre^ tome IV, p. 36a.
1. Nous Tavons lue dans une impression de 1787 (Londres), la
feule que nous ajrons vue. La première impression est de 1706.
3. Tlie Amorous mdow or tke îVanton mfe.
5aa GEORGE DANDIN.
est double. Les aventures d'une vieille venve ammureose, la
très-ridicule lady Laycock, sont à peine liëes à celles de l'Angé-
lique anglaise, mistress Brittle, femme du marchand verrier
Bamaby Brittle. La comëdie parasite, entëe avec tant d'a-
dresse sur celle de Molière, comme pour en nourrir la trop
pauvre sëve, est d'un comique douteux, où la caricature prend
la place de la peinture vraie de la vie. Cest seulement au
conmiencement du III* acte que nous trouvons le sujet em-
prunte à George Dandin, Interrompu à la fin de cet acte
par des scènes où l'autre sujet est repris, il a sa suite dans la
première partie de l'acte IV, et est gâté au dénouement par la
réconciliation imprévue du pauvre mari avec la pécheresse
revenue de ses erreurs. Dans ce qu'il a dré de notre comédie,
Betterton s'est à peu près contenté de changer les noms, de
donner ceux de sir Peter Pride et de lady Pride à M. et à
Mme de Sotenville, de Clodpole et de Damans à Lubin et à
Claudine. Là il aurait été vraiment traducteur, plutôt qu'imi-
tateur, si, tandis qu'il n'ajoutait rien à son modèle, il ne lui
avait fait beaucoup perdre, effaçant bien des traits parmi les
meilleurs, les plus frappants, comme s'il ne les avait pas sentis.
Un opéra -comique en deux actes, tiré du George Dandin
de Molière, par M. C!oveliers, et dont la musique est de
M. E. Mathieu, a été joué à Bruxelles, sur le théâtre de la
Monnaie, au mois de janvier 1879. Auparavant M. Eugène
Sauzay avait mis en musique, après Lully, les intermèdes de
George Dandin; il en a fait exécuter des fragments à Paris,
en 1S74*.
La Eevue et Gazette musicale du 17 octobre 1875 annonce,
en outre, que M. Charles Gounod a composé un opéra de
George Dandin^ et elle en publie une préface où l'illustre maftre
nous apprend que sa musique est adaptée à la prose même
de Molière, et non à un livret en vers. Mais nous tenons de
bonne source que cette tentative d'innovation n*est pas achevée,
et qu'il est même à craindre qu'elle ne le soit jamais.
L'édition originale de George Dandin porte la date de 1669;
I. Voyez, dans le Journal des Débats^ le feuilleton de M. E.
Reyer du si avril 1874*
c'est un in-ia de a feaillets liminaires et iSj pafes (la der-
■iire est ehifiWe, par erreur, i55). En Toid le titre :
GEORGE
DANDIN,
MARY CONFONDV.
Par I. B. P. M MoLBU.
Cbei U** RiMOv, m Pila»,
TÙ-à-Ti* la Porte de rKglife de
la Sainte Chapelle, i l'Image
Saint LoUi».
Auee Priuiltgt du Koj.
Lea exemplaires que nous avons vus de cette édition n'ont
pas d'Achevé d'imprimer \ le Privilège, daté du dernier jour
de septembre i66S, est donnd pour sept aDDées à Mulière,qai
dÀ:lare avoir cède son droit s à Jeaa Hibou, marchand li-
braire à Paris. 9
Une contrefaçon de a fenillets et 91 pages a i\é imprimée
CD 166g, sans nom de lieu ni de libraire'.
George Diutdin a été souvent traduit. Parmi les versions ou
imitations séparées, nous en citerons deux en italien (1708,
i856); une en anglais, ou plutAt une trèvmédiocre imitation
dont nous venons de parler, de Betterton* (1706], réimprimée
plusieurs fois, sans nom d'auteur; une en néerlandais [1686);
deux en allemand (1670, 1744] ; ime en suédois (1787); une en
russe (1775 : dès le règne de Pierre le Grand, il est parl^
d'une version russe que ce prince fit représenter devant lui] j
quatre en polonais (1779, 1780, 1819, i834)i àtax en grec
moderne (1817, i854); ime en hongrois (186I'); une en
turc [1869), publiée sans nom d'auteur, mais qu'on sait être
. BlUiographit moliiresque, f, 18,
I. Voyn ci-de**us, p. Soi et Soj.
. Vojes le MoUiruit, i" SDnée, p.
5o4 GEORGE DANDIN.
d'un ancien ministre de la Porte, Ahmed Vefik : voyez ce que
M. Bftrbier de Meynard dit de cette imitation, dans un article
de la Revue critique dhistoire et de littérature (tome XV,
1874, p. 73 et suivantes), reproduit par la Bibliographie
liéresquey p. ao6 et 107.
SOMMAIRE
DE GEORGE DANDIN OU LE MARI CONFONDU
PAR VOLTAIRE.
On ne connaît et on ne joue cette pièce que tous le nom de
(George DanMn; et, au contraire, le Cocu imaginaire^ qu'on arait
intitulé et affiché Sganarelle^ n*est connu que sous le nom du Cocu
imaginaires^ peut-être parce que ce dernier titre est plus plaisant qne
celui du Mari confondu, George Dandin réussit pleinement ; mais si
on ne reprocha rien a la conduite ' et au style, on se souleva un
peu contre le sujet même de la pièce ; quelques personnes se révol-
tèrent ' contre une comédie dans laquelle une femme mariée donne
un rendez-Tous à son amant. Elles* pouvaient considérer qne la
coquetterie de cette femme n^est que la punition de la sottise que
fait George Dandin dVpouser la fille d'un gentilhomme ridicule'.
f. Ce sous-titre «Tait préralu dès le eommenoemait.
a. A M conduite. {Édition de 1739.)
3. Od se révolta. (Ibidem.)
4. Cette dernière jibrase a été ajoutée en 1764.
5. Noua croyons que ridicule est de trop et ne laiste pas tonte sa force à
la leçon que donne cette comédie, même si l'on sappoie que Voltaire a pr^
à l'épitbète plus de sens qu*elle n*en peut sToir sans explication : « d*an gen-
tilhomme, et, ce qui empirait fort cette, alliance inégale, d^nn gentilhomme li
sottement ridicule, qui avait si mal élevé sa fille, qui si ridiculement te laissait
tromper par elle, lui croyait tont permis envers on manant; on encore, d*nB
gentilhomme pour rire, d*un gentilhomme qui Pétait si pco, et dont pourtant
George Dandin avait, dans sa vanité, préféré la toute mince qoalité à la
meilleure paysannerie, etc. »
ACTEURS.
GEORGE DANDIN, riche paysan, mari d'Angélique ^
ANGÉLIQUE, femme de George Dandin et fille de M. de
Sotenville *•
I. Dandin, quelle qu'en soit la signification étymologique*, est
dans Rabelais un nom de bonne et franche paysannerie ; Thistoire
de Perrin Dendin, père de Ténot Dendin, remplit tout le xli* cha-
pitre du tiers lirre du Pantagruel; il s*agit là, on se le rappelle,
d*nn campagnard du Poitou, a bon laboureur, * a homme de
crédit, » < homme de bien » surtout, que tous veulent avoir pour
arbitre, et qui s'emploie à appointer les procès, c*est-à-dire à ar-
ranger amiablement les différends des gens du pays. Rabelais n*a-
▼ait-il pas trouvé bon à prendre un nom connu, sans avoir eu à le
forger? Molière avait pu le rencontrer, précédé du prénom même
qu*il a donné à son mal marié, car Monteil nous apprend ^ qu'il
était alors même porté à Paris : un George Dandin, sellier, figure
dans certain compte dressé en i66a par le trésorier du duc Maza-
riny. Supposons la coïncidence fortuite, mais elle est curieuse. —
Précisément au temps des premières représentations à la ville du
Mari confondu^ Racine reprenait le nom de Perrin Dandin pour le
donner au Juge de ses Plaideurs (voyez ci-dessus à la Notice, p. 495,
note 3); et, dix ou onze ans plus tard, dans sa fable de P Huître et
Us Plaideurs ', la Fontaine, bien plus en souvenir du personnage
de Racine que de Fheureux appointeur de procès, fit de Perrin
Dandin une personnification, la désignation même de Thomme de
justice. — Ce rôle principal fut joué par Molière : voyez à la No-
tice, p. 497, le costume qu'il y portait.
a. Molière donna ce rôle à sa femme. Pour les autres rôles, sauf
dimer^
btyi
lète Chaslet y voit un •obriqaet populaire « qui représeato Tineptie, l'irréto-
Intion et eonme le dancUnement de la peoaée. Les Anglais, ajoute-t*il, se sont
emparés de oe mot de Taneienne langue firançaise pour rappliquer au Cit,
dandj, » — A Tarticle Psaan^ Danoir, M. Littré donne ces noms comme des
diminutifs de Pierre Andrt.
* Au tome II, p. ia8 de son Traité de matériaux manuscrits d^ difwrs
genres d'histoire,' le passage est rapporté dans V Histoire,.,, de Molière^ par
Taseherean, 3* édition, p. a54, note 0.
• La zx* du IX« U?i«.
5o6 ACTEURS.
M. DB SOTKNVILLBy gentUbomme campagnards pire «T An-
gélique.
M"* DE SOTENVILLE, sa femme*.
CLITANDRE, amoureux d'Aogëlique*.
CLAUDINE, suivante d'Angélique.
LUBIN, paysan, servant Clitandre.
COUN, valet de George Dandin.
La scène est devant la maison de George Dandin*.
celui de Lubîn créé par la Tborillière, on ne connaît pas avec ccr-
titnde la première distribution. Vojex la Noiic9y p. 49^» P* 49^
et 499.
I. Une virgule sépare les mots geniilhomme et campagnard dan
Toriginal. Cette coupe peut à la rigueur se comprendre ; il noes
parait pourtant probable que c*est une £iute d*impressioD, et aooi
la supprimons à Texemple des éditions de 1674, 76 A, 8a, 84 A,
94 B, 1734.
a. M"* DB SOTBHTILLB. (l734*)
3. CLiTAimax, amant d* Angélique. {Ibidem,)
4. Devant la maison de George Dandin, à la campagne, (ihidem.)
GEORGE DANDIN
ou
LE MARI CONFONDU.
COMÉDIE*.
ACTE I.
SCENE PREMIERE.
GEORGE DANDIN.
Ah! qa*une femme Demoiselle' est une étrange af-
feire, et que mon mariage est une leçon bien pariante à
tous les paysans qui veulent s*élever au-dessus de leur
condition, çt s*allier, comme j'ai fait, à la maison d*un
gentilhomme ! La noblesse de soi est bonne, c'est une
I. Lm andennet éditions omettent ici presque tontes le mot coMBon.
9. DtmoUelle^ c'est-è-dire noble de naisMnee. On a tu aus PrècUusêt ri'
éiemies^ tome H, p. 74, note, quelle était dans Tusage la signification du titre
de Madame et de MademoiselU, Quant à la qualification de demoUelle attri-
buée à nne fille on à une femme, un voit, par l'emploi même qui en est pins
d'nae Cois fait dans la pièce, qu*elle équiralait à celle de gentilhomme attri-
buée k an homme. Racontant dans sa Mmêe kietoriqae du a5 octobre i6Sg le
snppKce d*ane roleuse qui venait d'être pendue avec son mari, Loret donne ee
détaî] que sous Peffort de Teiécutenr, la tête de la malliettreose fut entière-
méat séparée du corps; puis faisant une allosioB bnrlesqne an priril^e qu*a-
TaicBt les nobles de ne subir que la décollation, cette ckitive eréatmre^ dit-U,
N'étoit que de naiaaanee obeeore : . . •
On pourroit pourtant dire d'elle
Qu'elle mourat «■ '
So8 GEORGE DANDIN.
chose considérable assurément; mais elle est accom-
pagnée de tant de mauvaises circonstances, qu*il est
très-bon de ne s'y point frotter. Je suis devenu là-
dessus savant à mes dépens, et connois le style * des
nobles lorsqu'ils nous font, nous autres, entrer dans
leur famille. L'alliance qu'ils font est petite avec nos
personnes : c'est notre bien seul qu'ils épousent^ et
j'aurois bien mieux fait, tout riche que je suis, de m'al-
lier en bonne et franche paysannerie*, que de prendre
une femme qui se tient au-dessus de moi, s'offense de
porter mon nom, et pense qu'avec tout mon bien je
n'ai pas assez acheté la qualité de son man. George
Dandin, George Dandin, vous avez fait une sottise Ja
plus grande du monde. Ma maison m'est effroj^ble
maintenant, et je n'y rentre point sans y trouver quel-
que chagrin'.
I. Les manières de dire et d*aglr, les procédés.
a. Comparez, dans la seine zu (ci-après, p. 5i5), le moi gentiiJun
auquel la même désinenee donne une râleur analogue. Les dictionnaiies et
temps omettent ces deux noms; 1* Académie n'admet geniilhommeriê qa^es
176a et paysannerie qu'en i835.
3. « La manie des alliances disproportionnées, les înconTénients qu'dlei
entraînent, et les regrets quVIIes excitent,... on les retrouTe dans l'antiquité, t
dit Angero, et il rappelle les plaintes du campagnard Strepsiade, daaski
ffuéet d'Aristophane (vers 41 -55), sur son alliance arec une femme de la liBe
se Tantant aussi d'une illustre parenté. — M. Charles Aubertin, dans son fFî^
toire de la langue et de la littérature françauee au moyen âge (loœrl.
p. 5^9), mentionnant une rieille farce intitulée George le JTeau^ en cite àea
passages oà sont indiqués une situation et des sentiments qui se retroanat
dans notre comédie. Voici le premier, qui est comme Téquiralent des moa^
logues de George Dandin ^ :
Ha! se j'eusse su, j'eusse su,
Et si j'eusse bien aperçu
* Page 338 de n^ Notice^ note ; voyes aussi p. 336, on il cite la répoa«
d'Eudion à Mégadore, à la scène u de l'acte II (rers 184-189) de tjiululêin
de Plante.
* Voyez au tome I de V Ancien théâtre français de la Collection Jaaact,
p. 38o. La farce de George le Feau est reproduite \h d'après un texte ia-
primé rers le milieu du seisième siècle et conservé, avec plusieurs antres, àam
un volume qui appartient, depuis i845j au Britiek Muséum.
ACTE I, SCÈNE IL S09
SCENE II.
GEORGE DANDIN, LUBIN.
6BORGB DAKDINy Toyint^ sortir Lnlim de ohn lai.
Que diantre ce drôle-là vient-il faire chez moi?
LUBITV*.
Voilà un homme qui me regarde.
GBOR6B DANDIIf'.
U ne me connoît pas.
LUBITf^.
n se doute de quelque chose.
La plut que trèt-fière arrogance,
La glorieuM oatreeuidanoe
De ma fiMnme, et ton fier maintieB,
On m*eùt beaaeoap de foU dit rien.
Devant que je l*euase été prendre.
Quoi dea? toojoars me rient reprendre,
An couché, au boire, au manger.
Disant ane toit un étranger.
Et me demande qui je tuis.^
Qui je suit répondre ne puis :
Je n*en eut onc rien en mémoire.
Puisqu'il ett trait, il le Cint boire
Et l*aTaler tout doucement.
Les plaintes de la femme, elle aussi, comme Angélique, ■ fille de maiso&y •
ajoateat encoie à l'intérêt du rapprochement • :
Mais croire on ne pent le tourment
Qu'a une fille de maison
A qui on donne sans raison
Un badaud sans nulle science :
Chargée en sens ma consôenee
D'sToir dit oui seulement.
Un impudent curé s'est chargé de cette conscience, et c'est dans cet:e |cobi»
pHeité que se trahit l'intention principale de la ferce, probablement née en
pays huguenot.
I. Gaoaaa D41IDI11, à part , vojrant, etc. (1734.)
a. LuBiir, à part^ aptrewant George Dandim, {Ibidem,)
3. Gionax D^Nonr, à pari, [Ibidem.)
4. LuuN, à part, {Ibidem,)
* Yoyes ibidem^ p. 38i.
Sio GEORGE DâNDIN.
GBORGB DÀirOIlf*.
Ouais! il a graad'peine à saluer.
LUBIN*.
J*ai peur qu*il n'aille dire qu'il m*a vu sortir delà
dedans.
GBOEGB DAirOUf.
Bonjour.
LUBIIV.
Serviteur.
GBORGB DANDIN.
Vous n'êtes pas d'ici, que je crois ?
LUBIN.
Non, je n'y suis venu que pour voir la fête de de-
main.
GBORGB DANDIN.
Hé! dites-moi un peu, s'il vous plait, vous venez de
là dedans?
LUBIN.
Chut!
Comment?
Paix!
Quoi donc ?
GBORGB DANDIN.
LUBIN.
GBORGB DANDIN.
LUBIN.
Motus ' ! Il ne faut pas dire que vous m'ayez vu sortir
de là.
I. Geoioi Dahdiv, à part, (1734.)
a. LuBiif , à pari, (Ibidem,)
3. De cette sorte d'ioterjectton, fort usitée daas le langage familier el d*«
•ent biencoanu (« silence ! pat an mot ! »}, mais d*origîae doateoae, M. Ut~
tré ae cite que deux exemples tirés d^auvres littéraires : le nôtre et va de co-
mique Hauteroche, contemporain de Molière.
ACTE I, SGÀNE II. Su
Pourquoi ?
Mon Dieu ! parce ^
GIOB6B DÀNDIN.
Mais encore ?
LUBIlf.
Doacement. J*ai pear qu*on ne nous écoute.
GBORGB DÀNDIN.
Point, point.
LUBIN.
Cest que je viens de parler à la maîtresse du logis,
de la part d'un certain Monsieur qui lui fait les doux
yeux, et il ne faut pas qu*on sache cela ? entendez- vous ?
GBORGB DANDIN.
Oui.
LUBIN.
Voilà la raison. On m'a enchargé* de prendre garde
que personne ne me vit, et je vous prie au moins de ne
pas dire que yous m*ayez vu.
GBORGB DÀIfDIN.
Je n*ai garde.
LUBIN.
Je suis bien aise de faire les choses secrètement
comme on m'a recommandé'.
GBORGB OÀNOIN.
Cest bien fait.
LUBIN.
Le mari, à ce qu'ils disent, est un jaloux qui ne veut
pas qu'on fasse l'amour à sa femme, et il feroit le diable
I. Aneime de nos anciennes éditions {j compris 1784) ba fait Muirrt parce
de points marquant réticence, bien que partout il soit ainsi écrit «n nn mot,
comme l'est le commeucement de la conjonction pare§ quê,
». EnehargM' pour charger devait 4ire déjà hors d'naage au temps de Mo-
lière $ mais, comme beauooup de moU vieillis, il était resté sans doute dans
le langage populaire : ce qui explique qnUl soit mis dans la bouche de Lnbin.
3. Comme on m'a commandé. (167a, 89, 97, 1710, 18» So, 33.)
Si a GBORGE DANDIN.
à quatre si cela venoit à ses oreilles : vous comprenez
bien?
GEORGB DAKDIir.
Fort bien.
LUBIN.
Il ne faut pas qu*il sache rien de tout ceci.
GBORGB DÀNDIN.
Sans doute.
LUBIN.
On le veut tromper tout doucement : vous entendez
bien?
GBORGB DANDIN.
Le mieux du monde.
LUBIN.
Si vous alliez dire que vous m*avez vu sortir de chez
lui, vous gâteriez toute l'affaire : vous comprenez bien?
GBORGB DÀNDIN.
Assurément. Hé! comment nommez-vous celui qui
vous a envoyé là dedans ?
LUBIN.
Cest le seigneur de notre pays, Monsieur le vicomtf
de chose*.... Foin! je ne me souviens jamais comment
diantre ils baragouinent ce nom-là, Monsieur Qi...*
Qitande*.
GBORGB DANDIN.
Est-ce ce jeune courtisan qui demeure....
LUBIN.
Oui : auprès de ces arbres.
GBORGB DANDIN, à part.
Cest pour cela que depuis peu ce Damoiseau poli
I . On peut Toir dans le Lexique de Mme de SMgnéy i Taitide Cbom, 7%
lieux emplois carieu de ce mot : Tiia, comme iei, pour tenir lien d'un msm
propre dont on ne se tooTient pat; l'antre, en manière de ehifi&«, pour cvittr
le nom propre.
a. Ciitandre. (1675 A, 84 A, 9a, 94 B, 1718, 3o, 33, 34.)
ACTE I, SCENE II. 5i3
8*est venu loger contre moi ; j*avoIs bon nez sans
doate, et son voisinage déjà m'avoit donné quelque
soupçon.
LUBIN.
Testigué ! c*est le plus honnête homme' que vous ayez
jamais vu. Il m*a donné trois pièces d*or pour aller dire
seulement à la femmç qu*il est amoureux d'elle^ et
qu*il souhaite fort Thonneur de pouvoir lui parler. Voyez
s*il y a là une grande fatigue pour me payer si bien, et
ce qu*est au prix de cela une journée de travail où je
ne gagne que dix sols.
GEORGE DANDIlf.
Hé bien ! avez- vous fait votre message ?
LUBIN.
Oui, j'ai trouvé là dedans une certaine Claudine, qui
tout du premier coup a compris ce que je voulois, et
qui m*a fait parler à sa maîtresse.
GEORGE DANDIN, k part.
Ah! coquine de servante!
LUBIN.
Morguéne^! cette Claudine-là est tout à fait jolie*, elle
a gagné mon amitié, et il ne tiendra qu*à elle que nous
ne soyons mariés ensemble.
t. Labtn, cUn« ton langage, ne confond pas pins ^ue !«• gêna du monde
dans le leur honnête homme avee homme de bien •. Ce qtt*U entend par là c*eft
nn homme qui avec les gens qa*il emploie a de bonnes paroles, et surtout n*a
rien de la rilenie des bourgeois terrés et regardants.
a. Morgttiennel (1734.)
3. Est charmante, me platt tout i fait. ^^ Nous aTonsdéjà renvojé ci-
desns, p. 164, note a, au Lexique de Mme de Sêrigné, pour divers exemples
remarquables du mot Joli, qui aTait autrefois un sens plus étendu qu*aujonrd*hui
et se disait de toutes les manières d'être aimable, aTenant, gracieux, de tout ce
qni plaît on rient h propos.
• Voya la définition setiriqae de la Bruyère, an diapitre des JugemenU,
n* 55 (169a, tome II, p. 99 et loo), et, dans notre tome V, p. 466, la note 3t
auTers 370 du Misanthrope,
MoukRx. Ti 33
Si4 GE0R6B DANDIN.
6BOB6B DANMN.
Mais quelle réponse a fait* la maîtresse à ce Monsieor
le courtisan?
LVBIK.
Elle m^a dit de lui dire«... attendez, je ne sais si je
me souviendrai bien de tout cela.... qu^elle lui est tout
à fait obligée de Taffection qu*il a pour elle, et qu'à
cause de son mari, qui est fantasque, il garde d^en rien
faire paroitre, et qu*il faudra songer à chercher quelque
invention pour se pouvoir entretenir tous deux.
GBOBGB DAHDIN, 4 part.
Ah! pendarde de femme!
LUBIN.
Testiguiéne! cela sera drôle; car le mari ne se dou-
tera point de la manigance, voilà ce qui est de bon ; et
il aura un pied de nez avec sa jalousie : est-ce pas*?
GBOBCB DâNDlir.
Cela est vrai.
LUBIlf.
Adieu. Bouche cousue au moius. Gardez bien le se-
cret, afin que le mari ne le sache pas.
GBOBGB DANDIN.
Oui, oui.
LCBIN.
Pour moi, je vais faire semblant de rien : je suis un
fin matois, et Ton ne diroit pas que j'y touche.
I. Ces paitietpct toim da tajet rettatint alors gèn^leroent iarariablas :
voyez le Lexique de la langue de Corneille^ tome I, p. ltot et tn, c«
M. Marty-LaTeaax rapporte les règles données, pour ce cas particulier, pv
Vangelas, Boohoars et Thomas Corneille.
a. Ce B*est qn*oB paysan qui parle ici ; mais cette snppressioB de la nrsi-
tioa était fréquente : Toyei ci-apréa, p. 557, ^^'^ ^*
I
ACTE I, SCÈNE III. 5i5
SCENE III
GEORGE DANDIN*.
Hé bien! George Dandina voas voyez de quel air
votre femme vous traite. Voilà ce que c'est d*avoir
voulu épouser une Demoiselle' : Ton vous accommode
de toutes pièces', sans que vous^puissiez vous venger, et
la gentilbommerie^ vous tient les bras liés. L*égalité de
condition laisse du moins à Thonneur d*un mari liberté
de ressentiment'; et si c*étoit une paysanne, vous auriez
maintenant toutes vos coudées franches à vous en faire
la justice à bons coups de bâton. Mais vous avez voulu
tater de la noblesse, et il vous ennuyoit d'être maître
chez vous. Ah! j'enrage de tout mon cœur, et je me
donnerois volontiers des soufflets. Quoi? écouter impu*
demment l'amour d'un Damoiseau, et y promettre en
même temps de la correspondance' ! Morbleu ! je ne veux
point laisser passer une occasion de la sorte. Il me faut
de ce pas aller faire mes plaintes au père et à la mère,
et les rendre témoins, à telle fin que de raison '', des
I. GBoaoB DAVDijr,«e»/. (1734.)
a. Une DamoÎMlle. (1673, 8a, 9a, 97, 17 10.)
3. Amolphej aa vwt ai àa PÉeoU des/emmes^ parle auMÎ de maris
Qoi sont accommodés ebex eu de toutes pièces.
4. Ce mot que nous stoiis comparé plas haut à paysannerie renent dans
la seèae suivante nr daei la ttT de Paats IH dti iftfurgteit ftntilhnmmt
M. littré eu cite, outre ces trois exemples, un de Tliomas Corneille, pui»,
sans aoenn du dix-huitième siècle, plusieurs du dix-neuyième.
5. A Vboniienr d'un mari la liberté de ressentiment. (167a, 74, 8a, 9a,
1733.) — ....la liberté du ressentiment. (1697, 1710, 18, 3o.)
6. Et même promettre d*y répondre.
7. Cette locution, comme celle « pour valoir ce que de raison », dont le
sens est k peu près le même, est tirée de la langue des affaires, par cela même
tonte bourgeoise et ne sentant pas son gentilhomme.
5i6 GEORGE DANDIN.
sujets de chagrin et de ressentiment que leur fille me
donne. Mais les voici Tun et Tautre fort à propos.
SCÈNE IV.
MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE*,
GEORGE DAPÎDIN.
MOlfSIBUR DB SOTBNVILLB.
Qu'est-ce, mon gendre? vous me paroissez tout
troublé.
GB0R6B DANDIlf.
Aussi en ai-je du sujet, et....
MADAMB DB SOTBITVILLB.
Mon Dieu ! notre gendre, que vous avez peu de civi-
lité de ne pas saluer les gens quand vous les appro-
chez!
GBORGB DANDIN.
Ma foi! ma belle-mére, c'est que j*ai d^autres choses
en tète, et....
MADAME DB SOTBNVILLB.
Encore! Est-il possible, notre gendre, que vous sa-
chiez si peu votre monde, et qu'il n'y ait pas moyen de
vous instruire de la manière qu'il faut vivre parmi les
personnes de qualité ?
GEORGE DANDIN.
Comment?
MADAME DE SOTBNVILLB.
Ne vous déferez-vous jamais avec moi de la fami-
liarité de ce mot de « ma belle-mère », et ne saunez-
vous vous accoutumer à me dire « Madame » ?
t. MONlIBUa DX sonar TILLE, HADA3IB DB lOTBNTILLB. (l7340
ACTE I, SCÈNE IV. Sij
GBORGB DÀIfDIN.
Parbleu ! si vous m^appelez votre gendre, il me sem-
ble que je puis vous appeler ma belle-mère.
MADAME DE SOTBNVILLE.
Il y a fort à dire, et les choses ne sont pas égales.
Apprenez, s^il vous plait, que ce n*est pas à vous à vous
servir de ce mot-là avec une personne de ma condi-
tion; que tout notre gendre que vous soyez, il y a
grande différence de vous à nous, et que vous devez
vous connoitre^
MONSIEUR DE SOTENVILLB.
Cen est assez, mamour', laissons cela.
MADAME DE SOTBNVILLE.
Mon Dieu! Monsieur de Sotenville, vous avez des
indulgences qui n*appartiennent qu*à vous, et vous ne
savez pas vous faire rendre par les gens ce qui vous
est dû.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Corbleu! pardonnez-moi, on ne peut point me faire
de leçons là-dessus, et j*ai su montrer en ma vie, par
vingt actions de vigueur, que je ne suis point homme à
démordre jamais d^une partie de mes prétentions'. Mais
il suffit de lui avoir donné un petit avertissement. Sa-
chons un peu, mon gendre, ce que vous avez dans
Tesprit.
GEORGE DANDIN.
Puisqu'il faut donc parler catégoriquement, je vous
dirai, Monsieur de Sotenville, que j*ai lieu de....
MONSIEUR DE SOTENVILLB.
Doucement, mon gendre. Apprenez qu*il n*est pas
I. Voot rendre compte de votre condition, ne jamaU toos méconnaître.
a. M^amomTy dit Nicot (1606), « eat un mot compote de ma ou mon et
aimomr, dnqod lliomme blandtt et earctae celle qo*il aime.... C'est presque
conune Tltalien compote ce mot MoglUma, pour mia moglie, »
3. A démordre jamais d*an ponce de mes prétentions. (167a, Sa.)
5i8 GEORGE DANDIN.
respectueux d'appeler les gens par leur nom, et qu^à
ceux qui sont au-dessus de nous il faut dire « Monsieur »
tout court ^.
GEORGB DANDIK.
Hé bien ! Monsieur tout court, et non plus Monsieur
de Sotenville, j*aià vousdire que ma femme me donne....
MONSIBUa DB SOTBNVILLB.
Tout beau! Apprenez aussi que vous ne devez pas
dire «ma femme », quand vous parlez de notre fille.
GBORGB DÀICOllf.
J'enrage. Comment? ma femme n'est pas ma femme^?
MÀDAMB DE SOTBNVILLB.
Oui, notre gendre, elle est votre femme; mais il ne
vous est pas permis de l'appeler ainsi, et c'est tout ce
que vous pounîez faire, si vous aviez épousé une de
vos pareilles.
GBORGB OAirOIN*.
Ah ! George Dandin, où t'es-tu fourré ?* Eh ! de grâce,
mettez, pour un moment, votre gentilhommerie à coté'.
I. Voîei la règle éublM i cet égard par AntoiM de Coardn dans Mm iVM»-
veau traiii de la cwiliêi fmi te pratiqué en France parmi les honnêtes gems*
(8* édition, 1695, au chapitre ▼ traitant de la eonveraation en eon^»
gnie, p. a8) : « C'est.... une iBÔTÎtité de joindre après le Mansiemr on k
Madame le •amom on la qualité de la personne à qui on parle; comme : Omi,
Monsieur CieerviUe^ oui^ Monsieur le Marquis^ en pariant i loi-mtee, aa
lien de dire simplement : Oui^ Monsieur, » La règle se trouve d*aatre put bien
confirmée par an arbitre moins grave, mais bon obserratenr da monde qn^
raille, par raateur des Lois de la galanterie (1644) : « Quand* dit-U (p. at
de rédition de M. Lad. L.), il sera.... question de mépriser quelqu'un tm u
présence, il se &ndra bien garder de répéter le nom de Monsieur en pariant de
lui à quelque autre qoi se trouvera 11.... Et en parlant à de tdles gens, il ne
£iut jamais les appeler simplement Monsieur, mais y ajouter toujours k>r
nom. »
a. N*est pas femme? (1669; faute très-probeble.)
3. GiOEOi Dardot, baSf à part, (1734.)
4. Bout. (Ibidem,)
5. Mettre à c6té, au lieo de mettra de côtè^ ponnrait bien être on piona-
• Noos avons déjà en occasion de citer oe livre, an tome III, p. 997, noie i.
AGTB I, SCBNB IV. 5ig
et sonOrez que je voua parie maintenant comme je
pourrai.* Au diantre soit la tyrannie de toutes ces his-
toires-là ! * Je vous dis donc que je suis mal satisfait de
mon mariage.
MONSIBCR VB SOTBMTILLB.
Et U raison, mon gendre ?
HÂD4MB D£ SOTEITTILLE.
Quoi? parler ainsi d'une chose dont vous avez tiré de
si grands avantages ?
GEORGB DANDIN.
Et quels avantages, Madame, puisque Madame y a?
L'aventure n'a pas été mauvaise pour vous, car sans
moi vos affaires, avec votre permission, étoient fort
délabrées, et mon at^nt a servi à reboncher* d'assez
bons trous ; mais moi, de quoi y ai-je profité *, je vous
prie, que* d'un allongement de nom, et au lien de George
Dandin, d'avoir reçu par voua le titre de •> Monsieur de
la Dandinîére* ■?
ponr A, p«r*It iToir M «uib pm luitje,
imw lujodhl'hiil, que c«U« è^ nuttre Jjt arrUrt
Is Miliatle,
1. Jparl. (1JÎ4.) '
^. J M.Jt Soletii-Ule. (fh'^m.)
3. A boiulwT. [Hidim.)
t. D» qooi «-îe profité, (ijjo, 34-)
5. Si « d'cm : compim d-dcmu, m nri 8i3 d' Jntf^itrjmi, p. 4a3 M
6. Le noiD ds trm li lutunllsiiiciil diriri dn nom du pousHear pu
H- de SotvnTitlc itilC pu cainit* étn porté tuu dingar pir kid gendre :
• La lien Était tdlcmnil, wu l'iDcitau moBirefais, !■ ml «t Tnitabte
■ig4* de U naiiuac*^ qa^oa a'a pai ponniiÎTÏ h eeUa époque ccnx qui pr«-
■linl dH Bonu di Migacun» et d« pirllcoln, mail teulemciit Ici niurpa-
tnn da qnalificatiDiii aobiliilni. Nout en trouTooi hdb praoïa frappiDta
dau la chaniaBle épltn qni.... la FMaliine idnHait ta i66i au due da
Boulllou, Le poète Tut inquiélé, pounuiii par lea IrallioU, non paa h eanae
uu droit un lit» da BabUwe, «lui d'icmyr. • (M, P. Birion, «ocat, Jt
la Fuuu mMaiu m fnuc, iMi, p. l3.} Vofa la £b da la prsnién
■etaa da /"^'Mb Af^MuiM, tome III, p. 1 70 M •oiraatu.
5ao GEORGE DANDIN.
MOHSIXUR DE SOTBMVILLB.
Ne comptez-vous rien S mon gendre, Tavantage d'être
allié a la maison de Sotenville ?
MÂDAMB OB SOTBNVILLB.
Et à celle de la Prudoterie', dont j'ai Thonneur d'être
issue, maison où le ventre anoblit, et qui, par ce beau
privilège, rendra vos enfiiats gentilshommes'?
1. Ne compteiHToiit pour rien. (167a, 81, 1734O
2. Ce nom aoiti parlaat, pour eiati dire, qoe eelui de Soteavillc, fat prie
en gré par la Fontaine; il Ta gaiement rappelé en le donnant à la deecen-
danêe de b Matrone d'Éphète (eonte ▼! de la 5* partie, 168a) :
IVelle deacendent cens de la Pmdoterie,
Antiqoe et eéltiwe maiioa.
3. Dans une intéretaante brochue intitoiée de U IMUsm lergr—He «•
Champagne* f M. P. Biiton a réuni lei principaux textes des contâmes*, les
meillenrs commentatras de juristes* et les plus probants documents jnib-
daireSf qui établissent que dans cette prorinee, eoatrairsment an «broit eom-
mnn de la France, les Cemmes nobles mariées à des roturiors pouvaient
transmettre leur noblesse à leurs enfants'. « Le ventre a&ancbit et anoblit, «
disait en propres tenues la coutume de Cbftlons (citée p. 7 et i5). Ce priri-
lége fut reconnu jusqu'à la Révolution par de nombreux arrêta. Mais (cette
circonstance est bonne à noter ici) Tannée même on les deux figurée des
Sotenyille égayèrent Paria et U conr, il était Tobjet d*on dêmUfé qna dut
iaire quelque bruit dans le public : les intéressés avaient tona à le revendi-
quer contre une puissante corporation qui le contestait. En 1668, dit
Grosley dans ses savantes Recherches sur la noblesse utérine de Champagne*,
les traitants, « interprétant d'une manière favorable à leur intérêt certaine
déclaration du % février i66t, attaquèrent.... plusieurs nobles de mère qvî,
en vertu des coutumes de Champagne, portoient la qualité d'écnyer, et ils les
* Nous avons sous les yenx la 3* édition, qui est de 1878.
* De Troyes, de Cbftlons, de Meaux, de Vitrj, de Cba amont, de Sens. —
La eootnme de Reims faisait exception (p. 16).
* Notamment des extraite de Bodin, Pierre Pithou, Grodey (savant né a
Troyes, comme Pithou), Merlin, M. Lafen-ière. Cet usage, dit ce dernier
dans son Histoire du droit français (tome VI, i858, P. 71)* • se aérait....
introduit vers le commencement du douaicme siècle, à Pepoque 00, par Teflat
des Croisades, les cbevaliers périssaient en grand nombre et le commerce pra-
naît un rapide essor. »
d Elles la transmettaient même, du moins dans certains lieux, à leurs
maris quand ceux-ci leur survivaient : voyex p. aa6 des Recherches de
Grosley, indiquées plus loin; p. |3 et 14 de M. Biston.
« Pages a38-940| citées par M. Biston, p. 14 et a5. Ce mémoire de Gros-
ley parut, en 1 753, à la suite de ses Recherches pour sernr k thistoira dm drmt
français
ACTE I, SCÈNE lY. 5it
GBÛRGB DAHDIN.
Oui, voilà qui est bien, mes enfants seront gentils-
hommes; mais je serai cocu, moi, si Ton n y met ordre.
MOIfSIBUR DE SOTBNTILLB.
Que veut dire cela, mon gendre?
GBORGB DAlfDm.
Cela veut dire que votre fille ne vit pas comme il faut
qu*une femme vive, et qu'elle fait des choses qui sont
contre Thonneur.
MAOAMB DB SOTBNVILLB.
Tout beau! prenez garde à ce que vous dites. Ma
fille est d*une race trop pleine de vertu, pour se porter
jamais à faire aucune chose dont rhonnêteté soit bles-
sée; et de la maison de la Prudoterie il y a plus de
trois cents ans qu'on n'a point remarqué qu'il y ait eu
de femme ^ Dieu merci, qui ait fait parler d'elle.
MONSIBUR DB SOTENVILLE.
Corbleu! dans la maison de SotenvOle on n'a jamais
vu de coquette, et la bravoure n'y est pas plus hérédi-
taire aux mâles, que la chasteté aux femelles*.
imposèrent à la Use, eomin* nsurpateurt de nobletie. Lct nobles de mère se
dèfisndirent.... M. de Caiinurtîn..., intendant de Champagne..., renvoya au
Conseil les défenses, mémoirss et pièœs que les nobles de mère avoient fait
signifier k son boreaa. Les traitants entreprirent d*y répondre et de les con-
tredire, mais leur aride éloquence ne put détruire ce que les noUes de mère
avoient établi. Le Conseil.... ordonna d'imposer silence aux préposés, et de
Caire cesser leurs poursuites contre les nobles de mère. » Après cette déci-
sion souyeraine, une question pourtant restait sans doute encore, que les con-
temporains pouvaient s*amaser k débattre : eeliet de la PrudottrU triom-
phaient-elles même dans lenr prétention tonte particulière, ee semble, de
traasmettre leur privilège propre à leors filles, eellea-ci fussent-elles nées d*un
père issu, lui, d*une maison qoi ne participait point au même privilège? Car
BIme de SotenviOe le déclare hautement à son gendre, en présence de son
mari, ce n'<«t pas de M. de Sotenville, c*est dVUe seule, demouelU de la
Prudoterie, qu'Angélique tiendra sa puissance d'anoblissement.
I. Qn'il y ait en une femme. (167a, Sa, 97, 1710, 18, 3o, 33, 34*)
a. M. de Sotenville parle, avec une comique eaaetitnde, la langue des g^
néalogistet : méhi..,. /omêUêê,
&%% GEORGE DANDIN.
MADàHB I» SOTEirVILUI.
Nous avons eu une Jacqueline de la Prudoterie qui
. ne voulut jamais être la maîtresse d'un duc et pair,
gouverneur de notre province.
MONSIEUR DB SOTBNVILLB.
II y a eu une Mathurine de Sotenville qui refusa
vingt mille écus d'un favori du Roi, qui ne lui deman-
doit^ seulement que la faveur de lui parler.
GBORGB DÀNDm.
Ho bien ! votre fille n'est pas si difficile que cela, et
elle s'est apprivoisée depuis qu'elle est chez moi.
MOnSIBUR DB SOTBirVILLB.
Expliquez-vous, mon gendre. Nous ne sommes point
gens à la supporter' dans de mauvaises actions, et nous
serons les premiers, sa mère et moi, à vous en faire la
justice.
MADAME DE SOTENVILLE.
Nous n'entendons point raillerie sur les matières de
l'honneur, et nous l'avons élevée dans toute la sévérité
possible.
GEORGE DÀNDIN.
Tout ce que je vous puis dire, c'est qu'il y a ici un
certain courtisan que vous avez vu, qui est amoureux
d'elle à ma barbe, et qui lui a fait faire des protestations
d'amour qu'elle a très-humainement écoutées.
MADAME DE SOTENVILLB.
Jour de Dieu ! je l'étranglerois de mes propres mains,
s'il falloit qu'elle forlignât de l'honnêteté' de sa mère.
I. Qui ne demandoit. (1673, 8a.) — « Ne....Mal8ni«Bt qae, ■ pléoi
dont nos Lexiques^ particulièrement ceux de Raeime ^de la Brmjrète,
de nombreux exemple* à rartide XIV de Vlntndmetiom grmmmatiemU.
a. A la aoutenir, I Tappajer, k prendre son parti : Toyes les exemples, m
ce sens déjà peut-être on peu TieilU, cités par M. lÀVtnkVkUtùriqmMàa. mot.
3. S^écartAt de llionnéteté. Ce terme de /ûrlignêr s'employait aortont ab-
soloment, poar dire sortir de la ligne, de la voie de sa race, dégénérer de
noblesse, et, dans un sens plus général, s*éloigner de la ligne droite^ de Is
ACTE I. SCÈNE IV. Sa)
MONSIBUR DE SOTBNVIUJB.
0>rbleu! je lui passerois mon épée au travers du
corps, à elle et au galant, si elle avoit forfait à son hon-
neur *.
GBORGB DÀNDIN.
Je vous ai dit ce qui se passe pour vous faire mes
plaintes, et je vous demande raison de cette affaire-là.
MONSIEUR DE SOTENVILLB.
Ne vous tourmentez point, je vous la ferai de tous
deux, et je suis homme pour serrer le bouton ^ à qui
que ce puisse être. Mais êtes- vous bien sûr aussi de ce
que vous nous dites' ?
GEORGE DÀNDIN.
Très-sûr.
ligne da devoir. — Forligner^ /or/aire (qae va employer M. de Soten? ille),
« eee tieia moU, dit Auger, d*aiw conlenr béraldiqae et cberaleneque , tout
merreilleoMiiient placés dans U boache de ce couple de hobereaux, si fiers
de raatiqoité et de la pureté de leur race. »
I. For/âûw, d'après h Dieti^ntuûn de F Académie de 1694, c'est « (aire
quelque chose contre le dcToir. U ne se dit qu'en termes de pratique et en
pariant de la préTarieation d^un magistrat ou du désordre d'une fille. » For-
faire était aussi usité dans la langue du droit féodal «, et cet emploi explique
la pré«iilection que M. de Sotenrille pouvait aToir pour le mot.
a. « On pourrait croire, dit Auger, que ce proverbe, terrer le bouton à
fuelf n'iM, vient de l'action d'un escrimeur qui appuie fortement le bouton
de son fleuret sur la poitrine de son adversaire, on même de Taction d'un
homme qui, parlant avec vivacité à un autre, le saisit fortement par un des
boutons de son habit. Mais le proverbe a une autre origine. On appelle 3o»-
lom en termes de manège, la boucle de cuir qui coule le long des réues et qui
les resserre. Ainsi.... serrer le bouton,.,, est l'équivalent de tenir en
bride. » Amyot, dté par M. Littré, explique parfaitement la locution par
l'emploi qu*il en fait dans sa traduction du traité de Plutarque auquel il a
donné le titre de Comment il fmui nourrir (élever) les enfanU [chapitre zvin) t
« Aussi faut-il que les pères.... tantôt.... lâchent un petit la bride aux appé-
tits de leurs enfants, et tantôt aussi ils leur serrent le bouton et lenr tiennent
la bride roide. >
3. Dans le texte original : « Mais étes-vous pas bien s&r aussi, etc. > Le
p€u ne s'aeeorde pas avec le sens, avec la réponse de Dandin ; nos autres édi-
tions l'omettent, sauf les trois étrangères, dont les deux dernières, 1684 A,
B, corrigent k contr»-sens iiee-^'ous en n*êtes'Vous.
• Forfitire mmJSe/, e'éuit en »eoarir U perte pour avoir forfait k sa foi.
5a4 GEORGE DANDIN.
MONSIEUR DB SOTBNYILLB.
Prenez bien garde au moins; car, entre gentils-
hommes, ce sont des choses chatouilleuses', et il n^est
pas question d*aller faire ici un pas de clerc*.
GEORGE DÀNDIlf.
Je ne vous ai rien dit, vous dis-je, qui ne soit véri-
table.
MONSIEUR DE SOTBNVILLB.
Mamour, allez- vous-en parler à votre fille, tandis
qu*avec mon gendre j'irai parler à Thomme.
Madame de sotenvillb.
Se pourroit-il, mon fils', qu'elle s'oubliât de la sorte,
après le sage exemple que vous savez vous-même que
je lui ai donné ?
MONSIEUR DE S0TBNVU.LB.
Nous allons éclaircir raffaire. Suivez-moi, mon gen-
dre, et ne vous mettez pas en peine. Vous verrez de
quel bois nous nous chauffons lorsqu'on s'attaque à
ceux qui nous peuvent^ appartenir.
GEORGE DANDIN.
Le voici qui vient vers nous.
1. Délicates, sur lesquelles l*hoii]Mur est fort chatoailleux, oà le point
d*honoeur entre vite en jeu.
a. Molière a déjà employé cette phrase proTerluale au rers 3oo da Dipit
amoureux,
3. Ce terme caressant est adressé par Lélie h Masearille, an wtn 690 de
r Étourdi,- il Test souTent, dans des démonstntions de tendresse hypocrite,
par Béitne à Argan (voyez acte I, scènes tx et tu du Malade imagimairt).
4. iVoiu peuvent n*est pas fait pour trop enorgueillir Dandin.
ACTE I, SCÈNE Y. S%S
SCÈNE V.
MONSIEUR DE SOTENVILLE, CLITANDRE,
GEORGE DANDIN.
MONSIEUR DB SOTENVILLE.
MonsieuFi suis-je connu de vous ?
CLITÀNORB.
Non paSi que je sache, Monsieur.
MONSIBDR BB SOTBNVILLB.
Je m'appelle le baron de Sotenville^.
CLITANORB.
Je m'en réjouis fort.
MONSIEUR DB SOTENVILLE.
Mon nom est connu à la cour, et j*eus rhonneur
dans ma jeunesse de me signaler des premiers à Tar-
rière-ban de Nancy *.
I. Je m*app«ll9 Monnaur de Sotaanlle. (167a, Sa.)
a. Varnèrê'btut était.... la eoBToeation et Tasieniblée de tous les nobles
d*aiie provinee, pour fenrir le Roi dana aea araees* eomme ils j étalent obli-
gés par la loi des fieCs. On distÎDgaait anctennement le ^Jt, qui était l'assem-
blée des Tassaux immédiats dn R<h, et Varriirê-han, qui était celle des ms-
sans médiats; mais, par la saite, on a, ponr ainsi dire, réom eea deux mota
en une seule expression, qui signifiait un appel fait à tons les gentilshommes.
{Yviê tPjiuger.) — Les premiers aaditears doraient supposer en 1668 que les
aoamnirs de jennease de M. de Sotenrille remontaient à nne bonne trentaine
d'années de U. Vers ce tempe, rarrière-ban de Naney ne peut être la lerée
de la noblesse de Lorraine sous les drapeaux de la Franee. Nanej oeenpé en
i633 par Loais XIII, et le reste de la prorlnee, bien que depuis cette année*
là sons la main du Roi, restaient en droit soumis an due Charles IV, et en
fait les gentilshommes lorrains demeurèrent fidèles à leur souverain particu-
lier. U. de SotenTÎUe veut, sans aucun doute, parler de rarriére-ban qui fut
convoqué en x635 pour être, sous le duc d'Angouléme, envoyé en Lorraine,
et dont nne partie renfer^ la garnison de Nancj. La manière dont se signala
cet arrière-ben ne fut pas en tout des plus glorieuses, et on se le rappelait
bien encore en i668. « U ne parait pas, dit M. le comte d^Haussoorille, dans
son Hùtoire d» la réunion d» la i/nraine à la Franee (tome H, p. 39), qu'on
se fdt bien trouvé de ce retour h nne mesure qui remontait aux temps leo-
5a6 GEORGE DANDIN.
CUTAIIDRB.
A la bonne heure.
MOIfSIBUR DE SOTBirVILLB.
Monsieur, mon père ^ Jean-Gilles de Sotenville eut
la gloire d'assister en personne au grand siège de Mon-
tauban '.
CLrTAKDRB.
J'en suis ravi.
MONSIEUR DB SOTBlfVIIXB.
Et j'ai eu un aïeul, Bertrand de Sotenville, qui fut si
considéré en son temps, que d'avoir ' permission de
vendre tout son bien pour le voyage d'outre*mer*.
dans et dont l'usage itait dès Ion h peu prè« tomU. Le dnc d'AngoiiIéaw ne
fit pas menreiUe h la tête de ee eorpa plut brillait que diaeipliné. Tooa ces
gentilthomaiei aceoariit du fond de leur manoir aree ane saiie nombrevae et
en somptueux harnais de guerre » furent plus d*une fois un objet de riare.
Qoelques-mis se laasèreat Tite et s*en letounèrent, malgré les me^aees da
Roi. Plusieurs bandes impatientes d*autre manière ae firent battre k plate
tnre, «Tautres se firent prendre par Jean de Vert, et • aussitM la Saint-]
▼enue, • dit U. Henri Martin (tome XI, 4* édition, p. 437), « le ban et Par-
rière-ban.... exigèrent leur eongé. • Une histoire manuscrite citée par
M. d'HaussonrilIe (p. 40, note 3) a pour la fin de leur campagne on mot de»
plus trlitea : € La noblesse de l'arrière-ban quitte la partie tonte déeooile. »
i« Monsieur mon père. (1734')
2. « C* grand siège, dit Auger, est œrtainement edui que Louis XIH, à h
tète de aes meilleurs généraux, mit, eu 1691, derant la riUe de Montaoban,
occupée par les ealrinistes, et qu*tl fut obligé de lever à canae de la mèàa-
telligenee des nombreux chefs de son armée. •
3. Qui fut considéré à ce point, qu'il eut.... Sur ee tour, Toyex le Dit-
lionmaire de M. Idttré, h Particlc Si, adveibe, 3*.
4. Pour suiTTC quelque prince à la croisade. ■ La maison de Voyer, dît
Fontenelle «, transcriTant sans doute une généalogie, remonte par des titres
et par des filistions bien prourées jusqu'à Etienne de Voyer, sire de Panlmy,
qui accompagna saint Louis dans ses deux voyages d*outre-mer. » — Auger
indique une lettre de J.-B. Rousseau à Brossette datée du 29 juillet 1740*,
dans laquelle, k propos de ce passage, il est dit que « tout le monde en fit
l'application k M. de la Feuillade, qui, en ee temps-lft, s'arisa de mener eu
« Cité par M. Littré : royez V Éloge tU,,., d^Argettson^ tome VI des OÊSmnrs
(1758), p. i4i.
* Voyex les Lettres de Rousseau sur différents sujets (GeneTe, 1749).
tome II (en réalité IIl), p. 33i.
ACTE I, SCÈNE Y. 5ti7
CLITAKDRB.
Je le yeux croire.
MONSIEUR DE SOrBHTILLE.
Il m*a été rapporté, Monsieur, que vous aimez et
poursuivez une jeune personne, qui est ma fille, pour
laquelle je m'intéresse, et * pour Thomme * que vous
voyez, qui a Thonneur d'être mon gendre.
CUTÀKORE.
Qui, moi ?
MONSIEUR DE SOTBNVILLB.
Oui ; et je suis bien aise de vous parler, pour tirer de
vous, s'il vous plait, un éclaircissement de cette affaire.
CUTÀNDRE.
Voila une étrange médisance! Qui vous a dit cela,
Monsieur?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Quelqu'un qui croit le bien savoir.
CUTÀNDRE.
Ce quelqu'un-là en a menti. Je suis honnête homme'.
Me croyez-vous capable. Monsieur, d'une action aussi
lâche que celle-là? Moi, aimer une jeune et belle per-
sonne, qui a rhonneur d'être la fille de Monsieur le
baron de Sotenville! je vous révère trop pour cela, et
suis trop votre serviteur. Quiconque vous l'a dit est
un sot.
Candie I tM dépens ane eentaine de gentflahommefl équipés poor combattre
eontre let Tores pendant le si^ de eette lie, • siège soutenu par les Véni-
tiens. D*aatres qae la Fenillade et ceux qa'il équipa firent encore l'expédition ;
plut de quatre cents gentilshommes s'enrôlèrent, et parmi eux le fils de Mme de
Sévigné^ ; ils partirent de Toulon vers la fin de septembre 1668, six semaines
avant la première représentation à la TÎlle de George Dandin,
I . « Et pour rhomme • équivaut à « ainsi qoe ponr Thomme. »
3. Montrant George Dandin. (1734.)
3. Ici encore, comme le montre le contraste arec lâchcy qui suit, ■ honnête
homme • a son sens d'autrefois : « homme qui sait Tivre, homme d'honneur. »
• Voyes les Lettrée de Mme de SMgné^ tome I, p. SaS^ et la Ifotice bio^
graphique eur Mme de Sévigné, p. 116.
5a8 GEORGE DANDIN.
MONSIEUR DB SOTBNYIIXB.
Allons, mon gendre.
GBORGB OANBllT.
Quoi?
CLITAHDRB.
Cest un coquin et un maraud.
BIONSIBUR DB SOTBKYILLB ^
Répondez.
GBORGB DAlfDIX.
Répondez vous-même.
CLITAlfDRB.
Si je savois qui ce peut être, je lui donnerois en votre
présence de Tépée dans le ventre.
MOTfSlBUR DB S0TBNVn.LB *.
Soutenez donc la chose.
GBORGB DÀNDIN.
Elle est toute soutenue, cela est vrai '.
CLITANDRB.
Est-ce votre gendre. Monsieur, qui....
MONSIEUR DE SOTEXVILLE.
Oui, c'est lui-même qui sVn est plaint à moi.
ÇLITANORB.
Certes, il peut remercier l'avantage ^ qu'il a de vous
appartenir, et sans cela je lui apprendrois bien à tenir
de pareils discours d'une personne comme moi.
I. M. DK SoTERTiLLi, à GtoTgê Dondin. (1734.)
a. M. Di SoTunriLLB, à Géorgt Dandin. {ibidtm.)
3. Elle est toato touleoue, il est wni. (1679, 82,97, 17 lO, 18, 3o, 33.) —
// an sens de cWa, ce que j*ai dit.
4. Rendre grâce à TaTantage, se féliciter de TaTantage. M. Littré ii*a pas
d*aatre eiemple de cet emploi familier du mot.
ACTE I, SCÈNE Vf. S19
SCÈNE VL
MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE \ AN-
GÉLIQUE, CLITANDRE, GEORGE DANDIN,
CLAUDINE.
MADAMB DE SOTENVILLE.
Pour ce qui est de cela, la jalousie est une étrange
chose! J'amène ici ma fille pour éclaircir Taffaire en
présence de tout le monde.
CLlTÀNDRE*.
Est-ce donc vous. Madame, qui avez dit à votre mari
que je suis amoureux de vous ?
ANGÉLIQUE.
Moi? et comment' lui aurois-je dit ^ ? est-ce que cela
est ? Je voudrois bien le voir vraiment que vous fussiez
amoureux de moi. Jouez-vous-y, je vous en prie, vous
trouverez à qui parler. C'est une chose que je vous
conseille de faire. Ayez recours, pour voir, à tous les
détours des amants : essayez un peu, par plaisir, à
m'envoyer des ambassades, à m'écrire secrètement de
petits billets doux, à épier les moments que mon mari
n'y sera pas, ou le temps que je sortirai, pour me parler
de votre amour. Vous n'avez qu'à y venir, je vous pro-
mets que vous serez reçu comme il faut'.
I . MOHSnini DB 80TBHTILLB , MADAMB OB SOTBNTILLB . ( 1 7 34 .)
9. Clitahdie, à Jngéliqne, (Ibidem,)
3. Moi? Hé, eomment. (Ihidêm,)
4. Coaunent !« lui aarait-je dit ? eette ellipse dq proBom régime difeet était
fréquente alors : Tojex tome IV, p. 179, note 3.
5. Voici an moyen comique dont Molière a osé pla« d*aae fois. Dans
PÉiomtdi {aet€ T,tcè/u ir), dans U Malade imaginaire (acte II, seine F;
eneere dane rArare, acte III ^ scène m), et principalement dans P École des
{aeie II, scène IX), on Toit, eommeici, une femme entretenir son amant
MoLiiaB. Ti 34
S3« GEORGE DANDIN.
CLITANDRB.
Hë! la, la*9 Madame, toat doucement. Il n^est pas
nécessaire de me faife tant de leçons, et de vous tant
scandaliser. Qui vous dit que je songe à vous aimer?
ÀlfGÉLlQDB.
Qœ aais-je» moi, ce qu'on me vient conter ici?
CLITANDRB.
On dira ce que Ton voudra; mais vous savez si je
vous ai parlé d*amour, lorsque je vous ai rencontrée.
▲nOÉLIQUB.
Vous n'aviez qu'à le faire, vous auriez été bien venu.
CLlTÀIfDRB.
Je vous assure qu'avec moi vous n'avez rien à crain-
dre ; que je ne suis pomt homme à donner du cliagru
aux belles; et que je vous respecte trop, et yoos et
Messieurs vos parents, pour avoir la pensée d'être amou-
reux de vous.
Madame de sotenvillb*.
ITé bien ! vous le voyez.
MOIfSlBUR DE SOTENVILLB.
Vous voilà satisfait*, mon gendre. Que dites-voosi
cela?
GEORGE DàNDIN.
Je dis que ce sont là des contes à dormir debout;
que je sais bien ce que je sais, et que tantôt, puisqii'3
faut parler, elle a reçu ^ une ambassade de sa part.
▲TTGÉLIQUE.
Moi, j'ai reçu une ambassade ?
^n présence du personnage le plas contraira à leur amo«r, et* 3i la £nnr
d*iu langage équivoque, Tencourager, lui indiquer ee qu'il doit fisîre pe«
tromper un importun surveillant. {Noie tTAugcr,)
1. Voyet Gt-deasns, p. 363, et note i.
2. M"* DE SoTiNTKLUl, à George DaiuRn . (1734.)
3. Vom ave» re^a satisCsction : Toycsplns loin, p. 534, notej a et h,
4. Puisqu'il faut parler net, elle a re^ (167a, Sa, 1734, et Copie HUUer.)
AGTB I, SCSNB VL S3i
CLETARDIUL
J'ai envojé une ambassade ?
JJIGiUQUE.
Qaudine.
CLITAIVDRB^
Est-fl vrai?
CLAUDINE.
Par ma foi, voilà une étrange fausseté !
GBORGB DANOITT.
Taisez-vous, caroçne que vous êtes. Je sais de vos
nouvelles, et c'est vous qui tantdt avez introduit le
courrier.
CLAUDimS.
Qui, moi?
GBOBfiB DANDIIV.
Oui, vous. Ne faites point tant la sucrée*.
CLAUDINB.
Hélas! que le monde aujourd'hui est reippli de mé-
chanceté, de m'aller soupçonner ainsi, moi qui suis l'in-
nocence même! ^
GEOKGB DAirom.
Taisez-vous, bonne pièce*. Vous faites la soumoîse;
mais je vous connols il y a longtemps, et vous êtes une
dessalée *•
I. CuTAiTDftfc, à Claudine, (1734.)
a. Elle fait la sacrée et Teat pataer pour pnidt.
{V Étourdi^ tome I, p. 169, Teri 971.)
« Aga hél dit Gareaa k GeBerote dans la déniera aeèae da Pédamt jmté^
ooa eaCef don de cet laîntes •acréea*U ? Bonnefj, je le Tojaa bien, qa*oat
•▼iais le nés toarné ft la friandite. »
3. Bonne pièce, bon on beau morceen, eioellente penonne, bon aojeC. Le
eene de cette expresrion £imilière eil toojoora ironiqae : '^
Voyez la bonne pièce avec ses reTérencetl
(Comeine, scène ▼ de Tacte V da Menteur.)
L* Académie dte « noe bonne pièce, ane fine pièoe, one méchante pièce, »
«t tradait par « ane personne rasée, dissimulée, maltciease. »
4. Une rasée, ane déniaisée, one penoane qui, dans le millea où elle vit, a
^.
Si% GEORGE DANDIIC.
CLAUDINB*.
Madame, est-ce que'...?
GEORGE DAITOIN.
Talsez-Yous, vous dls-je, vous pourriez bien porter
la folle enchère de tous les autres'; et vous n'avez point
de père gentilhomme.
▲HG^LIQUE.
C'est une imposture si grande, et qui me touche s
fort au cœur, que je ne puis pas même avoir la forée
d'y répondre. Cela est bien horrible d'être accusée par
un mari lorsqu'on ne lui fait rien qui ne soit à (aire.
Hélas ! si je suis blâmable de quelque chose, c'est d'en
user trop bien avec lui.
CLAUDINE.
Assurément ^.
▲NCiUQUB.
Tout mon malheur est de le trop considérer ; et plût
au Gel que je fusse capable' de souffrir, comme il dit,
les galanteries de quelqu'un! je ne serois pas* tant i
plaindre. Adieu : je me retire, et je ne puis plus ' enda-
rer qu'on m'outrage de cette sorte.
eu le temps de perdre m naïveté et m timidité première, par anoBoa taw
doate ft certaines choses qui après avoir été longtemps trempées, on passéss t
plosiears eaux, sont arrlTces à nn dernier état de préparation. M. Làtcrê
cite de cette figure populaire un exemple de la Fontaine, postérieur k eelm<i
(▼oyex la comédie de la Coupe enchantée^ scène vi), et nn de Voltaire.
I. Claudink, à Angélique. (1734.)
1. Madame, est-ce que que...? (1671, 74* 8a; ▼ariante, on plotèt fimle.
qui n*a pas été reproduite dans les éditions snivantes.)
3. La folle enchère de tons les antres poonait bien retomber sur voos.
TOUS pourriez finalement payer pour tons. — An propre, /ollê tmAèrê est «ne
« endière trop haute, dit M. Littré, et qu'on ne peut pas pajer, ee qai ioiee
à une nonvelle enchère dont les frais sont k la charge de cdui qni a fini la
folle enchère. »
4. Cette réponse de Qandine a été omise par mégsrde dans rédidea de
1674.
5. Que fusse capable. (1672, 8a, 97; faute éridente.)
6. Je ne serois point. (1734*)
7. Je me retira, je ne puis plus. (Ibidem,)
V
1
ACTE I, SCENE VI. 533
MADAME DB 80TBNVILLB ^
Allez, voas ne méritez pas rhonnête femme qu'on
vous a donnée.
CLAUDIIÎB.
Par ma foi ! il mériteroit qu*elle lui fît dire vrai ; et si
j*étois en sa place, je n'y marchanderois* pas.* Oui,
Monsieur, vous devez, pour le punir, faire Tamour à ma
maîtresse. Poussez, c'est moi qui vous le dis, ce sera
fort bien employé*; et je m'offre à vous y servir, puis-
qail m'en a déjà taxée '.
MONSIBUR DB SOTBlfVILLB.
Vous méritez, mon gendre, qu'on vous dise ces
choses-là; et votre procédé met tout le monde contre
vous.
MADAMB DB SOTBNVaLB.
Allez, songez à mieux traiter une Demoiselle * bien
née, et prenez garde désormais à ne plus faire de pa-
reilles bévues.
GBORGB DANDIh''.
J'enrage de bon cceur d^avoir tort, lorsque j'ai raison.
I. SCÈNE vn.
MOVfIXDR DB SOTSVTILLB, MAniM» DB tOTBVTILLB, CÎStàXDBM^
OBOROB DASDDI, CLAUDin.
M** Di SomnmxB, à Gêorgê Damdin. (1734.)
a. On peat Toir daoi Im Lexiques de Malherbe et de Mme de Singni àt
ttombreiix exemplet de marchander^ «a lens de • balancer, hésiter (/ mar»
chander, marchander à,..) ».
3. A Clitamire, (1734.)
4. Ce fera bien employé. (1734.) — Ce sera bienfait, ce sera mérite : Tez-
prcision était familière à Mme de Sévi^é : Toyea le Lexique de ses Lettres,
tome I, p. 33S.
5. PttUqa'il m*en a déji aecosée : Tojes tome III, p. 346, note 5» et tome 11«
p. 4aa, note 4. — Après ees mots, rédition de 1734 ajoute cette indication :
6. Une Daaaoisene. (167a, Sa, 9», 97.)
7. Geobob Dakdib, à part, (1734.) — Pendant que Mme de SotenviUe
sort à son tour, comme le marque la Tariante de 1734, de Ten-téte soÎTant.
534 GEORGE DANDIN.
CLrrATTDRB^.
Monsieur, voas voyez comme j*ai été faussement ac-
cusé : vous êtes homme qui savez les maximes du poim
d^honneur, et je vous demande raison de Tafiront qui
m*a été lait.
MOTTSIBUR DB SOTBTTVILLB.
Cela est juste, et c^est Tordre des procédés*. Allons,
mon gendre, faites satisfaction à Monsieur.
GBORGB OAIVDITC.
G>mment satisfaction?
I. SCÈNE vni.
MOirSIEim DE BOYXmnLLB, CtlTAirDBX, GXOBGB daxdih.
Clitaiidrb, à m, de SotettnlU, (1734.)
1. On appelait procédé la iiMiBttrt dont §• denût engager et eondnixv oae
albire d*honnear, ponr aboutir soit an eombat soit à toute antre rèparalioa;
e*était, comme M. Littré définît le mot, le préliminaire d*nn duel; il s'enfiea-
dnit aa»i, dana m aens nn peu ploa élenda, de tonte Taffitire, de toale h
querelle honorablement aoutenne et terminée, qu'on en fdt on non vcan aat
maina, et c*eat en oe aena que Mme de SéWgné a pu dire (tome IV, p. 470)
que, ponr la réputation d*un homme, « deux procédés valent un combaL •
Laa proeédéa avaient naturellement, eomme en a partout le dnel, dea ri|^ et
nne langue' que plua d*un obaervait arec toute la pédanterie qu*j met M- et
Sotenrille. — Outre le terme même de procédé, d'autres termca eonsaerés
ont été ou Tont être employés dans cette scène : gatufaeUon (réparatioB}
on tatùjairê * et éclaircUgement. On disait donner un éciaircissement, vat
explication k son adTersaire, ou même técUiireir, comme le moartre «eiie
enriense réserre £aite en i655 par les gentikhommea de Languedoc dans kar
acte de renoncement au duel (Tojet tome I, p. 5o6, note x), par lequel ib
promettaient de le refuser « pour quelque canse que ce puisse être,... saai
pourtant renoncer an droit de rqtousser par toutes voies légitimes ks ia-
jures qui leur seroient fisites, autant que leur profession et leur naiaaanee ks
7 obligent, étant aussi toujours prêts d*éelairdr de bonne foi ceux qni cru-
roient avoir lieu de ressentiment contre eux. » (Cité dans la Notice de M. le
eomte Jules de Cosaac aux Mémoiree de Daniel de Cotnae^ tome I, p. a* m.}
* « Je ne comprends pas, écrit Bussj k Mme de Sévigné (tome I, p. 5iS et
5^9), que vous parliei si bien d'un procédé (on, Câpres wne vmieaUt ik»
tPum manmeerii^ oonnsent vous ponves ai bien parier procédé). Four aaoi, j^
crois que vous avez eu quelque affaire en Bretagne, qui vous a «ppak
langue. »
* C'est cependant un peu par plaisanterie, par jeu de mot que Mot
bit dire (vojea ci-dessus, p. 53o} ii M. de Sotenville : « Tons voilà satisfril^
mon gendre. 9
ACTE I, SCBNE YI. S35
MOHAIBOR SB SOTBIfVUXB.
Oui, cela se doit dans les règles pour TaToir à tort
accusé.
GIORGB DAlfOIlf.
Cest une chose, moi, dont je ne demeure pas d!ac-
cord, de Tavoir à tort accusé, et je sais bien ce que j'en
pense.
MONSIBUA AE flOTBNVILLB.
Il n'importe. Quelque pensée qui vous puisse rester,
il a nié : c'est satisfaire les personnes, et Ton n'a nul
droit de se plaindre de tout homme qui se dédit. ^
CTORGB DAllDIir.
Si bien donc que si je le trouvois couché avec ma
femme, il en seroit quitte pour se dédire ?
MONSIBUR OB SOTBN VILLE.
Point de raisonnement. Faites-lui les excuses que je
vous dis.
GBORGB DAlfMN.
Moi, je lui ferai encore des excuses après... ?
MONSIBUR DB SOTBNVU^LB.
Allons, vous dis-je. Il n'y a rien à balancer % et vous
n'avez que faire d'avoir peur d'en trop faire, puisque
c'est moi qui vous conduis.
GEORGE OANDIN.
Je ne saurois....
MONSIEUR DB SOTENVILLB.
G>rbleu ! mon gendre, ne m'échauffez pas la bile : je
me mettrois avec lui contre vous. Allons, laissex-vous
gouverner par moi.
GEORGE DAHDIH*.
Ah ! George Dandin !
1. Il B> • fiai è eiaoÙMr, il m'y a foLat 4 balaoMr. J«(MMr «it Ici pris
■trii— t.
a. OaoaoB JUimv, à puri^ [tjH^)
S36 GEORGE DANDIN.
MONSIEUR DB ftOTBHVILLB.
Votre bonnet à la main, le premier : Monnenr
gentilhomme, et vous ne Têtes pas*
GBORGB DANDIll ^
J'enrage.
MONSIEUR DB SOTBNYILLB*
Répétez après moi : • Monsieur. »
GBORGB DàNDIN.
« Monsieur. »
MONSIEUR DE SOTBNYILLB.
(11 Toit que MB gendre lait dtfficnlté de loi obéîr.}
« Je VOUS demande pardon. » Ah'!
GEORGE DANDIN.
« Je vous demande pardon. »
MONSIEUR DB SOTBNVILLB.
« Des mauvaises pensées que j'ai eues de vous. »
GEORGE DANDIN.
a Des mauvaises pensées que j'ai eues de vous. »
MONSIEUR DE SOTBNVILLB.
« C'est que je n'avois pas l'honneur de vous coo*
noitre. »
GEORGE DANDIN.
« C'est que je n'avois pas l'honneur de vous con*
noftre. »
MONSIEUR DE SOTBNVILLB.
« Et je vous prie de croire. »
GBORGB DANDIN.
« Et je vous prie de croire. »
MONSIEUR DB SOTBNVILLB.
« Que je suis votre serviteur. »
I. Gboaob Dakddi, à pari, le honmgt à la main, (1734.)
9. M. DB SoTBRTiux. « Je Tout demande pardon. • Ha? /I vcii fse «m
géttdrg fait difficulté de lui obéir, (167a, 89.) — « Je Tooa demande par-
don. » Fojant fUê George Dandin/ait difficulté de lui obéir, Ahl (i7ÎiO
ACTE I, SCÈNE YI. 537
GBOHGB BANDIN.
Voalez-Yoas que je sois serviteur d*un homme qui
me veut faire cocu ?
MONSIEUR DE SOTBNVILLB*
(U le meaaee eoeon*.)
Ah!
cutàndrb.
n suflSt, Monsieur»
MONSIEUR DE SOTENVILLB.
Non : je veux qu*il achève, et que tout aille dans les
formes. « Que je suis votre serviteur. »
GEORGE DANDIN.
« Que je suis votre serviteur*. »
CLrrÀNDRE '.
Monsieur, je suis le vôtre de tout mon cœur, et je ne
songe plus à ce qui s'est passé. ^ Pour vous, MonsieuTi
je vous donne le bonjour, et suis fâché du petit cha-
grin que vous avez eu.
MONSIEUR DE 50TENVILLE.
Je vous baise les mains ' ; et quand il vous plaira, je
vous donnerai le divertissement de courre un lièvre.
CLITANORE.
C'est trop de grâce ' que vous me faites. ^
I. M. DB SomrrxLUi, U menaçant encore, (1734.)
a. Que, que, que jfl suis Totre serriteur. (167a, 8a, et Copie Pkiiidcr,]
3. Clitasobs, â George Dandin. (1734.)
4. A M. de Sotenville, (Ibidem,)
5. Ces baitemaiss de M. de SotonTilIe ne marquent de la part da gendl-
bonime campagnard aacun sentiment d*inférioiité à Tégard de l*homme de
conr ; le compliment sVmployait, même sous Corme plos respectneaie, entre
éganz, si nous en croyons Tautear de la Civilité théorique et pratique dtie
plnsbant : « J*arriTe.... de la campagne, dit-il (p. i36) dans nn de ses exem-
ples, et si j'envoie dire à ane personne, qui est d*égale qualité qœ moi et avec
laquelle j*at liaison, ^ue je tuit arrivé^ H^ j* '**' ^oiee tris'kmmUement les
maime^ » etc.
e. C*est trop de grâces. (167a, 8a, 1734.)
7. Clitandre sort. (1734.)
518 fiEOaGE DANDIN.
MOHSIXDA DB SOTBNYILLB.
Voilà, mon gendre, oomme il faut pousser les ehotes.
Adieu. Sachez que vous êtes entré dans une fiunille qui
vous donnera de ra[^Nii, et ne sonfinra point que Ton
vous fasse aucun affront.
SCÈNE VIL
GEORGE DANDIN*.
Ah! que je.... Vous Tavez voulu, vous Tavez voulu,
George Dandin, vous Tavez voulu, cela vous sied fort
bien, et vous voilà ajusté comme il faut; vous avez jus-
tement ce que vous méritez. Allons, il s*agit seulement
de désabuser le père et la mère, et je pourrai trouver
peut-être quelque moyen d'y réussir.
I. SCÈIfB IX.
aioaoB DAsnur, sml. (i7^0
FIN DU PREMISK ACTE.
ACTE II, SGÂNE I. S3»
ACTE IL
SCÈNE PREMIÈRE.
CLAUDINE, LUBIN.
CLÀtJDINB.
Oui, j'ai bien deviné qa*il falloit que cela vint de toi,
et que tu Teusses dit à quelqu^un qui Tait rapporté à
notre maître.
LUBIN.
Par ma foi ! je n'en ai touché qu'un petit mot en pas-
sant à un homme, afin qu'il ne dit point qu'il m'avoit
TU sortir, et il faut que les gens en ce pays-ci soient de
grands babillards.
CLiumifB.
Vraiment, ce Monsieur le Vicomte a bien choisi son
monde, que de te prendre pour son ambassadeur, et il
s*e8t allé servir là d'un homme bien chanceux ^
LUBIN.
Va, une autre fois je serai plus fin, et je prendrai
mieux garde à moi.
CLÀUDINB.
Oui, oui, il sera temps.
LUBIN.
Ne parlons plus de cela. Écoute.
I. Martiii« dit de même par nitiphrue, au débat de la aeène v de l'aete II
des Pemmet savantes :
54o GEORGE DAiNDIN.
CLAUDINB.
Qae veux-tu que j^écoute ?
LUBIN.
Tourne un peu ton visage devers moi.
CLÀUOINB.
Hé bien, qu'est-ce?
LUBlN.
Claudine.
CLÀUDINB.
Quoi?
LUBIH.
Hë! là| ne sais-tu pas bien ce que je veux dire?
CLÀUOINB.
Non.
LUBUI.
Morgue ! je t'aime.
CLÀUDINB.
Tout de bon?
LUBIN.
Oui| le diable m'emporte! tu me peux croire, puis-
que j'en jure.
CLÀUniNB.
 la bonne heure..
LUBIN.
Je me sens tout tribouilier le cœur ^ quand je te re-
garde.
I. Je me lent toot remuer le cerar. Le mot, dit M. Littré, « paraît Are vm
forme altérée de raneîen rerbe tribmUr et tribUr^ • dont Torigiae c«t la
même qoe celle de tribulations et qui signifiait propremei|t ktrter^ et figv^
ment lomrmemtér. « Trgboulà^ Tnhoulhà, lont r««tés usités en langoe d*ec, t
dit, après arolr dté œ passage, M. Adelphe Espagne (p. la des Imjimemcet^
ven^aleâ dans la langue de Molière), Aimé-Martin donne detribemlarcti cuai-
ple d*Àlain Cbartier, emprunté au livre des Quatre Damet^ qui est de i43S
(édition gothique de Pierre le Caron, f> D iiii r*, colonnes i et a) :
Fortune fait son bien tarder,
Dont fort est soi oontregarder.
A coup adviennent
Ses tours, qui d^ordre point m tiennent.
ACTE II, SCÂF^E I. 54i
CLAUDINE.
Je m*en réjouis.
LUBIN.
Comment est-ce que tu fais pour être si jolie?
CLAUDINE.
Je fais comme font les autres.
LUBIN.
Vois-tu? il ne faut point tant de beurre pour faire un
quarteron' : si tu veux, tu seras ma femme, je serai ton
mari, et tious serons tous deux mari et femme.
CLAUDINE.
Tu serois peut-être jaloux comme notre maître.
LUBlN.
Point.
CLAUDINE.
Pour moi, je hais les maris soupçonneux, et j*en veux
un qui ne s'épouvante de rien, un si plein de confiance,
et si sur de ma chasteté, qu'il me vit sans inquiétude
au milieu de trente hommes.
LUBlN.
Hé bien! je serai tout comme cela.
CLAUDINE.
Cest la plus sotte chose du monde que de se d^er
d'une femme, et delà tourmenter. La vérité de l'affaire
Mais n ao reboun se malntl«Baaiit,
Qu'aux bons les adrersitis risanent,
Et sont fonlés,
Et par fortune triboulit,
I. Ponr fSiire an quart de livre. Le prorarbe est clair : e*ett une chose qni
•e pont &ire ou se peut dire sans tant de frais, sans tant de frçons, de céré-
monies ou de paroles ; il est dans les Cmriotités /raitfoises d* Antoine Ondin
(1640); Gafeau s'en sert, dans le Pàdamt jomé de Cyrano Bergerac (acte II,
aeéne u), an moaaent oJi il essaye d*« agacer • lecapitan Chasteanfort, de le
provoquer i faire le coup de poing arec lai : « Ventreguc! si toos êtes si bon
disons, morgue! tapons-nous donc la gueulle eomme U Ciut. Dame il an fant
point tant de beurra pour Caire on eartron. Et qnien et vcla ponr toi. •
54» GBQRGl DANDIN.
est qu*on n'y §;agne rien de bon : cela nous fait songer
à maly et ce sont souvent les maris qui, avec leurs
vacarmes, se font eux-mêmes ce qu'ils sont.
LUBtN.
Hé bien ! je te donnerai la liberté de faire tout ce
qu'il te plaira.
CLAUIHVB.
Voilà comme il faut faire pour n'être point trompé.
Lorsqu'un mari se met à notre discrétion, nous ne pre»
nous de liberté que ce qu'il nous en faut, et il en est
comme avec ceux qui ' nous ouvrent leur bourse et noos
disent : € Prenez. » Nous en usons honnêienient, et
nous nous contentons de la raison *• Mais ceux qui nous
chicanent, nous nous efforçons de les tondre*, et nous
ne les épargnons point.
LUBOf*
Va, je serai de ceux qui ouvrent leur bourae, et to
n'as qu'à te marier avec moi.
CLAunniB.
Hé bien, bien, nous verrons.
LUBW.
Viens donc ici, Qaudine.
CLAUDIKB.
Que veux-tu ?
LUBIN.
Viens, te dis-je.
1. Comme ceax qui. (1679, 89, 1730, 33.) ^ Comme de eenz qvl. (CÊfU
PkUuU^.] — Et il est comme ceux qui. (1697, 1710, iS.)
a. De ee qui ett riiaonnable, de ee q«*OB peat prendre teieonaabkmiBt,
ainti que eela a été expliqué ao Tert 8ao du MUmiUkrope (tome V, p. 497).
3. M. Littré traduit : « de les attraper, de les tromper* »et,de cette aceep*
lîoB, il ne donne que notre exemple. 11 non* parait évident que le mot a M fl
rignifirarion figurée ordinaire, tonte temblable i celle de la métaphore veiaee
et non moins populaire plmmer, Claudine teut dire : « d^eafeter on tœ-
tiier, à cenx qui n'oarrent pat aiaei leur bonrtei tout ee que noua lenr pe^
▼ons prendre. »
AGTP II, SCtNB I. S4S
CLIDDINS.
Ah ! doacement : je n*aime pas les patioellrs^
LUBIN.
Eh! nff petit brin d*amitié.
CLAUDINB.
Laisse^moi là, te dis-je : je n^entends pas raillerie.
LUBIH.
Claudine.
CLAUDINB.
Ahy"!
LUBlTf.
Ah! qse ta es rude à paavres gens. Fi! que eeUi est
malhonnête de refuser les personnes! N*as-ta point de
honte d'être belle, et de ne vouloir pas qu'on te caresse ?
Eh là!
CLAUDINB.
Je te donnerai sur le nez.
LUBlN.
Oh! la farouche, la sauvage. Fi» poua'! la vilaine,
qui est cruelle*
CLAUDINB.
Tu t'émancipes trop.
LUBIN.
Qu'est-ce que cela te coûteroit de me laisser un peu
faîre^?
I . Mme da IfûntoBon ■eroiiloyé, aa même mm de « turtimr indéetameat, •
le rerbe patiner, dent une lettre à d'Aobign^ du aS février 1678 (Corrwfen-
ilamefi gémiraU, pabliée par Th. LaralUe, tome II, p. 17). Ce n'eat qa*l
dater de sa 3* édition (1740) que I* Académie qualifie oe rerbe, d*abonl de
« libre et populaire} » puis, dans les éditions postérieures 7 eompris eelle
de 1878, de « libre » uniquement; dans la 7* seulej de • libre et Tieux. •
a. Claubims, reffoiusant Lubin. H ail (1734.)
3. Telle est iei Torthographe de nos plus aneiennet éditioiis« jnsqa*à 1694 B
indosivement; les suirantes ootpouaSy qui est dans tontee plus bas, p. 590.
4. De me laisaer faire. (1673, 8a, 1734.)
544 GEORGE DANDIN.
CLAUmilB.
n faut que tu te donnes patience.
LUBIlf.
Un petit baiser seulement, en rabattant sur notre
mariage.
CLÂUMXIB.
Je suis YOtre servante ^
LUBIN.
Qaudinei je t*en prie, sur Tet-tant-moins*.
CLÀUDIKB.
Eh! que nenni : j'y ai déjà été attrapée*. Adieu. Va-
t'eui et dis à Monsieur le Vicomte que j'aurai soin de
rendre son billet.
LUBIN.
ÂdieUi beauté rude ânière^.
I. YoyflK plot bat, p. 54S et note 3, et p. 5S4.
a. Sur et tant moùu de,„.ti^ diiait poar en déduction de,,.. Sur VetteM
moine tiguUie sur ce fui sera à compter en moùu, à dé/alfuer de ce fui est
dâf comme à-^ompte, « Vet tnnt moine, dit M. Piringaolt*, eet encon «m
loeotion de la pratique d*aIon.... Lubtn a dû entendre parier de Vet ieat
moins dana quelque petit ûége de jnatioe de son roiainage. • M. Littré (>r»
tiele Sun, 44*) dte na exemple de Toitare *.
S. Ce trait comique, suiTant toute apparence, n'était pat nouYean; • il
pourrait bien, dit Auger, avoir ité emprunté par Molière i on conte du eian
d'Ouville, Irère de l'abbé de Boiarobert, conte qui est le premier de aoa
recueil. » On trouTcra cette Na*veté iTune jeune femme à son mari, le
première nuit de ses noces à la page 1 1 de la aeconde partie des Contes emx
heures perdues (titre de la première édition de ce recueil, i643), on en tête dr
FÉlite des contée du sieur ttOurille (Rouen, 1680 et 1681).
4. Rude anière, tans trait d'union, dans l'édition originale ; aTee trait ( i68a) ;
rmddnière (1784) en un mot, comme Técrit l'Académie à partir de sa se-
conde édition (1718). -^ A rude âne rudeénier était, nous apprend M. littré
(article RunlHima), un proverbe qu'a recueilli Henri Estienne dana sa Précd"
ienee du langage franeois^ p. 179'; c'est on rude énier a pa facilwnant m
• La Langue du droit dans le théâtre de Molière fi86i), p. 48.
* Lettre i45, au marquis de Pisaay, p. 45a de la a'* édition des OKmerts
ri65o) : on a imprimé là : • sur cstaat-moin«. • L'Académie (1694) lie par
des tirets tous les mots de la location, h l'en-téte : sua-ET-TAHT-MoiifS; puis,
dauA ion exemple, elle récrit sans aucun tiret; elle omet, aux deux en-
droits, les tirets dans toutes les éditions suirantes.
a Henri Estienne le rapproche de « ces mots latins, lesqoeb pareiUeacnt se
ACTB II, SCÉNB I. Hi
CLÀUMIIB.
Le mot est amoureux.
I^UBtlf.
Âdieui rocher, caillou, pierre de taiUe, et tout ce
qu'il y a de plus dur au monde.
CLAUDINE*.
Je vais remettre aux mains de ma maîtresse.. •• Mais
la voici avec son mari : éloignons-nous, et attendons
qu'elle soit seule.
SCÈNE II.
GEORGE DANDIN, ANGÉLIQUE, CLITANDRE».
GEORGE DÀKDllf.
Non, non, on ne m'abuse pas avec tant de facilité,
et je ne suis que trop certain que le rapport que Ton
m'a fait est véritable. J'ai âe meilleurs yeux qu'on
ne gense, et votre galimatias ne m'a point tantôt
ébloui. ^
CLrr ANDRE*.
Ah ! la voilà ; mais le mari est avec elle.
GEORGE DANDIN*.
Au travers de toutes vos grimaces, j'ai vu la vérité de
dire en gMrml d'un hoawM rade et reféebe, peo endonat, et d« lA k
plaÎMUit i^iniii impronié par LuUb.
I. GLâimiirB, tâêUê, (1734.)
a. GBOROB DAVDIV, AXgÎlIQIJB. {Ihidêm.)
3. CuTAmmi, au/Ud dm tkédtrt. (1679, Sa.) — SCÈNE 01. CL1TA«db%
AE€■LIQ1^^ OlOmOl DAXDUI. CllTAMDEE, àpûrt^ doHs U fimd dm tkàdirt,
(»734.)
4. Gmhmi DAimir, hou poir Clitandrê, (Ibidem,]
diseat par proverbe : Malo modo mmiuM qumrwttdmê est eaMM, » et q«*o« peut
tradiira par : (Tout bAeheroa aait qn*) i dor nmid dor eoia.
UouàRB. TX .3$
S46 GEORGE DANDIN.
ce que Ton ^ m*a dit, et le peu de respect que vous
avez pour le nœud qui nous* joint.* Mon Dieu! laissez
là votre révérence, ce n'est pas de ces sortes de respect *
dont je vous parle', et vous n*avez que fiiire de vous
moquer.
ÀNGiUQUB.
Moi, me moquer! En aucune façon.
GBORGB DÀNDIN.
Je sais votre pensée ', et connois.... ^ Encore ? Ah ! ne
raillons pas davantage ! Je n'ignore pas qu'à cause de
votre noblesse vous me tenez fort au-dessous de vous,
et le respect que je vous veux dire ne regarde point ma
personne : j'entends parler de celui que vous devez à
des nœuds aussi vénérables que le sont ceux du ma-
riage.* Il ne faut point lever les épaules, et je ne dis
point de sottises.
Qui songe à lever les épaules ?
GBORGB DANOIN.
Mon Dieu ! nous voyons clair. Je vous dis encore
une fois que le mariage est une chsune à laqueUe on
doit porter toute sorte de respect*, et que c'est fort mal
I. De 06 qo*OB. (1734.)
S. Vous. (167a, Sa, 97, 1710, 18.) Ce poM n'innit de mus qa*afee ose
dUpie qtti a*ett guère poeiible : « tooi joiat i moi. »
3. Clitandre et Angélique st salment. (167a, 8a, 1734.)
4. De ee» sortes de respects. (1673, 74, Sa, 1734*)
5. On troaveni sa Lexique le releré de ees sortes de pléoDasBSS alors
eominans: de,,,, dontf à,,„ à qui : nous «Tons ea des exeoaples in seeoad
an toaae III, p. 345 (scène ti de Taete III de V Amour mèdeein)^ eu toaae V,
p . 483 (vers 6a6 du Misanthrope) ; et noas Terrons le jHremier éWtè, dass les
OMiTres posthumes, il est Tral {les Amante magnifiques ^ acte II, scène 11)9 par
conséquent sans bien ssToir si c'est du fait de Molière ou des éditeurs de iMa.
S. Clitandre et Angélique ee resaluent, (167a, 8a.)
7. Clitandre et Angélique ^e salitent encore, (1734.)
8. Angélique fait signe à Clitandre, (167a, 8a, 1734.)
9. Sons la ▼ari8nte(rMpM<r) que août «Tons leleTèe d-denns I la aotc 4
(dix-huit lignes plue liaat).
ACTE II, SCÈNE II. $47
fait à TOUS d'en user comme tous faites. ^ Oui, oui, mal
fiût à vous ; et vous n'avez que faire de hocher la tête»
et de me faire la grimace.
▲HGÉUQUB.
Moi! Je ne sais ce que vous voulez dire.
GEORGE DANDIH.
Je le sais fort bien, moi; et vos mépris me sont con-
nus. Si je ne suis pas né noble, au moins suis-je d'une
race où il n'y a point de reproche ; et la famille des
Dandins....
CLITÀNDRB, derrière Angélique, stns être aperça de Dandin .
Un moment d'entretien.
GEORGE DANDIlf*.
Eh?
ANGÉLIQUE.
Quoi ? Je ne dis mot.
GEORGE DANDIN.
Le voilà* qui vient rôder autour de vous.
ANGÉLIQUE.
Hé bien, est-ce ma faute ? Que voulez-vous que j'y
lasse?
GEORGE DANDIN.
Je veux que vous y fassiez ce que fait une femme qui
ne veut plaire qu'à son mari. Quoi qu'on en puisse
dire, les galants n'obsèdent jamais que quand on le
I. jingéiiquâ fait siffnê de la tête. (167a, Sa.) ^ Fait tignê de la tête à
Clitmadre, (1734.)
s. Sans être t^erfu de George Dandin. (1734.)
3. GioROi Dandoi, sont voir Clitandre. {Ibidem.)
4. GioRat Danoxh tourne autour de ta /emme, et Clitandre se. retire en
faisa;nt [après avoir /ait, copie Philidor) une grande révérence à George
Dandin. Le ToUi. (167a, 8a.)— La mime indication ae trouve dans Téditiott
de 1734* maia après commence une nouvelle aeine :
SCÈNE IV.
OlOmOl DASDUI, AVOÉLMXm*
GWNMI DAVDUr.
Uveilà. (1734*)
f
548 GEORGE DANDIN.
yeot bien. U y a un certain air doacerenx qni les attire,
ainai qoe le miel fait les mouches ^ ; et les honnêtes
femmes ont des manières qui les savent chasser d a-
boni*.
i ANCiUQUB.
Moi, les chasser ? et par quelle raison ? Je ne me
scandalise point qu^on me trouve bien faite, et cela me
(ait du plaisir.
GEOaCB DAlimif.
Oui. Mais quel personnage voulez^vous que joue un
mari pendant cette galanterie ?
▲NCiLIQUB.
Le personnage d'un honnête homme* qui est bien
aise de voir sa femme considérée.
GEOaCB DÀTimil.
Je suis votre valet*. Ce n*est pas là mon compte, et
les Dandins ne sont point accoutumés & cette mode-li.
▲NGÉLIQUB.
Oh! les Dandins s'y accoutumeront s'ils veulent. Car
pour moi, je vous déclare que mon dessein n'est pas de
renoncer au monde, et de m'enterrer toute vive dans
un mari*. G)mment? parce qu'un homme s'avise de nous
I. CoBpam cJ-deMM, p. 160, lat wt 14s «t 143 de Mélieru,
%, An MBfv taon bwfaitatt d' « «oantAt, tout éê MUlt. » No«
le mot deat la même aeoeptioa dm —uf ligaas plue Iota.
3. D*aa gelant liomaie.
4. Cett-k-din, an propre : « Je vont ealoe trèe^hnmhlement. s On a Tn,
dent la aeine s de l'aete I de CÉcoiê 4êê mtmrU (tome II, p. 375 et 384.
vert aSi et 91), le donUe emploi qa*a eette formule, lolt ponr prendre
eongé, aoit ponr refiuer on nier qnelqne dioee. Dans eette deraiire aeeqitîon,
ironique, la loention n*ett pat tant an^gîe avee eette autre, qu'on aeeompagne
aotfent d*on talnt : « Pardon, » on « je root demande pardon, » pour dire :
c Je ne toit pat de votre avît. » — Ifout aTont plut haut (p. 544), «^m ^
méoM tignifieation de refiu : • Je tait Totre iervante. »
5. Cette tpirîtnelle exprettlon en rappelle une de la Bmjère, firappanlt
auiti, maia qni n'a pat la mémehanUeeiedneomplément t « H y a telle fmntt
qni anéentit on qui enterre ton mari, an oint qu'il n'en ett lait dent k
ACTE II, SCiNX II. 549
épcHuer, il ftut d'abord que tootea choses soient finies
pour nous, et que nons rompions tout commerce avec
les vivants? C'est une chose merveilleuse qae cette
tyrannie de Messieurs les maris, et je les trouve bons
de vooltHr qu'on soit morte à tmis les divertissements, et
qu'on ne vive que pour eux. Je me moque de «ela, et
ne veux point mourir si jeune.
OBORGI DAHDtH.
Cest ainsi que vous satisbites aux engagements de
la foi que vous m'avez donnée publiquement ?
angAliqdb.
Moi ? Je ne vous l'ai point donnée de bon cœur, et
TOUS me l'avez arrachée. M'avez-vous, avant le mariage,
demandé mon consentement, et si je vonlois bien de
TOUS ? Vous n'avez consulté, pour cela, que mon p^ et
ma mère ; ce sont eux proprement qui vous ont épousé,
et c'est pourquoi vous ferez bien de vous plaindre tou-
jours  eux des torts que l'on pourra vous faire. Pour
moi, qui ne voua ai point dit de vous marier avec moi,
mtomit aaeBu msBtÏDB : TÏt-il euon?» nl-il pIut?oa m dont*. ■ (
p. i^, ■* 76, ajauté, «a i6çr, tathipilmUt Ftmmct,] — Aafnii
la II Mina, poor l« tùoà «t pov qndqBn «ipi
1 {i59-i6a, (6i, (53 « »34. 1769 •! 1770) '
h)* iTiBt q«* da TiMUir,
llor iii*vDaanUrl
5So GEORGE DANDIN.
et que vous avez prise sans consulter mes sendmentSi
je prétends n'être point obligée à me soumettre en
esclave à vos volontés ; et je veux jouir, s'il vous plaît,
de quelque nombre de beaux jours que m^ofire *■ la jeu-
nessCi prendre les douces libertés que Tâge me pennet,
voir un peu le beau monde, et goûter le plaisir de
m'oufr dire des douceurs. Préparez-vous*y, pour votre
punition, et rendez grâces au Gel de ce que je ne sois
pas capable de quelque chose de pis.
GBORGB DÀlfDIlf.
Oui! c'est ainsi que vous le prenez'. Je suis votre
mari, et je vous dis que je n'entends pas cela.
▲NGÂLIQUE.
Moi je suis votre femme, et je vous dis que je l'en-
tends*
GBORGB DANDIN*.
n me prend des tentations d'accommoder tout son
visage à la compote ^, et le mettre en état de ne plaire
de sa vie aux diseurs de fleurettes. Ah ! allons, George
Dandin; je ne pourrois me retenir, et il vaut mieux
quitter la place.
I. Du petit nombre de beaux jours que peat m^ofiUr.
9. « Que TOUS le prenei? • «Tec point d'interrogation, dans les éditions
de 17 10, 3o, 33, 34.
3. GiOEOi Dauddt, à pari, (1734.)
4. Saint-Simon, an lien d* accommoder à la eompote, disait, tonr pins or»
dlnaire, mctirê en compote (tome I, p. 294, édition de 1879) : « {Le cwnSs
de] la Vangnyon.... loi metunt [à la présidente Pelot) la tête entre ses denz
poings, loi dit qu'il ne ssToit oe qui le tenolt qu'il ne la lui mit en eosipete,
ponr lui apprendre i l'appeler poltron. •
ACTE II. SCAne III. 55t
SCÈNE m.
CLAUDINE, ANGÉLIQUE».
CLAUDINE.
J'aTois, Madame, impatience qu'il s'en allât, pour
TOU5 rendre ce mot de la part que vous savez.
ANG&LIQVK. •
CLACDlIfB*.
A ce que je puis remarquer, oe qu'où lui dit * ne lui
déplaît pas trop.
IHCiUQUB.
Ah! Qaudine, que ce billet s'explique d'une foçon
galante! Que dans tous leurs discours et dans toutes
leurs actions les gens de cour ont un air agréable! Et
qu'est-ce que c'est auprès d'eux que nos gens de pro-
vince?
CLtDOIIfB.
Je crois qu'après les avoir vus, les Dandins ne vous
plaisent guère.
IHCiUQ'OB.
Demeure ici : je m'en vais faire la réponse.
Je n'ai pas besoin, que je pense*, de lui recommander
de la faire agréable. Mais voici....
I. SCÉHET.
ÂHtlLiqDB, CLiUDtXK, (ijH-i
a. iMiuqm. Tdtou. {SIU Ut tai.) (i6ji. Sa.)
(167a, h, »7Î4,)
1. Cl qn'oD Iidieill. [1671, Bi, 1734.)
4. Ckim™i,„.J^. {,j34.)
5. CoTBaitIa ■ aniil anplaji m tout, «coït ujo
S5t GEORGE DANOIN.
SCÈNE Iy^
CLITANDRE, LUBIN, CLAUDINE,
CLAUDIIIB.
Vraiment, Monsieur, Yoas a^ez pris là on habile
messager.
CLrrANDHB.
Je n'ai pas ose envoyer de mes gens. Hais, m
pauvre Oaudine, il faut que je te récompense des bons
offices que je sais que tu m'as rendus. *
CLÀUDnrB.
Eh ! Monsieur, il n'est pas nécessaire. Non, Mon-
sieur, vous n'avez que faire de vous donner cette fàot
là ; et je vous rends service parce que vous le mérita,
et que je me sens au cœur de l'inclination pour iws*
Je te suis obligé. *
CLrrANDRB*.
LUBIN*.
Puisque nous serons mariés, donne-moi cela, que je
le mette avec le mien.
CLAUDINE.
Je te le garde aussi bien que le baiser.
CLrrANDRB*.
Dis-moi, as-tu rendu mon billet à ta belle maîtresse?
CLAUOnfB.
Oui, elle est allée y répondre.
I. SCÈNE VI. (1734.)
s. nfimHlêdamstapoeke, (1679, 89, 1734.)
3. CuTAVDEi, icmtuuu de rargêiU à Clamdùiê, (1734.)
4. H imi domttê éê Fmrgemt, (1679, 8».)
5. Lmiv, il Clmmdimê, (1734.)
S. CuTARiNii, il CUmdine, (IbUem^)
ACTE II, SCiNE IV. 5S3
CUTINDRB.
Mais, Gaadine, n'y a-t-il paa moyen que je la poisse
r?
CUCSINE.
Oui : Teoez avec moi, je vous ferai parler i elle.
CUTAim».
Maïs le troDven-Uelle bon ? et n'y a-t-Q rien à ris-
quer?
cuumra.
NoD, non : son mari n'est pas an logis ; et puis, ce
n'est pas lai qu'elle a le plus & ménager, c'est son père
et sa mère; et pourvu qu'ils soient préveans*, tout le
reste n'est point & craiadie.
CLITÀirpU.
Je m'abandonne i ta conduite*.
Luain*.
Testignenne! que j'aurai là une habile femme I Elle
a de l'eaprit comme quatre.
1. Ponm qmU Mleat ftimat ta «■ bnur, qn'ili fudtat Inn ptina-
tiMi K m &Twir. CowmIc mm, lonqa'U «n pria ilwiilawU, paît ptdwr
1 danbla «Bsipticn, 11 ut plu MUTast, la wu qa'îl ■ ûd, aceampigai d'aa
rtgima (J*MM cAa«, nmaeioM, «te.) : toj« iiu ■itlelw Pkinaii , 7*, ft
ftàtwmu, 3*, Im «umpln âtii par M. Uttn.
9. CaOm npriM da CliUBdra •« odiim dm In UitioM 4a lOji, itji,
6I9, M dau la copia PhUidor.
3. Lnm.fm/. (1734.)
554 GEORGE DÀNDIN.
SCENE V.
GEORGE DANDIN, LUBIN.
Voici mon homme de tantôt. Plût au Gel qa*il pût se
résoudre i vouloir rendre témoignage au père et a h
mère de ce quHls ne veulent point croire !
LUBIN.
Ah ! vous voilà. Monsieur le babillard, à qui j*avois
tant recommandé de ne point parler, et qui me ravies
tant promis. Vous êtes donc un causeur, et tous allez
redire ce que Ton vous dit en secret ?
GEORGE DAKDIN.
Moi?
LUBIlf.
Oui. Vous avez été tout rapporter au mari, et vooi
êtes cause qu'il a fait du vacarme. Je suis bien aise de
savoir que vous avez de la langue', et cela m*apprendn
à ne vous plus rien dire.
GEORGE DANDIN.
Écoute, mon ami.
LUBTN.
Si vous n'aviez point babillé, je vous aurois conté oe
qui se passe à cette heure; mais pour votre punîcioD
vous ne saurez rien du tout.
GEORGE DANDIN.
0>mment ? qu'est-ce qui se passe ?
I. SCÈNE vn.
OBOROB DAITDIHi LUBIN.
Gbobob Dabdib, hiu, à part. (x734.)
a. L'flsprcftioii se rencontra aotai dans /«# Fourberies de S^é^ùê (a^ DL
•eine zr] : « SiLTimB. Vont ariez grande envie de babiller, et e'eH
bien de la langue que de ne pouToir se taira de aet proprae nflhlraB. »
ACTE II, SCÈNE T. SSS
LDBIR.
Rien, rien. Voilà ce que c'eflt d'avoir cans^ : toqs
n'en tâterez plus, et je vous laisse sur la bonne boacbe*.
GB0H6B DANDRI.
Arrête un peu.
LUBIN.
Point.
GBOBGB DINDIN.
Je ne te veux dire qu'un mot.
lUBlN.
Nennin, nennin*. Vous avez envie de me tirer lef vers
dn nez.
GBOaCB UNDIH.
Non, ce n'est pas cela.
LDBIH.
Eh! quelque sot*. Je vous vois venir.
GBOBGB DAKDnf.
C'est autre chose. Écoute.
LDBIN.
Point d'affaire. Vous voudriez que je vous disse qae
Monsieur le Vicomte vient de donner de l'argent à Clau*
dine, et qu'elle l'a mené chez sa maîtresse. Mais je ne
suis pas si bête.
GBORGE DINDIIT.
De grâce*.
LUBIV.
Non.
I. Et TOM D'iorarJcn dt mirai qa* le eooBianeemrat d'hUt^n daat {•
*OM il rifiJi tutAt.
a. Cetta Eonna >lil*ga>b> à» «mu al niu doiite i proBOBcor
vant la première lyUalw [iun)\ Cjmo Bcrgsrifl V§ écrite pour ■<
Gamn : Hiiata Jm (icta II, icisa a], namaùi vramtiu [aeta D, Mia
3. Qadqne ut H IlIlKnil prandr* ; mal* ji n'il girdo : on a i
toor prornbial id Tsn G74 de PÉiourJi, et an Tara S^C dn T*rt»Jft
«joanque oiaii, • dit dan* le mt-na mh Gare» (acte II, actna m}
4- ■ De grtca..., >, aoinDW TMeenet, dau l'éditioa de I73(.
SS6 GEORGE DÀNDIN.
OBOftGB DANDIlf •
Je te d<mnend.««.
LUBClf.
Tarare*!
SCENE VL
GEORGE DANDIN*.
Je n*ai pu me servir avec cet innocent de la pensée
que j^avois. Mais le nouvel avis qui lui est échappe
feroit la même chose, et si le galant est chez moi, ce
seroit pour avoir raison * aux yeux du père et de la mère,
et les convaincre pleinement de reffronterie de leur
fille. Le mal de tont ceci, c^est que je ne sais coomieiit
faire pour profiter d*un tel avis *• Si je rentre chez moi,
je ferai évader le drôle, et quelque chose que je poisie
voir moi-même de mon déshonneur, je n*en serai poiiit
cru i mon serment ', et Ton me dira que je rêve. Si,
I. Cette gKfiaiMtioii de refiit moqueur eet «lejà ao rtn 1241 de FÉtmirdL
II. Littr^ rapprodie de ce « mot de fiinUisie » dae syHabei «nalogvce qnî m
Uaent daaa U JfmolofM CoqmiiUrt (ou U MoiÊologms de ta bmtu deJmM),
qm eat d« qnintiwne dèeie (tome II dea OÊmvrêê de CoqmiiUrt daaa b Col*
leetioB Jaaaet, p. a 16) :
Noua Darliaet taria tara.
Pnâa de Moaaiear, poia se ma dame.
De panib iMta aoot d'étymologîe biem laeeitaiM. Fattt-éti«« éem Tm-
giae, «baotatt-on, plot6t qa*oa ne diaatt, eea ayllabea de tmrmre, Qiafnat
quelque bribe d*on air eonau, qaelquea ayllabea de rafraia« eat «ae laçaa
p^^olaire fort oaltée de eoaper eonrt oa reavoyer biea loia.
9. 8CÊ1IE VUI.
OBOROB DAin>ijr, eeml. (1734.)
3. Ce aérait fiiit poor me doaaer raiaoa, c*cflt ee qu'il me bodrait paar
areir raiaoa. Comparea, poor ee tour, Ica eadroita iadlqufa tome T, p. U7«
aole 4, et eî-demu, p. aS5, aote 3.
4. Deeetaria. (1734.)
5. A moa aeraoeat oa m*ea pcat eroira,
dît SoaU •• vara 814 d*Amfkitrj9m, et-deaaaa, p. 4o3.
ACTE II, SCANB TI, 557
d'autre put, je vaia qnerir beau-péie et belle-mère sans
êUe sâr de trouver chez moi te galant, ce sera la même
cboae, et je retomberai dans rinconvénieat de tantôt.
Pomrois-je point ' m'ëclaircir doucement s'il y est en-
core?' Ah Ciel! il n'en faut plus douter, et je viens
de ISpercevoir par le trou de la porte. Le sort me donne
ici de quoi confondre ma partie * ; et pour achever
l'aventure, il iait venir i point nommé les juges dont
j'avots betoin.
SCÈNE VII.
MONSIEUR n MADAME DE SOTENVILLE\
GEORGE DANDIN.
GBOaCB DÀKOm.
Enfin vous ne m'avex pas voulu croire tantôt, et
votre fille l'a emporté sur moi; mais j'ai en main de
quoi VOUE faire voir comme elle m'accommode*, et, Dieu
merci! mon déshonneur est si clair maintenant, que vou«
n'en pourrez plos douter.
I. Oa a Ta mûata ibij iUm cm pkua iatvngillTai la BlgMîoa
prÎMB, au Ttrt «omm* n pro**. qa* l^îfttvrfi^tïoB ttt dinEM o« iodûi
par «Udiiil* m nn Sg8 da rÈtemrii et 6Sa da Dipit amamrmx (toi
p. m M Uî), an Mèaaa i M tn da rim/rtmftm dm ffaUlm (lUM
p. 3ga, 3* aoaplat, M p. (14, 4* «Mpiat] t (oja M qai «t dit t •• m|i
Vimmllia.LÛdfm*d*C»rmtUU,f. lia.
a. Jfrè,mrtiriUMgarJtrftrUlnmAtmimrwn.{ij3i.)
3. bon as l«ua, ca («mUa, da aaspa^Bard proâarift Gaorga Di
aoag» k plaidtr at à obtanir aaa lipantiaD : TOyai li Sa da la *ôia
l'acta I, at ci-aprii, la fia de b aatot m da Tacta III.
4. 8CÉI1B IX.
M. DB aonuTiLLi, m" dk Mtianux, (ijU-)
5. CamBD* alla ai'arraaga, qada Cgnra eBe ma bit Ikln. • L'o
acaoBunod* dalaolat pUeea, • l'aK dit George Daadia \ lal-B<BM (a
mieamaal da iob ncoad ■oaolefna, acte I, iaèna m}.
SS6 6B0R6B DÀNDIN.
OBORGB DANDIlf .
Je te donnerai....
LUBOI.
Ttrtre*!
SCENE VL
GEORGE DANDINV
Je n*ai pu me servir avec cet innocent de la pensée
que j'avois. Mais le nouvel avis qui lui est échappé
feroit la même chose, et si le galant est chez mcH, ce
seroit pour avoir raison ' aux yeux du père et de la mèrei
et les convaincre pleinement de reffronterie de leur
fille. Le mal de tout ceci» c^est que je ne sais comment
faire pour profiter d*un tel avis *. Si je rentre chez moi,
je ferai évader le drôle, et quelque chose que je puise
voir moi-même de mon déshonneur, je n*en serai point
cru i mon serment ', et Ton me dira que je rêve. Si,
I. Cette wHiiMtion de reftu moqueur eet déjà ao rm la^i de FikmA,
II. Littré repprodie de ce « mot de fimuitîe » dae •yUabet «nalogvce q« ■
Haeat daaa h Mcmotagmt CfmUart (ou U Momoiogms i» Im hmtf de/mm),
qm eat da gniniième dèeie (tome II des OKmprêt de CofmiiUrt àam b Coû
leetioB Janaet, p. ai6) :
Noos DarlioMi tafîa tara.
Pnâa de Mootlear, paie se ma dame.
De panib moU aoot d'étymologie UeB iMertaiae. Fettt-dire, daw Teri-
giae, «baatait-OB, plat6t qn^on, ne diaait, eea syllabea de tersr». CleataiB^g
qoriqve bribe d*on air conau, qneiqoet tyllabet de rafraia, «t aie 6cai
popidaire fort wltée de eoaper eonrt on renvoyer bien loia.
9. SCÊHE VUI.
oBORos DAin>ijr, êêml, [l^'^K*)
3. Ce aérait dit pour me donner raison, c*cflt ee qn'il me fitadrait peer
•Toir raison. Comparai, pour ee tour, les endroits indlqiifa tome V, p. 44?*
■Ole 4, et eî-dessos, p. nS5, note 3.
4. De eet stîs. (1734.)
5. A mon serooent on m*en peat eroîre,
dît Sosie an vers 8*4 d*Jmpk{trjr9m, ci-deasns, p. 4o3.
ÀCTB II, SCÂNB YI. 557
d autre part, je vais quérir beau-père et belle-mère sans
être sûr de trouver chez moi le galant, ce sera la même
chose, et je retomberai dans Tinconvénient de tantôt.
Pourrois-je point ^ m^éclaircir doucement s^il y est en-
oore ? * Ah Gel ! il n*en faut plus douter^ et je viens
de IVpercevoir par le trou de la porte. Le sort me donne
ici de quoi confondre ma partie*; et pour achever
Faventure, il fait venir à point nommé les juges dont
j*avois besoin.
SCÈNE VII.
MONSIEUR BT MADAME DE SOTÉNVILLE *,
GEORGE DANDIN.
GEORGE DàNDIN.
Enfin vous ne m*avez pas voulu croire tantôt, et
votre fille Ta emporté sur moi; mais j'ai en main de
quoi vous faire voir comme elle m*accommode', et, Dieu
merci! mon déshonneur est si clair maintenant, que vous
n'en pourrez plus douter.
I. Ob a TU maÎBta feif daM eet phraaot Intarrogatitvt la n^gatioB tap-
priflMe, en Ttrt eomme an proae, qne l^tcnrogatioa tôt direeta oa indiracla :
par eiaflipla ans fmn 598 da rÉtourdi et 65n dn Dépit amtmremx (tome I,
p. 144 et 443), au acènea i et m de Vlmprûmpim de V^naiUm (tooM Ul,
p. 3^, 3* eonplet* et p. 414, 4* couplet) t Toyes ee qni est dit à ea aa^ an
tone II dn LuAfu dg CormêUiêt p. i lo.
9. jiprèt avoir été rêgmtdër par U trom dg la Mrwrt. (1734.)
3. lacinre an terme, ee lemble, de campagnard proeeaaif ; George Dandin
aonge k plaider et à obtenir une a^paradon : Toyex la fin de la fcène m de
Pacte I, et d-apria, la fin de la scène m de Tacte III.
4. SCÈNE IZ.
M. M tOrnonriLLI, M** DB tOTISTILUI. (l^'i*)
5. Comme die m'arrange, qndle figure elle me £iit fidre. « L'on toos
aeeommode detontea pièces, » s*est dit George Dandin k Inl-méme (an eom*
mencemcnt de son second monologne, acte I, scène m].
SS6 GEORGE DANDIN.
6S0RGB DAUDIlf •
Je te donnerai....
LUBClf.
Ttrtre*!
SCENE VI.
GEORGE DANDINV
Je n*ai pu me servir avec cet innocent de la pensée
que j^avois. Mais le nouvel avis qui loi est édiappé
feroit la même chose, et si le galant est chez moi, ee
seroit pour avoir raison ' aux yeux du père et de la mère,
et les convaincre pleinement de reffronterie de leur
fille. Le mal de tont ceci, c*est que je ne sais comment
faire pour profiter d'un tel avis *• Si je rentre chez moi,
je ferai évader le drôle, et quelque chose que je puisse
voir moi-même de mon déshonneur, je n*en serai pmnt
cru k mon serment ', et Ton me dira que je rêve. Si,
I. Cette «BKlaination de refiit moqueur eet d^à aa Ten 1x41 de PÉhmfiî.
II. Litti^ repprodie de ce « mot de fiinUisie > dee tyHabet anelogvet qm m
Uamt daae /# Mcmotagmt Co^Urt (ou U Momologms i» U hmtu dir^m),
qaî eet d« qulnuime liàele (tome II des OEuvrêi de CofmiiUrt du» la Col-
leetîon Janaet, p. 9 16) :
Noos Dariâmet taria tara.
Pois de Moadeor, paie ae ma daoM.
De panib moU eoot d*étymologie bieft laeeitame. Fettt-dire, daa» feri-
giae, ebaotaitM»o, plQt6t qu'on, ne disait, eet eyllabee de Cenerv. deateiB^g
quelque bribe d*ui air conna, quelques syllabes de rafraia, «et «Be fc^ea
popubire fort ndtée de eouper eourt ou renvoyer bien loin.
9. SCÈNE VUI.
oBORos DAin>ijr, êêml, (i734.)
3. Ce serait fiiit pour me donner raison, c^est ee qu'il me fiiudrait peur
•Toir raison. Compares, pour ee tour, les endroits indiqués tome V, p. 4i7«
■Ole 4, et eî-dessns, p. uS5, note 3.
4. De eetaTÎs. (1734.)
5. A mon serment on m*en peut eroire,
dît Sosie •• VOTi Sn4 d*Amfkitrjrom, ci-dessus, p. 4o3.
ACTB II, SCÂNB YI. 557
d*aatre part, je vais quérir beau-pére et belle-mère sans
être sûr de trouver chez moi le galant, ce sera la même
chose, et je retomberai dans Tinconvénient de tantôt.
Pourrois-je point ^ m^édaircir doucement s*il y est en«
core?* Ah Gel! il n'en faut plus douter^ et je viens
de IHipercevoir par le trou de la porte. Le sort me donne
ici de quoi confondre ma partie'; et pour achever
Taventure, il fait venir à point nommé les juges dont
j^avois besoin.
SCÈNE VII.
MONSIEUR BT MADAME DE SOTENVILLE*,
GEORGE DANDIN.
GEORGE DàNDIN.
Enfin vous ne m*avez pas voulu croire tantôt, et
votre fille Ta emporté sur moi; mais j^ai en main de
quoi vous faire voir comme elle m'accommode', et, Dieu
merci! mon déshonneur est si clair maintenant, que vous
n'en pourrez plus douter.
I. Ob a VQ maate fbif daM eet phratot iaterrogatitvt la négation tap-
prinM, en T«rt eonune en proee, que l*intnrrogatîon fikt diieeta on indîracle :
par eiemple aoi vert 598 de rÉtomnU et 659 du Défit mmomremx (tome I,
p. 144 et 443), au acènea i et m de r/ayrenym de f^êrsaiiiêt (toaM III,
p. 3^, 3* couplet, et p. 414, 4* eooplet) 1 ▼ojrea ee qoi eit dit à ea aajat an
toaM II da iMci^mê de CrniuUU^ p. iio.
9. Aprèê avoir été rêgmrdêr par U trom dt tm êmrmrê, (1734.)
3. Encore on terme, ee temble, de campagnard proeettif ( George Dandin
•onge h plaider et à obtenir nne séparation : Toyes la fin de la icène m de
Facto I, et d-aprèa, la fin de la scène m de Tacte III.
4. 8CÈEIB IX.
M. DB tOTEVTILLB, M** DB lOTISTILUI. (l734*)
5. Comme elle m'arrange, quelle figore eQe me £iît faire. « L'on Tont
accommode de tontes pièces, » s'est dit George Dandin k lot-méme (an eom*
mencement de son second monologue, acte I, scène m].
SS6 GBORGB DÀNDIN.
OBOftGB DANDIlf .
Je te donnerai....
LUBClf.
TanreM
SCENE VI.
GEORGE DANDINV
Je n*ai pu me servir avec cet innocent de la pensée
que j'avois. Mais le nouvel avis qui lui est échappé
feroit la même chose, et si le galant est chez moi, œ
seroit pour avoir raison* aux yeux du père et de la mère,
et les convaincre pleinement de reffronterie de leur
fille. Le mal de tout ceci, c^est que je ne sais commeat
faire pour profiter d*un tel avis ^. Si je rentre chez moîf
je ferai évader le drôle, et quelque chose que je poisse
voir moi-même de mon déshonneur, je n*en serai point
cru i mon serment ', et Ton me dira que je rêve. Sî,
I. Cette flaukiMtioA de refna moqueur eek déjà aa Ten 1941 d« ^Ê^tmiL
11. Littré repprodie de ce « mot de fimtaisie » dee tyllebeg anelogvei q« «
Hieat daM U Momoiogmt CoqmiiUrt (ou U Momoiogms i» U hmtf de^\,
qm eet da qalmièaae dèeie (tome H des OÊmvrêâ dt CofmlUrt éam la Coi-
leetioo Janaet, p. a 16) :
Noos Derlâoiet tana tara.
Pois de Moadear, pnia m ma dame.
De panib moU ao«t d'étymologîe bieft laeeitaiBe. Fettt-ém, daa» fari-
giae, «bantaiuon, plat6t qu'on ne diaait, eea syllabea de Canerv. Clia«liiBiiir
quelque bribe d*an air conau, quelques ayllabet de rafraia, «et aie 6^
popidaire fort ndtée de couper court ou renvoyer bien loin.
a. SCÈNE VUI.
OBOROB DASDUr, êêml, (l^'^K^)
3. Ce terait fiiit pour me donner raison, c'est ce qu'il me fiiudrait psar
avoir raison. Comparas, pour ce lonr, les endroits indiqués tome V, p. 4i7«
■Ole 4, et ei-desMis, p« aS5, note 3.
4. De cet avis. (1734.)
5. A mon serment on m'en peut croire,
dit Sosie an vots 8a4 à^Amfkiirjom^ ci-dessus, p. 4o3.
ACTB II, SCÂNB YI. 557
d^aatre part, je vais quérir beau-père et belle-mère sans
être sûr de trouver chez moi le galant, ce sera la même
chose, et je retomberai dans l'inconvénient de tantôt.
Pourrois-je point ^ m'édaircir doucement s'il y est en«
core?* Ah Gel! il n'en faut plus douter^ et je viens
de IVpercevoir par le trou de la porte. Le sort me donne
ici de quoi confondre ma partie*; et pour achever
l'aventure, il fait venir i point nommé les juges dont
j^avois besoin.
SCÈNE VII.
MONSIEUR BT MADAME DE SOTENVILLE*,
GEORGE DANDIN.
GEORGB DÀNDIIf.
Enfin vous ne m'avez pas voulu croire tantôt, et
votre fille Ta emporté sur moi; mais j'ai en main de
quoi vous faire voir comme elle m'accommode', et, Dieu
merci! mon déshonneur est si clair maintenant, que vous
n'en pourrez plus douter.
I . Ob a VQ mnate feif daM eat phrases latarrogatitvs la nigitioii sap-
priaiM, en T«rs comme eo prose, qoe rinterrogatioB Sàt direela oa indirecte :
par eiemple am vers 598 de rÉtomnU et 65% du Dépii ëmomremx (tome I,
p. 144 et 443), au scènes i et m de Vlmprûmpim tU FêrêoUUi (tooM IH,
p. 3^1 3* couplet, et p. 414, 4* coaplet) 1 Toyes ce qui est dit à ea ss^ an
toase II da Lexique de ComeilU^ p. i lo.
9. Aprh avoir éUrêgmMër pat U inm de In eerrmre, (1734.)
3. Encore on terme, ce semble, de campagnard processif; George Dandin
songe k plaider et à obtenir une séparation : Toyex la fin de la seène m de
Tactn I, et ci-après, la fin de la scène m de Tacte III.
4. 8CÈEIJB IZ.
M. DB tOrnanriLLB, M** DB tOTBMTILLB. (l734*)
5. Comme die m'anrange, qoelle figure elle me £iit faire. « L*on Toot
accommode de tontes pièces, » s*est dit George Dandin h loi-même (an eom*
mencement de son second monologoe, acte I, scène m].
5S8 GEORGE DANDIN.
MONSIEUR DB SOTBHVILLB.
Gimment, mon gendre, vous en êtes encore li-
deasos^?
GB0R6B DàNDIN.
Oui, ly suis, et jamais je n*eus tant de sujet d 7
être.
MADAME Bn SOTBNYILLB.
Vous nous venez encore étourdir la tête*?
GBOBGB DANDIN.
Oui, Madame, et Ton fait bien pis & la mienne.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Ne vous lassez- vous point de vous rendre importun?
GEORGE DANDIN.
Non ; mais je me lasse fort d*être pris pour dupe.
MADAME DE SOTENVILLE.
Ne voulez-vous point vous défaire de vos pensées
extravagantes ?
GEORGE DANDIN*
Non, Madame ; mais je voudrois bien me défaire
d*une femme qui me déshonore.
MADAME DE SOTENVILLE.
Jour de Dieu ! notre gendre, apprenez à parler.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Corbleu! cherchez des termes moins offensants qae
ceux-là.
GEORGE DANDIN.
Marchand qui perd ne peut rire'.
MADAME DE SOTENVILLE.
Souvenez- vous que vous avez épousé une Demoiselle.
I. Vous êtes resté iur ees soap^ns? — Les éditions de i67«, 8», Si A*
^B, 97, 17 10, 18 omettent m.
a. Voos nous Tenes étourdir la tête? (1679, Sa, 97, 1710, iS, 3o, 33.^
3. ProTerbe tout bourgeois on paysan, naturel chez on bomme qidgère lai-
même ses biens, traite direetement de la Tente de ses denrées.
ACTE II, SCÈNE VII. SSp
OBOAGB DAIfDUf.
Je m*en souviens assez, et ne m*en souviiendrai que
trop.
MONSIEUR DB SOCTlfVILLB»
Si TOUS vous en souvenez, songez donc à parler d*elle
avec plus de respect.
GEORGE DANDIN.
Mais que ne songe-t-eUe plutôt à me traiter plus
honnêtement ? Quoi ? parce qu*eUe est DemoiseUe, il
faut qu*elle ait la liberté de me faire ce qui lui plaît,
sans que j^ose souffler ?
MONSIEUR DE SOTENVILLB.
Qu^avez-vous donc, et que pouvez- vous dire ? N^avez-
VOUS pas vu ce matin qu'eUe s'est défendue de connottre
celui dont vous m'étiez venu parler?
GEORGE DÀNDIN.
Oui. Mais vous, que pourrez-vous dire si je vous fais
voir maintenant que le galant est avec elle ?
MADAME DE SOTENVIIXB«
Avec elle ?
GEORGE DANDIN.
Oui, avec elle, et dans ma maison ?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Dans votre maison ?
GEORGE DàNDIN.
Oui| dans ma propre maison.
MADAME DE SOTENVILLE.
Si cela est, nous serons pour vous contre elle.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.
Oui : rhonneur de notre famille nous est plus cher
que toute chose ; et si vous dites vrai, nous la renonce-
rons pour notre sang, et Tabandonnerons à votre colère.
GEORGE DANDIN.
Vous n*avez qu*à me suivre.
56o GEORGE DÀNDIN.
MADAl» DE SOTBNVItLB.
Gardet de vona tromper.
MONSIEUR DE SOTSirVILLE.
N*aUez pas fidre comme tantôt.
GEORGE DANDIN.
Mon Keu! voua allcx voir.* Tenez, ai-je menti?
SCÈNE VIII.
ANGÉLIQUE, CLITANDRE, CLAUDINE, MON-
SIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE
DANDIN-
ANGELIQUE *•
Adieu. J*ai peur qu^on vous surprenne ici*, et j*ai
quelques mesures k garder.
cutàndre.
Promettez-moi donc, Madame, que je pourrai vott
parler cette nuit.
▲NGiUQUE.
J y ferai mes efforts.
GEORGE DANDIN^.
Approchons doucement par derrière, et tachons de
n^être point vus.
t. MomUtmt CiitaiÊJrê fd arn^t opm AmgéUfmt. (1734.)
%. SCÈNE X.
M. DE SOmrTILLB tt M** DE SOnarTILLI «fWC. OBORGX DABDIVi Jêêê
S. Tai peur qa*on ne root tarpreniM ici. (1679, 74, S«; U eapî* Plâfite
• : « M BOUS » aa Uea de « ds tous ».) Mais la négatioa était souvent eaatf
aprèales mots oa loeadoas analogoes Ifaipeur : jojn ci-deasos, p. 447* aate i*
4. Gmaoi Dahsdi, àM.tià Mme de SoUMfUU. (1734.)
ACTE II, SCÈNE VIII. 56l
CLAUDmB.
Ah ! Madame, tout est perdu : voilà votre père et
votre mère, accompag^nés de votre mari^
CUTANDRB.
Ah Gel!
▲NCiuQUB.
Ne faites pas semblant de rien \ et me laissez faire
tous deux. Quoi'? vous osez en user de la sorte, après
Faffaire de tantôt; et c*est ainsi que vous dissimulez
vos sentiments? On me vient rapporter que vous avez
de Tamour pour moi, et que vous faites des desseins de
me solliciter^ ; j*en témoigne mon dépit, et m'explique
à vous clairement en présence de tout le monde ; vous
niez hautement la chose, et me donnez parole de
n^avoir aucune pensée de m*offenser; et cependant, le
même jour, vous prenez la hardiesse de venir chez
moi me rendre visite, de me dire que vous m'aimez, et
de me faire cent sots contes pour me persuader de
répondre à vos extravagances : comme si j'étois femme
à violer la foi que j'ai donnée a un mari, et m'éloigner
jamais de la vertu que mes parents m'ont enseignée.
Si mon père savoit cela, il vous apprendroit bien à
I. La phrase se retrouTe, eonatniite tout h fait de même, Tert la fin de la
déniera seène dn BemrgwU gentilkommeg rien (da latm rem) ii*j a pat ta
▼aUor orduaire d*appai et par tnita partie de négation « mais garde ton tena
originaire et déuelié de {qmëiqmë) ehote .* • Ne fiiitet pastemUantde quelque
cfaoae, on qn'il y <it quelque chose. » Bilise et Pfailaminte n^anraient donc pu
trooTar dans ee « pat mis atee rian • une négatire de trop, il n*y ■ point
Ici ce double renibreement de la négatÎTe ne qu*elles ne pcoTcnt passer à
Martine (aeine tx de Pacte II des Femmes êavaiUêé), Compares, dix- sept lignes
plus loin, remploi si fréquent de rien dana le tour : « Je n*ai garde de lui
en rien dira. »
9. CuTARDAB, k part. Ah CîelJ AnoiuQUi, ha», à CHtandre H à CtaU"
Mne, Ne £iites pas semblant, etc. (Haat, à Clitatulrg,) Quoi? (1734.)
3. Que TOUS projetés de.... Voyes le Lexique de la langue de Corneille
(tome I, p. 287 et 988), où il est parU d*une critique mal fondée, de Vol-
taire, des locutions • faire un dessein, des desseins. » L* Académie donne la
pramite joaqu'i aa 5* édition inclusif ement.
Mou&u. Ti 36
56a GEORGE DANDIN.
tenter de ces entreprises. Mais ^ une honnête femme
n*aime point les éclats;* je n*ai garde de loi en rien
dire, ' et je veux vous montrer que, toute femme que je
suis, j'ai assez de courage pour me venger moi-même
des offenses que Ton me fait. L'action que vous avez
faite n'est pas d'un gentilhomme, et ce n'est pas en
gentilhomme aussi ^ que je veux vous traiter.
(Bll0praadaiibètoo«tbatiooiiiari, aa UeudeClitiadre, qûieaMteatre-dcas '.J
CLrrANDRB*.
Ah! ah! ah! ah! ah! doucement..^
CLÀUDIIfB»
Fort, Madame', frappez comme il faut.
ANCiLlQUB*.
S'il vous demeure quelque chose sur le cœur, je sois
pour vous répondre**.
CLAUDINB.
Apprenez à qui vous vous jouez.
I. G>mparex ce que dit Elmire dam U Tartuffe (▼«» io32-io34)*
9. Elle /ait signe à Claudine Jt apporter un béton. (1679, Sa.)
3. jipri* avoir /ait signe à CUuUinB Jtapporter un hétan, (1734.)
4. On utt ^%k*aussi s'emplojait iréqaemnieat autraibi% dans las tooit ■»•
yadfs, au lieu de notre non piusf et, d*«prèa la eonstroction, c'est himn Ik h
sens qa*il paratt avoir ici, |rfat6t que eelui de • (et) de mène, (et) ooasé-
qnemmeat. > Voyet les Lexiques divers de la Collectioa.
5. Bile prend le hnton et bat son «mvt, au lieu de CUtamdre^ ^ mei
George Dandin entre-'-deux, (1672, i^.)--^ Angélique prend la Mtea, et le Utt
sur Clitandre^ qui se range de/aeon que les coups tombant sur Gaorga
din, (1734*) ~~ Le texte original porte : « au lieu deOitandre, qui 1
entre-Kleux. • La situation forée, ce semble, à substituer lek ee^omk
quelque interversion de mots, et à rapprocher qui se mai antrmdeux es sot
mari,
6. CuT4!fDnK, criant comme s*U avwt èti/rappi. (1734.)
7. Puis a s*enfuU, (1671, 8fl.)
S. SCÈICE XI.
M. DB BOTBITTXLLB, M** DB fOTBHTTLLB, AHOBLIQUI, OBOBOB
DABDIH, GLâUDIBB.
CLàUDIKI.
Fort, Madame. (1734.)
9. knGELiqut^/aisant semblant de parler à CUtandra, (167a, 8a, 1734.}
10. Je suis pour r&poadre. (167», 8a, 97, 17 lO.)
ACTS II, SCàNE TIIl. S«8
iireALiQUB*.
At mon père, tous êtes !i !
HONSIEUR DE SOTBHVILLB.
Oui, ma fille, et je vois qu'en s«gea«e et en courage
tu te montres un digoe rejeton de la maison de Solen-
ville. Viens çà, approche-toi que je t'embrasse.
■muni DB BOTBIfVILU.
Embrasse-moi aussi, ma fille. Las! je pleure de joie,
et reconnois mon sang aux cboscs que tu viens de Aire.
HONSUOl DB SOTBTfVILlB.
Mon gendre, qne voas devez être ravi, et que eeuo
aventure est pour vous pleine de douceurs ! Vous «vin
un juste sujet de vous alarmer j mais vos soupçons se
trouvent dissipés le plus avantageusement du i
MADIMB DB SOTBNVILLB.
Sans doute, notre gendre, et vous devez*
être le plus content des hommes.
CLÀCDINB.
Assurément. Voilà une femme, eelle-U. Vfws «tes
trop heureux de l'avoir, et voos devriez baiser les pM
où elle passe*.
Euh*! traîtresse!
Monniua ni soTBirviLLB.
Qu'est-ce, mon gendre? Que ne remerciez-vouB on
peu votre femme de l'amitié que vous voyez qu'elle
montre pour vous ?
ANG&LIQUB.
Non, non, mon père, il n'est pas néeesaaire. Il ne
I. Âialugem,Jbù<»l filvtiti*. (1734.)
3. 3«u (toate, noira |andn, nui dtm. (1879, ji. Sa, i7Ït.)
3. L« pn par oà dlapiu*. (i73{.) — Non liwu da mènw sba Mr~ ''"
Sâiigai [il n'agit da Taranui Itllre du la lodE lit?!, tome II, p.
• Bnasa I0 pu par ot il paaM. •
4- Gmmi Dudd, à fan. U! (ijSi.)
$64 GEORGE DANDIN.
m*a aucune obligation de ce qu*il vient de voir, et
tout ce que j'en fais n'est que pour Tamour de moi-
même.
MOlfSIBUR DB SOTBNVILLB.
Ob allez- VOU89 ma fille?
▲NGÉUQUB.
Je me retire, mon père, pour ne me voir point obli-
gée à recevoir ses compliments.
CLAUDINB^.
Elle a raison d'être en colère. C'est une femme qui
mérite d'être adorée, et vous ne la traitez pas comme
vous devriez.
GBOR6B DÂKmif.
Scélérate !
MOlfSIBUR DB SOTBinriLLB.
C'est* un petit ressentiment de l'affiiire de tant6t, et
cela se passera avec un peu de caresse que vous lai
ferez. Adieu, mon gendre, vous voilà en état de ne
vous plus inquiéter. Allez-vous-en faire la paix ensem-
ble, et tâchez de l'apaiser par des excuses de votre
emportement.
MÂDÂMB DB SOTBlfVILLB.
Vous devez considérer que c'est une jeune fille*
élevée à la vertu ^, et qui n'est point accoutumée a se
voir soupçonner d'aucune vilaine action. Adieu. Je suis
I. CLAman, k Gtorgt Dandin, (1734.)
a. GioAas Dahoot, à pari, SeélénMl
SCÈNE xn.
X. DB tOTSmnLLB, X^ DB SOTBHTILLB, OBOBCB DAlTDUr.
M. BB SOTBHnUiS.
G*Mt.... (Wd*m.)
3. Que e*Mt une fille. (167a, 74, Sa.)
4. lastniite à la vertu. Parlant de rédaeatîoa doBiiée au jeunes filles par
let reUgienaet de Pori-Eoyal, Raeîne a dit de mftne (tooie IV, p. 4a7) : « Oa
ne ae eontentoit pai de lea élerer à la piété, on prenoit aoati on uta yanJ
•oin de leur former Petprit et la raison. »
ACTE II, SCÈNE VIII. 565
ravie de voir vos désordres SdU* et des trsDspoits de
joie que vous doit donner sa conduite.
GBOIGB MtlD[It*.
Je ne dis mot, car je ne gagnerois rien à parler, et
jamais* il ne s'est rien vu d'égal à ma disgrâce. Oui,
j'admire mon malheur, et la subtile adresse de ma
carogne de femme pour se donner toujours raison, et
me faire avoir tort. Est-il possible que toujours j'aurai
du dessous* avec elle, que les apparences toujours tour-
neront contre moi, et que je ne parviendrai point k
convaincre mon effrontée? O Ciel, seconde mes des-
geins, et m'accorde la grâce de faire voir aux gens que
l'on me déshonore*.
•. SCËHB XIII.
oioiOB Dunui, imt. (1734.)
3. A pnrlo', jimut. (lA^a, 81, 97, 1710, iS, 3o.) — À. pirlar. Jim^i.
(1734.)
4. La potiliF Jm ititami Bgnifienit propicnMDt : • plat on nolia It
danoiu ; . DUii il ut blan ici ràqninleBt de it itttau.
5. ADgv dit id, dam naa nota qui ippillc VxXtndm nr !■ nurdka ia
la place : • Tout in MéBWBtt dont le pmnior icU cet formé h retroanU
■uctemenl dmi eelai-d... : let coofidaneai de Lobin, let nonologoa* de
Gaorga DandiB, l'impodenev de CUtiadre, d'ABgélïqae et de Claodlu, oaSa
la nlta obi^mtion de M, et de Mme de Sotrarille. CeiE la m^me aitoi-
tioa qui eoDCiaur, ce aant la mlmaa iDojaDa qni tout mia en jea; ma!* Ib
Mtnatian derlcnL plot fir* et pini forte de Mène en acène; maii lea moyen*,
qnoiqiie aemblablu aaCond, •ontTarUt dana la forme, iTce on art qd let bat
panlln noaTsaoï. ■
rm DU BBCoiO) aots.
GEORGE DANDIIf.
ACTE III.
SCÈNE PREMIÈRE.
CLITANDRE, LUBIN.
CLITÂNDRB.
Ia nuit est avancée, et j'ai peur^ qu^il ne soit trop
tard. Je ne vois point à me conduire. LubinI
LUBIK.
Monsieur?
CLITAIfORB.
Est-ce par ioî ?
LUBIN.
Je pense que oui. Morgue! voilà une sotte nuit,
d^être si noire que cela.
CLITÂNDRB.
EDe a tort assurément ; mais si d*un côté elle nous
empêche de voir, elle empêche de l'autre que nous ue
sojrons vus.
LUBIN.
Vous avez raison, elle n'a pas tant de tort. Je voo-
drois bien savoir, Monsieur, vous qui êtes savant,
pourquoi il ne fait point jour la nuit.
CLITÂNDRB.
C'est une grande question, et qui est difficile. Tu es
curieux, Lubin'.
LUBIN.
Oui. Si j'avois étudié, j'aurois été songer à des choses
ob on n'a jamais songé.
I. La Bnit est avaneée, j*ai peur. (1672, 83, ga, 97, 1710, 18, 3o.)
a. Ta es corienzy Labin? (1734.)
' « ACTE III, SCENE L 867
CLlTAIfDRB.
Je le crois. Tu as la mine d'avoir Tesprit subtil et
pënëtrant.
LUBIlf.
Cela est vrai. Tenez, j'explique du latin, quoique
jamais je ne Taie appris, et voyant l'autre jour écrit sur
ane grande porte collegium^ je devinai que cela vouloit
dire collège.
CLrrANDRB.
Cela est admirable ! Tu sais donc lire, Lubin ?
LUBm.
Oui, je sais lire la lettre moulée' ; mais je n'ai jamais
sa apprendre à lire l'écriture.
CUTANORK.
Nous voici contre la maison.' C'est le signal que m'a
donné* Claudine.
LOBIK.
Par ma foi ! c'est une fille qui vaut de l'argent, et je
Taime de tout mon cœur.
CLrrANDRB.
Aussi t'ai-je amené avec moi pour l'entretenir.
LUBIlf.
Monsieur, je vous suis....
CLITANDRB.
Chut ! J'entends quelque bruit.
X. Auger eite ee Tert da rôle d'un Talet, dans V Esprit follet de d*OiiTi]le
(xA4l, aete II, scène nx) :
Je lis bien le moulé, mais non pas récriture.
Le Paysaa du Pédant joui (i654) de Cyrano Bergerac désigne aussi plusieurs
Ibia par le même mot de moulé des caractères imprimés : • Oui luiset (il
lisait) dans le moulé » (p. 49 de Tédition de 1671). « Tout ça étet rray,
car oui élet moulé » (p. 4a). « Ce n'est que de Téeriture qui n*est pas ?raye,
car ol n*est pas moulée ■ (p. 53).
a. jéprès avoir frappé dans *€s ma<W. (1734.)
3. Que m*a donné à fiiire, que m*a indiqué, prescrit.
S68 6E0R6B DANDIIf.
SCENE IL
ANGÉLIQUE, CLAUDINE, CLITANDRE, LUBEÏ.
▲IfCiLIQUB.
Qaudine.
CLAUDllCB*
Hé bien?
▲NGiuQDB.
Laisse la porte entr*ouverte.
CLAUDINB.
Voilà qui est fait.
Ce sont elles. St.
St.
St.
St.
Madame.
Quoi?
CLITÂNDRB V
ÂKCiLIQUB.
LUBIN.
CLAUDIHB.
CLITÂNDRB9 à Claudine*.
▲NG&LIQUB, à Lnlnii*.
!• Scène de nuit. Le* aetemre tê ckereheni les un» Ut outrée, dgm» Peltn
nte,
Clitandeb, a Lubin. (1734.)
-* Comme le (ait remarquer Aoger, eette seène de naît, eet mqpriiMi dam
r<^Mcarité, et, à la teène rr, les laizi prolonge et répétés aazqneb dôme lies
la somnolence du Ttlet Colins rappellent tout à lait le jeo des farces ita-
liennes. — Dans cet acte final du Mariage de Figaro (1784) qvi a po«
théâtre la salle des marronniers, acte qni à loi seul est comme une eoeawfr
dans la grande et dont Tintrigue se mêle et se démêle toat entière dans Ici
ténèbres, on peut dire qn*il y a plos d*nne réminiseenee de ees scéacs de
George Dandin,
a. GuTARoai, à Claudine, qu^U prend peur Angélique, [l*)'^k•')
3. ÂRoiuQUi, à Luhin, qu'elle prend pour Clitandre. {Ibidem,)
ACTE III, SCÈNE II. S69
Qaudine.
CLAUDINB» à GUundn*.
Qu*e8t-ce ?
CLITANDRB, à GUndine*.
Ah! Madame, que j*ai de joie !
LUBIir, à Angélique^.
Qaudine, ma pauvre Qaudine.
CLAUDIKBy àaiundra.
Doucement, Monsieur.
▲KGiLIQUB, à Lnbin.
Tout beau, Lubin.
CLITANDRB.
Est-ce toi, Qaudine ?
CLAUDIHB.
Oui.
LUBIN.
Est-ce vous, Madame ?
▲NCiUQUB.
Oui.
Claudine'.
Vous avez pris Tune pour Tautre.
LUBIN '•
Ma foi, la nuit, on n*y voit goutte.
▲NG&LIQUB.
Est-ce pas vous, Qitandre ?
CUTANDRE.
Oui, Madame.
I. LoBor, à Angéiiqme^ quHl prend p<mr Clamdinê, (l734«)
%, Claudxns, a Clitandre^ qm^ellê prêmd pour Lmhù^ (Ihiiêm,)
3. CurAnDâB, ajant rêmeontré Claudine, (167a, 8s.) «- CuruiSAi« à
Claudine^ croyant parler à Angilifue. (i734>)
4. Lcuiff ajani rencontré Angélique. (167a, Sa.) — Luior, à Angélique^
croyant parler à Claudine, (1734.)
5. CLâiiDDfs, À Clitandre, (1734.)
6. Lvaor, à Angélique. (167a, Sa, 1734.)
570 GEORGE DANDIN.
▲HGiLIQUB.
Mon mari ronfle comme il faut, et j*ai pris ce temps
pour nous entretenir ici.
CLrrAKDRB.
Cherchons quelque lieu pour nous asseoir.
CLAUDINE.
Cest fort bien avisé.
(Us TOBt i^atMoîr aa fond dn tbéàtra*.)
LUBIH*.
Claudine, oh est-ce que tu es?
SCÈNE m.
GEORGE DANDIN, LUBIN.
6BOR6B DÂNOni*.
J^ai entendu descendre ma femme, et je me sois rite
habillé pour descendre après elle. Où peut-elle être
allée? seroit-elle sortie?
LUBIN.
(n prtnd George Dandin pour CUodine.)
Oh es-tu donc, Qaudine ? Âh ^ ! te voilà. Par ma foi,
ton maître est plaisamment attrapé, et je trouve ceci
aussi drôle que les coups de bâton de tantôt dont on
m'a fait récit. Ta maîtresse dit qu*il ronfle, à cette
heure, comme tous les diantres, et il ne sait pas que
I . Ils pcmt s*€Utemr am fond du théâtre sur am gaton^ au pied éhm
arbre, (167a, 8a.) — Angéli^ue^ CUtandre et ClaudUu vont s^assmir daas
Ufind du théâtre, (1734.)
a. LuB», cherchant CÛudiue, (1734.)
3. AHGÊLIQUS, CLirAHDBB et CLAtiDim, assis oufoud du théâtre {
OBOEGB DABDur, à moitié déshabillé^ LUBIV.
GiOBOB DAHDor, à part, {Ibidem,)
4. LuBiii| cherchant toujours Claudine. Où aa-ta done, OaadiBa? (Prt»
nant George Dandin pour Claudine.) Ahl {Ibidem.)
l
▲GTE III, SCÈNE III. S71
Monsieur le Vicomte et elle sont ensemble pendant
qu*il dort. Je voudrois bien savoir quel songe il fait
maintenant. Cela est tout à fait risible ! De quoi s*avise-
t-il aussi d'être jaloux de sa femme, et de vouloir
qu'elle soit à lui tout seul? Cest un impertinent, et
Monsieur le Vicomte lui fait trop d'honneur^. Tu ne dis
moti Qaudine. Allons, suivons-les, et me donne ta
petite menotte que je la baise. Ah ! que cela est doux !
il me semble que je mange des confitures. (Gomme il
ImiM U mtin de Dandin, Dandin la loi pouaie radement au TiMga.)
Tubleu' ! comme vous y allez ! Voilà une petite menotte
qui est un peu bien rude.
6BORGB DANDIN.
Qui va là?
LUBIN.
Personne.
GEORGE DANDIN.
n fuit, et me laisse informé de la nouvelle perfidie
de ma coquine. Allons, il faut que sans tarder j'envoie
appeler son père et sa mère, et que cette aventure me
serve à me faire séparer d'elle. Holà! 0>lin, 0)Un.
I. Li pièce a troii actes, et chaque acte contient une oonfidenee de Lobin
h George Dandin : Toici la troiaième. CeUe-ci est laite par mépriie; mais,
dana let deux premièret, Lubin avait pouaaé rindiscrétion de la simpUeMI
aossi loin qu'elle pouvait aller; il n*ctait plus possible d*user du même moyen,
et d*aillears il en fallait trourer un autre pour Tarier. La scène de nait le
ibomissait tout naturellement à Molière. (iVote d'Aager,)
a. A George Dandia^ qu'il prend toufourt pour Claudine^ et fpU U re^
fomiêe rudement, Tn-Dienl (1734.)
57a GEORGE DANDIN.
SCÈNE IV.
œUN, GEORGE DANDIN*.
COUNt ^ ^ fimétre.
Monsieur.
GBORGS DAlfDlN,
Allons vitCi ici-bas'.
COLUV, «n Mutant* par U fcnètn.
M y voilà : on ne peut pas plus vite.
GBORGB DANDIN.
Tu es là?
COLIN.
Oui» Monsieur.
(fondant qu'il Ta loi parler* d'un e6t&, Colin va de Pantre.)
GBORGB OÂIfDIN*.
Doucement. Parle bas. Écoute. Va-t^en chez mon
beau-pére et ma belle-mère, et dis que je les prie très-
instamment de venir tout à Theure ici. Entends-tu ? Eh?
Colin, G>lin.
C0UK| de raatra o&té*.
Monsieur.
I. AVOSLIQUI et GLITAHDBB, avM CLADDnm et LUBor, atsii mm jÊmà
i» théâtre^ OBORCB DAimrH, OOLIH. (1734.)
9. Allons Tite, descends. — leùbas ne se< prend plus dans eette acceptîea;
mais rAcadémle, dans ses cinq premières éditions, l'entend toat k làît de ntes
dans rexemple « Venez ici-bas. * La i** (16^) donne de plos an mtee ssns :
« n est id-bas. »
3. CouK, sautant, etc. (1734.)
4. Td est le texte des éditions de 167a et de i68a. L'édition originale,
celle de 1674, ainsi que les trois étrangères, portent : iâs 9oit parUr. VtiÊL
éridamment une faute d*impression ; on peut seulement hésiter, pour la
rectioUj entre veut et va,
5. Pendant que George Dandin va ehereher Colin du eété ok il a
en voix^ Colin patte de Pautre, et t'endort,
GiOBoi DâRDm, te tournant du e6tè ok il croit fu*ett Colin. (1734.)
6. CouK, de Vautre e6té^ te réveillant, {Ibidem,)
▲GTE III^ SCÈNE IV. 57!
6B0MB daudiu.
Où diable es-tu ?
COLIN.
Ici.
GBOR6B DANDIJf.
(GoauM ils te raalt tons dau ehOTcher, Pan paite (Tua e6ki, et l*Mtra
dt Paatre.)
Peste soit du maroufle qui s*éloigne de moi*! Je te
dis que tu ailles de ce pas ti*onver mon beau-père et ma
belle-mère, et leur dire que je les conjure de se rendre
ici toutàTheure. M*entends-tu bien? Réponds. Colin,
Colin.
COLUf, d0 Taotn c6té'.
Monsieur.
GBORGE DÂNDIlf.
Voilà un pendard qui me fera enrager. Yiens-t^en à
moi. (Uf M cognent*.} Ah! le traître! il m'a estropié. Où
estf-ce que tu es? Approche, que je te donne mille
coups. Je pense qu'il mê fuit.
COLIN.
Assurément.
Veux-tu venir ?
Nenni, ma foi!
GBORGB DANDIN.
couir.
GBORGB DANDnf.
Viens, te dis-je.
COLIN.
Point : vous me voulez battre.
I . Pendant qtu George Dandin retourne d» eéti où il croit que Colin est
reetéf Colin^ à moitié endormi ^ patte de V antre ^ et te rendort, (1734*}
3. CoLor, de Vautre eâté, te réveillant, [Ibidem,)
3. lit te cognent^ et tombent tant deux, (167a, Sa.) •» Ile te rencontrent^
et tomheni tout deux, (1734.)
$74 GEORGE DÂNDIN.
GBOKGB DANDllI*
Hé bien! non. Je ne te ferai rien.
COUN.
Assurément ?
GBOaGE DANDIlf.
Oui. Appioche. Bon. * Tu es bien heureux de ce que
j'ai besoin de toi. Va-t'en vite de ma part prÎCT
mon beau-père et ma belle-mère de se rendre ici k
plus tôt qu'ils pourront, et leur dis que c'est pour une
affaire de la dernière conséquence; et s'ils faisoieiit
quelque difficulté à cause de l'heure, ne manque pas
de les presser» et de leur bien faire entendre qa*il est
très-important qu'ils viennent» en quelque état qu'ik
soient. Tu m'entends bien maintenant?
COUN.
Oui, Monsieur.
GBORGB DâNDIN.
Va vite, et reviens de même.* Et moi, je vais rentrer
dans ma maison, attendant que.... Mais j'entends quel-
qu'un. Ne seroit-ce point ma femme? Il faut que j'ë-
coute, et me serve de l'obscurité qu'il fait.'
SCENE V.
CLITANDRE, ANGÉLIQUE, GEORGE DANDIN,
CLAUDINE, LUBIN-
▲NGBLIQUB^.
Adieu. Il est temps de se retirer.
I. A Coiint ^Hl tient par U bras, (i734.)
a. Se croyant seul, (Tbidem.)
3. George Dandin se range prés la porte de sa maison, (Tbidetti,)
4* AVOBUQUB, CX.rrABDRB, GLAITDlirE, LUBIK, OBOAGB DAimor.
AvaiUQUB, à Clitandre, (Ibidem,)
ACTE III, SCÈNE Y. S7S
CLITAirDRB.
Quoi? ai tôt?
▲IVG&UQUB.
Nous nons sommes assez entretenus.
CLITAIfDRB.
Ah! Madame, puis-je assez vous entretem/i et trouver
en si peu de temps toutes les paroles dont j*ai besoin?
Il me faudroit des journées entières pour me bien expli-
quer à vous de tout ce que je sens', et je ne vous ai pas
dit encore la moindre partie de ce que j*ai à vous dire.
▲IfGÉLlQUB.
Nous en écouterons une autre fois davantage.
CLrTÂNDRB.
Hélas! de quel coup me percez- vous Tâme lorsque
vous parlez' de vous retirer, et avec combien de cha-
grins* m*alIez-vous laisser maintenant?
▲ngAliqub.
Nous trouverons moyen de nous revoir.
CLrrANDRE.
Oui; mais je songe qu*en me quittant, vous allez
trouver un mari. Cette pensée m^assassine, et les privi-
lèges qu'ont les maris sont des choses cruelles pour un
amant qui aime bien.
▲IfCéUQUB.
Serez- vous assez fort^ pour avoir cette inquiétude,
et pensez-vous qu'on soit capable d'aimer de certains
maris qu'il y a? On les prend, parce qu'on ne s'en peut
1. Voy» dans le Dieitonnairê de M. ZAttré, h Tartiele BxFUQUKAy 8*, les
•sampkt de Bossaet , de Bonrdaloue et de la Brayère où ê'txfiiquer et t,
eoBune ici, conttrait arec de,
a Lortqne toos me parles. (1718, 3o» 33» 34.)
3. De chagrin. (1697, 1710, 18, 3o, 33, 34>)
4. Serica-Toiu. (1718, 3o, 33.) — Ce mol/art^ qui eat la le^on de l'^tîon
originale, parait étrange iet, et, eomme ironie, le comprend k peine ; les leslet
de 167», 1674, 168a, 1734 7 tobatitaent ybî^^ : n'ett-ce paa ploa probn-
bieoMAiyte qu'il faut lire ?
$76 GEORGE DANDIN.
dëfendrei et que Ton dépend de parents qui n*ont des
yeux que pour le bien'; mais on sait leur rendre jusdoe,
et Ton se moque fort de les considérer au delà de ce
qu*ils méritent.
GBORGB DÂlCDnf*.
Voilà nos carognes de femmes.
CLmKDRB.
Ah ! qu*il fiiut avouer que celui qu*on vous a donné
étoit peu digne de Thonneur qu*il a reçu, et que c^est
une étrange chose que Tassemblage* qu*on a fait d*une
personne comme vous avec un homme comme lui!
GBORGB DÂlfOIN, à part.
Pauvres maris! voilà comme on vous traite.
CLrriNDRB.
Vous méritez sans doute une toute autre destinée, et le
Gel ne vous a point faite pour être la femme d*un paysan ^.
GBORGB DÂNDIN.
Plût au Gel fût-elle la tienne ! tu changerois bien
de langage*. Rentrons; c*en est assez.
(n entra et ferme le porte*.)
I. Pour les biens, ponr U fortune. — n. Gionas DAmm, à pmrt, (1734.)
3. Sor ea mot d*aM«iiiMef#, Toyei cî-dettQS| p. 456, la note a an vcn
1695 d^jMfkiirjron,
4. Aoger rappelle qne Dom Joan tient à peu prêt le néine langage k
Charlotte, TaceordAe de Pierrot (acte II, aeène u, tome V, p. 117) : « Qeoî?
one personne eomme Toot leroit la femme d*an aimple paysan I Non, naa :
c*est profaner tant de beautés, et tobs n*étes pas née pour demenrer dans nn
▼iUage. Voos miritei sans doate une meiUenie Cartene. »
5. La phrase est ainsi ponetaée, aTee une rirgole de pies derant/Si, dans
lea éditions de 1697» 17 10, 18, 3o, 33, 34, et noos arons tb le même toar
employé par Molière, à Pexemple de Rotroa, dans le vers 447 d'AmfkUrjrmu
n y a one antre eoape dans les testes plos anciens, jusqu'à celai de iG^i
inclusivement : « Pl&t an Ciel! fdt-elle la tienne, ta changerais bien de Ud-
gage. • Biais nous croyons que, jadis conme aujourd'hui, cela e&t touIu dire,
sens impossible ici : « quand bien même elle serait la tienne, » et aon : « m
elle était, etc. •
6. Ceorg€ DandU, étant rentré^ firme la porU #n dêdmu.
SdtNB VI.
AVOBUQUl, QLITAaDmBy CLAUDDAi LUSn. (l7H-)
ACTE III, SCËNB T. S77
CLAUDtHB.
Madame, si tous avez à dire da mal de votre mari,
dépêchez vite, car ÎI est tard.
CLITlIfDKB.
Ah ! CUndine, que tu es cruelle !
Elle a raison. Séparons-nous.
CtirAKBRK.
Il faut donc s'y résoudre, puisque vous le voulez.
Hais au moins je voua conjure de me plaindre un peu
des méchants moments que je vais passer.
ÀKOiLIQDE.
Adieu.
LDBin.
Ob es-tu, Claudine, que je te donne le bonsoir?
CIAVDIKB.
Va, va, je le reçob de loin, et je t'en renvoie autant.
SCÈNE Vin
ANGÉLIQUE, CLAUDINE, GEORGE DANDIN'.
IHGâLIQUB.
ReotroDS sans faire de bruit.
I, i cUutJrt. [1734.}
dam U jMlimi!a du BarbenUli {ttèaa x-ui, p. 3;-43 de notre lomg [] : on
traoTen li rippmchéea. dini In notai, quoligaei eipreuioiu, i)iwlq«i
phreiei de li Circe et de li comédie ou toute* Bembliblt
inJMt k pro5t pour !■ Cu de ta pièce, et lur quelque* vutr
tgt où N Iraun I« jiênpétia eainii|ue qui ti imefur l'irri
de Caorge Dap<|(ii, TO^ex 1* tfaiia, p. 481-490.
ï. SCfNE VII.
AiTciuQvi, cxauntn. (>l34-)
S7S 6B0RGB DANDIN.
CLAUDINB.
La porte s*est fermée.
Tai le passe-partout.
' CLÀDDINB.
Ouvrez donc doucement.
▲NGàUQUa.
On a fermé en dedans, et je ne sais comment noii
ferons.
CULUDIKl,
Appelez le garçon qui couche là.
▲NGiUQUB.
Colin, Colin, Colin.
GSORGB DANDIN, mettant U tAt« à ta fenètn^
Colin, Colin? Ah! je vous y prends donc, Ifadiae
ma femme, et vous &ites des escampativos * pendiot
que je dors. Je suis bien aise de cela, et de voas toir
dehors a Theure qu*il est.
▲ngAuqub.
Hë bien ! quel grand mal est-ce qu^il y a a prendre
le frais de la nuit ?
t. Alafimêtrê, (167a, 74, 8a.) «•
SCÈNE VIU.
OIOBOI DAHDUr, AHOBUQim, CLAUDOn.
GioaOB DARDiir, à la fenêtrt, (i734>)
a. Vona faitm dm fnguos. Escampativos est, d*après M. Littré, vmt « dv**
burletqae tirée à'eseampgr (vieux mot qui se disait pour se retirer, ieiiùt]
oa peot-étre do latin maearoniqae escampate vos, » — « CTcst, dit H. Add-
pbe Espagne (p. 1 8 de sa brochure intitnlée des Influences provtueela ^
la langue de Molière)^ la eonversion en sakistantif, arec le ÀangeamtdiO
en H', de la location rerlMde escampate vos^ « tous d^mpes, toos sOss f
les diamps. » On dit à nn enfant importun : escampa-te, « éduppe-toà, n
coorir les champs, » pour dire : • bisse-moi tranquille. • M. Littrè a lelew
dans la Fraie histoire comique de Franeion par Charles Sord (Kvre H
p. 249 de rédition de 1641; p> i56 de Tédition de M. Colonibey), nnocap''
du mot employé au singulier : « Je suis las d'attendre, je m*en vais £drr »
petit escampativos et danser ici moi*m^me, si tu ne viens tout à cette hearr
ACTE III, SGÂNE YI. 579
GBORGB DANDIN.
Oai, oui, rbeure est bonne i prendre le frais. Cest
bien plutôt le chaud , Madame la coquine; et nous
savons toute Tintrigue du rendez-vous, et du Damoi*
seau. Nous avons entendu votre galant entretien, et
les beaux vers à ma louange que vous avez dite Tun
et Tautre. Mais ma consolation, c^est que je vais être
vengé, et que Votre père et votre mère seront convain-
cus maintenant de la justice de mes plaintes, et du
dérèglement de votre conduite. Je les ai envoyé quérir»
et ils vont être ici dans un moment.
▲NGÉLIQUB^.
Ah Ciel !
CLAUDIlfB.
Madame.
GEORGB PANDIN.
Voilà un coup sans doute où vous ne vous attendiez
pas. Cest maintenant que je triomphe, et j*ai de quoi
mettre à bas* votre orgueil, et détruire vos artifices.
Jttsques ici vous avez joué mes accusations ', ébloui vos
parents, et plâtré vos malversations ^. J'ai eu beau voir.
I. AnoiuQUB, à part, (i734-)
a. Sur cette expratsioa trèt-iuitée au diz-iepti&ine •!«€]•, Toyoz le Dleium»
naire de M. Liitré, à rarticle Bai, 6*; elle ■ iti employée par Soâe aa
rers igS é* Amphiirjren,
3. Jemer aemble prendre ici la plaee de déjouer^ qui n*était paa encore
employé*, de « détourner adroitement », de « confondre »; il 8*expllqaerait
bien d^ailleum par « m moqaer de.... »
4* En étendant an lena général de disordres de conduite ce terme qui
d^ordinaire ne s*applique, d'après la définition de tons les dictionnaires an-
ciens et modernes, qu'aux actes d'improbité commis dans Texercice d'une
charge, d'un emploi, d'un mandat, et le plus sourent à des détournement!
considérables de deniers, Molière « s'est servi, dit Génin, d'un mot impropre ;
ou plutôt n'y aurait-il pas nne intention comique dans cette impropriété
même? Le paysan enrichi se sert du terme le plus coasidérable qu'il con-
naisse pour accuser sa femme, et c'est un terme de finances. »
* L'Académie ne le donne en ce sens que dans sa 5* édition.
I
S8o 6B0R6B DANDIN.
et beau dire, et votre adresse* toujours Fa emporté sur
mon bon droit, et toujours vous avez trouTé moyen
d*avoir raison; mais à cette fois, Dieu merci, les choses
vont être écUircies, et votre effronterie sera pleinement
confondue.
▲NGiUQUB.
Hé! je vous prie, faites-moi ouvrir la porte.
GBOaOB DAlimif.
Non, non : il faut attendre la venue de ceux que j*tt
mandés, et je veux qu'ils vous trouvent dehors a la belle
heure qu'il est. En attendant qu'ils viennent, songez,
si vous voulez, à chercher dans votre tète quelque nou-
veau détour pour vous tirer de cette affaire, i inventer
quelque moyen de rhabiller votre escapade, à trouver
quelque belle ruse pour éluder* ici les gens et paroi-
tre innocente, quelque prétexte spécieux de pèlerinage
nocturne, ou d'amie en travail d'enfant, que vous ve»
niez* de secourir.
ANGÉLIQUE.
Non : mon intention n'est pas de vous rien déguiser.
Je ne prétends point me défendre, ni vous nier les
choses, puisque vous les savez.
GEORGE DANDIN.
C'est que vous voyez bien que tous les moyens vous
en sont fermés, et que dans cette affaire vous ne san*
riez inventer d'excuse qu'il ne me soit facile de con-
vaincre de fausseté.
ANGÉLIQUE.
Oui, je confesse que j'ai tort, et que vous avez sujet
de vous plaindre. Mais je vous demande par grâce de
I. Et beau dire, Totre adretie. (167a, 8a, S4 A, 94 B, 97, 1710, iS, 3o.
33, 34.)
a. Pour jouer, tromper, comme ci-deuof, aa mt 1629 ^Amphitry^m,
3. Que TOUS Tenet. (t7i8« 3o, 33^ 34.)
ACTE III, SCàNB Tl. 5«i
ne m'exposer point maiatenaiit à la mauvaise humeur
de mea parents, et de me faire promptement ouvrir.
GIOMGE dâudih.
Je TOUS baise les mains.
ANCfajQDB.
Eh! mon paavic petit mari, je vous en conjure.
Ah * ! mon pauvre petit mari ? Je suis votre petit mari
maintenant, parce que vous vous sentez prise. Je suis
iMen aiae de cela, et voua ne voua étiez jamais a vis^
de me dire de ces douceurs*,
ÂKCftLlgul.
Tenez, je vous promets de ne voua plus donner aucun
sujet de déplaisir, et de me....
OBORGB DiHDIN.
Tout cela n'est rien. Je ne veux point perdre cette
aventure, et il m'importe qu'on soit une fois ëdairci à
fond de vos déportements.
ANGÂLIQDB,
De grâce, Laissez-moi vous dire. Je vous demande un
moment d'audience.
6B0RGB DAininf.
Hé bien, quoi?
ANOftUQDI.
Il est vrai que j'ai failli, je vous l'avoue encore une
fois, et que votre ressentiment* est juste ; que j'ai pris
le temps de sortir pendant que vous dormiez, et que
cette sortie est un rendez-vous que j'avois donné à la
personne que vous dîtes. Mais enfin ce sont des actions
que vous devez pardonner à mon âge ;
I. Eb) (i^iS, 3o, 33.) — Ml [ijH.)
1. Da ■■ din est doscaon. (1671, 81, 17)4.)
3. Emoi* qm foù, qiu Totra iriiiiiitiiiwt (iS;*,
3o,U,J».)
S8a GEORGE DANDIN.
menu de jeune personne qui n'a encore rien tu, et ne
fait que d'entrer an monde*; des libertés où Ton s'a-
bandonne sans y penser de mal, et qui sans doute dans
le fond n ont rien de....
GBORGB DAlfDIN.
Oui : VOUS le dites, et ce sont de ces choses qui ont
besoin qu'on les croie pieusement.
▲NGiUQUB.
Je ne veux point m'excuser par la d'être coupable
envers vous, et je vous prie seulement d'oublier une
offense dont je vous demande pardon de tout mon cœor,
et de m'épargner en cette rencontre le déplaisir que
me pourroient causer les reproches (acheux de mon
père et de ma mère. Si vous m'accordez généreusement
la grâce que je vous demande, ce procédé obligeant,
cette bonté que vous me ferez voir, me gagnera en-
tièrement. Elle touchera tout à fait mon cœur, et j feia
naître pour vous ce que tout le pouvoir de mes parents
et les liens du mariage n'avoient pu y jeter. En un mot,
elle sera cause que je renoncerai à toutes les galan-
teries, et n'aurai de l'attachement que pour vous. Oui,
je vous donne ma parole que vous m'allez voir désor-
mais la meilleure femme du monde, et que je vous
témoignerai tant d'amitié, tant d'amitié, que vous en
serez satisfait.
GBORGB DANDIN.
Ah ! crocodile, qui flatte les gens pour les étrangler.
ÂNGÉUQUB.
Accordez-moi cette faveur.
GBORGB DANDIN.
Point d'affaires. Je suis inexorable.
I. D*entrer dams le monde : noat «toiu releré im emploi eemblabk de b
priposidon â, d-deMue, ans yars 1643 et 1894 d^Jmpkitrjram*
ACTE III, SCÈNE ▼!. 583
▲NGiUQUB.
Montrez-vous généreux •
OBORGB DANDIN.
Non.
angAuqub.
De grâce!
GBORGB DANDIII.
Point.
▲NGiLIQUB.
Je TOUS en conjure de tout mon cœur.
GBORGB nANnm.
Non, non, non. Je veux qu*on soit détrompé de vous,
et que votre confusion éclate.
ÂNGÀLIQUB.
Hé bien ! si vous me réduisez au désespoir, je vous
avertis qu*une femme en cet état est capable de tout,
et que je ferai quelque chose ici dont vous vous repen-
tirez.
GBORGB DANDIN.
Et que ferez-vous, s*il vous plaît ?
ÂNG&UQUB.
Mon cœur se portera jusqu*aux extrêmes résolutions,
et de ce couteau que voici je me tuerai sur la place.
GBORGB nANDIll.
Ah! ah! à la bonne heure.
▲NGiLIQUB.
Pas tant à la bonne heure pour vous que vous vous
imaginez.Oa sait de tous côtés nos différends, et les cha-
grins^ perpétuels que vous concevez contre moi. Lors-
qu'on me trouvera morte, il n'y aura personne qui
mette en doute que ce ne soit vous qui m'aurez tuée;
et mes parents ne sont pas gens assurément à laisser
!• Lot rafteoataBtflOMDti : voya d-dmat, p. a49t note a.
S84 GEORGE DANDIN.
cette mort impiinie« et ils en feront snr votre penomie
toute la punition que leur pourront offrir et les ponv-
suites de la justice, et la chaleur de leur ressentimcnft.
Cest par là que je trouverai moyen de me venger de
vous, et je ne suis pas la première qui ait su reooaiir a
de pareilles vengeances, qui n*ait pas fait difficulté de
se donner la mort pour perdre ceux qui ont la cmanlé
de nous pousser à la dernière extrémité.
GBOBGB DANDIN.
Je suis votre valet ^ On ne s'avise plus de se tuer
soi-même, et la mode en est passée il y a longtemps.
▲NCiLIQUB.
C*est une chose dont vous pouvez vous tenir sâr; et
si vous persistez dans votre refus, si vous ne me faites
ouvrir, je vous jure que tout à Theure je vais vous fiûre
voir jusques où peut aller la résolution d'une personne
qu'on met au désespoir.
GBOBGB DANDIN.
Bagatelles, bagatelles. Cest pour me faire peur.
▲NGiUQUB.
Hé bien! puisqu'il le faut, voici qui nous contentera
tous deux, et montrera si je me moque.* Ah c'en est ikic.
I. Voya ô-daiisnt, p. 54S «t note 3$ comparai TespraHioB : « le nmê bmt
loi muiMÊ* (p. 58 1).
s. Apte* mvoir/ait sêmbiamt de te tuer. (1734.] — AngâiqM a
iâ 1 âne autre feinte que eelle qui avait été imaginfe par le pream
da la vieille hUtoire (Toyes k la Neiiee^ p. 484, 485 et rnivantea). A
wnoiselle joaant cette eomédie de toicide Tidéedene frapper d'un eooptragSqat
lit peat-étre plaa natarellemait Tenir qœ celle d*aoe pierre à jcicr éïai
poits. CailhaTa * regrettait que Molière eût resoneé an moyen le plna II*
▼orable à rillosion tbéâtrale ; il arait tu, poar y aider, les Iteliens ranBicr
]aaqa*ao bmit de la pierre &iaant éelaboasacr Teau. M oHcre ae acMKÎait om
donte peu de donner de pareillea MUMliona, d*amaaer par nna ai pnérila ma>
cUne, et d*ailleur« rar son théâtre encombré de spectateurs il devait
préférer la mise en scène la plus simple. *>Iians Sacha, qui pluad^
• De VAn de U eomédie, tome II, p. 3oS et 3ob, et jf «b^m aar Jialift»,
P.S99.
ACTE III, SCÈNE YI. 58S
Fasse le Gel que ma mort soit vengée comme je le
souhaite, et «jue celui qui en est cause* reçoive un juste
châtiment de la dureté qu*il a eue pour moi!
6BOBGB DANDIN.
Ouais! seioit-elle bien si malicieuse quedes*être tuée*
pour me faire pendre? Prenons un bout de chandelle
pour aller voir.
ang&liqub'.
St. Paix ! Rangeons-nous chacune immédiatement
€ontre un des côtés de la portjs.*
GBOBGB DANDIlf.
La méchanceté d*une femme iroit-elle bien jusqueJà?
(il fort «Tcc on bout de cliaiideUey mm les apcrceTOir; eUee entrent;
mûÊiMt* éUei ferment la porte.) U n*y a* personne. Eh ! je
m^en étois bien douté, et la pendarde s^est retirée,
▼oyant qu*elle ne gagnoitrien après moi', ni par prières
ni par menaces. Tant mieux! cela rendra ses affaires
encore plus mauvaises, et le père et la mère qui vont
Miolître, en 1 553, «Tait montré rar m teène populaire de Niirembeiy les per-
1^ de la joycnae aoccdote, n*avaît Datarrllement pat chao^ la donnée
s, ainfl que le prouve le titre même de u faree, «le ton « jeu de
ivel m i ta femmta dams hgmits*. m
I. Qui en ett b caete. (1S79, Sn« 1734.)
a. Voyet ei-deitae, p. 5s6, note 3.
3. SCÈNE IX.
AVoiuQUB, GLAvnnm.
AiftBUQOS, à Ciaudme, (1734.)
4. SCtlIE X.
AMoàUQm et CLAUDUm, êmtramt dans la maison, au moment f*# Gaergê
PmmdiM em eari^ et fermant ta porte en dedans, OBOBOB DAHDOif une okam»
dette à le mam. (Ibidem.)
5. XtaoatîtAt. (1697, 1710, 18, 3o, 33.)
S. loaqne-iè? {Sent, après œoir regardé par tant. ) H n'y a.... (1734.)
9* jtftrêe mai, en t'attaqnant k moi de toetet let manicrta : comparai cl»
I» p. 49 ** 5o, cette phraie du Médecin malgm tui (aete I, tcène iv) 1
ont épniaé toute lenr aeienee aprât elle. •
• Cité dent VintroJmetion de M. H..A. Bélier il ton édition du JInmm
wrriift doe sopt sagee^ p. aca et caooi.
S86 6B0R6B DANDIN.
Tenir en yerront mieui: son crime. Ah! ah! la poru
sW fermée ^ Holi! ho! quelqu'un! qu'on mtmnt
promptement !
ANCiLIQUBy à k fenltre a^«e CUndiiM.
G>mment*? c'est toi! D'où viens-tu, bonpendanl?
Est-il l'heure de revenir chez soi quand le jour est
près de parottre ? et cette manière de vie est-elle celle
que doit suivre un honnête mari ?
CLAUDINE.
Cela est-il beau d'aller ivrogner toute la nuit ? et de
laisser ainsi toute seule une pauvre jeune femme dans
la maison?
GBORGB PANDIN.
Comment ? vous avez ....
ANGÉLIQUE.
Va, va, traître, je suis lasse de tes dëportements, et
je m'en veux plaindre*, sans plus tarder, à mon père et
à ma mère.
GEORGE DANDIN.
Quoi? c'est ainsi que vous osez....
I. Après mvoir été à U porté de êm maiton pout r§mtrer. Ah! ah ! la porte
catliBniiéo. (1734.)
3. SCÊNK XI.
AJfOBLIQUB «f CLÂUDm, à iafimêtrê, OBO&OB DASIUV.
ÀnoâuquE.
Comment? (1734.)
3. Bt je refo. m*en plaindre. (171O1 18, 3o, 33^ 34.)
ACTE III, SGÉNB VII. S87
SCÈNE VII.
MONSIEUR BT MADAME DE SOTENVILLE, COLIN,
CLAUDINE, ANGÉLIQUE, GEORGE DANDIN.
(Koanear tt Madamn de SoteBTÎlb tout en des habite de Bait« et eonduts
par GoUa, qui porte une lanterne.)
▲NGÉLIQUB^
Aj^rochez, de grâce, et venez me faire raison de
l^inaolence la plus. grande du monde d'un maria qui
le vin et la jalousie ont troublé de telle sorte la cer«
velle, qu'il ne sait plus ni ce qu'il dit, ni ce qu'il fait,
et vous a lui-même envoyé quérir pour vous faire té-
moins' de l'extravagance la plus étrange dont on ait
jamais ouï parler. Le voilà qui revient comme vous
voyez, après s'être fait attendre toute la nuit; et, si vous
voulez l'écouter, il vous dira qu'il a les plus grandes
plaintes du monde à vous faire de mol ; que durant qu'il
dormoit, je me suis dérobée d'auprès de lui pour m'en
aller courir, et cent autres contes de même nature qu'il
est allé rêver.
GBOR6B DANDIlf'.
«
Voilà une méchante carogne.
CLAUDINB.
Oui, il nous a voulu faire accroire qu'il étoit dans la
X. SCÈNE XII.
• Di SOTIHTILLB et M** DE SOTIHVILLB, «A déshabilU de mmit,
GOLQi, pétant une laïuerne, ahoklxqub «I CLAUDUn, àlm/mitr§,
OBOaOI DAHOIir.
AwiÉLZQUi, àM,€i Mme de Sotêiwillê. [tjH»)
%. Tdmoim^ eans #, dam Tédition originale et dans les trois étrangères.
3. Gaoew DàJOUMf it part, (1734.}
SM aBORGK DANDIir.
maiflont et que nous en étions dehors S et c*est une
folie qu'il n'y a pas moyen de lui ôter de la tête.
MOlISlBUn DB SOTBIITILLB.
Commentt qu*est-€e à dire cela?
MADAME DB SOTBlfVILLB.
Voilà une furieuse impudence que de nous envoyer
quenr*
GBOBGB DAIfDIN.
Jamais. •••
ANGitIQUB.
Non, mon père, je ne puis plus souffirir on mari de
la sorte. Ma patience est poussée à bout, et il Tient de
me dire cent paroles injurieuses.
MONSIEUR DE SOTBlfTILLE * •
G>rbleu! vous êtes un malhonnête homme.
CLAUDIlfB *•
Cest une conscience de voir une pauvre jeune femme
traitée de la façon ^, et cela crie vengeance au Gel.
GBOBGB DANDIIf.
Peut*on...?
MADAMB DB SOTBNVILLB.
Allex, vous devriez mourir de honte.
GEORGE DANDIN.
Laissez-moi vous dire deux mots.
ANGÉLIQUE.
yousn'avezqu'irécouter,il va vous en conterde belles.
I. Et qiM noat Mont dchon. (1679, 8a, 97, 1710, 18, 3o, 33, 34-)
«. M. DB SoTBiiTiLLB, k GsoTgg Dandm, (1734.)
3. Daat PéditioB origiaale, la phraie qui mit : « C*«tt ane comcicBoe, • ele.,
ait 1 la I%ne, aa hant d'une page, et le nom da penonnage qui la dit a été
onit; let éditions de 1673, 1674, 1 68a la mettent dans la boudie d'Aaoé-
UQOb; Pédition de 1734 et let troia étrangères dans celle de CLàumB, oà
file noua paraît plus vraisemblBble.
4. De eette fa^on-là. On a dcjè vu deux foie eettecxpreaaioB dans ee ▼obme:
cUdesans, p. 1 16 (à la scène yta de Tacte III dn Médêdm mai^ laî), et
p* 180 (an vers 5io de Mslietru).
AGTB III, SCÉHB YII. St9
Je désespère '•
CLAUOIIIB.
Il a tant bu, que je ne pense pas qu*on paisse durer
contre lui, et Todeur ' du vin qu'il souffle est montée
jusqu'à nous.
GB0R6B nANOIN.
Monsieur mon beau-pére, je vous conjure....
MONSIBUR DB SOTBNVILLB.
Retirez^vous : vous puez le vin à pleine bouche^.
GBORGB DANOIN.
Madame, je vous prie....
MAOAMB PB SOTBNVILLB.
Fi! ne m*approcbez pas : votre haleine est empestée.
GBORGB DANDIN^.
Soufirez que je vous....
t. Gborob DàVDOi, à part, (1734O
a. lUêêspérer^ coroine dans la chute du ionaet d*OrOBte, perdre tonte eipé»
reaWt ne plus rien ei^iérer, être aa déteipoir.
3. Contre lui, Todear. (i73o, 34.)
4. Chamibrt, dani ane note de son Éioge dg Im Fontaine (tome I des OEmnët
éditées en Pan Ul par Ginguené, p. 69), a rapproché ce trait du mot deTOnra
dupé par l'un de* deux Cooipagnont (fable jjl do livre V) : • Qui peint le
mieux.... let effets de la préventiou, ou M. de Sotenville repoussant un homme
à jeun et lui disant ; « Retire>-vous, tous pues le fin, » ou FOurs qui, l'é-
cartant d*un eorpa qu'il prend potur un cadsTre, se dit è lui-même : • Otona»
« nous, car il sent a ? — Le trait pourrait bien avoir été suggéré à Molière par
Plante. Dans la scène i de Tacte II éP Amphitrjron, peu après avoir reproché 1
Sosie d'avoir bù, tout è coup Amphitryon pris de peur, è Tidée que son
esclave pourrait être atteint de peste ou de firénésîs, lui crie (vers 435) :
• • . • Fak/ apage te a mê,
iosu.
Quideêt negatii?
tjÊwamvo,
Pêttiâ te tenet,
m Éloigne-toi Sosu. Pourquoi donc ? AiiPBiTRToir. Tu sens la peste, a Cette
spirituelle traduction, qui est de Sommer, rappelle le mot du docteur, du
màdeeU Bartholo à Basile : « D'honneur, il sent la fièvre d'une lieue. Alla
▼ooscoodier.... Cet homme-là n'est pas bien du tout. > (Beaumarchais, U
Barbier de SêvUley acte 111, scènes xi et zn.)
5. Gionox Dasout, à M, de SoUnnlle, (1734.)
Sgo 6B0&6E DANDIN.
M0N8IBUE DS flomnriLLB.
Retirez-Toas, tous dis-je : on ne peut vont soaflrir.
GBORGB DANDIN '•
Permettez, de grâce, que*....
MADAMB DB 80TBNVILLB.
Poua* ! TOUS m^engloutissez le coeur*. Parlez de loin,
si vous voulez.
6B0BGB DANDIN.
Hë bien oui, je parle de loin. Je vous jure que je n*ai
bougé de chez moi, et que c*est elle qui est sortie.
▲NCiLIQDB.
Ne voilà pas ce que je vous ai dit*?
CLAUDINB.
Vous voyez quelle apparence il y a.
MONSIBUR DB SOTBNVILLB*.
Allez, vous vous moquez des gens. Descendez, ma
fille, et venez ici. ''.
GBORGB DANDIN.
J'atteste le Ciel que j*étois dans la maison, et que....
MADASfB DB 90TBNVILLB.
Taisez-vous, c'est une extravagance qui n'est pas
supportable.
I. Gbosoi DAironr, à Mme de SoUiwiiie, (1734.)
a. Permettei-moi, de grâce, qae.... (17 18, 3o, 33,34.]
3. Voyez plos haut, p. 543 et note 3.
4. Vous me nojes le cosar de dégoût. — M. Littré rattache eette expression
faergique et parfaitement claire h un rienx verbe engldir, que, aoos la fome
pronomiaale de s^englotir, Robert Estienne, dans son Dietionarimm iatima-g^
lieuM (i544)« et Nicot, dans son TYétor (1606), donnent comme équivalent da
latin singuitire, « avoir le hoquet a. Mais il ne faut sans doute voir dans
ce pronominal s^engloiir qu'une fausse écriture d'un neutre sengloiir^ ne difië>
rant que par la terminaison de sangloter, qui a prévalu.
5. Il est sapiMrimé après voilà dans cette interrogation, comme il Test aa
vers 1607 du Tartuffe :
Hé bien! ne voilé pas de vos emportements!
6. M. OK SoTXirviLLB, à George Dandin, (1734.)
7. SCÈNE xni.
M. DB SOTBNYILLE, M*' DB SOTBZIYILLB, GBORGB DAHDUT, GOLUT. (Ihîdem,)
ACTE III, SGANE vil 591
6B0R6B DÂNOnr.
Que la foudre mVcrase tout à Theure si... !
MONSIBUR DB SOTBNYILLB.
Ne nous rompez pas davantage la tête, et songez à
demander pardon à votre femme.
6B0RGB DANDnr.
Moi, demander pardon ?
MONSIBUR DB S0TBNV1LLB.
Oui, pardon, et suivie-champ.
GBORGB DANDIN.
Quoi? je....
MONSIBUR DB SOTBNVILLB.
Corbleu ! si vous me répliquez, je vous apprendrai ce
que c*est que de vous jouer à nous.
GBOR6B DANDIN.
Ah, George Dandin!^
MONSIEUR DB SOTBNVILLB.
Allons, venez, ma fille, que votre mari vous demande
pardon.
ANgAliQUB, deicendae*.
Moi? lui pardonner tout ce qu*il m*a dit? Non, non,
mon père, il m*est impossible de m*y résoudre, et je
vous prie de me séparer d*un mari avec lequel je ne
sàurois plus vivre.
CLAUDINB.
Le moyen d*y résister?
MONSIEUR DB SOTBNVILLB.
Ma fille, de semblables séparations ne se font point
sans grand scandale, et vous devez vous montrer plus
sage que lui, et patienter encore cette fois.
I. SCÈNE XIV.
M. DB SOTENYILLB, M** DB 80TBHTILLB, AHGELTQUB, GBORGB DAITOIN,
CLAUDIHB, COLIK. {^iH']
a. Aroéuqub. [IbUem,]
59« GEORGE DANDIN.
G>inment patienter après de telles indignités? Non,
mon père, c*est ane chose ob je ne puis consentir.
MONSIBUa PB SOTBNVILLB.
Il le faat, ma fille, et c^est moi qui vous le com-
mande.
▲HGÉUQUB.
Ce mot me ferme la bouche, et tous avez sur moi
une puissance absolue,
CLÂUDINB.
Quelle douceur!
▲NGiLIQUB.
Il est fâcheux d*être contrainte d*oublier de telles
injures ; mais quelle violence que je me fasse*, c*estt
moi de vous obéir.
CLAUOIIIB.
Pauvre mouton !
MOllSIBUa DB SOTBirVILLB*.
Approchez.
▲NCiLIQUB.
Tout ce que vous me faites faire ne servira de rien,
et vous verrez que ce sera dés demain à recommencer.
MONSIEUR DB SOTBlfVILLB.
Nous y donnerons ordre. * Allons, mettez-Yous a ge-
noux.
GBORGB DANDIN.
A genoux?
I. Maii quelque TÎoIenee que je me faise. (167s, 74« S^i I7H*) '— I^»**
cet éditions on ■ Tonltt corriger mu doute aa tour Yieillij qu'on erojut îb-
correct ; mais nom l'avons déjà tu au vers 76a dnFdekeux (tome III, p. ^) :
En quel lieu que ce soit, je reuz tuÎTre tes pas.
Voyez le Lexique de Géntn, p. 341-343.
a. M. DB SoT£.tTiiJ.K, à Angélique, (1734.)
3. A George DamUn. [Ibidem,)
ACTE III, SCÂNE VU. Sq)
MONSaUE DB SOTBNTILLB.
Oui, à genooxi et sans tarder.^
GBORGB OàNOIN. H M BMt à ftnoux.
OGel! Que faut-U diro*?
MONSIEUR DE SOTBNYILLB.
« Madame, je tous prie de me pardonner. »
GEORGE DÂNDIN.
« Madame, je tous prie de me pardonner. »
MONSIEUR DE SOTBNVILLB.
« L*extraYagance que j'ai faite. »
GEORGE DÂNDIN.
« L'extravagance que j'ai faite » (à part) de vous épou-
ser.
MONSIEUR DE SOTBNVILLB.
« Et je vous promets de mieux vivre à l'avenir. »
GEORGE DÂNDIN.
« Et je vous promets de mieux vivre à l'avenir. »
MONSIEUR DE SOTBNVILLB *•
Prenez-y garde, et sachez que c'est ici la dernière
de vos impertinences que nous souffrirons.
MADAME DE SOTBNVILLB.
Jour de Dieu ! si vous y retournez, on vous appren-
dra le respect que vous devez i votre femme, et à ceux
de qui elle sort.
I . /I M met à gmtOÊUCf sa ekanMiê à sm mmim, (i^%% 9%.) — La cAa«-
dêUêà ta main, (i73o, 33.) — « Ged, dit Ângcr, mt vaa f<&ritaUe amtmdc
hoaarablet toute Mmblable à eelle que let tribunaos mffigttâkBt autrafoif.
Geoiga Dandin «tt presque em ck^mUê^ ear tes toapçoaa jaîoiiz Tont éTeillé
aa fort de ton tooimeO, et il est sorti sans prendre le temps de s^habiller;
la chandelle qu'il tient 1 la main, fignre trie-bien la torcha am poings et enfin
on ais0 qu'il demande pardon à gêoomx. U n'j manque absoloment que ia
purée ma eo«. »
a. Gionai Dahdot, k gtaoux, mae chandelle à la maia, {A p^t,] O Giell
{A M. de SotesmlleJ) Qne faat-U dire? (1734.)
3. M. DsSomrTxux, à Gedtge Daadin, (1734.) —Dana l'édition originale
et dana eeDe de 1674, il 7 a trois fols, lei et en tite des deux reprises siii«
Tantes : M* sa SorarviLLi. Cette fiinte a éti eocrigée dans noe antres testes.
MouiRB. VI 38
594 GEORGE DANDIN.
MONSIIUR 1» SOTBinriLLI.
Voilà le jour qui va paroiire. Adieu. ^ Rentrez chez
vous, et soDgez bien à être sage. * Et nous, mamonr,
allons nous mettre au lit.
SCENE VIII.
GEORGE DANDIN».
Ah! je le quitte^ maintenant» et je n y vois plus àc
remède : lorsqu*on a, comme moi, épousé une méchante
femme, le meilleur parti qu*on puisse prendre, c'est de
s^aller jeter dans Teau la tête la première.
I. ji George Dandim, (1734.)
a. A Mme de Sotetwilte, (Ibidem,)
3. SCÈNE DERNIÈAB.
OBORom DAVonr, seul, {thidem.)
4. J'y renoiiM (aTae te^ régioMi prU» eonme toaTeiit i7, lajet, aa aouami»).
Nom aTou Ta !• rnéma tour aa Ter» 491 du D^pit amomremx (lomel, p. 43i),
«t à k letaa ti de la Critique de VÈcoU des /emmee (tooM UI, p. 349).
FDT DK GI0R6K DAimm.
N
APPENDICE A GEORGE DANDIN.
Cet Âppendiee comprend deux pièces, dont la seconde a été plu-
aieiin fois d^jà réimprimée dans les OËuTres de Molière, et dont
la première nous paraît j deroir plos opportunément encore être
admise.
Cette première pièce est le programme du grand spectacle dan»
lequel fut encadrée la comédie de George Dandin^ et qui, derant être
distribué aux spectateurs*, a été publié arant la fête*. Il n'/ a
pas à douter tout au moins qu*il n*ait été écrit sur les indications.
de Molière. Quelques mots du quatrième alinéa noua apprennent
que le rédacteur du lirret était si fort de ses amis, qu^il n*a pas cru
conTenable de porter un jugement sur la comédie. Cet ami si in-
time, forcé à tant de modestie pour Tauteur de George Ikuidin^ se-
rait-ce donc Molière lui-même ? Il était bien naturel qu*il mit la
main a ce programme, puisqu'il est Tauteur des rers qui en rem—
plissent la plut grande partie* ; ces Ters et quelques idées cboré'-
graphiques, dont TinTcntion lui doit aussi appartenir, serTirent k
composer l'opéra-ballet, où, à cette première et brillante repré^
sentation, furent intercalés, comme de simples intermèdes, les trois
actes de la comédie; pour lui-même, pour le compositeur, pour
Tordonnateor de la fête il arait bien fallu tracer un plan d*enseinble,
marquer en quelque sorte les points d'attache par où tenaient tant
bien que mai Tune à l'autre l'action de la comédie et celle de la
pastorale. Ces notes indispensables, ce rapide aperçu de l'œurre
mixte qui dcTait prendre une place importante dans les dirertis-
sements de la journée, c'est, en dehors des Ters, tout le liTret pro-
prement dit; mais il est précédé de deux ou trois pages de préam-
bule, et, dans ces premières pages, si les Ters par lesquek elle»
commencent nous paraissent assez faibles pour que Ton hésita
I. Voytsd-après, dans la MatUm de FéliUm, p. (Sao.
a. Qms Robert Ballard : e*0tt «a ia-4* de ao pages, qm porte la date
de 1668; Boos ea reproduiaotts le titra.
3. Voyes eî-deMas à k Ifoiiee, p. 478, le tèmoigaage de Eobîoet ; il no
parle qw des Ters mb en moMqae ; il faat égaleneot remarqaer qne Félibiea*
qui a donné eem-ci, a omis les premiars Ters, llioBiBage a« Eol qm se Ks
en lAte dtt prognunine.
596 APPENDICE A GEORGE DANDIN.
beauconp à les loi attribaer, la profe, â une eerUine aiaiiranee de
ton, à une certaine gaietë et franchite de ttjrle, nooi aeniMeTait
pouToîr le faire reconnattre, partienlièrement dans le paasa^ mû
est à l*adreiae du Roi, dans le passage aussi qui est à Tadrette de
•on collaborateur Lully, et où, d*nne si spirituelle £içon et arec
nn si aimable oubli de tout le mal que lui araient donné des chaa-
teurs et chanteuses peu habitues à se tenir et à agir en acène« ce
serait lui qui réclamerait pour eux, pour leur gaucherie de comé-
diens, rindulgence des spectateurs. Si cette partie du IîttcC n'ai
pas tout entière de sa plume, ce qu*il serait téméraire d'affimcr
nous aTons peine à croire qu*il n*y ait rien là d*écrit sous sadic^
n y a peut-être aussi quelque compte à tenir de ce £iit que c^est
sous le titre de Préfacé que, au-derant de la copie de la comédie
et de la musique de George DanMn^ Philidor a transcrit, avec les
premiers tcts en Thonneur du Roi, les huit premiers alSn^f éo
programme.
La seconde pièce de cet AppenJUê est la relation qa*a donnée
de toute la lète du 18 juiUet x668, André Félibien, Fami da
Poussin, rhistoriographe des bâtiments et œuTres d*art appartenant
au Roi, Tauteur des Xntretiens sur les vies et sur les œipr^mu ia
plus excellents peintres. U arait aussi inséré dans sa description da
spectacle tous les rers de Molière ; nous les j arons retranchés, nuis
en indiquant la place qu*ik occupaient : nous ne pourions les
imprimer deux fois et nous arons préféré les laisser ^^ti« leur
premier cadre du programme.
Il nous reste à dire que Ton conserre à la bibliothèque de TÂr-
senal, dans les papiers G>nrart, une autre relation complète de la
même fête rojrale ■ ; elle est de Tabbé de Montigny, poète et acadé-
micien, de ce futur a petit éTéque de Léon b dont Mme de Sén-
gné* faisait tant de cas, et qu'elle regretu lorsqu'il mourut bien
jeune trois ans plus tard, en 167 1. Cette narration est fort agiéafale
à lire, bien qu'elle soit presque aussi officielle que celle de PéiibieD,
ayant été faite par ordre de la Reine ; mais nous n'arons pas songé
â en grossir cet Appendice; au milieu de beaucoup de redites on j
edt à peine trouvé un mot sur Molière'; son plus grand mérite
I. Vojes aa tome IX ia-^ des pièees maatuerites reeoeiliies par Goamt,
p. 1 109-11 19, la Pêle de Fersailleê dm i^'/millet 1668, retatton sona fianM
de lettre, adreaaèe à M, U marfuU de la Fuenteg e'est une eopie ; mu hmaï ée
la première page, k l'angle gaache, oa Ut eette apoetUle, <l*ane rieOle coi-
tore : m Par M. Tabbè de Montigay. > 11 fiiat remarquer cette date da 18 jnl'
let, oon&rme à celle que donne Félibien (royes la ffotiee^ p. 478].
a. Voyei aea Lettres, tome U, p. Sig, 345, 376 et 376.
. 3. « La troape de Molière, lit-on klapage III I, y.... jona une comédie de sa
NOTE PRÉLIMINAIRE. $97
'pcmt nous ett de donner, à la fin, une liste des dames inritées,
pent-ètre dressée par Tiine d'elles et beauccrap plus complète et
intëressaDte qae la liste de Tautre compte rendu; noos arons releré
là quelques noms que, sauf un ou deux, Molière lui-même, s*il
avait tenu à connaître la composition de son auditoire, n'aurait pas
lus areo indifférence '.
La partition que LuIIy composa pour a la comédie en musique s
est contenue dans le Tolnme de la collection Philidor numéroté 33
et qui a pour titre : « George DamUn ou le Grand JipertUsememt rojml
de FeraaMet dansé devant Sa Majesté le i5« juillet 1668*. Recueilli
par Philidor Tainé en 1690. s Céuit, avant qu*il eût passé par les
mains qui Tout brutalisé, mais ne l'ont du moins pas intérieurement
souillé, un très-bel in-folio, doré sur tranches, relié aux armes du
Roi. Une épître, bien souvent reproduite en tète de ces copies*, l'a
plus expressément encore dédié au Roi ; douze ans plus tard néan»
moins, en 1709, une étiquette imprimée et parafée en constata le
retour dans la bibliothèque particulière du musicien copiste. Il est
d*une écriture admirable. Il comprend d'abord, sous le titre de
Préface^ le préambule de notre I*^ Appendice^ ^ puis les paroles et la
musique de toutes les scènes, la musique de toutes les danses de la
pastorale, et tout le texte de la comédie (ce texte est d'intention,
croyons-nous, toujours conforme à celui de iS8a). Quelques sou-
ches de feuillets lacérés peuvent être comptées avant le titre; mais
ce premier cahier, peut-être blanc, devait être tout à fait étranger
an Grand divertissement de George Dandin; après quatre feuillets
préliminaires précédant YOuverture^ cent soixante-dix-sept pages
ont été chiffrées; six d'entre elles (io3-io8), au milieu de l'acte III
de la comédie (scène vr et partie de la scène v), ont été arrachées.
ftqon, noavelle 0t eomiqoe, agréablement mêlée de récits et d*entrées de ballet,
ou Bacebos et TAmour t^étant quelque temps disputé Tavantags, t*aeeordoiciit
enfin pour eélébrer unanimement la léte. »
I . Voyes ci-aprèt, p. 63o, note a.
a. Cette date du i5 (au lien du i8) est donnée par Tédition de 168a,
d*oà Philidor parait aroir transcrit le teste de la comédie en prose.
3. Yoyez dans notre tome lY, p. 67 et 68.
4. Philidor a reproduit les premières seulement des courtes indications on
analyses qui, dans le lirret, k la suite de ce préambule, accompagnent les
scènes de la pastorale ; en reranche, il a conserré, en tête de chaque acte de la
Comédie^ nn Argument asseï étendu, que Tanteur du Urret en avait retranché,
lors de l'impression, par nn motif qn*il donne ci-après, p. 801, a' alinéa.
S98 APPENDICB A GEORGE DANDIN.
Rien ne manque à U partition, et Toioi le catalogue des ■aoraasx
dont elle le compoae.
Une Ou9€rtur0 instrumentale *. — Pour ce qu^on ponmît appekr
le premier acte de la Paitorale en muaiqae : i* un Premùer mir de
danse pour iet B^gwSyjoué ûltêrnatipemtmî par Ut pioioms (les ium-
tnents à cordes seuk) ei par les fûtes (il j a pour oellcs-ei dcn
parties accompagnées d'une basse] ; 9* la Chansonnette **l**^f^ «■
duo par Climène ei Claris; entre les deux couplets les /téies H Us
p'toloms jouent le mime air; 3* une scène intitulée DisUogme entre iei
deux Bergères CUmène et Cloris et les deux Bergers Tinît et
Philène; le dialogue est coupé de trois courtes BiiowmeUeM^ doetb
dernière, qui précède le chant des deux derniers Ters,reTientcBSO(t
«près ce chant. — Au I«>^ nmida» (II* acte on partie de la piiio-
rale) : une PUimte en musique^ précédée d'une MUtourmeUe^ écrite
pour deux riolons (arec une basse chiffrée d'aocon&pagnemcntl;
«ette longue ritournelle est redite aTant le chant du second dci
quatrains en grands rers, t Me puis-je pardonner. ••• »;lesnolooi
répondent à la Toix trois autres fois encore. — Au II« nrasanat
(III* acte ou partie de la pastorale) : un air pour V Entrée des BmteCen.
-~ Au III* UTUMiia (dernier acte de la pastorale) : i* un JtanJeea
joué par l'orchestre ^ur les Bergers; 1* un air pour Cloris ^ • Id
l'ombre des ormeaux ; » après le premier couplet, l'orchestre repre-
nait le MomJeau ci-devant; le second couplet se chantait en doidile
(aTeo des Tariations) ; 3^ un air pour Climène précédé et snin d\nie
Bitournelle^ qui est redite encore après le second couplet; 4* ob^
phrase (sur deux Ters) pour Tireis^ une autre pour PhHème^ VDt
troisième chantée en duo et répétant les paroles d'abord chantées
par Philène ; S* un premier Chœur à quatre parties, dont la plas
basse est écrite pour Toix de ténors, accompagné des cinq partiel
ordinaires de riolons : « Chantons tous de l'Amour le ponroir ado-
rable; » 6* un air ou plut6t un récitatif pour Jf. dEstirml .* t Ar-
rêtez, c'est trop entreprendre ; » 7* un second Chœur à quatre par-
ties, dont la plus basse descend à l'octaTe de la plus basse du choeur
.précédent et que d'Estiral et Gingant deraient soutenir de leurs
Toix puissantes : a Nous suirons de Bacchus le pouroir adorable ; ■
il est naturellement aussi accompagné par tout Torchestre; 8* «a
.air pour Cloris : a C*est le printemps qui rend l'ame ; » 9* un tir
de basse profonde arec un accompagnement de deux Tiolons (outre
la basse chiffrée) pour un Suivant de Baechus [Gingant) ; lo* nae
I. Mal placée par le ealligraphe aprèt le huitièiBe alinéa de notre P^ Âf"
. pemdiee, paîaque cet alinéa donne le sujet de la première dame, dont la
'<Uns la copie même, eaecéde à l'Ouferture.
LE GRAND DIVERTISSEMENT ROYAL. S99
sorte de dialogue entre les deux chonin de Baoehui et de rAmour
opposes rtm à Tantre, et auquel met fin: ix« le récitatif mesuré
d*iut^er^r.««Cesttrop, c*est trop... ; » i»« un Cbœur final où sont
unies les deux maises vocales jusque-là séparées, qui ne s*étaient du
snoins mêlées qu*à un seul moment de leur lutte : cbanté une pre-
mière fois avant une dernière £mtré€^ il était repris^ pour produire
«se grand effet d^ensemble dont parle Félibieui pour finir par ce
«concert et oette cadence de plus de cent personnes, instrumentistes,
chanteurs, danseurs, que Ton vit à la fois réunies sur le théâtre.
Du dernier acte de cette pastorale, LuU/ fit plus tard le III* acte
de son premier opéra, U$ Fêtes di F Amour et de Bëeehut^ représenté
en 1 67a an jeu de paume de Bel-Air (près le Luxembourg), puis aux
nouTelles fêtes de Versailles en 1674, 0t qui fut imprimé en 17 17,
trente ans «près la mort du maître *•
LE GRAND DIVERTISSEMENT ROYAL
DE TERSAILLES.
SUJET DE LA COMEDIE QUI SE DOIT FAIRE A LA GRAITOE FÊTE
DE VERSAILLES*.
Du prince des François rien ne borne la gloire ;
A tout elle s'étend, et chez les nations
Les vérités de son histoire
Vont passer des vieux temps toutes les fictions.
On aura beau chanter les restes magnifiques
I. Reprit \ partir da troiiième rert entonné par toiu', d*apr^ la partition
Philidor; repris à partir da premier rert, d*après la partition imprimée det
Fiîeê de P Amour et de Baeehus, que nous allons mentionner.
a. Nous aurons 1 en reparler an tome tniTant et à réparer une oniaaion
iiiite I la Pastorale comique.
3. La partie de ee livret qui en est comme l*introdactionj e*est-à-dirfl les
premiers Ters et les huit alinéas sulTants ont été transcrits par Philidor an-
derant de sa copte de la partition et de la comédie ; il ■• comme Bons
TaTons dit, intitulé cette introduclion Préfitee,
* Yojea ei-aprii, p. 6i3t U demicre note de V Appendice I,
6oo APPENDICE A GB0R6B DANDIN.
De tout ces desUiis héroïques
Qa*an bel art prit plaisir d ^élever jusqa^aux cieox :
On en voit par ses faits la splendeur effacée.
Et tous ces fameux demi-dieux
Dont fait bruit rhistoire passée
Ne sont point à notre pensée
Ce que Louis est à nos yeux.
Pour paner du kngafe des Dieux au langige des hommes <, le
Roi est un grand roi en font, et nons ne voyons point que sa gloire
soit retranchée à quelques qualités hors desquelles il tombe dans
le commun des hommes. Tout se soutient dVgale force en loi; il
n*y a point d'endroit par où il lui soit dëasTantageux d*ètre regardé',
et de quelque vue que vous le preniei, même grandeur, même édat
se rencontre ; c*est un roi de tous les c6tés : nul emploi ne Pahaisse,
aucune action ne le défigure, il est toujours Ininnéme, et partout
on le reconnolt. Il y a du héros dans toutes les choses qu*îl fiût;
et jusques aux aifiiires de plaisir, il j fait éclater une grandeur <jpi
passe tout ce qui a été tu jusques ici.
Cette nouTclle fête de Versailles le montre pleinement : ce sont
des prodiges et des miracles aussi hien que le reste de ses acdons;
et si TOUS avei m sur nor frontièrss les provinces conquises en une
semaine d'hiver', et les puissantes villes forcées en faisant chemin,
on voit ici sortir, en moins de rien, du milieu des jardins, les n-
perbes palais et les magnifiques théâtres, de tous c6tés enrichis d*or
et de grandes statues, que la verdure égayé, et que cent jets d*eaii
rafiraîchissent. On ne peut rien imaginer de plus pompeux ni de
plus surprenant; et l'on diroit que ce digne monarque a vodn
faire voir ici qu'il sait maîtriser pleinement l'ardeur de son cou-
rage, prenant soin de parer de toutes ces magnificences les beaox
jours d'une paix où son grand coeur a résisté, et à laquelle il ne
s^est relâché que par les prières de ses sujets.
Je n'entreprends point de vous écrire le détail de toutes eei
merveilles : un de nos beaux esprits * est chargé d'en faire le récit,
et je m'arrête à la comédie dont, par avance, vous me demandes
des nouvelles»
X. A celui des hommes. (Copie Philidot.)
a. D*endroit qui lai soit désaTantagens d'être regardé. {Ibidem»)
3. La conquête de la Franche-Gomlé n'arait guère plos doré, an mois àe
Carrier précédent : Toyez ci-dessns, p. 354, note.
4. André Félibien, dans la Relation que nooa donnons à la snite de ee pro-
gramme.
LE GRAND DIVERTISSEMENT ROYAL. 6oi
Cett Molière qui Ta fikite. Gomme je Miii fort de set amis, je
trouTe à propos de ne tous en dire ni bien ni mal, et tous en ju-
gerez quand tous Taurez Tue : je dirai seulement qu*il seroit à sou-
haiter pour lui que chacun eût les jreux quUl faut* pour tous les
impromptus de comédie*, et que Thonneur d*obéir promptement au
Roi pût faire dans les esprits des auditeurs une partie du mérite de
CCS sortes d*ouTrages.
Le sujet est un Pajrsan qui s*est marié à la fille d'un gentil-
homme, et qui, dans tout le cours de la comédie, se trouTe puni
de son ambition. Puisque tous la derez Toir, je me garderai >, pour
Tamour de tous, de toucher an détail, et je ne Teux point lui 6ter
la grâce de la nouTcauté, et à tous le plaisir de la surprise; mais
comme ce sujet est mêlé aTec une espèce de comédie en musique
et ballet, il est bon de tous expliquer Tordre de tout cela, et de
TOUS dire les Ters qui se chantent.
Notre nation n*est guère faite à la comédie en musique, et je ne
puis pas répondre comme cette nouTeauté-ci réussira. Û ne faut
rien souTent pour effaroucher les esprits des François : un petit mot
tourné en ridicule, une sjrllabe qui, aTec un air un peu rude, s'ap-
prochera d'une oreille délicate, un geste d'un musicien qui n*aura
pas peut-être encore au théâtre la liberté qu'il faudroit, une per-
ruque tant soit peu de côté, un ruban qui pendra, la moindre chose
est capable de gâter toute une affaire; mais enfin il est assuré, au
sentiment des connoisseurs^ qui ont tu la répétition, que Lully n'a
jamais rien fait de plus beau, soit pour la musique, soit pour les
danses, et que tout 7 brille d'iuTention. EnTérité, c'est un admirable
homme*, et le Roi pourroit perdre beaucoup de gens considérables
qui ne lui seroient pas si malaisés à remplacer que celui-là.
Toute l'affaire se passe dans une grande fête champêtre.
L'ouTSBTuas en est faite par quatre illustres Bergers, déguisés en
Talets de fêtes *, lesquels, accompagnés de quatre autres Bergers
qui jouent de la flûte ', font une danse qui interrompt les rêTeries
z. Qo'fl fant aroir. [Ccgris PkUidor.)
a. Compares ce que Molière dit dans ton aTertiaeemant au Ltetemr aùi aa-
davant de V Amour nUdeeim (iobm Y, p. 294) : « Je as comeille de lire etUe
eamédU qa*aaz pertonnes qui ont des yeux pour découvrir daaa la lectort
tout le jeo du théâtre. »
3. Je me garderai bien. [Copie PhilidtM;]
4. Des conaolaMoz. (JUitm.) Dans Toriginal on e imprimé eotuuisseiu»
5. PliUidor a relevé cet mots d*un point d'exclamation,
6. Beaucbamp, Saint-André, la Pierre, Favier. — 7. Detcoateanz, Pbilbert,
Jaan et Martin Hottère. (iVblw imprimées en marge de Pédiiion origi"
naU,)
6oi APPENDICE A GEORGE DANDIN.
dvL Pa/Mn marié, et Toblige à w retirer après qaelqae contrainte.
Clîmène et Ctoris<, deux Bergères amies, s*ansent, au son dei
fiâtes, de chanter cette
CHAHSoirinrnB' :
L*autre jour d'Annette
rentendis la Yoix,
Qai sur la musette
Cbantoit dans nos bois :
« Amour, que sous ton empire
On souffre de maux cuisants !
Je le puis bien dire,
Puisque je le sens'. »
La jeune Lisette,
Au même moment,
Sur le ton d^Annette,
Reprit tendrement :
« Amour, si sons ton empire
Je souffre des maux cuisants,
C'est de n'oser dire
Tout ce que je sens. »
Tircis et Philène ^, amants de ces deux Bergères, les abordeot
pour leur parler de leur passion et font arec elles une
scèhb bn musique.
CLORIS.
Laissez-nous' en repos, Philène.
I. Mlle Hiliire. Mlle Ûm Fronteauz. (Ifote de forifinaL) An lîea dt
cet deux noms, oa lit daas la partition Philidor : aa-dessns de la i** par^
tie, « M. Pa. »j etau-dessui de la a'*, « M. Mat. • Nous ne saTose qads
noms repr^ntent cet premièras tyllabec, ni pour qoelle reprcaentation da
ballet cet deox rôles foreat donnés k d'autres interprètes que lea caatalrieei
qui les araient créés le i8 juillet 1668.
a. Dimène et Cloris s*ansent de dianter au ton de ces fidtes la <lisni<mnrtlf
SttÎTante. {Copte Philidor,)
3. La chansonnette a deux reprises; an eonuneneement de la seconde, b
compositeur a répété le mot Amour,
4. Blondel. Gaye. [Kfotede Poriginai,)^'S, Laissa-nons, {Partitic» PkHidor.)
LE GRAND DIVERTISSEMENT ROYAL. 6ùi
CLiMiini.
Tircisy ne viens point m*arreter.
TIRCI8 et PHILÂNI.
Ah ! belle inhumaine,
Daigne un moment^ m*éoottter.
CLIMÈNE et CL0RI8.
Mais que me veux-tu conter ?
LES DEUX BERGERS.
Que d'une flamme immortelle
Mon cœur brûle sous tes lois.
LES DEUX BERGÈRES.
Ce n*est pas une nouvelle ,
Tu me Tas dit mille fois.
PHILÂME.
Quoi ? veux-tU| toute ma vie.
Que j*aime et n*obtienne rien ?
CLORIS.
NoUi ce n*est pas mon envie :
N'aime plus, je le veux bien.
TIRCIS.
Le Gel me force à Thommage
Dont tous ces bois sont témoins.
CLIMÀNE.
C'est au Gel, puisqu'il t'engage,
A te payer de tes soins.
PHILÂNE.
C'est par ton mérite extrême
Que tu captives mes vœux*.
CLORlS.
Si je mérite qu'on m'aime.
Je ne dois rien' à tes feux.
I. Om momêiu ett replié dut le duat.
a. Met yeoz. (Partitiom Pkilidor.)
3. Je B*ea doit riea. {JhuUm.]
6a( APPENDICE A GEORGE DANDIN.
I.S8 DBUZ BBmGBBS.
L*ëclat de tes yeux me tue.
LES DIUX BimOÉRES.
Détourne* de DAoi lei pas.
LBS BBUX BBBGXRf .
Je me plais dans cette vue.
LBS DBUX BBB6ÉRBS.
Berger, ne t*en plains donc pas.
PHlLilIB.
Ah ! belle Climène.
TIBCIS.
Ah ! belle Cloris.
pmLiBB.
Rends-la pour moi plus humaine.
TIRCIS.
Dompte pour moi ses mépris.
CLlMÉNBi à Oorii.
Sois sensible à Tamour que te porte Philène.
CLOBISi à GUttène.
Sois sensible à Tardeur dont Tircis est épris.
CUMÉNB.
Si tu veux me donner ton exemplci Bet^ère,
Peut-être je le recevrai*.
CLORIS.
Si tu veux te résoudre à marcher la première,
Possible que je te suivrai '.
CLIMBIIB, à Plùline.
Adieu, Berger.
I. n j a npétitioii de ce mot dans le chant, ainsi qae, denVen platU*}
da mot B«rg*r,
a. Je lesuifrai. {Partition, Philidor.)
3. Dans le chant : m Possihle, pos^le qae je te ioiTni. » — On a va ce
tonr au ters iSoQ du Déint amoureux, tXpatsihU encore ^urptut-êtn **
▼en 3x3 de /• Princeue ifÉluU,
LE GRAND DIVERTISSEMENT ROYAL. 665
GLOM8, à Thcb.
Adiea, Berger,
cuiiiifi.
Attends un favorable sort.
CLORIS.
Attends un doux succès du mal qui te possède.
TIECIS.
Je n*attends aucun remèdci
Et je n^attends que la mort.
TIBCIS et PHILÂNB.
Puisqu*il nous fiiut languir en de tels déplaisirs,
Mettons fin en mourant à nos tristes soupirs *.
Cet deux Bergen t*en Tont désetpërét, siuTant la coutume des
aneieiis amants, qui se désespéroient de peu de chose. Ensuite de
cette musique rient
LB PRBMIBR ÂCTB DB LA COBffolB qui M r^te '.
Le Pajrsan marié 7 reçoit des mortifications de son mariage; et
sur la fin de Tacte, dans un chagrin assez puissant, il est inter-
rompu par une Bergère, qui lui rient faire le récit du désespoir
des deux Bergers; il la quitte en colère, et fait place à Qoris, qui
sur la mort de son amant rient' fiûre une
I. La premier de est deux mv est chanté dsox lois, et le leeoiid trois
loés. L*im des chaatoiurs, qui dit d*abord seul le premier bémifticbe dn
eeeoad Ten, « Mettoni fin en monrant », 7 ajonle eneore ooe f<nB, à la pre-
mière répétition qu'il fait de oe Ters, le aecond hémiatiehe, m à nos tristes son-
ptit».
a. Dana la eopie Philidor il 7 a simplement : « La HUDuia Acn. » ■
3. An lien de l'alinéa précédent, on lit dans la eopie Philidor, d'abord,
arant le I*' acte de la comédie ;
ABOimsaT DU PBXMnOl AGXB»
« Le Pa jMn marié, Toolant rentrer ehex lai, troave an homme înconnn, qni
« lui apprend qae ta fiBoune éeoate fiiTorablenient les propoiitiont d'un jeune
« gentilhomme qal eat amoareoz d'dle. Il le plaint de cette perfidie à ton
« beaa-père et à sa belle-mère, et leur déclare le juste sujet qu'il a de se
« plaindra de lear fille, qui manque i la ibi qu'elle lui a promise. Mais quel-
6o6 APPENDICB A GEORGE DARDIN.
PLÂIim IN MUSIQUE * .
Ah ! mortelles doaleurs !
Qu*ai-je plus à prétendre ?
G>ulez, coulezi mes pleurs :
Je ii*en puis trop répandre.
Pourquoi faut-il qu'un tyrannique honneur
Tienne notre âme en esclave asservie ?
Hélas! pour contenter sa barbare rigueur,
J*ai réduit mon amant à sortir de la vie.
Ah ! mortelles douleurs !
Qu'ai-je plus à prétendre ?
Coulez, coulez, mes pleurs :
Je n'en puis trop répandre.
Me puis-je pardonner, dans ce funeste sort,
Les sévères froideurs dont je m'étois armée ?
Quoi donc ? mon cher amant, je t'ai donné la mort :
Est-ce le prix, hélas ! de m'avoir tant aimée ?
Ah! mortelles douleurs, etc.*.
La fin de cet plaintes fait Tenir
LB SECOND ACTE DE LÀ COMEDIE qoi le rcdte.
Cett une suite des dëpUisirs du Pajrsan marié*, et la mène Ber-
« qiM pnaTS qu'il en piÛMS aroir, il m tfoave oUig^ de iÛM ém
« à ealni qai lai a laik eoneevoir tant de jalonaîe. »
Pois après le I** acte :
I*' larsajokoB.
c George Dandin, se Toyant traiter tl amallenMet, entra dans en
< déplaisir I BBaia il att iateiTompn.... {la êmitt etmm§ ei-d!MM#). »
I. Cloris, qoi.... ▼tant chanter la plainte aiÛTante. (Co^ Piiikbr.)
%, Aprii qne ce quatrain a «té naa troiaiéine CÔîa chanté et apiés
eoorta litoomdla des TÎolons, les deox damiers Teni, « Goales, eeelea, aas
pleors », ete., en sont encore repris,
3. Àa lien des trois dernières lignes on lit dans la copie Phflidor :
AmGUMBKT DU sioovD ACTS (Je la coméJU),
c George Daadin se troete ancera iMMrtifié dans eet acte de la ywêM qn'a
LE GRAND DIVERTISSEMENT ROYAL. 607
gère ne manque pas de rentr encore Tinterrompre dans sa dou-
leur. Elle lui raconte comme Tircis et Pbilène ne sont point morts,
et lui montre six Bateliers qui les ont saurës ' ; il ne reut point s'ar-
rêter à les Toir, et les Bateliers, raris de la récompense quUls ont
reçue, dansent arec leurs crocs et se jouent ensemble*: après quoi
commence
LB TROISIÂMB ÂCTI DB LÀ COMiDIB qui se récite,
qui est le comble des douleurs du Paysan marie. Enfin un de ses
amis lui conseille de noyer dans le vin toutes ses inquiétudes, et
part avec lui pour joindre sa troupe, voyant Tenir toute la foule
des Bergers amoureux, qui, à la manière des anciens Bergers, com-
mencent à célébrer par des chants et des danses le pouvoir de
r Amonr *.
« ■ em d'époofcr ane DemoîseUe. Elle lui parle aree une eertaine haateor
c qai le déieipère, «t pour eomble de chagrin, il apprend qne sa iamm» est
« aTec ton galant dans sa maison. U en aTertit son beau-père et sa belle-mère.
« Mais sa lenune tronve moyen par son adresse de se justifier aux jenx de set
« parents, et, prenant on bâton, elle en frappe son mari, au lien do galant
« qu'elle fait semblant de maltraiter. »
I. Jonan, Beauchamp, Ghicanneau, Faner, Noblet, Ma jeu. [IhU de Vori"
ginal,)
a. Dans la eopie Philidor, eette analyse dn II' acte de la pastorale se lit
avec les difletenees suivantes :
II* nmaMiDB.
c Après cette dernière aTcnture, George Dandin demeure inconsolable et se
« pbint de son malbenieux sort. La même bergère ne manque pas de venir
« Tinterrompre,... lui raconte que Tireb..., et les Bateliers, ravis delà rè-
€ compense qu'ils ont eue, dansent l'entrée suivante. »
A la sotte de l'Entrée on Ut :
ABGUMBHT DU TROisiiMB ACXB [dé la eûmétDê),
c C'est ici le comble des douleurs dn Paysan marié. Il s'aper^t qne sa
femme est sortie de noit avec son galant, et lorsqu'elle renent, il refuse
de lui ouvrir b porte. La crainte qu'elle a de son pèra et de sa mère, qu'il
a enroyè quérir pour les rendre témoins de cette UTenture, lui fait avoir
reconn aux supplications les plus tendres du monde. Mais il ]>ersiste dans
son relus jusqu'à ce qne sa femme fait semblant de se tuer. II descend avec
une chandelle pour voir si elle n'en seroit point Tenue h TefEst, et dans ce
tenqit-là aa fimmie, qui s'est cachée, raotra dans la maison et frit accroire
à ses parents qne son msri est ivre, de sorte que sonbean-pèra le contraint,
aptes beaoeonp de menaces, de demander pardon h sa femme. »
3. Dans la eopie Pbilidor, l'analyse du dernier acte de la pastorale offre
les diffirenees seivaates t
in« nTBBMiDB.
< Geoife DBadia, après one si fteheose disgfâee, prend la rssolotiea de se
6o8 APPBNDICB A GBORGB DAUDIN.
CLOHIt.
Ici Tombre des ormeaux
Donne un teint frais aux herbettes.
Et les bords de ces ruisseaux
Brillent de mille fleurettes,
Qui se mirent dans les eaux.
Prenez, Bergers, vos musettes,
Ajustez vos chalumeaux.
Et melons nos chansonnettes
Aux chants des petits oiseaux.
Le Zéphire entre ces eaux
Fait* mille courses secrètes,
Et les rossignols nouveaux
De leurs douces amourettes
Parlent aux tendres rameaux.
Prenez, Bergers, vos musettes.
Ajustez vos chalumeaux.
Et mêlons nos chansonnettes
Aux chants des petits oiseaux.
Pluiieurt Bergers et Bergèret gaUntet * mAlent amiî lennptf >
tout ceci, et occupent les yeux, undii que la muii^ occupe w
oreillet.
CUMilfB.
Ah ! qu'il est doux, belle Sylvie,
Ah! qu*il est doux de s*enflammer!
Il faut retrancher de la vie
« jeter «Uni Peta. Mtis il en est empéehé pir on de tMUDÛ qv^l*^"**
« Mine.... part avec lai pour te joindre à ta troope,... I eWhvp"*'
« diaatt le pooToir de l'Ainoar. >
Philldor ii*a pas transcrit les quelques Ugnet qui, plus lois diu ^ ^^
praeèdeat on soÎTent encore les rers chantés.
I. LesZipbirs.... font. [Partition PkUiior.)
3. Btrgtrê^ Chieannean, Saint-André, la Pierre, Faner. — #erf^' '^
nard, Amald, Noblet, Foignart. (iVbfe di PorigiiuU.)
LE GRAND DIVERTISSEMENT ROYAL. 609
Ce qu'on en passe sans aimer*.
CLORIS*.
Ah ! les beaux jours qu'Amour nous donne
Loi*s que sa flamme unit les cœurs !
Est-il ni gloire ni couronne
Qui vaille ses moindres douceurs ?
TIRCIS.
Qu'avec peu de raison on se plaint d'un martyre
Que suivent de si doux plaisirs !
PHILÈNE.
Un moment de bonheur dans l'amoureux empire
Repare dix ans de soupirs*.
TOUS ensemble.
Chantons tous de l'Amour le pouvoir adorablci
Chantons tous dans ces lieux
Ses attraits glorieux :
Il est le plus aimable
Et le plus grand des Dieux ^.
A ces mots, toute la troupe de Bacchus arrive, et Tun d*eux,
s'aTançant à la tète *, chante fièrement ces paroles :
Arrêtez*, c'est trop entreprendre :
Un autre Dieu dont nous suivons les lois,
S'oppose à cet honneur qu*à l'Amour osent rendre
Vos musettes et vos voix,
A des titres si beaux Bacchus seul peut prélandre,
I. Les deux premiers vers du quatrain sont ramenés, dans le chant, aprèi
les deux derniers. — 11 en est de même au quatrain suirant, qui est un se-
cond couplet.
3. Dans la partition Philidor, le quatrain précédent et le sutrant sont deux
couplets d'une chanson donnés l'un et l'autre k la même voix.
3. Ce distique, chanté d'abord psir Philène seul, est repris en duo pnr
pmiène et Tireis.
4. Ce chœur des Bergers amoureux forme deux reprises qui sont k redi e;
les deux derniers rers ont servi, avec le Umt dernier répété, à composer ta
seconde.
5. D'Estival. {Yote Je VoriginaL) — 6. Ce mot est répété dans le chtnt.
Molibuk. ti 39
«lo APPENDICE A GEORGE DANDIN.
Et nous sommes ici pour défendre set droits'.
CHOBUR BS SACCHUS.
Nous suivons de Baccbus le pouvoir adorable ;
Nous suivons en tous lieux
Ses attraits glorieux :
II est le plus aimable
Et le plus grand des Dieux*.
Pluiîeart da parti de Baoehoi mêlent aiSMÎ leon pas à la mwî-
ipie', et l'on voit ici un combat de danseon contre danseort, et de
«hantret contre chantres.
CLORIS.
Cest le printemps qui rend Tàme
A nos champs semés de fleurs,
Mais c'est TAmour et sa flamme
Qui font revivre nos cœurs.
UN SUIVAUT DB BACCHUS *•
Le soleil chasse les ombres
Dont le ciel est obscurci,
Et des âmes les plus sombres
Bacchus chasse le souci.
CHOEUR OB BACCHUS.
Bacchus est révéré sur la terre et sur Tonde.
CHOBUR DB l'amour.
Et TAmour est un Dieu qu'on adore en tons lieux.
CHOBUR DB BACCHUS.
Bacchus à son pouvoir a soumis tout le monde.
CHOBUR DB l'amour.
Et l'Amour a dompté les hommes et les^Dieux.
I. La coMpotitoar ■ reprit ce vm et, poar Sair, encora ennilayê le<
liémittîche, « pour déCandre tm droit*. »
s. Ce çhflBur des partisant de Bacchut «at aoasi k dauarapriaet; la pi**
mîare, de trois vers, commence par Nous suivons rip4té; la aaemde Sait pv
te dernier «ara tout eaiier répété.
3. Smipmts dé Bocekms dmnsmmi^ Beauehannp, Dolivat, GhâcanMan, Mafia*
— Bacchantes, Paysan, Maneean, le Roy, Peaan. {Ifota de Poriginmi,)
4* Giagan. (IbuUm.)
LE GRAND DIVBaTISSEHENT ROTAL. 6ii
CBOBDB DK BACCBUS.
Rien peut-Q ' égaler sa douceur mds lecoDcle ?
CBOXURDK l'âUOUX.
Rien peut-il é^er ses charmes précieux ?
CHOKUR DI BACCBUS.
Fi * de l'Amour et de ses feux !
LE PÂKTI DB l'amour.
Ah! quel plaisir d'aimer!
LB PARTI OR BICCBDS.
Ah'! quel plaisir déboire*!
LB PARTI DB l'aHOVR*.
A qui TÎt sans amour la vie est sans appas.
LE PARTI DE BACCBDs'.
C'est mourir que de vivre et de ne boire pas.
L8 PARTI DB l'aHOUR.
Aimables fers !
LE PARTI DB BACCHDS.
Douce victoire ' !
t. Sù»p*al-il Mt dit <l*mi foiidiiu le ctmt d* ce tbti.
a. L* conpMÎtaar « emjilDjS trou Foii «IM adamition.
3. Cm m/ «m k mir^MT tù U pramiàn fnii qaa l'himiitich* •■ ehaaM.
4- Ce won, d'iprii U pirticion, n'oit pu ehsDt^ pir l« chaur* : le plu-
mier hêmutiebe Psit pir dsax Toïi hintei (deux detiu) et le leceod ptr uiu
Toh trte-bBH \ psi* la f où li plua luate npi—d HBlt i ■ Ah I quai pli^r
d'aimarl >, st la toù baiM : • Ut\ qail plaiôr, quai plùtlr de boini > Ce-
paadaDt *o;ea ei-ipri« la nnia 7.
5. Qb téBOr Mal, d'api^ la partîlioB.
fi. Usa baaaa Mala anal.
;. Dioi l> panitioii, l» Tinor 1 < JLinubla fart 1 > — Lm ttut* : ■ Dobcc
Tkteinl ■> — £«T.taar ^ • Aimablea fm} . — Le Ciamr J, Battkai .
■ Dooca, doBM Tictoiral ■ — Ca h'mI poial aor dot iadicationi eipTMaa*
qoa U Âaot da ^riqwa pHWgai d* eatta asiBB limt d'ttra itEribni li ia»
■ohaCaaiilB'eatpaiimpaaiibla qw cm pnugei aiani rci dunté* par tout Itt
daMui, par toutai let baatM, par ton* iai liaon da Pub od da l'antra ebonr;
Boia, d'oM part, Ui paruMaat Mre d'nBa eiàcalkn pla* diSeila, al, d'aatrr
paît, l'aeeanipagiKnieBt ea eil iMoit t Biia bies moladre MBoriti ■ 1 il Ml
tmt k fait pndiabla qn'ik ^iast iliinaii aax liiiiiiiaaa qoe LoUf irait U,
* An lien daa ônq partiea d'iBAtmnaBta qij d'ordÎBiira ioutienBeat Im
6ia APPENDICE A GEORGE DANDIN.
LE PARTI DE L*ÂMOl)R.
Ail ! quel plaisir iralmer!
LE PARTI DE BACCHUS.
Ah ! quel plaisir de boire ^ !
LES DEUX PARTIS.
Non y non, c'est un abus.
Le plus grand Dieu de tous....
LE PARTI DE L^AMOUR.
C'est l'Amour.
LE PARTI DE BACCHUS.
Cest Bacch1]£^
Un Berger se jette au milieu de cette dispute', et chante ces tcts
aux deux partis :
C*est trop, c'est trop, Bergers. Hé ! pourquoi ces débats^:
Souffrons qu'en un parti la raison nous assemble.
L'Amour a des douceurs, Bacchus a des appas ;
Ce sont deux déités qui sont fort bien ensemble :
Ne les séparons pas*.
LES DEUX CHOEURS ensemble.
Melons donc leurs douceurs aimables.
devant !« Roi, à sa déspo^itioa; le mattr« distingaait ainsi eeax dont k ca>
cours lui étuit le plus précieuif et ils prenaient, eux, tout natarelleiBRtt:'
i*ôle fie coryph.l'es, <le cliefH proroquant ou animant encore leur parti à blstir.
I. Dans la partition, le Chœur de CAntonr : « Ah! ah! quel plaisir dV.-
mer !» — Le Chœur de Bacehu4 : « Ah ! ah ! quel plaisir de boire, ^
plaisir de boire ! >
a. La fin de cette scène, à partir de : « Non, non, c*est an abtts,>e<
chantée par les deux chœurs, avec la disposition fuivante. Les voix des tUis
Chœurs répétant et mêlant de différentes manières les paroles : « Nos, ul
c*ei»b un abus. » — Le Chœur de i* Amour : « Le plus grand dieu de tous..^ ■
— Le Chœur de Bacchus : m Le plus grand dieu de tons.... » .. « Cer
PAmour. » — « C*e^t Bacchus. m — Cette fois seulement (e Ténor on les Teiur
^euls : « Cest 1^ Amour. ■ — « CVst Bacchus. • — « CVstrAmour. • — « C'est 3»-
chus. > — « CVst r Amour, cVst T Amour. » •— « C'est Baocbos, c*est Bacchu. *
3. Le Gros. ( Yo/e de P original,)
4. £1 pourquoi, et pourquoi ces débats? [Partition Philidor.)
5. Ce dernier ters se chante deux fois.
LE GRAND DIVERTISSEMENT ROYAL. 6i3
Melons nos voix dans ces lieux agréables,
Et faisons répéter aux échos d'alentour
Qu*il n'est rien de plus doux que Bacchus et TAmour'.
Tous les danseurs se mêlent ensemble, à l'exemple des autres,
et avec cette pleine réjouissance de tous les Bergers et Bergères
finira le divertissement de la comédie, d*où Ton passera aux autres
merveilles dont vous aurez la relation.
BEBGERS.
Chœur cT Amour,
HeBBRT. HUGUEIŒT.
Braumont. L.i Cause cadet.
Boni. La Fontaike.
Ferhon le cadet. CuiBLOT.
Bkoel. Mahtihot père.
Giugah le cadet. Martinot fils.
LoNOUEiL. Le Roux Taîné.
Cottereau. Le Roux cadet.
Jeannot, I Guenin.
Laiou, I P 6 • Le Gbais.
PiESCHE père. Brouabd,
PlESCHE fils. BoULLÉ.
Destouche. Macwy.
La Caisse cadet. Chevallier.
Marchakd.
I. Voici comment dans la partition sont distribuées et employées ces der-
nières paroles. Les deux Chœurs : « Mêlons donc leurs douceurs uimaliles. — *
Le Chœur de P Amour : « Mêlons nus voix dans ces lieux agréables. » — Les
deux Chœurs: « Mêlons nos voix, » etc. — Le Chœur de P Amour : « Et faisoos
répéter aux échos d^alentour.» — Les deux Chœurs : « Et faisons, et Lisons re-
péter aux échos d'alentour, et faisons répéter, et faisons ré|)cter, aux échos,
aux échos d*alentour, qu*il n'est rien, etc., qu'il n'est rien, » etc. — Les voix de
contralto du Chœur de V Amour : « Et faisons répéter. • — Les voix de contralto
du Chœur de Bacchus : « Et faisons rqx'ter.» — Les mêmes voix du Chœur de *
PAmr'ur: « Aux échos d'al<*ntour. » — Les mêmes voix de rautre Chœur : « Aux
échos d^ulentour. » — Les deux Chœurs : {y^rt ^) « Et f.iiRon.s lépétcr, ('/©«j) et
faisons répéter, {Jort) aux échos d'ulcutuur, {doux) aux échos d'ah ntour, qu'il
n*est rien, > etc. [quater le dernier vers). '— Tout le chœur, comme nous
Tarons dit, ou la plus grande partie du choeur fut une seconde fois diantée
après une dernière enirée des danseurs.
« Des f et des d marquent quelques-uns des efîets d*écho dont parle Féli-
bien ci-après, p. 614.
6i4
APPENDICE A. OBORGE DÂNDIN.
SATYHIS.
Chœur d9 Baeehus,
HiDonr.
CflAuimov.
DOM.
Fatisb.
Fsniroir Tafnë.
Bbdilahd.
DlSCHAMM.
Balus.
Obat.
Dbs- Maton
David.
Fbuobb.
Momui.
Du Paot.
Sbbiosah.
L*Espiim.
Sahsos.
Cahoxb.
OUDOT.
BlBUABD.
SiMOK,
BBUtLARD.
TanuT, ^..^
DuilOYXBt.
tb«.lo;, p*«**-
S. Pbbb.
AUCK,
Vabih.
Jbav \
Hbrcub.
irr.. H—-
Chstaudi.
JOUBKKT.
Mabtui )
La Pulcb.
Dumahou.
FOMAHT.
Mazvbl.
LiQUS.
II
RELATION DE LA FÊTE DE VERSAILLES
D0 i8* imuMT 1668*.
Le Roi ayant accordé la paix aux inatancet de set alliés et aux
TOBttx de toute TEurope, et donné des marques d*une modératîoB
et d'une bonté sans exemple, même dans le plus fort de ses con-
I. Nom tairoat le teste de 166B, en 7 eomparani la réimprecaion de 1679.
Cette dernière porte à la fio le aoa de Tauteor de la Relatimtj Fsuua,
aor qui Toiet la note d*Aiiger (tome VU, p. a85) : « André Fdibien, ni ca
1619 et mort en 1695. Il fut historiographe dea bitimenla {du Roi^ des pcm^
tmnts, sculptures^ arts et manufactures royales) ^ aecrétatre de 1* Académie d'ar-
I, et nn des huit qui formèrent, dana le prineipe, PAcadémie dci
RELATION DE LA FÊTE DE VERSAILLES. 6iS
qaêtes, ne pensoit phis qa'à t'applîqaer anx afbires de son
royanme, lorsque, pour réparer eo quelque sorte ce que la cour
aToit perdu daos le camaral pendant son absence, il résolut de
fidre une fête dans les jardins de Versailles, où, parmi les plaisirs
que Ton troure dans un séjour si dëlicieux, Tesprit fût encore
touché de ces beautés surprenantes et extraordinaires dont ce grand
prince sait si bien assaisonner tous ses divertissements.
Pour cet effet, Toulant donner la comédie ensuite d'une colla*
tion, et le souper après la comédie qui fût suivi d'un bal et d'un
feu d*artifice, il jeta les jreux sur les personnes qu'il jugea les plua
capables pour disposer toutes les choses propres à cela. Il leur
marqua lui-même les endroits où la disposition du lieu pouToit
par sa beauté naturelle contribuer davantage à leur décoration ; et
parce que Tun des plus beaux ornements de cette maison est I»
quantité des eaux que Tart j a conduites, malgré la nature qui les
lui aToit refusées, Sa Majesté leur ordonna de s'en servir, le plus-
qu'ils pourroient, à l'embellissement de ces lieux, et même leur
ouvrit les moyens de les employer et d'en tirer les effets qu'elles
peuvent faire.
Pour l'exécution de cette fête, le duc de Créquy, comme pre-
mier gentilhomme de la chambre, fut chargé de ce qui regardoit
la comédie*, le maréchal de Bellefond, comme premier maître
d'hôtel du Roi, prit le som de la collation, du souper et de tout
ce qui regardoit le service des tables; et M. Colbert, comme sur-
intendant des bâtiments, fit construire et embellir les divers lieux
destinés à ce divertissement royal, et donna les ordres pour l'exé-
cution des feux d'artifice.
Le sieur Vigarani eut ordre de dresser le théâtre pour la comé-
die; le sieur Gissey d'accommoder un endroit pour le souper; et
le sieur le Yau, premier architecte du Roi, un autre pour le bal.
Le mercredi' i8* jour de juillet, le Roi, étant parti de Saint-
Germain, vint dfncr à Versailles avec la Reine, Monseigneur le
Dauphin, Monsieur et Madame; le reste de la cour, étant arrivé
incontinent après midi, trouva des officiers du Roi qui faisoient
îaseriptions. Il eompow plosienrt oavriges, dont le pins ettimé ■ pour titra :
BtUrttUnê sur le* wiê* et sur le* ùu»ragea de* plu* excellent* peintre* aneieme
et moderne* (i6^, in-4*). 11 eut dea fib, doat l*ua hérita d« son amonr
pour les arta, et de la plupart de ses emplois; «t dont l'antre, religieox da
Tordre de Suiot-Benolt, écrivit VBùtoire de Vabbaye de Saint-/)tni*^ et com-
mença VHUtoîre de la ville de Pari*, achevée par dom Lobioean, son
confirére. »
I. Le meeredi. (1679.)
6i6 APPENDICE A GEORGE DANDIN.
les honneurs et rece voient tout le monde dans les salles du châ-
leau, où il y avoit, en plusieurs endroits, des tables dressées, et de
quoi se rafraîchir ; les principales dames furent conduites dans des
chambres particulières, pour se reposer.
Sur les six heures du soir, le Roi ayant commande au marquis
de Gévres, capitaine de ses gardes, de faire ouvrir toutes les portes,
afin qu'il n*y eût personne qui ne prît part au divertissement, sortit
du château avec la Reine et tout le reste de la cour, pour prendre
le plaisir de la promenade.
Quand Leurs Majestés eurent fait le tour du grand parterre,
elles descendirent dans celui de gazon qui est du côté de la Grotte,
où après avoir considéré les fontaines qui les embellissent, elles
s*arrêtèrent particulièrement à regarder celle qui est au bas du petit
parc du côié de la pompe. Dans le milieu de son bassin Ton voit
un dragon de bronze, qui, percé d'une flèche, semble vomir le saog
par la gueule, en poussant en Tair un bouillon d'eau qui retombe
en pluie, et couvre tout le bassin.
Autour de ce dragon il y a quatre petits Amours sur des cygnes,
qui font chacun un grand jet d'eau et qui nagent vers le bord
comme pour se sauver : deux de ces Amours, qui sont en face da
dragon, se cachent le visage avec la main pour ne le pas voir, et
sur leur visage Ton aperçoit toutes les marques de la crainte par-
faitement exprimées. Les deux autres, plus hardis parce que le
monstre n'est pas tourné de leur côté, l'attaquent de leurs armes.
Entre ces Amours sont des dauphins de bronze, dont la gueule
ouverte pousse eu Tair de gros bouillons d'eau.
Leurs Majestés allèrent ensuite chercher le frais dans ces bos-
quets si délicieux, où l'épaisseur des arbres empêche que le soleil
ne se fasse sentir. Lorsqu'elles furent dans celui dont un grand
nombre d'agréables allées forme une espèce de labyrinthe, elles
arrivèrent, après plusieurs détours, diins un cabinet de verdure
pentagone ', où aboutissent cinq allées. Au milieu de ce cabinet il
y a une fontaine, dont le bassin est bordé de gazon. De ce bassin
sortoient cinq tables en manière de buffets, chargées de toutes les
choses qui peuvent composer une collation magnifique.
L'une de ces tables rcprésentoit une montagne, où dans plusieurs
espèces de cavernes on voyoit diverses sortes de viandes froides ^
l'aulrt- étoit comme la face d'un palais bâti de massepains et pâtes
sucrées. Il y en a voit une chargée de pyramides de confitures
sèches; une autre d'une infinité de vases remplis de toutes sortes
de liqueurs*, et la dernière étoit composée de caramels. Toutes ces
I . Dana un cabinet de verdure, et de figure pentagone. (1679.)
RELATION DE LA FÊTE DE VERSAILLES. 617
tables, dont les plans étoient iogënieusement formes en dirers com-
partiments, étoient couvertes d'une infinité de choses délicates, et
disposées d*une manière toute nouvelle ; leurs pieds et leurs dos-
siers étoient environnés de feuillages mêlés de festons de fleurs,
dont une partie étoit soutenue par des Bacchantes. Il y avoit entre
ces tables une petite pelouse de mousse verte qui s^avançoit dans
le bassin, et sur laquelle on voyoit dans un grand vase un oranger
dont les fruits étoient confits : chacun de ces orangers avoit à côté
de lui deux autres arbres de différentes espèces, dont les fruits
étoient pareillement confits.
Du milieu de ces tables sVlevoit un jet d'eau, de plus de trente
pieds de haut, dont la chute faisoit un bruit très-agréable : de sorte
quVn voyant tous ces buffets d'une même hauteur, joints les uns
aux autres par les branches d'arbres et les fleurs dont ils étoient
revêtus, il sembloit que ce fût une petite montagne du haut de
laquelle sortît une fontaine.
La palissade qui fait Tenceinte de ce cabinet étoit disposée d'une
manière toute particulière : le jardinier ayant employé son indus-
trie à bien ployer les branches des arbres et à les lier ensemble en
diverses façons, en avoit formé une espèce d'architecture. Dans le
milieu du couronnement on voyoit un socle de verdure, sur lequel
il y avoit un dé qui portoit un vase rempli de fleurs. Au côté du dé
et sur le même socle étoient deux autres vases de fleurs; et en cet
endroit le haut de la palissade, venant doucement à s'arrondir en
forme de galbe, se terminoit aux deux extrémités par deux autres
vases aussi remplis de fleurs.
Au lieu de sièges de gazon, il y avoit tout autour du cabinet des
couches de melons, dont la quantité, la grosseur et la bonté étoit
surprenante pour la saison. Ces couches étoient faites d'une manière
toute extraordinaire, et à bien considérer la beauté de ce lieu. Ton
auroit pu dire autrefois que les hommes n'auroient point eu de
part à un si bel arrangement, mais que quelques diviuités de ces
bois auroient employé leurs soins pour l'embellir de la sorte.
Comme il y a cinq allées qui se terminent toutes dans ce cabinet
et qui forment une étoile, l'on trouvoit ces allées ornées de chacun
côté * de vingt-six arcades de cyprès. Sous chaque arcade et sur
des sièges de gazon il y avoit de grands vases remplis de divers
arbres chargés de leurs fruits. Dans la première de ces allées il n'y
avoit que des orangers de Portugal; la seconde étoit toute de bi-
garreautierset de cerisiers mêlés ensemble; la troisième ctoit bordée
d'abricotiers et de pêchers; la quatrième, de groseilliers* de Hol-
1. De chaqae côté. (1679.) *~ ^* Dans les deux éditions : t groisilliers ».
6iS APPENDICB A GEORGB DANDIN.
lande; et dans la dnqvième Ton ne Tojroît que det poîriera de dif-
férente etpèce. Tout cet arbret faîtoient nn agréable objet à la Toe,
à eante de leart fruitt qui paroîttoient encore daTantage contre
répaitteur du boit.
Au bout de cet cinq alléet il j a cinq grandet nîchet de tct-
dnre, que Ton Toit toutet en foce du mittea du cabinet. Cet ntebes
ëtoient eintréet ; et tnr let pilattret det côtét t^éleroient deux rou-
leaux, qui t*alloient joindre à un carré qui étoît an milieu. Dans
ce earré Ton Tojoit let chiffret du Roi eompotét de dilFérentcs
fleurt, et des deux côtét pendoient des festons qui t^attachoient à
IVxtrémité det rouleaux. A côté de la niche il j aroit deux arcades
anui de rerdure, avec leurt pilattret d*un côté et diantre; et
tout cet pilattret étoient terminét par det rates remplis de flenn.
Dant Tune de cet nichet étoit la figure du dieu Pan, qui ajaat
tor le visage toutet let marquet de la joie, tembloit prendre part i
celle de toute Tattemblée. Le sculpteur Favoit ditposé dans une
action qui fiiisoit connoftre qu^il étoit mis là comme la dÎTÎnité qoi
prétidoit dans ce lieu.
Dans les quatre autres niches, il j aroit quatre Satjres, deux
hommes et deux femmes, qui tous sembloient danser et témoîgaer
le plaisir quMIs ressentoient de se Toir risités par un si grand mo-
narque, suÎTÎ d*ttne si belle cour. Toutes ces figures étoieat
doréet et faîtoient un effet admirable contre le vert de cet palissades.
Après que Leurs Majestés eurent été quelque temps dans cet
endroit si charmant, et que les dames eurent fiiit collation, le Roî
abandonna les tables au pillage des gens qui suiroient, et la des-
truction d*un arrangement si beau serrît encore d*un dirertisse-
ment agréable à toute la cour, par Tempressement et la confusion
de ceux qui démolissoient ces châteaux de massepain et ces mon-
tagnes de confitures.
Au sortir de ce lien, le Roi rentrant dans une calèche, la Reine
dans sa chaise, et tout le reste de la cour dans leurs carrosses,
poursuirirent leur promenade pour se rendre â la comédie, et pas-
sant dans une grande allée de quatre rangs de tilleuls, firent If
tour du bassin de la fontaine des Cygnes, qui termine Fallée Rojale
ns-4-Tis du château. Ce bassin est un carré long, finissant par deax
demi-ronds ; sa longueur est de soixante toises, sur quarante de large.
Dans son milieu il jr a une infinité de jets dVau, qui, réunis ensem-
ble, font une gerbe d'une hauteur et d*une grosseur extraordinaire.
A côté de la grande allée Royale il y en a deux autres qui en
sont éloignées d*enTiron deux cents pas. Celle qui est à droit eo
montant tcfs le château, s^appelle Tallée du Roi; et celle qui est à
gauche, Fallée des Prés. Ces trois alléet tout traTenéet par une
RELATION DB LA FÉTB DB VERSAILLES. 619
antre qui se termine à ilenx griUes, qui font la clôture du petit
parc. Ces deux allées des côtés et celle qui les traverse ont cinq
toises de large ; mais à Tendroit où elles se rencontrent, elles foi^
ment un grand espace qui a plus de treize toises en carré. C*est
dans cet endroit de Tallée du Roi que le sieur Vigarani avoît dis-
posé le lieu de la comédie. Le théâtre, qui STaoçoit un peu dans
le carré de la place, s*enfonçoit de dix toises dans Tailée qui monte
Ters le château, et laissoit pour la salle un espace de treize toisea
de face sur neuf de large.
L'exhaussement de ce salon étoit de trente pieds jusqnes à la
corniche, d*où les côtés du plafond s*éleToient encore de huit pieds
jusques au dernier enfoncement. II étoit couvert de feuillée par
dehors, et par dedans paré de riches tapisseries, que le sieur du
Mets, intendant des meubles delà couronne, aroit pris soin de faire
disposer de la manière la plus belle et la plus conrenable pour la
décoration de ce lieu. Du haut du plafond pehdoient trente-deux
chandeliers de cristal, portant chacun dix bongics de cire blanche.
Autour de la salle étoient plusieurs sièges disposés en amphithéâtre,
remplis de plus de douze cents personnes; et dans le parterre il j
avoit encore sur des bancs une plus grande quantité de monde*
Cette salle étoit percée par deux grandes arcades, dont Tune étoit
Tis-à-vis du théâtre, et l'autre du côté qui va rers la grande allée.
L^ourerture du théâtre étoit de trente-six pieds, et de chaque côté
il y aroit deux grandes colonnes torses, de bronze et de lapb,
environnées de branches et de feuilles de vigne d^or : elles étoient
posées sur des piédestaux* de marbre, et portoient une grande cor«
niche, aussi de marbre, dans le milieu de laquelle on voyoit les
armes du Roi sur un cartouche doré, accompagné de trophées;
Tarchitecture étoit d*ordre ionique. Entre chaque colonne il y aroit
une figure : celle qui étoit à droit représentoit la Paix, et celle qui
étoit à gauche figuroit la Victoire, pour montrer que Sa Majesté est
toujours en état de faire que ses peuples jouissent d'une paix heu-
reuse et pleine d'abondance, en établissant le repos dans T Europe,
ou d'une victoire glorieuse et remplie de joie, quand elle est obligée
de prendre les armes pour soutenir ses droits.
Lorsque Leurs Majestés furent arrivées dans ce lieu, dont la
grandeur et la magnificence surprit toute la cour, et quand elles
eurent pris leurs places sur le haut dais qui étoit au milieu du
parterre, on leva la toile qui cachoit la décoration du théâtre, et
alors les yeux se trouvant tout à fait trompés, Ton crut Toir eiTec»
tivement un jardin de beauté extraordinaire.
I. Dans nos tcsieSf fUd$ éTêsiautCf ma sbguUer, piéJ iTtêUiL
6ao APPENDICE A GEORGE DANDIN.
A rentrée de ce jardin, Ton découTroit* deux palissades si ingé-
nieusement moulées, qu^elles formoient un ordre d^architecture,
dont la cornicUe étoit soutenue par quatre Termes, qui reprêseo*
toieut des Satyres. La partie (Vea bas de ces Termes, et ce qu*oa
appelle gaîne, étoit de jaspe, et le reste de bronze doré. Ces Sa-
tyres portoient sur leurs têtes des corbeilles pleines de fleurs; et sur
les piédestaux de marbre qui soutenoient ces mêmes Termes, il j
aToit de grands vases dorés, aussi remplis de fleurs.
Un peu plus loin paroissoient deux terrasses, revêtues de marbre
blanc, qui environnoient un long canal. Aux bords de ces terrasses
il y avoit des masques dorés, qui Tomissoient de Teau dans le
canal, et au-dessus de ces masques on vojoit des vases de bronze
doré, d'où sortoient aussi autant de véritables jets d*eau.
On raoutoit sur ces terrasses par trois degrés; et sur la même
ligne où étoient rangés les Termes, il y avoit, d'un côté et d^autre,
une allée* de grands arbres, entre lesquels paroissoient des cabi-
nets d'une architecture rustique : chaque cabinet couvroit un grand
bassin de marbre, soutenu sur un piédestal de même matière, et
de ces bassins sortoient autant de jets d'eau.
Le bout du canal le plus proche étoit bordé de douze jets d'eaa,
qui formoient autant de chandeliers, et à l'autre extrémité oa
voyoit un superbe édilice en forme de dôme. Il étoit percé de trois
grands portiques *, au travers desquels on découvroit une grande
étendue de pays.
D'abortl Ton vit sur le théâtre une collation magnifique d'oranges
de Portugal et de toutes sortes de fruits, chargés à fond et ea
pyramides dans trente-six corbeilles, qui furent servies à toute la
cour par le maréchal de Bellefond, et par plusieurs seigneurs,
pendant que le sieur de Launay, intendant des menus plaisirs et
affaires de la chambre, doonoit de tous côtés des imprimés qui
contenoient le sujet de la comédie et du ballet.
Bien que la piîxe qu'on représenta doive être considérée comme
un impromptu et un de ces ouvrages où la nécessité de satisfaire
sur-le-champ aux volontés du Roi ne donne pas toujours le loiùr
d'y apporter la derni('re main et d'en former les derniers traits,
néanmoins il est certain qu'elle est composée de parties si diversi-
fiées et si agréables, qu'on peut dire qu'il n'en a guère paru sur le
théâtre de plus capable de satisfaire tout ensemble l'oreille et les
yeux des spectateurs. La prose, dont on s'est servi, est un langage
I. On découvroit. (1679.)
a. Une longue allée. {Ibidem.)
3. II étoit percé de trois portiques. (Ilidem.)
RELATION DE LA FÊTE DE TERSAILLES. 611
très-propre pour ractîon qu*on représente ; et les Ters qaî se chantent
entre les actes de la comédie conTÎennent si bien au sujet et expri-
meut si tendrement les passions dont ceux qui les récitent doÎTent
être émus, qu*il n*j a jamais rien eu de plus touchant. Quoiqu'il
semble que ce soit deux comédies que Ton joue en même temps,
dont Tune soit en prose et Tautre en rers^ elles sont pourtant si
bien unies à un même sujet, qu'elles ne font qu'une mi^me pièce et
ne représentent qu'une seule action.
L'ouverture du théâtre se fait par quatre Bergers ', déguisés en
yalets de fêtes, qui, accompagnés de quatre autres Bergers * qui
jouent de la flûte, font une danse, où ils obligent d'entrer avec eux
un riche Paysan qu'ils rencontrent, et qui, mal satisfait de son
mariage, n'a l'esprit rempli que de fâcheuses pensées : aussi l'on
Toit qu'il se retire bientôt de leur compagnie, où il n*a demeuré
que par contrainte.
Climène' et Cloris^, qui sont deux Bergères amies, entendant le
son des flûtes, viennent joindre leurs voix à ces instruments, et
(.hantent :
L'autre jour, d'Annette*, etc.
Tircis* et Philène', amants de ces deux Bergères, les abordent
pour les entretenir de leur passion, et font avec elles une scène en
musique.
CLORIS.
Laissez-nous en repos, Philène, etc.
Ces deux Bergers se retirent, l'nme pleine de douleur et de déses-
poir, et ensuite de cette musique commence le premier acte de la
comédie en prose.
Le sujet est qu'un riche Paysan s'étant marié à la fille d'un gen-
tilhomme de campagne, ne reçoit que du mépris de sa femme aussi
bien que de son beau-p^re et de sa belle-mère, qui ne Tavoicnt
pris pour leur gendre qu'a cause de ses grands biens.
Toute cette pièce est traitée de la même sorte que le sieur de
Molière a de coutume de faire ses autres pièces de théâtre : c'est-à*
dire qu'il y représente avec des couleurs si naturelles le caractère
des personnes qu'il introduit, qu'il ne se peut rien voir de plus res-
semblant que ce qu'il a fait pour montrer la peine et les chagrins
I. Beauchatnp, Saint«André, la Pî«rr«, Fati«r. — a. Deseoulsaux, Philbert,
Jean et \Iartia Hottere. (Notes dû roriffinal,]
3. Mlle Hyl'iire. •« 4. Mlle des Froateaux. {Ibùlem,)
5. Voyez ci-dessus, dans le /«*' Appemlice^ la suite de cette chaosoaaette,
aia«i que la suite de toutes les poésies rappelées plus loin par leur premier vers.
6. Blundel, — 7. Gaye. (Notée de PonginaL)
6n APPENDICE A GEORGE DANDIN.
où ae tronvent touTeat ceux qui t'allient au-ilettiu de lenr condi-
tion. Et quand il dépeint Thumeur et la manière de faire de ocr-
taint nobles campagnarda, il ne forme point de traits qui n*ex|in-
ment parfaitement leur réritable image. Sur la fin de Tacte, le
Paysan est interrompu par une Bergère qui lui rient apprendre le
désespoir des deux Bergers; mais comme il est agité d*autres inquié-
tudes, il la quitte en colère, et Qoris entre, qui Tient faire une
plainte sur la mort de son amant :
Ah ! mortelles douleurs ! etc.
Après cette plainte, commença le second acte de la
prose. C*est une suite des déplaisirs du Paysan marié, qui se troure
encore interrompu par la même Bergère, qui rient lui dire qoe
Tircis et Philène ne sont point morts, et lui montre six Batelien '
qui les ont sauvés. Le Paysan importuné de tous ces aris se retire,
et quitte la place aux Bateliers, qui, ravû de la récompense qa'3s
ont reçue, dansent arec leurs crocs, et se jouent ensemble: après
quoi se récite le troisième acte de la comédie en prose.
Dans ce dernier acte Ton roit le Paysan dans le comble de la
douleur par les mauvais traitements de sa femme. Enfin un de ses
amis lui conseille de noyer dans le rin toutes ses inquiétudes, et
remmène pour joindre sa troupe, royant renir toute la foule des
Bergers amoureux, qui commence à célébrer par des chants et des
danses le pouvoir de FAmour.
Ici la décoration du théâtre se troure changée en un instant, et
Ton ne peut comprendre comment tant de véritables jets d^eau ne
paroissent plus, ni par quel artifice, au lieu de ces cabinets et de
ces allées, on ne décourre sur le théâtre que de grandes roches
entremêlées d*arbres, où Ton roit plusieurs Bergers qui chantent
et qui jouent de toutes sortes dUnstruments. Cloris commence la
première à joindre sa roix au son des flûtes et des musettes.
GLoais.
Ici Tombre des ormeaux, etc.
Pendant que la musique charme les oreilles, les yeux sont agréa-
blement occupés à roir danser plusieurs Bergers et Bergères* ga-
lamment rétus ; et Ciimène chante :
Ah I qu'il est doux, belle Sylrie, etc.
I. Joaaa, Beauehamp, Chifinneiu, Fsvier, NoUet, Mayeu. {Ffote de Fmi»
gUal,)
a. Btt^en : ChteanaaaB, Saint-André, la Kerra, Pariar. •» Bergèrtê : Be-
aard, Aniald, N oblat, Foigaard. (NoUê d$ Vori^inal.)
RELATION DE LA FÊTE DE VERSAILLES. 69S
TOUS eatemble.
Chantons toof de TÂmour le pouToir adonUt,
Il est le pluf aimable
Et le plufl grand des Dieux.
A eet mots, Ton vit s*approcher du fond du théâtre un grand
rocher, couvert d*arbres, sur lequel ëtoit assise toute la troupe de
Bnochus, composée de quarante Satyres; Tun dVux *, s^avançant à
la tète, chanta fièrement ces paroles :
Arrètex, c*est trop entreprendre, etc.
CHonaa dx bacchus.
Nous suivons de Bacchus le pouvoir adorable, etc.
Plunenrs du parti de Bacchus mèloient aussi leurs pas à la mu-
sique, et Ton rit un combat des danseurs et des chantres de Bac-
chui, contre les danseurs et les chantres qui soutenoient le parti
de r Amour.
GLOBIS.
Cest le printemps qui rend Tâme, etc.
UB SUITABT DX BACCHUS*.
Le soleil chasse les ombres, etc.
LIS DXOX PABTIS.
Le plus grand dieu de tous....
LB PABTX DB L^AMOUB.
Cest TAmour.
LB YABU IXB BACCHUS.
G*est Bacchus.
Un Berger * arrive, qui se jette au milieu des deux partis pour
les séparer, et leur chante ces vers :
Cest trop,e^est trop, Bergers. Hé pourquoi ces débats? etc.
Lxs DEUX CHCBUBS eiMemblc.
Mêlons donc leurs douceurs aimables, etc.
Tous les danseurs se mêlent ensemble, et Ton voit parmi les
Bergers et les Bergères quatre des suivants de Bacchus, avec des
thyrses, et quatre Bacchantes^, avec des espèces de tanibours de
I. D*Bstivtl. — 9. Gingan. — 3. Le Grot. (ffbtes de Porigùtal.]
4* SmivtMtâ ië Bacchus : Beauebamp, Dolifct, CbicaonMa, Ifaysa. — >
BaceÂamies : Payua, Maneeau, le E07, Peua. {Ihtt de tmgiasl,)
k
6i4 APPENDICE A GEORGE DANDIN.
basque, qui représentent cet cribles qu'elles portoient ancienne-
ment aux fêtes de Bacchus. De ces thyrses, les suirants frappent
sur les cribles des Bacchantes, et font différentes postures, pen-
dant que les Bergers et les Bergères dansent plus sérieusement.
On peut dire que dans cet ouvrage le sieur de LuUy a trouvé le
secret de satisfaire et de charmer tout le monde; car jamais il n j
a rien eu de si beau ni de mieux inrenté. Si Ton regarde les danses,
il n'y a point de pas qui ne marque Taction que les danseurs doi-
Tent faire, et dont les gestes ne soient autant de paroles qui m
fassent entendre. Si Ton regarde la musique, il n*y a rien qui nVx-
prime parfaitement toutes les passions et qui ne ravisse Tesprit da
auditeurs. Mais ce qui n*a jamais été ru, est cette harmonie de
voix si agréable, cette symphonie d'instruments, cette belle union
de différents chœurs, ces douces chansonnettes, ces dialogues si
tendres et si amoureux, ces échos, et enûn cette conduite admixa-
bie dans toutes les parties, où, depuis les premiers récits, Ton a vu
toujours que la musique s'est augmentée, et quVufin, après avoir
commencé par une seule voix, elle a fini par un concert de plus de
cent personnes, que Ton a vues, toutes à la fois sur un même
théâtre, joindre ensemble leurs instruments, leurs voix et leurs pas,
dans un accord et une cadence qui finit la pièce, en laissant tout le
monde dans une admiration qu'on ne peut assez exprimer.
Cet agréable spectacle étant fini de la sorte, le Roi et toute la
cour sortirent par le portique du coté gauche du salon, et qui rend
dans l'allée de traverse, au bout de laquelle, à l'endroit où elle
coupe l'allée des Prés, l'on aperçut de loin un édifice élevé de cin-
quante pieds de haut. Sa figure étoit octogone, et sur le haut de la
couverture s'élevoit une espèce de dôme d'une grandeur et d'une
hauteur si belle et si proportionnée, que le tout ensemble ressem-
bloit beaucoup à ces beaux temples antiques dont l'on voit encore
quelques restes : il étoit tout couvert de feuillages, et rempli d'une
infinité de lumières. A mesure qu'on s'en approchoît, on y décou-
vroit mille différentes beautés : il étoit isolé et l'on voyuit dans les
huit angles autant de pilastres, qui servoient comme de pieds-forts
ou d'arcs-boutants ^, élevés de quinze pieds de haut. Au-dessus de
ces pilastres il y avoit de grands vases ornés de différentes façons
et remplis de lumières. Du haut de ces vases sortoit une fontaine,
qui, retombant à Tentour, les environnoit comme d'une cloche de
cristal : ce qui faisoit un effet d'autant plut admirable, qu'on
Toyoit un feu éclairer agréablement au milieu de i*eau.
I. Dans nos deux textes, arhomians.
RELATION DE LA FÊTE DE VERSAILLES. GaS
Cet édifice étoit percé de huit portes. Au-deT«nt de celle par
où Ton entroit, et sur deux piédestaux de Terdure, étoient deux
grandes figures dorées qui représentoicnt deux Faunes, jouant
cliacun d*un instrument. Au-dessus de ces portes on royoit comme
une espèce de frise ornée de huit grands bas-reliefs, représentant
par des figures assises les quatre saisons de Tannée et les quatre
parties du jour. A côté des premières il j avoit de doubles L, et à
côté des autres des fleurs de lis. Elles étoient toutes enchâssées
parmi le feuillage, et faites arec un artifice de lumière si beau et
si surprenant, quUl sembloit que toutes ces figures, ces L, et ces
fleurs de lis, fussent d^un métal lumineux et transparent.
Le tour du petit d6me^ étoit aussi orné de huit bas-reliefs,
éclairés de la même sorte ; mais au lieu de figures, c'étoient des
' trophées disposés en différentes manières. Sur les angles du prin-
cipal édifice et du petit dôme * il y aroit de grosses boules de ver-
dure qui en terminoient les extrémités.
Si Ton fut surpris en rojrant par dehors la beauté de ce lieu, on
le fut encore davantage en voyant le dedans. Il étoit presque im-
possible de ne se pas persuader que ce ne fût un enchantement,
tant il y paroissoit de choses qu*on croiroit ne se pouvoir faire que
par magie. Sa grandeur étoit de huit toises de diamètre. Au milieu
il y avoit un grand rocher, et autour du rocher une table de figure
octogone, chargée de soixante-quatre couverts. Ce rocher étoit
percé en quatre endroits *, il sembloit que la nature eût fait choix
de tout ce qu*elle a de plus beau et de plus riche pour la composi-
tion de cet ouvrage, et qu*elle eût elle-même pris plaisir d*en faire
son chef-d*œuvre : tant les ouvriers avoient bien su cacher Tartifice
dont ils s'étoient servis pour Timiter.
Sur la cime du rocher étoit le cheval Pégase : il sembloit, en se
cabrant, fidre sortir Teau qu'on voyoit couler doucement de
dessous ses pieds ; mais qui aussitôt tomboit avec abondance et
foimoit comme quatre fleuves. Cette eau, qui se précipitoit avec
violence et par gros bouillons parmi les pointes du rocher, le ren-
doit tout blanc d'écume et ne s'y perdoit que pour paroître ensuite
plus belle et plus brillante ; car, ressortant avec impétuosité par
des endroits cachés, elle faisoit des chutes d'autant plus agréables,
qu'elles se séparoient en plusieurs petits ruisseaux parmi les cailloux
et les coquilles. Il sortoit de tous les endroits les plus creux du
rocher mille gouttes d'eau, qui, avec celles des cascades, venoient
à inonder une pelouse couverte de mousse et de divers coquillages,
qui en faisoient l'entrée. C*étoit sur ce beau vert et à l'entour de
I. Ls tour da dôme, (1679.) ^ ^* Et da dôme, {IhitUm.)
Houiuui. vx 40
6%6 APPENDICE A GEORGE DAXDIN.
cet coquilles, que ces eaux, Tenant à se répandre et à conler agréa-
blement, faisoient une infinité de retours, qui paroîsaoient autant
de petites ondes d*argent, et, arec un murmure doux et agréable
qui s*accordoit au bruit des cascades, tomboient, en cent différentes
manières, dans buit canaux, qui séparoient la table d^ayeclerocber
et en receroient toutes les eaux. Ces canaux étoient reTètus de car-
reaux de porcelaine et de mousse, au bord desquels il j aroit de
grands rases à Tan tique, émailléa d*or et d^azur, qui, jetant Tean
par trois différents endroits, remplissoient trois grandes coupes de
cristal, qui se dégorgeoient encore dans ces mêmes canaux.
Au-dessous du cberal Pégase, et ns-à-yis la porte par où Ton
cntroît, on Toyoit la figure d^ApoUon, assise, tenant dans sa main
une Ijrre*, les neuf Muses étoient au-dessous de lui, qui tenoient
aussi divers instruments. Dans les quatre coins du rocher et an-
dessous de la chute de ces fleures, il y aroit quatre figures couchées,
qui en représentoient les dirinités.
De quelque côté qu*on regardât ce rocher. Ton j Toyoit tmt-
jours différents effets d^eau ; et les lumières dont il ëtoit éclairé
étoient si bien disposées, qu^il n'y en aroit point qui ne contribuas-
sent à faire paroftre toutes les figures, qui étoient d*argent, et à
faire briller davantage les dirers éclats de Teau et les différentes
couleurs des pierres et des cristaux dont il étoit composé. Il j
avoit même des lumières si industrieusement cachées dans les
carités de ce rocher, qu'elles nVtoient point aperçues, mais qui
cependant le faisoient roir partout, et donnoient un lustre et un
éclat merreilleux à toutes les gouttes d'eau qui tomboient.
Des huit portes dont ce salon étoit percé, il y en aroit quatre an
droit des quatre grandes allées, et quatre autres qui étoient ris-a-
ris des petites allées, qui sont dans les angles de cette place. A
côté de chaque porte il y aroit quatre grandes niches, percées à
jour, et remplies d'un grand pied d'argent ; au-dessus étoit un grand
vase de même matière, qui portoit une girandole de cristal, allu-
mée de dix bougies de cire blanche. Dans les huit angles qui for-
ment la figure de ce lieu, il y aroit un corps solide taillé rustique-
ment, et dont le fond rerdAtre brilloit en façon de cristal ou d'ean
congelée. Contre ce corps étoient quatre coquilles de marbre, les
unes au-dessous des autres, et dans des distances fort proportion-
nées : la plus haute étoit la moins grande, et celles de dessous
augmentoient toujours en grandeur, pour mieux receroir l'eau qui
tomboit des imes dans les autres. On aroit mis sur la coquille la
plus élerée une girandole de cristal, allumée de dix bougies, et de
cette coquille sortoit de l'eau en forme de nappe, qui, tombant
dans la seconde coquille, se répandoit dans une troisième, où l'eau
RELATION DE LA FÊTE DE VERSAILLES. 627
d'ua BMique pâté au-deuui Tenant k le rendre, la rempliuoit en-
core danuitage. Cette troitième coquille étoU ponée par deux
dauphins, dont le* faille» ëtoienl de couleur de nacre : cet deux
dauphins jeloient de l'eau dani la quatrième coquille, où tomboil
aussi en nappe l'eau de la coquille qui éloit au-dessus ; et loutei cet
eaux venaient eoCn à te rendre dans un basiin de marbre, aux dens
extrëmitëa duquel étaient deux grands vases, remplis d'oranger*.
Le pUrond de ce lieu n'ëtoit pas cintré en forme de route : il
s'élevait juiquet à l' ouverture du petit ddme' par huit pani, qui
représentaient un compartiment de menuiserie, artistement taillé
de feutlJagei dorés. Dans ce* compartiments, qui paroissoienl per-
cé*, l'on avoil peint de* branche* d'arbie* au naturel, pour avoir
plu* d'union avec la feuillée dont le corpi de cet édifice était com-
pose; le haut du petit dAme* éloit au*ti un compartimeot d'une
riche broderie d'or et d'argent, sur un fand vert.
Outre vingt-cinq lustre* de cristal, chacun de dix bougies, qid
éclairoient ce lieu, et qui tomboîent du haut de la voûte, il 7 en
«voit encore d'autre* au milieu de* huit porte*, qui étolent atta-
cbét avec de grandes écharpe* de gaie d'argent, entre des feston*
de fleun, noués avec de pareille* écharpe*, euiicbies d'une frange
de même.
Sur la grande corniche qui régooit tout autour de ce salon,
Soient rangés soixante-quatre rate* de porcelaine, rempli* de
diveraei fleura; et entre ce* TB*e* on avoit mis soixante' quatre
boules de criatal, de diverae* couleur* et d'un pied de diamitre,
*outennes sur de* pied* d'urgent ; elles paroistoient comme autant
de pierre* précieusea, et étoient éclairées d'une manière si ineé-
nteuse, que la lumière, passant au travers, c
des différentea couleurs de ces cristaux, se :
haut du plafond, où elle faisoit des effets si 1
bloit que ce fussent les couleurs mfmet d'un
De cette corniche et du tour que formoit
dtoie, pen dolent plusieurs festons de toute* *>
avec de grandes écharpe* de gaze d'argent, d
entre chaque feston, paroisaoient avec heaucc
BUT tout le eorp* de cette architecture, qui
dont l'on avoit si bien su former différente* :
la diversité de* arbre* qu'on j avoit emplo
*u accommoder le* uiu auprè* des autre*, 11
moindre* beauté* de la composition de cet*
Au deU du portique qui éloit vis-à-vi*
taw. (|<(J9.) ^ 1. La banl t
698 APPENDICE A GEORGE DANDIX.
entroit, on aroit dretté un buffet d*nne beauté et d^une nebeMe
toute extraordinaire. Il ëtoit enfoncé de dix-huit pieds dans rallée.
et Ton y montoit par trois grands degréi en forme d^estrade : il r
aroit dtê deux côtés de ce buffet deux manières d^ailes, éievérs
d*enTiron dix pieds de haut, dont le destous serroit pour passer
ceux qui portoient les riandes ; sur le milieu de chacune de ces
ailes étoit un socle de verdure qui portoit un grand guéridon d'ar-
gent chargé d'une girandole, aussi d'argent, allumée de bougies de
cire blanche ; et à côté de ces guéridons, plusieurs grands rases
d*argent. Contre ce socle étoit attachée une grande plaque d'argent,
à trois branches, portant chacune un flambeau de cire blanche.
Sur la table du buffet il j aroit quatre degrés, de deux pieds de
large et de trois à quatre pieds de haut, qui s'éleroient jnsqurs à
un plafond de feuiilée, de ringt-cinq pieds d'exhaussement : sur
ce buffet et sur ces degrés Ton royoit, dans une disposition agréa-
ble, ringt-quatre bassins d'argent, d'une grandeur extrême et d^on
ourrage merreilleux ; ils étoient séparés les uns des autres par au-
tant de grands rases, de cassolettes et de girandoles d'argent, d'uoe
pareille beauté ; il 7 aroit sur la table ringt-quatre grands pots
d'argent, remplis de toutes sortes de fleurs, arec la nef du Roi*, U
raisselle et les rerres destinés pour son serrice. Au-derant de U
table on voyoit une grande curette d'argent, en forme de coquille,
et aux deux bouts du buffet quatre guéridons d'argent, de six
pieds de haut, sur lesquels étoient des girandoles dWgent allumées
de dix bougies de cire blanche.
Dans les deux autres arcades qui étoient k côté de celle-ci, étoient
deux autres buffets, moins hauts et moins larges que celui du
milieu : chaque table aroit deux degrés, sur lesquels étoient dres-
sés quatre grands bassins d'argent, qui accompagnoient un grand
rase, chargé d'une girandole allumée de dix bougies; et entre ca
bassins et ce rase il y aroit plusieurs figures d'argent. Aux deux
bouts du buffet l'on royoit deux grandes plaques, portant chacune
trois flambeaux de cire blanche ; au-dessus du dossier, un guéri-
don d'argent chargé de plusieurs bougies; et à côté, plusieun
grands rases, d'un prix et d'une pesanteur extraordinaire, outre
six grands bassins qui serroient de fond. Derant chaque table il
y aroit une grande curette dWgent, pesant mille marcs, et ces
tables, qui étoient comme deux orédences' pour accompagner le
I. « Nef, dit rAeadimîa en 1694, est auMt an certain vase en forme de
navire, ordmaîrement da TermeQ doré, où Ton met les serviettes qui doifeat
serrir à la table du Roi, aux Reines, aux Enfants de Franee, ete. »
a. Par eomparaisoa aux deux erédeneea qa' « il y a ordinaixtnent..». aux
RELATION DE LA FÊTE DE VERSAILLES. 619
grand buffet du Roi, ^toient deninje* pour l« •erriee de* dune*.
Au delà de l'u-cade qui tervoit d'entrée da eAté de l'alU« qui
detcend ren le* grillei du grand parc, étoit un enfoncement de
dix-huit toiiei de long, qui formoit comme un iTant-ialou,
Ce lieu Aoit terminé d'un grand portique de Terdure, au dell
duquel il J iToit une grande ulle bornée, par lei deux cAtéa, dct
palinades de l'allée, et, par l'antre bout, d'un autre portique de
feuillage*. Dam cette latle l'on BToil drcué quatre graudei tente*
trit-magnifique*, *ou« leaquellci étoient buit table*, accompagnée*
de leur* buffet*, cbai^é* de baaiini, de Terre*, et de lumières àiM-
pofée* dan* nn ordre touti fait *iugulier.
Lorsque le Roi fiit entré daai le talon octogone, et que toute la
cour, iurprije de la bunië et de la difpotition ù mtraardinaîrede
ce lieu, en eut Inen coniidéré toute* le* partiel. Sa Hajeité *e mit à
table, le doi tourné du cAtéparoùEUi tToit entré, et lorsque Moo-
■teur eut atuti pri* *a place, le* dame* qui étoient nommées par Sa
Majesté pour f louper prirent les leurs, telon qu'elle* se rencontrè-
rent, sans garder aucun rang. Celle* qui eurent cet bonneur furent:
Mllesd'Angonlème'. Mme U marécbale d'AIbret et
Mme Aubr^ de Courcf . Mademoiselle ta fille.
Mme de Saint-Arbre. Mme la maréchale d'Ealr^e.
Mme de Broglio. Mme la msrëcbale de la Ferté.
Mme de Bailleul. Mme de la Fajette.
Mme de Bonnellc. Mme la comtesse de Fiesque.
Mme Bignon. Mme de FoDlenay-Holman.
Mme de Bordeatix. Mme de Fieubel.
Mlle Borelle. Hme la maréchale de Grançay et
Mme de Bri*«ac. Hetdemoiselle» te* deux fille*.
Mme de Coulange. Mme des Hameaux.
Mme la maréchale de Clérem- Hme la maréchale de l'Hoapital.
haut. Madame la lieutenants civile*,
Hme la maréchale de Casteinnu. Mme la comtesse de Louvignjr.
Mme de Comminge. Mlle de Manicham.
Hme la marquise de Casteinau. Mme de Mekelbourg.
Mlle d'Elbeuf. Madame !■ Grande Maréchale*.
cAt^l de 1>.D(>1 ■. et qDC VkaâimiB (1694) défiait liiui : . Si»' ' "
t*blc.... où l'na mïl les banttei, 1< biHiD et la lutm chtnHqni 1
mesM on k qudqae c^rémoaii scdàuiMiqu*. *
I. • Mil» d'Aigoiilfma > mtnqiw dani l'édiiloa da t679.
9. La troiilàmc rslatloa dont Boat ironi pirU d-dMSus, ii IMU
de Hostigiif , doiuic le aom d« Ii lisatiointa ciiUa : o'fcait Mme d
3 • Hidime U eniid nunchila de Pologiu, • iciU l'sbbi da
63o APPENDICE A GEORGE DANDIN.
Mme de Marrë. Mme la présidente Tnbenf.
Mme de Nemo«n. Mme la dncheste de la Vallière.
Mme de Richelieu. Mme la marquise de la VallièR*.
Mme la duchesse de Richemont. Mme de Vilacerf.
Mlle de Tresme. Mme la dnchesse de Viitembcfg
Mme Tambonneau. et Madame sa fille.
Mme de la Trousse. Mme de ValaToîre*.
Comme la somptuosité de ce festin passe tout ce <]u*on en poo-
roit dire, tant par Tabondance et la délicatesse des viandes qui y
furent servies, que par le bel ordre que le maréchal de BeUefood
et le sieur de Valentiné, contrôleur général de la maison du Roi,
y apportèrent, je n'entreprendrai pas d^en faire le détail : je dirai
seulement que le pied du rocher étoit reTêtu, parmi les coqniUo
et la mousse, de quantité de pâtes, de confitures, de consotcs,
d'herbages, et de fruits sucrés, qui sembloient être crûs parmi iei
pierres et en faire partie. Il y avoit sur les huit angles qui Bu^
quent la figure du rocher et de la table huit pyramides de flem,
dont chacune étoit composée de treize porcelaines remplies de
différents mets ; il y eut cinq services, chacun de cinquante-sii
grands plats *, les plats du dessert étoient chargés de seize porce-
laines en pyramides, où tout ce qu'il y a de plus exquis et de pins
rare dans la saison y paroissoit à l'œil et au goût d'une manière
qui secondoit bien ce que l'on aroit fait dans cet agréable lieu
pour charmer la rue.
Dans une allée assez proche de là, et sous une tente, étoit la
table de la Reine, où mangeoient Madame, Mademoiselle, Madame
la Princesse, Mme la princesse de Carignan. Monseigneur le Dau-
phin soupa au château, dans son appartement'.
il s'agit de Marie-Casûnire de la Grange d'Arqnien, mariée en seeoade» aoeci,
depuis i665, au futur roi de Pologne Sobieski.
I. fielle-sœnr de la précédente.
s. La lettre de l*abbé de Montlgny bit eonnattre le nom de qndqaes autres
dames qui furent eonnées h la table du RoL U ne nous paratt pas tins inlérit éc
noter ici (car il j a des noms qu*on aime à tronrer à eàtm de odni de Mofièie)
que de ce nombre, du nombre par eonséqneat de oellat qoi Tenaient d^wuàtÊa
à U représentation de U comédie et de la pastorale, éutent « BIme et Mlk de
SéTigny. » A une antre table^ celle de la comtesse de Béthune, te tronvcrest
assises Mmes d*Époisse et de la TVoche, amies de Tillustre marquise conme
Mme de la Fayette, Mme de la Trousse, Mme de Coulang« dont on vient ds
lire les noms. lisons encore, d*sprés la même lettre, qa*i la table ds la
daehease de Montanaler forent réunies Mme de Monteq»an, Mme da Ladres
{de Lmdré]^ Mlle de Seodéry et Mme Seamm.
3. n n'était encore qna dans sa saptième
RELATION DE LA FÊTE DE VERSAILLES. 63i
Le Boi Aoit terri par HonHcnr le Duc, et HoDaîenrpar le ueur
de ValeDtinë. Le> tieai* Grotletn, coatrdleor de la boucbe, Gaut
et ChamoU, coBtrAlenn d'offioe*, mettoienl le* TÎandet «ut la
iaUe.
Le maréchal de BcUefond lerTolt la Rciae; le lient Courtel,
coDtràlenr d'office, aerroit Madame; le ûenr de 1a Gtmi^, anui
contrAleor d*a(Ece, mettait aur table ; lei Cent-SuÏMe* de la garde
portaient lei riandei; et lei pagei et raleti de pied du Roi, de la
Reine, de Moniicnr et de Madame lerTotent lei table* de Leurs
Majeità.
Dana le même temp* que l'on portoit aur cei deux table*, il y en
Lt buit autre*, que l'au (erroit de la mf me manière, qui ëtoîeui
1* le* quatre tente* dont j'ai parlé, et ce* table* avoient
leur* maître* d'hÀtel, quiftûtoieat porter leiTiandeaparleagardei
La première étoii celle de Mme la comte*»e de
Soiuoni, de ., lo couTeila,
de Mme la prineeue de
Bade, de ao couverl*,
de Mme la dncheue de
Cr^qny, de lo couTcrl*,
de Mme la maréchale de
U Molhe, de 30 couverts,
deBIme de Montautier',
de 40 cauTeit*,
de Mme la maréchale de
Bellefond, de >
de Urne la maréchale
d'HnniiÈrei, de.. . ,
de BIme de Béthune,
Il j en avoit encore trois autre* dan* une petite allée k c6té de
celle que tenoit Mme la maréchale de Bellefond, de quinze à
teiae couTerti chacune*, dont le* maître* d'hôtel dn Roi «Toient
Quantité d'autres table* se lerToient de la de**erte de la Reine,
et des autre*, pour les femme* de la Reine et pour d'antre* per-
Dan* la grotte proche du chlteati, il y eut troU table* pour te*
eu APPENDICE A GEORGE DANDIN.
ambattadeim, qui furent terries en même temps, de TÙ^t-dciiz
couTertt chacune.
U j avoit encore en plusteun endroîtt des tables dreiaées oà
Ton donnoit à manger à tout le monde; et Ton peut dire que
Tabondance dea Tiandea, des Tins et des Hqueurs, la beauté et
rexcellence des firuits et des confitures, et une infinité d*«ntres
choses délicatement apprêtées, faisoit bien Toir que U magnifi-
cence du Roi se répandoit de tous côtés.
Le Roi s*ëtant lerë de table pour donner un noureau diTertiase-
ment aux dames, et passant par le portique, où Tallëe monte
Ters le château, les conduiiit dans la salle du bal.
A deux cents pas de Tendroit où Ton aroît soupe, et dans une
trarerse d*aUëes, qui forme un espace d*une raste grandeur. Ton
avoit dressé un édifice de figure octogone, haut de plus de neuf
toises et large de dix ; toute la cour marcha le long de Tallée, sans
s'apercevoir du lieu où elle étoit; mais comme elle eut fait plus de
la moitié du chemin, il y eut une palissade de rerdure, qui, s^on-
vrant tout d'un coup de part et d'autre, laissa roir, au traTers
d'un grand portique, un salon rempli d^une infinité de lunùères,
et une longue allée au delà, dont l'extraordinaire beauté aurprit
tout le monde.
Ce bâtiment n'étoit pas tout de feuillages comme celui où Ton
avoit soupe : il représentoit une superbe salle, reTétue de marbre
et de porphyre, et ornée seulement en quelques endroits de rer-
dure et de festons. Un grand portique, de seize pieds de large et
de trente-deux de haut, serroit d*entrée à ce riche salon ; il avan-
çoit environ trois toises dans Pallée, et cette avance servoit encore
de vestibule, et faisoit symétrie aux autres enfoncements qui se
rencontroient dans les huit côtés. Du milieu du portique pendoient
de grands festons de fleurs, attachés de part et d'autre. Aux deux
côtés de l'entrée et sur deux piédestaux on voyoit des Termes
représentant des Satyres, qui étoient là comme les gutles de ce
beau lieu. A la hauteur de huit pieds, ce salon étoit ouvert, par les
six côtés, entre la porte par où l'on entroit et l'allée du milieu :
ces ouvertures formoient six grandes arcades, qui servoient de
tribunes, où Ton avoit dressé plusieurs sièges en forme d'amphi-
théâtres, pour asseoir plus de six-vingts personnes dans chacune.
Ces enfoncements étoient ornés de feuillages, qui, venant à ae ter-
miner contre les pilastres et le haut des arcades, y montroicnt
assez que^ ce bel endroit étoit paré comme à un jour de fête, puis-
que l'on y méloit des feuilles et des fleurs pour Tomer; car les
I. Des arcades, montroicnt isses que. (1679.)
RELATION DB LA F£TE DE VERSAILLES. 6»
■npoMCict Im eleft de* are*dei étoîent mvijat* par d«s IntontM
dci càntnrM de fleora.
Du ott< droit du» Tarcade dn mîlira*, et an hant de l'eitfeD-
ceaienl, Aon ddc fiMte de rocaille, où, dani un large Imihùi tra-
Taîli£ mnîqnanwint, l'on Tojoît * Arion porté «or un daapbSn, el
tenant noe Ijre : il avoit à cAti de lui dmx Tritons ; eVioit dant
ce lien qne le* nnuîcîeni éloicnt plae^. A l'oppolite l'on aToit
mit*toni la joaenn d'initramenti : l'eafoncemeot de l'arcade oà
ili Àoieni foraioit aiun nne grotte, où l'on Tojoit Orpb^ mr un
rocbcr, qui tembloit joindre aa toïi k celle de deux Njmplie*
a»iiae> Mprè* de Inï. Dam le fond dei quatre autrea arcades il j
arcnt d'antres grottes, où par la gnenle de certains monstre* aorloit
de I'mu, qoi lomboit dans de* bassins mstiqnet, d'où elle s'échap-
pait entre d«* pierre*, et d^oatloïi lentement parmi la mouste et
le* rocaille*.
Contre le* huit pilastre* qui formaient ce* arcade*, et mr des
piéde*taiu de marbre l'on aroit poii bnil grande* figure* de
femmes, qni lenoient dans Imrs main* dircr* tnstmmcnl*, dont
elle* sembloient *e servir poor contribaer au dirertiasement du
bal.
Dan* le milieu des piédestaux il y aroît de* masques de bronie
doré, qoi jetoient de l'eau dans un bassin. Au bas de cbaqne
piédestal, et de* deux o4té* dn mCme bassin s'élevoient deux jet*
d'eau qui formoioit deux chandeliers. Tout amour de oe salon
régnoit nn siège de marbre, sur leqDcl, d'espace en espace, étoîeni
pluaienr* rase* remplis d'orangers.
Dans l'arcade qni étoit vis-li-vis de l'entrée, et qui serrait d'ou-
verture k une grande allée de rerdure, l'on Toyoit encore, sur
denx piédestaax, deux figures qui rcprétentoîeul Flore et Pomone ;
de œs piédestaux, il en sortoit de l'eau comme de ceux du salon.
Le banl de ce talon «'éleroîi au-dessus de la comicbe, par buit
pan*, jusque* i la hauteur de douze pieds; pais, formant un pla-
fond de figure octogone, laissait dans le milieu nne ouTertare de
pareille forme, dont l'enfoneement étoit de cinq k six pied*. Dan*
ce* buit pans étoient boit grands soleils d'or, soutenus de huit
figures, qni représentoient les douie mois de l'année, aree les
signes du aodiaque ; le fond étoit d'ssnr, lemé de fleur* de lia
d'or, et le reite enrichi de roses et d'autre* ornements d'or, d'"^
pendoient trente-denx luities, portent chacun donie bougies.
I. Dn e6tt droit de l'ireida du milici. (t67g.1
3. On iiroil mil. [lUdtm.)
634 APPENDICE A GEORGE DANDIN.
Outre toutes oet Innûèret, qui faisoient le plut bean joor dn
monde, il j aroit dans les six tribunes ringt-quatre plaques, dont
chacune portoit neuf bougies ; et aux deux côtés des boit pilastres
au-dessus des figures, sortoient de la feuillée de grands fleoroas
d*argent, en forme de branches d*arbres, qui soutenoient treiie
chandeliers dbposés en pyramides. Aux deux côtés de la porte, et
dans Tendroit qui serroit comme de Testibule, il j avoit six gran-
des plaques en orale enrichies des chiffres du Roi : chacune de ces
plaques portoit seize chandeliers, allumés de seiae bougies.
L'allée qui aboutit au milieu de ce salon aroit plus de ringt
pieds de large : elle étoit toute de feuillée ' de part et d^autre, et
paroissoit décourerte par le haut; par les côtés elle semUoit
accompagnée de huit cabinets, où, à chaque encoignure, Too
Tojoit, sur des piédestaux de maibre, des Termes qui repréien-
toient des Satyres; à l'endroit où étoient ces Termes, les cabinets
se fermoient en berceau.
Au bout de Tallée il y avoit une grotte de rocaille, où Fart ëtoit
si heureusement joint à la nature, que parmi les figures qui romcneat,
on y Toyoit cette belle négligence et cet arrangement msdqœ qai
donne un si grand plaisir à la rue.
An haut, et dans le lieu le plus enfoncé de la grotte, on dceoa-
TToit une espèce de masque, de bronze doré, représentant la tête
d*un monstre marin. Deux Tritons argentés ourroient les deux côtés
de la gueule de ce masque, duquel s'élevoit, en forme d*aigrerte,
un gros bouillon d*eau, dont la chute, augmentant celle qui tcua-
boit de sa gueule extraordinairement grande, faisoit une nappe,
qui se répandoit dans un grand bassin, d*où ces deux Ttîtons
sembloient sortir.
De ce bassin se formoit une autre grande nappe, accompagnée
de deux gros jets d'eau, que deux animaux d'une figure mon-
strueuse Yomissoient en se regardant l'un Pautre. Ces deux animau,
qui ne paroissoient qu'à demi hors de la roche, étoient «issi de
brome doré. De cette quantité d'eau qu'ils jetoient, et de celle de
ce bassin, qui tomboit dans un autre beaucoup plus grand, il le
formoit une troisième nappe, qui, couTrant tout le bas da rocher
et se déchirant inégalement contre les pierres d'en bas, fiùsoit
parottre des éclau si beaux et si extraordinaires qu'on ne les peat
bien exprimer.
Cette abondance d'eau, qui, comme un agréable torrent, se pré-
oipitoit de la sorte par différentes chutes, sembloit couTrir le
t. Tel est le teste de 167g. La i^* édition (166S}, pir one fiiate érîdcale,
doBBS : « elle étoit Umte défiBoillee. »
RELATION DE LA FÊTE DE VERSAILLES. 635
rocher de plusieiirt Toilct d*argent, qui ii*empéchoient p» quVn
ne TÎt la disposition des pierres et des coquillages, dont les cou-
leurs paroissoient encore arec plus de beauté parmi la mousse
mouillée, et au trarers de Teau qui tomboit en bas, où elle formoit
de gros bouillons d'écume.
De ce dernier endroit, où toute cette eau finissoit sa chute dans
un carré qui étoit au pied de la grotte, elle se dirisoit en deux
canaux, qui, bordant les deux côtés de Tallée, renoient à se termi-
ner dans un grand bassin, dont la figure étoit d*un carré long,
augmenté par les quatre côtés de quatre demi-ronds, lequel sépa-
roit Tallée d*avec le salon ; mais cette eau ne couloit pas sans faire
paroitre mille beaux effets ; car, yis-à-vis des huit cabinets, il y
avoit dans chaque canal deux jets d*eau, qui formoiei^t de chaque
côté seize lances, de douze à quinze pieds de haut ; et d^spaoe en
espace, Teau de ces canaux, Tenant à tomber, faisoit des cascades
qui composoient autant de petites nappes argentées, dont la Ion*
gueur de chaque canal étoit agréablement interrompue.
Ces canaux étoient bordés de gazon de part et d'autre : du côté
des cabinets et entre les Termes qui en marquoient les encoignu-
res, il y aToit, dans de grands rases, des orangers chargés de fleurs
et de fruits, et le milieu de Tallée étoit d'un sable jaune, qui par-
tageoit les deux lisières de gazon.
Dans le bassin qui séparoit Tallée d'arec le salon, il j aroit un
groupe de quatre dauphins, dans des coquilles de bronze doré,
posées sur un petit rocher : ces quatre dauphins ne formoient
qu'une seule tête, qui étoit renversée, et qui, ourrant la gueule en
haut, poussoit un jet d*eaa d'une grosseur extraordinaire. Après
que cette eau, qui s'éleroit de plus de trente pieds de haut, aroit
frappé Ja feuillée arec riolence, elle retomboit dans le bassin en
mille petites boules de cristal.
Aux deux côtés de ce bassin il j aroit quatre grandes plaques en
orale, chargées chacune de quinze bougies; mais comme toutes
les autres lumières qui éclairoient cette allée étoient cachées dei^
rière les pilastres et les Termes qui marquoient les cabinets, Ton
ne royoit qu'un jour unirersel, qui se répandoit si agréablement
dans tout ce lieu et en décourroit les parties arec tant de beauté,
que tout le monde préféroit cette clarté à la lumière des plus beaux
jours* Il n'y aroit point de jet d'eau qui ne fît paroitre mille bril-
lants ; et l'on reconnoissoit principalement dans ce lieu, et dans la
grotte où le Roi aroit .soupe, une distribution d'eaux si belle et si
extraordinaire, que jamab il ne s'est rien ru de pareil. Le sieur
Joly, qui en aroit eu la conduite, les aroit si bien ménagées, que,
produisant toutes des efFeu différents, il y aroit encore une union
636 APPENDICE A GEORGE DANDIN.
et un certain accord qui faisoit parofitre partout une agrâiblc
beauté, la chute des unef serrant, en plusieurs endroits, à donner
plus d*éclat à la chute des autres. Les jets d*eau, qui sVleroient de
quinze pieds sur le derant des deux canaux, yenoient peu à peu
à se diminuer de hauteur et de force, à mesure qu*ib s*éloignoient
de la Toe : de sorte que, s*accordant avec la belle manière dont
Ton aToit disposé Tallée, il sembloit que cette allée, qui n^aroit
guère plus de quinze toises de long, en eût quatre fois daTantage :
tant toutes choses y étoient bien conduites.
Pendant que, dans un séjour si charmant. Leurs Majestés et
toute la cour prenoient le divertiisement du bal, à la Tue de ces
beaux objets, et au bruit de ces eaux, qui n^interrompoit qu'a-
gréablement le son des instruments, Pou préparoit ailleurs d'autres
spectacles dont personne ne s'étoit aperçu, et qui deroient sm^
prendre tout le monde. Le sieur Gissey, outre le soin qu'il a^oit
pris du lieu où le Roi aroit soupe, et des desseins {sic) de tous les
habits de la comédie, se trouTant encore chargé des ilIominatioBS
qu'on devoit mettre au château et en plusieurs endroits du parc,
trarailloit a mettre toutes ces choses en ordre, pour Caire que ce
beau divertissement eût une fin aussi heureuse et aussi agréable
que le succès en avoit été favorable jusques alors : ce qui arriva
en effet par les soins qu^il y prit; car, en un moment, toutes les
choses furent si bien ordonnées, que, quand Leurs Majestés sorti-
rent du bal, elles aperçurent le tour du Fer-à-Cheval et le château
tout en feu, mais d*un feu si beau et si agréable, que oet élément,
qui ne parott guère dans Tobscurité de la nuit sans donner de la
crainte et de la frayeur, ne causoit que du plaisir et de l'admirs-
' tion. Deux cents vases, de quatre pieds de haut, de plusieurs fiiçons,
et ornés de différentes manières, entouroient ce grand espace qui
enferme les parterres de gazon, et qui forme le Fer-«-Cheval. An
bas des degrés qui sont au milieu, on voyoit quatre figures repré-
sentant quatre Fleuves ; et au-dessus, sur quatre piédestaux qui
sont aux extrémités des rampes, quatre autres figures, qui repré>
sentoient les quatre parties du monde. Sur les angles du Fer-4-
Cheval et entre les vases, il y avoit trente-huit candélabres ou
chandeliers antiques, de six pieds de haut; et ces vases, ces can-
délabres et ces figures, étant éclairées de la même sorte que celles
qui avoient paru dans la frise du salon où l'on avoit soupe, faisoient
un spectacle merveilleux. Mais la cour étant arrivée au haut du
Fei^-Cheval, et découvrant encore mieux tout le château, ce fut
alors que tout le monde demeura dans une surprise qui ne se peut
connottre qu'en la ressentant.
Il étoit orné de quarante-cinq figures : dans le milieu de la
RELÂ.TION DE LA FÊTE DE VERSAILLES. 637
porte du château, il j en aToit une qui reprësentoit Janus ; et des
deux côtes, dans les quatorze fenêtres d^en bas, Ton royoit diffé-
rents trophées de guerre. A Vétage d*en haut, il j aroit quinze
figures, qui représentoient diverses vertus ; et au-dessus, un soleil
avec des lyres et d'autres instruments ayant rapport à Apollon,
qui paroissoient en quinze différents endroits. Toutes ces figures
étoient de diverses couleurs, mais si brillantes et si belles, que
l*on ne pouvoit dire si c'étoient différents métaux allumés, ou des
pierres de plusieurs couleurs qui fussent éclairées par un artifice
inconnu. Les balustrades qui environnent le fossé du château
étoient illuminées de la même sorte ; et dans les endroits où, durant
le jour, on avoit vu des vases remplis d*orangers et de fleurs, Ton
j voyoit cent vases de diverses formes, allumés de différentes
couleurs.
De si merveilleux objets arrétoient la vue de tout le monde, lors-
qu'un bruit qui s'éleva vers la grande allée, fit qu'on se tourna de
ce côté-là : aussitôt on la vit éclairée, d'un bout à l'autre, de
soixante et douze Termes, faits de la même manière que les figures
qui étoient au château, et qui la bordoient des deux côtés. De ces
Termes il partit, en un moment, un si grand nombre de fusées,
que les unes, se croisant sur l'allée, faisoient une espèce de berceau,
et les autres, s'élevant tout droit, et laissant jusques en terre une
grosse trace de lumière, formoient comme une haute palissade de
feu. Dans le temps que ces fusées montoient jusques au ciel et
qu'elles remplissoient Pair de mille clartés, plus brillantes que les
étoiles. Ton voyoit, tout au bas de l'allée, le grand bassin d'eau,
qui paroissoit une mer de flamme et de lumière, dans laquelle
une infinité de feux, plus rouges et plus vifs, sembloient se jouer
au milieu d'une clarté plus blanche et plus claire.
A de si beaux effets se joignit le bruit de plus de cinq cents
bottes, qui, étant dans le grand parc, et fort éloignées, sembloient
être l'écho de ces grands éclats dont les grosses fusées faisoient
retentir l'air lorsqu'elles étoient en haut.
Cette grande allée ne fut guère en cet état, que les trois bassins
de fontaines qui sont dans le parterre de gazon au bas du Fer-A-
Cheval parurent trois sources de lumières. Mille feux sortoient
du milieu de l'eau, qui, comme furieux et s'échappant d'un lieu
où ils auroient été retenus par force, se répandoient de tous côtés
sur les bords du parterre. Une infinité d'autres feux, sortant de la
gueule des lézards, des crocodiles, des grenouilles, et des autres
animaux de bronze qui sont sur les bords des fontaines, sembloient
aller secourir les premiers, et se jetant dans l'eau sous la figure
de plusieurs serpents, tantôt séparément, tantôt joints ensemble
633 APPENDICE A GEORGE DANDIN.
par gros pelotons, lui faisolent une rade guerre. Dans ces combats,
accompagnés de bruits ëpouTantables, et d*un embrasement qu*on
ne peut représenter, ces deux éléments étoient si étroitement
méléi ensemble, qu^Û étoit impossible de les distinguer : mille
fusées qui s^éleroient en Tair, paroissoient comme des jets d'eaa
enflammés ; et Peau qui bouillonnoit de toutes parts, resâembloit à
des flots de feu, et à des flammes agitées.
Bien que tout le monde sût que Ton préparoit des feux d*aitî-
fices, néanmoins, en quelque lieu qu*on allât durant le jour, Ton
n'y Toyoit nulle disposition, de sorte que, dans le temps que
chacun étoit en peine du Heu où ils dcToient parottre. Ton s*en
trouTa tout d*un coup enrironné. Car non-seulement ils partoient
de ces bassins de fontaines, mais encore des grandes allëea qui en«
vironnent le parterre ; et en Toyant sortir de terre mille flasuncs
qui s^élevoient de tous c6tés, Ton ne saToit s*il y aroit des canav
qui fournissent [sic) cette nuit-là autant de feux comme pendant le
jour on aroit tu de jets d*eau qui rafraîchissoient ce beau parterre.
Cette surprise causa un agréable désordre parmi tout le monde,
qui, ne sachant où se retirer , se cacboit dansTépaisseur des bocages
et se jetoit contre terre.
Ce spectacle ne dura qu'autant de temps qu*il en faut pour im-
primer dans Pesprit une belle image de ce que Teau et le feu pea*
vent faire quand ils se rencontrent ensemble et qu'ils se font la
guerre \ et chacun crojrant que la fête se termineroit par un artifice
si merreilleux, retournoit rers le château, quand, du c6té du grand
étang, Ton rit tout d*un coup le ciel rempli d'éclairs, et Tair d*utt
bruit qui sembloit faire trembler la terre : chacun se rangea vert
la grotte pour Toir cette nouveauté, et aussitôt il sortit de la
tour de la pompe qui élère toutes les eaux, une infinité de grosses
fusées, qui remplirent tous les environs de feu et de lumière. Â
quelque hauteur qu'elles montassent, elles laissoient attachée à la
tour une grosse queue qui ne s'en séparoit point que la fusée n*cât
rempli Tair d^une infinité d^étoiles qu'elle y alloit répandre : tout
le haut de cette tour sembloit être embrasé, et, de moment en mo-
ment, elle vomissoit une infinité de feux, dont les uns s'éle voient
jusques au ciel, et les autres, ne montant pas si haut, sembloient
se jouer par mille mouvements agréables qu'ils faisoient; il y en
avoit même qui, marquant les chiffres du Roi par leurs tours et
retours, traçoient dans Tair de doubles L, toutes brillantes d'une
lumière très-vive et très^ure. Enfin, après que de cette tour il ta
sorti à plusieurs fois une si grande quantité de fusées que jamais
ou n'a rien vu de semblable, toutes ces lumières s'éteignirent, et
comme si elles eussent obligé les étoiles du ciel à se retirer, Ton
RELATION DE LA FÊTE DE VERSAILLES. 639
s'aperçut que, de ce e6té-là, la plus grande partie ne se Toyoit
plus, mais que le jour, jaloux des avantages d*une si belle nuit,
commençoit à paroître.
Leurs Majestés prirent aussitôt le chemin de Saint-Germain
avec toute la cour» et il n*y eut que Monseigneur le Dauphin qui
demeura dans le château.
Ainsi finit cette grande fête, de laquelle si Ton remarque bien
toutes les circonstances, on rerra qu'elle a surpassé, en quelque
façon, ce qui a jamais été fait de plus mémorable. Car, soit que
Ton regarde comme en si peu de temps Ton a dressé des lieux
d'une grandeur extraordinaire pour la comédie, pour le souper,
et pour le bal ; soit que Ton considère les divers ornements dont
on les a embellis, le nombre des lumières dont on les a éclairés,
la quantité d'eaux qu'il a fallu conduire, et la distribution qui en
a été faite, la somptuosité des repas, où l'on a ru une quantité de
toutes sortes de riandés qui n'est pas concevable, et enfin toutes les
choses nécessaires à la magnificence de ces spectacles et à la con-
duite de tant de différents ouvriers, on avouera qu'il ne s'est jamais
rien fait de plus surprenant et qui ait causé plus d'admiration.
Mais comme i^ n'y a que le Roi qui puisse en si peu de temps
mettre de grandes armées sur pied et faire des conquêtes avec
cette rapidité que l'on a vue, et dont toute la terre a été épou-
vantée, lorsque dans le milieu de l'hiver il triomphoit de ses en-
nemis, et faisoit ouvrir les portes de toutes les villes par où il
passoit * : aussi n'appartient-il qu'à ce grand prince de mettre
ensemble avec la même promptitude autant de musiciens, de dan-
seurs et de joueurs d'instruments, et tant de différentes beautés.
Un capitaine romain* disoit autrefois qu'il n'étoit pas moins d'un
grand homme de savoir bien disposer un festin agréable à ses
amis, que de ranger une armée redoutable à ses ennemis : ainsi
l'on voit que Sa Majesté fait toutes ses actions avec une grandeur
égale, et que, soit dans la paix, soit dans la guerre, Elle est partout
inimitable.
Quelque image que j'aie tâché de faire de cette belle fête, j'avoue
qu'elle n'est que très-imparfaite, et l'on ne doit pas croire que
ridée qu'on s'en formera sur ce que j'en ai écrit approche en
aucune façon de la vérité. L'on donnera au public les figures des
!• Dos rédition originale, de 1668, les verbes irtomphcit et panaii sont
précédés da lajet £//#, eomme si, la lien des mots : « le Roi^ * U 7 >viit
plus heot : « Sa Maiesté. »
9« Panl Éoiile : vojes sa Fie daas Platarque, vers le denier qoart (cha-
pitre xzvni}.
640 APPENDICE A GEOEGE DANDIN.
prînci|Mdet décorationi *• ; mais ni les paroles, ni lei figorei k
Muroient bien représenter tout ce qui sernt de diTatiHemeit
dans ce grand jour de réjouissance *•
I . Cet figara, on 1m a données, en effet, an nombra de cinq, dan t'cdiiM
de 1679, oà, par suite, les mots : « L*on donnera an public v^ioaticnpiMfi
par eenz«ei 1 « On pent voir iei ■. -* Voici les înicriptioat de enplaatki,
qoi forant gravées par le Pantre, les quatre pranièret en 1678, U doiM*
en 1679 :
Collation donnée dans le petit Parc de Tenailles. — Comemtu an
eamam data in Bonis F'srtaUamis,
II. L*i Pêiet dé VAmomr et de Baeektu, eomédie en uanque repit«stt<
dans le petit Pare de Versailles. — Festmm CmpidinU et Mûfdù, ceâeéf <^
perp€tmmm voeum et tibiarmm cantmm acta in Sortis f^erulioMis;
III. Featiii donné dans le petit Parc de Yersailles. ^ Cmsalnm i^
ramis ooiteamêrmtum, st Ragist coiuê admmhratio in JforlM ytrs^iom.
IV. La Salle da bal donné dana le petit Parc de Vcnaiaes. -^JaU/nÊiài*
et virgultis sspta, ad saltationes tt ehoreas dsteendas forata, w BtrtU fs»-
liaiûs,
V. ninminations du Palais et des Jardins de Versailles. — NoeUnuiH»-
minatimut, vasis statuts fus incluso igme peltmesntihus, adPaUtiif^f*^
fisnêstraSy tt psr omnes horiorum areas et xjrstos apts dispoiitis.
3. Dans rédition de 1679, U iUlaiion est signée, an-denou ^ Ixiff*
nière ligne, dn nom de FiUBiiir.
• Deux personnages portant calotte et tenant de grands ebpeiBi w
leurs genoux sont en vue, presque en face l'un de Tautre, sur le» ff*^ ^^
B*élèTent des deux côtés dn théâtre; ce sont sans doute les eardaiia ac-
tionnés i la Notice^ p. 476.
FIN DE LA RELATION DE LA FÉTB DE YEHSAILLES*
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE SIXIÈME VOLUME,
LE MÉDECIN HCALGRE LUI, eomëdie i
Notice 3
Sommaire de Voltaire 3a
Lb MiDBCIir MALOEB LUI 35
Appendice an MétUeim malgré lui lai
M ÉLICERTE, comédie pastorale héroTqae ia3
Notice laS
Sommaire de Voltaire 149
Mbi.tcbbtb i5i
PASTORALE COMIQUE 1S7
Pastobalb GoaaQUB 191
LE SICILIEN ou L'AMOUR PEINTRE, comédie ao5
Notice 907
Sommaire de Voltaire a3o
Ldl SlGILIBV • • 933
Appendice à Mélie^rie^ à la Pastorale comlquê et an
SieilUn,
MOLlilB, TI 4t
64a TABLE DES MATIÈRES.
Buxst DBf Hum S77
Appendice an SUUien,
Note tnr une rëimpreMion de la pièce, de 1668 ^
AMPHITRYON, comédie 3o9
Not ice 3 n
Sommaire de Voltaire 3^i
A Son Altetie Sérénisaime Monseigneur le Prince 354
AMPBrrHYos 35;
GEORGE DANDIN ou LE MARI CONFONDU. 473
Notice 475
Sommaire de Voltaire ^4
Gio&OB Damdiv ^
Appendice à Georgt Damdin,
Note préliminaire S9S
I. Le Grand Diptrtusêmemt rofûl de fereaUlet ^
II. Relation de U fite de FenaiOei du iB^JtuUet 1668. 6i4
wa nm lA vàMiM ma HAxdbai.
PARIS. — IMPRIMERIE A. LAHURE
Rue de flmuus, 9